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09/04/2024 | FRANCE | N°22DA02443

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 09 avril 2024, 22DA02443


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Méricourt a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner in solidum les sociétés ERG, Nord Constructions Nouvelles (NCN), Houyez et Dekra Industrial à lui verser la somme de 128 099,56 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices financiers qu'elle a subis du fait des fautes contractuelles commises par ces dernières à l'occasion des opérations de construction d'un restau

rant municipal et d'un centre social situés rue de la Gare et, à titre subsidiaire, d'or...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Méricourt a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, de condamner in solidum les sociétés ERG, Nord Constructions Nouvelles (NCN), Houyez et Dekra Industrial à lui verser la somme de 128 099,56 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices financiers qu'elle a subis du fait des fautes contractuelles commises par ces dernières à l'occasion des opérations de construction d'un restaurant municipal et d'un centre social situés rue de la Gare et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1709747 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a mis la société ERG hors de cause et a condamné les sociétés NCN, Houyez et Dekra Industrial à verser solidairement à la commune de Méricourt une somme de 121 694,58 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. Il a fixé les quotes-parts de responsabilité de ces sociétés à hauteur de 10% pour la société Dekra Industrial, 40% pour la société NCN et 50% pour la société Houyez et les a condamnées à se garantir mutuellement sur cette base. Enfin, il a condamné les mêmes sociétés à verser à la commune de Méricourt et à la société ERG la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions des parties pour le surplus.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 novembre 2022, 13 février 2023, 17 mars 2023, 6 juin 2023, 9 octobre 2023 et 31 octobre 2023, la société à responsabilité limitée (SARL) Houyez, représentée par Me Véronique Ducloy, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement, de rejeter les demandes de la commune de Méricourt à son encontre et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en fixant les quotes-parts de responsabilité comme suit : 15 % pour la société Houyez, 10 % pour la société Dekra Industrial, 40 % pour la société ERG et 35 % pour la société NCN et de rejeter les demandes des sociétés ERG et Dekra Industrial à son encontre ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la commune de Méricourt ou de tout autre succombant le versement d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société ERG avait clairement informé la commune de la nécessité de conduire une étude G2 PRO ; la commune de Méricourt a délibérément fait le choix de ne pas affermir la tranche conditionnelle, portant sur la réalisation d'une telle étude, de son contrat avec la société ERG ; le maître d'œuvre a confirmé la nécessité d'une telle étude dès la remise, le 31 juillet 2015, du dossier de consultation des entreprises ; son sous-traitant le lui a rappelé une nouvelle fois par un courriel du 5 octobre 2016, antérieur au début des travaux de fondations ; la commune n'a commandé que tardivement cette étude, après le début des travaux de fondations ; le maître d'œuvre n'est en tout état de cause pas le mandataire de la commune dans ses rapports avec la société ERG ; la commune de Méricourt est donc seule à l'origine de son préjudice ;

- la société ERG a commis une faute en donnant, dans son étude G2 AVP, une définition erronée ou du moins insuffisamment précise de la nature du sol ; la détermination des caractéristiques géologiques et géomécaniques du sol relève du champ de l'étude G2 AVP et non de celle de l'étude G2 PRO qui a seulement pour objet de déterminer le mode de fondations à prévoir ; dès lors que cette étude a induit en erreur la maîtrise d'œuvre et la maîtrise d'ouvrage, il appartient à la société ERG de supporter la réparation de leurs préjudices ; en outre, le maître d'œuvre n'était pas chargé d'assurer la conception technique détaillée des travaux de gros œuvre et les études d'exécution ; le lot " Gros œuvre " mettait ces missions à la charge du titulaire ; la société NCN a elle-même manqué à son obligation de conseil ;

- il s'ensuit que le lien de causalité entre le prétendu manquement du maître d'œuvre à sa mission et les préjudices de la commune n'est pas établi et que le maître d'œuvre ne saurait être condamné à indemniser cette dernière ;

- la société Dekra Industrial a elle-même commis une faute contractuelle en s'abstenant de demander à la commune de réaliser l'étude G2 PRO, en donnant un avis favorable au dimensionnement des pieux le 31 octobre 2016 alors que la commune avait commandé l'étude G2 PRO deux semaines auparavant et en n'identifiant pas l'erreur dont l'étude G2 AVP était entachée ; il s'ensuit que la part de responsabilité de la société Houyez ne saurait en tout état de cause être fixée à plus de 15 %.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier 2023 et 8 septembre 2023, la société ABO-ERG Géotechnique, anciennement dénommée ERG, représentée par Me Marie-Laure Carrière, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué en tant qu'il la met hors de cause, au rejet de la requête d'appel de la société Houyez en tant qu'elle est dirigée contre elle et au rejet des demandes de l'ensemble des autres parties à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Houyez, BA BAT et Dekra Industrial soient condamnées à la relever et la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

3°) en tout état de cause, à ce que le versement de la somme de 5 000 euros soit mis à la charge de la société Houyez ou de toute autre partie déclarée responsable au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le rapport G2 AVP, remis le 20 juillet 2015, constituait une simple ébauche et devait être confirmé par la réalisation d'une étude G2 PRO conformément à ce que prévoit la norme NF P 94-500 ; ce rapport ne comporte pas d'erreur d'interprétation dès lors qu'il indique clairement, s'agissant de la couche de craie limoneuse, des variations de caractéristiques importantes ; ce rapport a permis de poser l'indication de fondations profondes de type pieux, ce qui n'a pas été démenti par la suite ; l'ancrage préconisé par le rapport reposait sur des pieux de 12 mètres ancrés de 6,40 mètres dans la craie ; la société Atlas Fondations a fait une mauvaise interprétation de ce rapport dès lors qu'elle a retenu une majorité de pieux descendus à seulement 8 mètres de profondeur, ce qui n'est pas cohérent avec l'ancrage préconisé dans le rapport G2 AVP ;

- le lancement du projet sans réalisation de l'étude G2 PRO relève de la responsabilité du maître d'ouvrage, qui s'est sciemment abstenu de la commander, et de celle du maître d'œuvre, qui a failli à ses missions en ne conseillant pas le maître d'ouvrage sur ce point et en élaborant le projet sans cette étude ; en outre, l'entreprise NCN, débitrice d'une obligation de résultat, a fait une interprétation erronée de l'étude G2 AVP, tandis que le contrôleur technique, tenu de s'assurer que les fondations de l'ouvrage étaient dimensionnées conformément aux règles de l'art géotechnique, s'est abstenu de relever cette erreur commise par cette entreprise ;

- il s'ensuit qu'elle n'a commis aucun manquement dans l'exécution de ses obligations contractuelles ; en tout état de cause, elle serait fondée à demander à être garantie par les sociétés Houyez, BA BAT, Dekra Industrial, NCN et Atlas Fondations.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 février 2023 et 19 juin 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Dekra Industrial, représentée par Me France Chautemps, conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué, au rejet des demandes de la commune de Méricourt à son encontre et à sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que les sociétés ERG et Houyez soient condamnées à la relever et la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute dans l'accomplissement de sa mission, laquelle consiste uniquement dans la prévention des aléas techniques et ne s'étend pas à la prévention des aléas financiers ; en l'espèce, aucune atteinte à la solidité de l'ouvrage, qu'elle aurait dû identifier, n'est rapportée ; seule l'erreur d'interprétation de la société ERG est à l'origine du sous-dimensionnement initial des pieux et du préjudice financier invoqué par la commune ; il ne lui appartenait pas de vérifier les notes de calculs et les hypothèses de l'étude G2 AVP de la société ERG ; en phase exécution, elle a émis un avis suspendu sur le " dossier technique pieux " le 13 octobre 2016 puis un avis défavorable dans son compte-rendu de visite du 20 décembre 2016, confirmé les 16 février 2017 et 3 mars 2017 ;

- dès lors que le maître d'ouvrage a délibérément fait le choix de ne pas solliciter la réalisation de l'étude G2 PRO avant le lancement de l'appel d'offres, sa part de responsabilité ne saurait être fixée à moins de 30 % ;

- la commune n'est pas fondée à demander l'indemnisation du coût des études G2 PRO et G4 qu'elle aurait dû en tout état de cause exposer ; il en va de même du coût des travaux complémentaires qui sont justifiés par les contraintes et propriétés intrinsèques du sous-sol ; le préjudice financier de la commune devrait être limité uniquement au coût des 19 pieux prévus initialement et qui ont été abandonnés compte tenu de la modification des données de l'étude de sol de la société ERG.

Par des mémoires, enregistrés les 25 mai 2023 et 21 juin 2023, la SAS BA BAT, représentée par Me François-Xavier Lagarde, conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des demandes de la commune de Méricourt à l'encontre de la société Houyez ;

2°) à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en fixant la quote-part de responsabilité de la SARL Houyez au plus à 15 % du montant total du sinistre.

Elle fait valoir que :

- le rapport d'expertise amiable sur lequel la commune fonde ses prétentions, qui a été commandé par son assureur et qui ne présente aucune garantie d'impartialité et de neutralité, n'est pas opposable aux autres parties ;

- la responsabilité de la maîtrise d'œuvre n'est pas engagée dès lors qu'elle a conseillé au maître d'ouvrage la réalisation d'une étude G2 PRO dès le projet de CCTP qu'elle a établi, qu'elle n'est pas à l'origine de la modification du contrat de la commune avec la société ERG ayant basculé l'étude G2 PRO dans sa tranche conditionnelle et qu'elle en a rappelé la nécessité par un courriel du 5 octobre 2016 ; en tout état de cause, ce n'est pas le défaut de réalisation de cette étude qui à l'origine du préjudice mais l'erreur d'analyse commise par la société ERG lors de l'étude G2 AVP ; à supposer qu'une faute de la maîtrise d'œuvre soit retenue, sa part de responsabilité ne saurait excéder 15 % ;

- la commune n'est pas fondée à demander l'indemnisation du coût des études G2 PRO et G4 qu'elle aurait dû en tout état de cause exposer ; il en va de même du coût des travaux complémentaires qui sont justifiés par les contraintes et propriétés intrinsèques du sous-sol et non par une cause imputable aux constructeurs.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 mai 2023 et 12 octobre 2023, la commune de Méricourt, représentée par Me Daphné Weppe, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement attaqué en étendant la condamnation à la société ERG et en portant son montant à la somme totale de 128 099,56 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête de première instance et de leur capitalisation à chaque date anniversaire ;

2°) en tout état de cause, de mettre le versement d'une somme de 4 000 euros in solidum à la charge des sociétés ERG, NCN, Houyez et Dekra Industrial au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre est engagée dès lors qu'il s'est abstenu d'exiger la réalisation d'une étude G2 PRO avant la rédaction des documents de la consultation, qu'il n'a pas identifié les insuffisances et erreurs dont l'étude G2 AVP était entachée et qu'il a validé les études d'exécution relatives au mode de fondations retenu sur la base du seul rapport G2 AVP ; le courriel du 5 octobre 2016 dont se prévaut la société Houyez ne saurait l'exonérer de sa responsabilité alors qu'il intervient après l'attribution du lot et le début des travaux et que la proposition de réaliser l'étude G2 PRO y est justifiée non par des considérations techniques mais par le souhait de satisfaire les assureurs ; la mention de cette étude dans le projet de CCTP n'était pas davantage suffisante pour l'alerter sur sa nécessité ;

- la responsabilité contractuelle de la société NCN est engagée dès lors que ni cette société ni sa sous-traitante n'a identifié les insuffisances et erreurs dont l'étude G2 AVP était entachée alors qu'elles sont spécialisées dans les travaux de fondations ; lors de l'élaboration de l'offre et la détermination du forfait, elles ont-elles-mêmes commis des erreurs dans le dimensionnement des pieux, concourant ainsi à la réalisation du dommage ; lors de la réalisation des travaux, elles n'ont pas identifié et alerté sur l'état réel du sous-sol ;

- la responsabilité contractuelle de la société Dekra Industrial est engagée dès lors que, alors qu'il lui incombait contractuellement de déceler les erreurs contenues dans l'étude G2 AVP et de recommander la réalisation d'études complémentaires, elle a émis un avis favorable sur l'étude G2 AVP et la profondeur des pieux le 11 août 2015, elle n'a émis aucune réserve sur les notes de calculs pour la réalisation des pieux dans ses avis techniques des 13 et 31 octobre 2016 et elle n'a, à tort, pas jugé nécessaire la réalisation de l'étude G2 PRO dans un courriel du 5 octobre 2016 ; l'existence d'un aléa technique grave si le mode de fondations retenu initialement avait été conservé ne fait aucun doute ;

- la responsabilité contractuelle de la société ERG est engagée dès lors que l'interprétation des résultats des sondages qu'elle a réalisés au moment de l'étude G2 AVP était erronée ; la mission contractuelle qui lui était confiée au stade de l'étude G2 AVP excédait celle de la mission classique prévue par la norme NF P 94-500 puisqu'elle incluait la présentation d'hypothèses de calcul ; l'erreur commise est directement à l'origine du sous-dimensionnement des pieux ;

- elle est fondée à demander l'indemnisation des surcoûts occasionnés par les travaux réparatoires rendus nécessaire par les fautes des différents intervenants ; ces surcoûts s'établissent à la somme totale de 128 099,56 euros TTC décomposée comme suit : 5 240,64 euros au titre de l'étude G2 PRO rendue nécessaire, 1 208,40 euros au titre de l'étude G4, 112 896,52 euros au titre des travaux supplémentaires commandés à la société NCN, 6 522,00 euros au titre des travaux supplémentaires commandés à la société Eiffage et 2 232,00 euros au titre de la mission complémentaire commandée à la société Dekra Industrial ; à cet égard, aucune faute de sa part, pour partie exonératoire de la responsabilité des différents intervenants, ne saurait être retenue alors qu'elle avait confié la conception de l'ouvrage à la maîtrise d'œuvre.

La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués à Mes Nicolas Soinne et Pascal Ruffin, en qualité de liquidateurs judiciaires de la SAS NCN, ainsi qu'à la SAS Atlas Fondations qui n'ont pas produit de mémoire.

Par une lettre du 17 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période au cours de laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience et de ce que l'instruction pourrait être close à partir du 6 novembre 2023 sans information préalable.

Une ordonnance portant clôture de l'instruction immédiate a été prise le 20 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

- le décret n° 99-443 du 28 mai 1999 ;

- l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- les observations de Me Jennifer Hollebecque substituant Me Ducloy, représentant la SARL Houyez,

- les observations de Me Daphné Weppe, représentant la commune de Méricourt,

- les observations de Me Mohammed Sadek, représentant la SAS Dekra Industrial,

- les observations de Me Marie-Laure Carrière, représentant la société ABO-ERG Géotechnique,

- et les observations de Me Arnaud Leroy, représentant la SAS BA BAT.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Méricourt (Pas-de-Calais) a souhaité construire un immeuble d'une superficie de 2 200 mètres carrés, situé rue de la gare et destiné à accueillir un restaurant municipal, des cuisines centrales et un centre social. Le coût prévisionnel du projet a été fixé à 5,8 millions d'euros hors taxe (HT). Par acte d'engagement du 27 septembre 2013, la maîtrise d'ouvrage du projet a été confiée à la société Houyez, architecte, qui a sous-traité une partie de sa mission à la société BA BAT, bureau d'études. Par acte d'engagement du 8 avril 2015, la mission de contrôle technique a été confiée à la société Dekra Industrial. Le 29 mai 2015, une mission d'étude géotechnique a été confiée à la société ERG. Par acte d'engagement du 26 janvier 2016, le lot " gros œuvre " a été attribué à la société " Nord Constructions Nouvelles " (NCN) qui a sous-traité les travaux relatifs aux fondations à la société Atlas Fondations. Par ordre de service du 5 juillet 2016, la commune de Méricourt a ordonné le début des travaux. Entre le 20 octobre 2016 et le 11 novembre 2016, la société Atlas Fondations a réalisé 96 pieux de fondations, en s'appuyant, pour déterminer leur dimensionnement, sur les conclusions du rapport d'étude géotechnique de conception phase avant-projet (dit G2 AVP) remis le 20 juillet 2015 par la société ERG. La remise par cette dernière société, le 23 novembre 2016, d'une étude géotechnique de conception phase projet (dit G2 PRO) a mis en évidence que 19 des pieux de fondations réalisés avaient été sous-dimensionnés, car d'une profondeur insuffisante au regard des caractéristiques mécaniques de la couche de craie limoneuse située à 5,6 mètres de profondeur sous l'emprise des futures constructions. Pour remédier à cette situation, la commune de Méricourt a pris en charge, pour un montant total de 128 099,56 euros toutes taxes comprises (TTC), l'ensemble des frais liés à la réalisation de 38 nouveaux pieux de fondation, implantés de chaque côté des 19 pieux abandonnés, et reliés par une longrine.

2. Dans le cadre d'une expertise amiable diligentée par son assureur et menée par la société Equad, la commune a cherché à répercuter cette somme sur les différents constructeurs, selon une clé de répartition proposée par la société précitée dans un courrier du 30 mai 2017. Ces propositions de règlement amiable ayant été rejetées, la commune a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner in solidum les sociétés ERG, NCN, Houyez et Dekra Industrial à lui verser la somme de 128 099,56 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle avait subis et sur le fondement de leur responsabilité contractuelle ou, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise. Par un jugement du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a mis la société ERG hors de cause, a retenu que la responsabilité contractuelle des sociétés NCN, Houyez et Dekra Industrial était engagée à l'égard de la commune et a considéré que cette dernière avait elle-même commis une faute ayant concouru au dommage dans une proportion de 5%. Il a alors condamné les sociétés NCN, Houyez et Dekra Industrial à verser solidairement à la commune une somme de 121 694,58 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. Il a fixé les quotes-parts de responsabilité de ces sociétés à hauteur de 10 % pour la société Dekra Industrial, 40 % pour la société NCN et 50 % pour la société Houyez et les a condamnées à se garantir mutuellement sur cette base.

3. La société Houyez, soutenue sur ce point par sa sous-traitante, la société BA BAT, relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce sa condamnation et demande à la cour, à titre principal, d'annuler le jugement et de rejeter les demandes de la commune à son encontre et, à titre subsidiaire, de réformer le jugement en condamnant les autres intervenants à l'opération de travail public à la garantir et en ramenant sa quote-part de responsabilité à de plus justes proportions. La société Dekra Industrial présente, par la voie de l'appel incident, les mêmes conclusions. La commune de Méricourt demande, quant à elle, à la cour d'étendre la condamnation prononcée en première instance à la société ERG et de porter son montant à la somme de 128 099,56 euros TTC. La société ERG conclut pour sa part, à titre principal, à la confirmation du jugement en tant qu'il la met hors de cause et, à titre subsidiaire, à ce que les autres intervenants soient condamnés à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre. La condamnation mise à la charge de la société NCN n'est en revanche contestée ni par cette société, qui n'a pas défendu en appel, ni par aucune des autres parties à l'instance.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les responsabilités encourues :

S'agissant de la société ERG :

4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'offre remise par la société ERG à la commune le 7 mai 2015 et de la commande passée par cette dernière le 29 mai suivant, que la mission alors confiée à la société ERG était une mission de type G2 AVP définie en référence à la norme NF P 94-500 de novembre 2013, laquelle figurait même en annexe de l'offre de la société ERG. Il s'ensuit que, selon les termes de cette norme, la société ERG devait seulement définir " un programme d'investigations géotechniques spécifiques, le réaliser ou en assurer le suivi technique, en exploiter les résultats " et " fournir un rapport donnant les hypothèses géotechniques à prendre en compte au stade de l'avant-projet, les principes de construction envisageables (...), une ébauche dimensionnelle par type d'ouvrage géotechnique et la pertinence d'application de la méthode observationnelle pour une meilleure maîtrise des risques géotechniques ". Contrairement à ce que soutient la commune et les autres intervenants à l'opération, le rapport remis dans ce cadre par la société ERG n'avait pas à contenir des précisions telles qu'il aurait permis à lui seul de définir les choix constructifs pour les fondations de l'ouvrage et de procéder à leur dimensionnement. En effet, toujours selon les termes de la norme précitée, cela est l'objet d'une mission dite G2 PRO, laquelle doit être réalisée avant même l'établissement du dossier de la consultation des entreprises et le lancement de l'appel d'offres. La société ERG l'avait à cet égard clairement rappelé au point 3.4 du rapport qu'elle a remis à la commune le 20 juillet 2015 en exécution de la commande passée le 29 mai précédent.

5. Compte tenu de l'objet d'une telle mission, il ne résulte pas de l'instruction que la société ERG ait entaché son rapport d'erreur ou d'insuffisance en indiquant que le sous-sol du terrain d'assiette du projet était composé de trois couches géologiques, dont la plus profonde est, entre -5,6 et -15 mètres, une couche de " craie +/- limoneuse ", et sans préciser dès ce stade que cette couche comporte une partie altérée située entre -5,6 et -9 mètres et une partie saine au-delà de -9 mètres. En effet, une telle description affinée entrait davantage dans l'objet d'une mission G2 PRO, qui n'a été confiée à la société ERG qu'en octobre 2016, postérieurement à l'attribution des lots et en cours de réalisation des travaux. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la société ERG ait modifié ses relevés et leur interprétation dans le cadre du rapport remis au terme de cette mission G2 PRO le 23 novembre 2016 ou que ses conclusions soient venues invalider les hypothèses de choix constructifs esquissées dans le rapport G2 AVP. En effet, ce rapport proposait, au titre d'hypothèse la plus sérieuse pour le choix constructif des fondations, celui de pieux de 12 mètres de profondeur. Or il résulte de l'instruction que les pieux dont la reprise a été nécessaire ne respectaient pas cette préconisation puisqu'ils avaient seulement une profondeur de 8 mètres. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que les solutions réparatoires finalement retenues aient été différentes de la solution proposée par ERG dès son rapport G2 AVP de 2015.

6. Il s'ensuit que le contenu du rapport du 20 juillet 2015 était suffisant compte tenu de la nature de la mission qui avait été confiée à la société ERG, que les éléments alors communiqués ont seulement été affinés par la suite mais n'ont pas été modifiés ou corrigés, que l'équipe de maîtrise d'ouvrage et les constructeurs ne pouvaient pas se fonder sur cette seule étude pour déterminer les choix constructifs définitifs et dimensionner les ouvrages, qu'ils en ont de plus fait une mauvaise interprétation puisque les choix constructifs retenus ne sont pas conformes aux préconisations alors énoncées et que celles-ci n'ont pas été infirmées par la suite. Dans ces conditions, la société ERG n'a pas commis de manquement dans la réalisation des missions qui lui avaient été confiées et sa responsabilité n'est pas engagée.

S'agissant de la société Houyez :

7. Il résulte de l'instruction, notamment du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché de maîtrise d'œuvre conclu avec la société Houyez, que la commune lui a confié une mission complète de maîtrise d'œuvre, telle que définie par la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 et l'arrêté du 21 décembre 1993 susvisé. A ce titre, ainsi que le prévoit l'annexe I à cet arrêté, il lui revenait notamment, au stade des études d'esquisse, de " vérifier la faisabilité de l'opération au regard des différentes contraintes du programme et du site et proposer, éventuellement, des études géologiques et géotechniques, environnementales ou urbaines complémentaires ", au stade des études d'avant-projet sommaire, de " vérifier la compatibilité de la solution retenue avec les contraintes du programme et du site ", au stade des études d'avant-projet définitif, de " définir les principes constructifs, de fondation et de structure, ainsi que leur dimensionnement indicatif ", au stade des études de projet, de " préciser (...) les formes des différents éléments de la construction, la nature et les caractéristiques des matériaux et les conditions de leur mise en œuvre " et, au stade de l'exécution des travaux, de " s'assurer que les documents d'exécution ainsi que les ouvrages en cours de réalisation respectent les études effectuées ", de " s'assurer que les documents à produire par le ou les entrepreneurs, en application du ou des contrats de travaux, sont conformes auxdits contrats et ne comportent ni erreur, ni omission, ni contradiction normalement décelables par un homme de l'art " et de " s'assurer que l'exécution des travaux est conforme aux prescriptions du ou des contrats de travaux ".

8. Or il résulte de l'instruction que la société Houyez s'est abstenue de demander à la commune de commander, avant l'établissement du dossier de la consultation des entreprises et le lancement de l'appel d'offres, une étude géotechnique de type G2 PRO qui, ainsi qu'il a été dit précédemment et conformément à la norme NF P 94-500, est indispensable à la définition du projet définitif. Si un avant-projet de CCTP du lot " Gros œuvre " établi par la société Houyez prévoyait de compléter le dossier par une étude géotechnique de type G2 PRO, cette mention n'a pas été maintenue dans le CCTP effectivement intégré aux pièces du marché conclu avec la société NCN. La société Houyez n'établit ni avoir alerté la commune sur la nécessité de commander cette étude avant le lancement de l'appel d'offres, ce qui relevait de sa mission contractuelle, ni s'être heurtée à un refus de cette dernière. Si son sous-traitant BA BAT a conseillé à la commune de réaliser cette étude par un courriel du 5 octobre 2016, celui-ci est postérieur non seulement à la définition du projet sur le fondement duquel la consultation a été lancée mais aussi au début des travaux. En outre, cette proposition n'a alors été faite non pas pour des considérations techniques mais pour satisfaire la demande des assureurs. Enfin, il résulte de l'instruction que, les 26 et 27 octobre 2016 et 14 novembre 2016, le maître d'œuvre, au travers de son sous-traitant, la société BA BAT, a visé favorablement les notes de calculs présentées par la société NCN et son sous-traitant, la société Atlas Fondations, pour dimensionner les fondations, alors que ces dernières ne disposaient pas des données définitives d'une étude G2 PRO à cet effet et que les propositions faites n'étaient même pas conformes à la solution technique esquissée dans l'étude G2 AVP. A cet égard, si la société NCN était contractuellement chargée de définir le dimensionnement des fondations, la société Houyez demeurait chargée, en tant que maître d'œuvre, de définir les choix constructifs et de fournir l'ensemble des études nécessaires au dimensionnement précis des ouvrages.

9. Il s'ensuit qu'en s'abstenant, dans le cadre de la préparation du projet, de solliciter la réalisation d'une étude géotechnique G2 PRO et en validant, dans le cadre de l'exécution des travaux, des solutions techniques qui n'étaient même pas conformes aux hypothèses esquissées dans l'étude G2 AVP, la société Houyez n'a pas conduit le projet dans les règles de l'art et n'a pas correctement suivi l'exécution des travaux. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant commis des manquements dans la réalisation de sa mission de maître d'œuvre qui engagent sa responsabilité.

S'agissant de la société Dekra Industrial :

10. Aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ". Le cahier des clauses particulières (CCP) du marché conclu entre la commune de Méricourt et la société Dekra Industrial lui a confié une mission dite " L ", relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipements indissociables. Cette mission est définie comme suit par l'article A.1.1 de la norme NF P 03-100 à laquelle renvoie l'article 7 du décret n° 99-443 du 28 mai 1999 relatif au cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de contrôle technique : " les aléas techniques à la prévention desquels le contrôle technique contribue au titre de la mission L sont ceux qui, découlant de défauts dans l'application des textes techniques à caractère réglementaire ou normatif, sont susceptibles de compromettre la solidité de la construction achevée ou celle des ouvrages et éléments d'équipements indissociables qui la constituent ". L'article A.1.2 de la même norme ajoute que cette mission porte notamment sur " les ouvrages de fondation ". En l'espèce, le CCP du marché conclu avec la société Dekra Industrial prévoit que " le contrôleur intervient pendant la conception et l'exécution des ouvrages jusqu'à la fin de la période de garantie de parfait achèvement " (article 6.2), que sa mission porte notamment sur l'" examen des documents de conception ", l'" examen des documents d'exécution " et l'" examen sur chantier des ouvrages et éléments d'équipements " et que " si le contrôleur technique n'a pas reçu les documents qu'il estime nécessaire à son intervention, il est tenu de le signaler au maître d'ouvrage " (article 6.3).

11. Or il résulte de l'instruction qu'alors même qu'elle présente, aux termes de la norme applicable NF P 94-500, un caractère obligatoire avant l'établissement du dossier de la consultation des entreprises et le lancement de l'appel d'offres, la société Dekra Industrial, en qualité de contrôleur technique de l'opération litigieuse, non seulement n'a jamais sollicité la réalisation d'une étude géotechnique de type G2 PRO mais qu'elle l'a même jugée inutile. Dans son rapport initial de contrôle technique du 11 août 2016, elle a, au vu des seules informations provisoires et non affinées contenues dans le rapport G2 AVP que la société ERG avait remis, donné un avis favorable aux hypothèses de fondations retenues par la maîtrise d'œuvre. Les 13 et 31 octobre 2016, elle a de la même manière rendu un avis favorable sur les notes de calculs et de dimensionnement présentées par les sociétés NCN et Atlas Fondations alors que celles-ci ont été établies sans disposer d'une étude G2 PRO et qu'elles n'étaient même pas conformes à la solution technique esquissée dans l'étude G2 AVP. En outre, il est constant que le dimensionnement alors retenu, prévoyant 19 pieux n'ayant pas une portance suffisante, était susceptible de compromettre la solidité de l'ouvrage et de lui occasionner des dommages qui sont au nombre de ceux que le contrôleur technique est censé prévenir.

12. Il s'ensuit qu'en donnant des avis favorables à des solutions techniques que la maîtrise d'œuvre et les constructeurs avaient conçues sans disposer d'une étude géotechnique de type G2 PRO et qui étaient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage, la société Dekra Industrial n'a pas correctement rempli sa mission de contrôle technique. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant commis un manquement engageant sa responsabilité.

S'agissant de la société NCN :

13. Aucune des parties ne conteste en appel les motifs par lesquels les premiers juges ont retenu que la responsabilité de la société NCN était engagée.

S'agissant de la commune de Méricourt :

14. Il résulte de l'instruction que la commune de Méricourt, en sa qualité de maître de l'ouvrage, a été destinataire du rapport G2 AVP remis le 20 juillet 2015 par la société ERG en exécution de la commande qu'elle lui avait passée le 29 mai précédent. Ainsi qu'il a été dit au point 4, ce rapport rappelait qu'il ne pouvait servir au lancement d'une consultation ou d'un appel d'offres concernant la construction de l'ouvrage et que la réalisation d'une étude de type G2 PRO était indispensable. Les mentions du rapport étaient à cet égard claires, dépourvues d'ambiguïté et aisément intelligibles même par un lecteur n'étant pas un homme de l'art. Alors même qu'elle était liée avec la société ERG par un contrat comportant une tranche conditionnelle portant sur la réalisation d'une telle étude G2 PRO, la commune n'établit pas avoir jamais interrogé son maître d'œuvre, avant le lancement de l'appel d'offres, sur l'utilité d'une telle étude et la nécessité d'affermir la tranche conditionnelle du contrat conclu avec la société ERG. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant, par son imprudence, concouru à la réalisation des dommages dont elle se plaint, ce qui justifie une atténuation des responsabilités des autres intervenants à l'opération. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de sa faute en retenant un coefficient d'atténuation de la responsabilité des autres intervenants de 5 %.

En ce qui concerne les préjudices :

15. Il résulte de l'instruction que la réalisation tardive de l'étude géotechnique G2 PRO a conduit à l'abandon de 19 des pieux de fondations qui avaient déjà été réalisés et à leur remplacement par 38 nouveaux pieux. La commune soutient que la mise en œuvre de cette solution réparatoire l'a exposée à un surcoût de 128 099,56 euros TTC qu'elle décompose de la manière suivante : 5 240,64 euros au titre de l'étude de type G2 PRO réalisée par la société ERG, 1 208,40 euros au titre d'une étude G4 commandée auprès de la même société, 112 896,52 euros au titre des travaux supplémentaires commandés à la société NCN, 6 522,00 euros au titre des travaux supplémentaires commandés à la société Eiffage et 2 232,00 euros au titre de la mission complémentaire de contrôle technique commandée à la société Dekra Industrial.

16. En premier lieu, contrairement à ce que font valoir les sociétés Dekra Industrial et BA BAT, il résulte de l'instruction que les études G2 PRO et G4 dont la commune demande l'indemnisation ont porté spécifiquement sur la conception de la solution réparatoire et le suivi de son exécution. Elles n'ont dès lors ni le même objet ni le même coût que ceux des études qui auraient été réalisées si le projet avait été conduit dans les règles de l'art. Il s'ensuit que la commune est fondée à en demander l'indemnisation et qu'il sera fait une exacte évaluation de ses préjudices en lui allouant des indemnités de 5 240,64 euros au titre de l'étude G2 PRO complémentaire réalisée par la société ERG dans le cadre de la conception des travaux réparatoires et de 1 208,40 euros au titre de la mission G4 confiée à la même société pour assurer le suivi de leur exécution.

17. En second lieu, il est constant que les fautes relevées précédemment sont directement à l'origine de la nécessité de réaliser des travaux réparatoires, lesquels n'étaient pas prévus initialement et ont modifié l'équilibre économique du marché de gros œuvre. La commune est, par suite, fondée à demander à être indemnisée du surcoût qu'elle a supporté. Alors que ces fautes sont susceptibles d'avoir, de manière générale, exercé une influence sur la conception des offres des différents soumissionnaires ainsi que sur l'attribution du marché, la circonstance, au demeurant non établie, que le prix du marché de " Gros œuvre " aurait été supérieur si les contraintes et propriétés intrinsèques du sous-sol avaient été connues n'est pas susceptible de conduire à écarter ou minorer ce poste de préjudice. Il s'ensuit qu'il sera fait une exacte évaluation des préjudices subis par la commune en lui allouant des indemnités de 112 896,52 euros au titre des travaux supplémentaires commandés à la société NCN, 6 522 euros au titre des travaux supplémentaires commandés à la société Eiffage et 2 232 euros au titre de la mission complémentaire de contrôle technique commandée à la société Dekra Industrial.

18. Il résulte de ce qui précède que, dès lors que les manquements contractuels commis par les sociétés Houyez, Dekra Industrial et NCN ont chacun concouru à la réalisation de la totalité du dommage et que la propre faute de la commune a elle-même concouru à la réalisation du dommage à hauteur de 5 %, celle-ci est seulement fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés précitées à lui verser une somme totale de 121 694,58 euros TTC. Il s'ensuit que les sociétés Houyez et Dekra Industrial ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges les ont condamnées solidairement, conjointement avec la société NCN, à verser cette somme à la commune de Méricourt. Celle-ci n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont mis hors de cause la société ERG et ont limité son indemnisation à la somme précitée. Les conclusions d'appel de la commune et des sociétés Houyez et Dekra Industrial tendant, dans cette mesure, à l'annulation ou la réformation du jugement attaqué doivent, dès lors, être rejetées.

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :

19. La commune a droit aux intérêts de la somme de 121 694,58 euros à compter de la date d'enregistrement de sa requête au greffe du tribunal administratif de Lille le 10 novembre 2017. En outre, dès lors que la capitalisation des intérêts a été demandée dans la même requête, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 10 novembre 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date. C'est, dès lors, à raison que les premiers juges ont statué en ce sens sur les conclusions dont la commune de Méricourt les saisissait et il n'y a pas lieu pour la cour de réformer leur jugement sur ce point. Les conclusions d'appel de la commune de Méricourt, réitérant ses demandes relatives aux intérêts et à leur capitalisation, doivent donc être rejetées.

En ce qui concerne les appels en garantie :

20. D'une part, dès lors que, ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 6, la société ERG ne peut être regardée comme ayant commis un manquement dans l'accomplissement des missions qui lui avaient été confiées et qu'elle n'a aucune part de responsabilité dans les dommages subis par la commune de Méricourt, les sociétés Houyez et Dekra Industrial ne sont pas fondées à l'appeler en garantie. Leurs conclusions en ce sens doivent donc être rejetées. En outre, en l'absence de toute condamnation de la société ERG, il en va de même des conclusions d'appel en garantie que celle-ci formule à titre subsidiaire contre les sociétés Houyez, BA BAT et Dekra Industrial.

21. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux fautes commises par les sociétés Houyez, Dekra Industrial et NCN, il sera fait une juste appréciation des conséquences que celles-ci ont exercées sur la survenance du dommage subi par la commune en fixant les quotes-parts de leurs responsabilités, respectivement, à 50 %, 10 % et 40 %. C'est, dès lors, à raison que les premiers juges ont statué en ce sens sur les conclusions d'appel en garantie dont ces sociétés les saisissaient et il n'y a pas lieu pour la cour de réformer leur jugement sur ce point. Les conclusions d'appel que les sociétés Houyez et Dekra Industrial présentent en ce sens doivent donc être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la présente instance ait été à l'origine de dépens, de sorte que les conclusions de la société ERG tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de toute partie succombante doivent être rejetées.

23. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions que les sociétés Houyez et ERG et la commune de Méricourt présentent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Houyez est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Houyez, à la société ABO-ERG Géotechnique, à la société par actions simplifiée Dekra Industrial, à la société par actions simplifiée BA BAT, à la commune de Méricourt, à Mes Nicolas Soinne et Pascal Ruffin en qualité de liquidateurs judiciaires de la société par actions simplifiée " Nord Constructions Nouvelles " et à la société par actions simplifiée Atlas Fondations.

Délibéré après l'audience publique du 26 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de la cour,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°22DA02443


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02443
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CABINET CHAUTEMPS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;22da02443 ?
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