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25/04/2024 | FRANCE | N°23LY00105

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 25 avril 2024, 23LY00105


Vu la procédure suivante :





Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 janvier, 17 juillet et 12 octobre 2023, ce dernier non communiqué, la société PE de la Grande Charme, représentée par Me Gelas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande d'autorisation environnementale d'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Villecomte et Chaignay ;

2°) d'

enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de reprendre l'instruction de sa demande dans un délai de trent...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 janvier, 17 juillet et 12 octobre 2023, ce dernier non communiqué, la société PE de la Grande Charme, représentée par Me Gelas, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande d'autorisation environnementale d'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Villecomte et Chaignay ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de reprendre l'instruction de sa demande dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;

- le préfet, en se fondant sur des avis illégaux, a entaché l'arrêté d'illégalité ;

- les avis de la direction générale de l'aviation civile et du ministère des armées sur lesquels il se fonde sont insuffisamment motivés ;

- l'avis de la direction générale de l'aviation civile ne pouvait se fonder sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, inapplicable s'agissant d'une autorisation environnementale ;

- une autorisation environnementale ne peut valablement être refusée sur le fondement de l'article R. 111-2 précité si une prescription technique pouvait pallier un risque identifié ;

- la direction générale de l'aviation civile ne justifie pas que le projet est situé dans le périmètre de protection lié à la procédure VOR RWY 17 qui se trouve à cinq kilomètres de la trajectoire de vol de sorte que l'avis du ministre selon lequel le projet compromettrait l'accessibilité des vols aux instruments et qu'il présenterait un risque pour la sécurité des biens et des personnes est entaché d'une erreur d'appréciation ; l'existence du périmètre de protection lié à la procédure d'approche aux instruments en piste 17 dont le ministre se prévaut, tout en indiquant qu'il est indicatif, et au sein duquel seule une partie du parc se trouve, n'est pas avérée ; la nécessité d'un tel périmètre n'est pas démontrée ; la hauteur des éoliennes respecte l'altitude minimale de sécurité fixée à 3 400 pieds, soit 1036,32 mètres NGF ;

- le ministre des armées ne justifie pas que le projet présenterait une gêne avérée pour le radar de Dijon et notamment qu'il ne respecterait pas l'angle de masquage maximal ce qui entraînerait de fausses détections ou des pertes d'aéronef alors que la variante retenue présente un angle inférieur à 1,5° et aucun parc n'est présent dans un rayon de trente kilomètres à moins de 5° d'angle conformément aux recommandations du ministère des armées ; la posture permanente de sûreté (PPS) qu'invoque le ministre des armées, qui implique uniquement que sur décision gouvernementale et à faible préavis, la zone du projet puisse faire l'objet d'une protection particulière en cas de menace, ne justifie pas le refus d'implantation de toute éolienne ; la décision prise par le ministre des armées n'est pas proportionnée alors que la doctrine de la PPS suppose une réponse proportionnée ; il ne pouvait pas rendre un avis défavorable à un projet dont la compatibilité avait été confirmée au regard de l'instruction n°1050 DSA/DIRCAM du 8 juillet 2018 ; les autres pré consultations qui ont conduit à un avis défavorable étaient fondées sur l'instruction n°1050 DSAE/DIRCAM adoptée le 16 juin 2021 qui a été abrogée de sorte que ces avis ne sauraient avoir une quelconque portée.

Par des mémoires enregistrés les 9 juin et 13 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, puis le préfet de la Côte-d'Or concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que les moyens soulevés par la société PE de la Grande Charme ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 septembre 2023, l'instruction a été close au 13 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté interministériel du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Braille, substituant Me Gelas, pour la société PE de la Grande Charme, ainsi que celles de Mme A... pour le préfet de la Côte-d'Or ;

Une note en délibéré a été présentée pour la société PE de la Grande Charme le 5 avril 2024 ;

Considérant ce qui suit :

1. Après avis défavorables émis par le ministre des armées le 30 septembre 2022 et par le ministre chargé des transports le 3 octobre 2022, le préfet de la Côte-d'Or a, par arrêté du 16 novembre 2022, rejeté la demande d'autorisation environnementale d'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Villecomte et Chaignay présentée par la société PE de la Grande Charme le 29 juillet 2022. Cette société demande à la cour d'annuler cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / (...) 2° Le ministre de la défense, y compris pour ce qui concerne les radars et les radiophares omnidirectionnels très haute fréquence (VOR) relevant de sa compétence (...). / Ces avis sont rendus dans le délai de deux mois. / Le présent article n'est pas applicable lorsque le pétitionnaire a joint ces avis à son dossier de demande ". En vertu de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable (...) ". Aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, dont certaines des dispositions ont été abrogées pour être reprises en substance à l'article L. 6352-1 du code des transports : " À l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté interministériel du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation unique doit, lorsque la construction envisagée en dehors d'une agglomération peut constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison d'une hauteur supérieure à 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense afin de recueillir leur accord, de sorte que l'autorisation unique tienne lieu de l'autorisation prévue à l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile. A défaut d'accord de l'un de ces ministres, l'autorité compétente est tenue de refuser l'autorisation demandée.

4. Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

5. En premier lieu, l'avis du ministre des armées, qui vise les dispositions de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, indique que le projet en cause, qui concerne la construction et l'exploitation d'un parc éolien comprenant quatre aérogénérateurs d'une hauteur hors tout, pale haute à la verticale, de 200 mètres, est situé à 24 kilomètres du radar de Dijon pour lequel il présentera une gêne avérée selon une étude radar. Il précise que les éoliennes peuvent générer des perturbations de nature à dégrader la qualité de détection et l'intégrité des informations transmises par les radars et que dans le cadre de la posture permanente de sécurité, et en matière de sécurité des vols, le fonctionnement des radars utilisés par les armées exige de réduire au minimum les perturbations. Cet avis, bien qu'il ne comprenne pas de détail de l'étude radar réalisée par le ministère des armées et d'autre mention que l'article R. 244-1 précité, est suffisamment motivé en fait et en droit.

6. En deuxième lieu, il résulte de la note technique produite en défense, réalisée par le commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes, en charge de la posture permanente de sûreté, que les quatre éoliennes sont toutes visibles par le radar TRS 2215, radar de haute et moyenne altitude concourant directement à la posture permanente de sûreté, situé à Dijon à une distance comprise entre 27 et 28 kilomètres des éoliennes, et non 24 kilomètres comme mentionné par erreur dans l'avis. L'étude, réalisée à partir de l'outil de calcul d'inter visibilité électromagnétique TIMOR, fait apparaître que les éoliennes sont visibles par le radar sur des hauteurs de 179 à 197 mètres ce qui induit une perte de détection derrière l'obstacle, de faux échos de détection d'aéronefs, ainsi qu'une diminution de la capacité de détection au-dessus des radars. L'étude mentionne également la proximité du commissariat à l'énergie atomique de Valduc qui constitue un site stratégique pour les intérêts de la Nation. A cet égard, la circonstance que ce site se situe, par rapport au radar, derrière un massif montagneux, ne remet pas en cause le fait que, dans la direction de ce site, l'implantation des éoliennes créera des interactions électromagnétiques. Si la société fait valoir que le projet respecte les recommandations formulées par le ministère des armées le 13 novembre 2019 dans le cadre de la pré consultation, les éoliennes occupant des angles inférieurs à 1,5° et n'étant pas implantées en intervisibilité d'une installation sensible située à moins de 30 kilomètres du radar, et des espaces de respiration de plus de 5° étant conservés entre deux séries de machines, il n'en reste pas moins que ces recommandations sont issues de l'instruction n° 1050/DSAE/DIRCAM, dans sa version du 9 juillet 2018, et reprises dans la version de cette instruction du 16 juin 2021, qui a depuis lors été abrogée par l'instruction n° 1051 du 2 juin 2022. La société requérante n'est donc pas fondée à s'en prévaloir. Contrairement à ce qu'elle fait également valoir, la posture permanente de sûreté, qui est un dispositif permettant de surveiller en continu l'espace aérien et de guider les aéronefs militaires pour l'interception des aéronefs suspects, n'implique pas seulement que sur décision gouvernementale et à faible préavis, la zone du projet puisse faire l'objet d'une protection particulière en cas de menace. Enfin, si le ministre des armées a émis le 1er octobre 2020 un avis favorable pour l'implantation d'un mat de mesure de vent d'une hauteur de 123,50 mètres, l'autorisation d'implantation de cette installation, par nature temporaire et de dimension moins importante que les éoliennes en cause, n'est pas de nature à démontrer l'illégalité du refus opposé pour l'implantation permanente de quatre éoliennes de 200 mètres de haut en bout de pale. Dans ces conditions, compte tenu des éléments figurant dans l'étude radar, le ministre des armées a pu estimer que le projet litigieux constituait, au sens de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, un obstacle à la navigation aérienne.

7. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 3 et de ce qui a été exposé ci-dessus, le préfet de la Côte-d'Or était en situation de compétence liée pour refuser l'autorisation sollicitée. Dès lors, les autres moyens de la requête doivent être écartés comme inopérants.

8. Il résulte de ce qui précède que la société PE de la Grande Charme n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de la société PE de la Grand Charme ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'État, qui n'est pas partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société PE de la Grande Charme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société PE de la grande Charme et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or ainsi qu'aux communes de Chaignay et Villecomte

Délibéré après l'audience du 4 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

M. Chassagne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

La rapporteure,

A. Duguit-LarcherLe président,

V.-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY00105

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00105
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Procédure consultative.

Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : JEANTET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-25;23ly00105 ?
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