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11/04/2024 | FRANCE | N°22DA01973

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 11 avril 2024, 22DA01973


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement no 2002228 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un m

moire, enregistrés les 22 septembre 2022, 7 décembre 2023 et 28 février 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Pauchet, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 à 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement no 2002228 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 septembre 2022, 7 décembre 2023 et 28 février 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Pauchet, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, ou, à défaut, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable sont insuffisamment motivées ;

- l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors qu'ils n'ont pas été mis en mesure de présenter un recours hiérarchique ;

- ils sont fondés à se prévaloir à ce titre des paragraphes n° 480, 490 et 510 de la doctrine administrative BOI-CF-PGR-30-10-10 du 30 octobre 2019 ;

- l'application de la majoration de 25 % en application du a) du 1° de l'article 158 du code général des impôts méconnaît l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'a affirmé la décision 26604/16 du 7 décembre 2023 de la cour européenne des droits de l'homme ;

- la pénalité appliquée sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts n'est pas motivée ;

- les pénalités de 40 % appliquées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas fondées.

Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 27 décembre 2022, 27 février 2024 et 11 mars 2024, ainsi que des pièces, enregistrées le 25 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés ;

2°) au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- un dégrèvement a été accordé s'agissant des cotisations supplémentaires d'imposition résultant de l'application de la majoration de 25 % prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B... a fait l'objet d'une vérification de la comptabilité de son activité de médecin généraliste portant sur la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. Au terme de cette vérification, par une proposition de rectification du 8 octobre 2018, l'administration fiscale a notifié à M. B... des rehaussements de son bénéfice non commercial ainsi que des pénalités. Parallèlement, par une proposition de rectification du 18 septembre 2018, l'épouse de M. B..., qui exerce la profession d'infirmière libérale, s'est vu également notifier des rehaussements des bénéfices non commerciaux au titre de la même période. Enfin, par une proposition de rectification du 8 octobre 2018 tirant les conséquences de ces deux procédures, le service a notifié aux époux B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2015 à 2017. Les impositions supplémentaires ayant été mises en recouvrement, M. et Mme B... ont porté le litige relatif à ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 21 juillet 2022 dont M. et Mme B... relèvent appel, le tribunal a rejeté cette demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 25 mars 2024, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur du pôle gestion fiscale de la direction régionale des finances publiques des Hauts-de-France et du département du Nord a accordé à M. et Mme B... des dégrèvements en droits et pénalités d'un montant de 16 388 euros au titre de l'année 2015, de 42 189 euros au titre de l'année 2016 et de 25 215 euros au titre de l'année 2017 correspondant à l'application de la majoration de 25 % prévue au 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts appliquée aux bénéfices non commerciaux perçus par les intéressés. Les conclusions de la requête de M. et Mme B..., qui n'ont pas été expressément abandonnées sur ce point, sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".

4. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., la proposition de rectification du 8 octobre 2018 relative au revenu global adressée aux deux conjoints est suffisamment motivée alors même qu'elle fait référence, sans en joindre copie, à la proposition de rectification en matière de bénéfices non commerciaux envoyée le même jour à M. B... à la suite de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet au titre de son activité de médecin généraliste.

5. Par ailleurs, la proposition de rectification adressée aux époux B... précise les fondements textuels en application desquels les bénéfices non commerciaux perçus par M. B... sont imposables à l'impôt sur le revenu, ceux relatifs à la déductibilité des cotisations à un plan d'épargne retraite populaire, et ceux relatifs aux travaux dans l'habitation principale et aux dépenses pour la transition énergétique ouvrant droit à un crédit d'impôt.

6. Dans ces conditions, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification du 8 octobre 2018 est insuffisamment motivée et méconnaît de ce fait l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales : " Hormis lorsqu'elle est adressée dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 12, L. 13 et L. 13 G et aux I et II de la section V du présent chapitre, la proposition de rectification peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours hiérarchique qui suspend le cours de ce délai. ".

8. D'une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de reproduire ces dispositions de l'article L. 54 C du livre des procédures fiscales dans la proposition de rectification ou dans la réponse faite aux observations du contribuable et de rappeler ainsi au contribuable la faculté qui lui est ainsi offerte de présenter un recours hiérarchique. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que M. et Mme B... ont été informés de cette faculté par un courrier du 11 mars 2019.

9. D'autre part, M. et Mme B... ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative énoncée sous la référence BOI-CF-PGR-30-10 publiée le 30 octobre 2019, soit d'ailleurs postérieurement à la proposition de rectification, qui est relative à la procédure d'imposition et ne comporte, ainsi, aucune interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

10. Si M. et Mme B... soutiennent que l'application de la majoration de 25 % prévue a) du 1° du 7 de l'article 158 du code général des impôts aux bénéfices non commerciaux rectifiés et perçus par M. B... au titre des années 2015, 2016 et 2017 méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte des mentions mêmes de l'avis de dégrèvement du 25 mars 2024 que l'administration a prononcé le dégrèvement, mentionné au point 2, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ayant résulté de l'application de cette majoration.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées (...) quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, s'agissant des années 2016 et 2017, l'administration a appliqué aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme B... résultant des rectifications au titre des cotisations à un plan d'épargne retraite populaire, la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

13. A ce titre, l'administration a fait valoir, dans la proposition de rectification adressée le 8 octobre 2018 aux intéressés, que le couple a déclaré, au titre de l'année 2016, des sommes excédant les cotisations réellement versées dans le cadre de leur plan d'épargne retraite populaire, et que, pour l'année 2017, le couple a déclaré des sommes au même titre alors qu'ils n'avaient versé aucune cotisation à cette fin, ce que les contribuables ne pouvaient ignorer. Enfin, l'administration expose que l'importance des sommes en cause et le caractère répété du manquement ne permettent pas de considérer qu'il s'agit d'une simple erreur ou d'une négligence. Dès lors, le moyen tiré de ce que les pénalités en cause seraient insuffisamment motivées en méconnaissance de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales doit être écarté.

14. Par ailleurs, par les éléments exposés au point précédent qu'il s'approprie en appel, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé M. et Mme B... et comme justifiant, par suite, du bien-fondé de l'application, à ces droits, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

15. En second lieu, si M. et Mme B... demandent la décharge de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, au a de l'article 1729 du code général des impôts au rehaussement des bénéfices non commerciaux de M. B... de l'exercice 2016 résultant de la remise en cause de la dispense de l'application de la majoration de 25 % prévue au 1° du 7 de l'article 158 du même code, il résulte de l'instruction que l'administration a prononcé le dégrèvement, mentionné au point 2, de cette majoration.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

17. L'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Par suite, les conclusions de M. et Mme B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : A hauteur du dégrèvement de 16 388 euros au titre de l'année 2015, de 42 189 euros au titre de l'année 2016, et de 25 215 euros au titre de l'année 2017, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions aux fins de décharge présentées par M. et Mme B....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef

Et par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°22DA01973

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01973
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : FIDAL ST OMER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;22da01973 ?
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