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30/04/2024 | FRANCE | N°22LY01446

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 30 avril 2024, 22LY01446


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C..., Mme E... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'enjoindre à la commune de ... de remettre en état une bande de terrain d'une superficie de 20 m² leur appartenant et de condamner cette commune à leur verser une indemnité de 500 euros en réparation de leur préjudice.



Par un jugement n° 2102270 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.





Procédu

re devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 12 mai 2022 et le 24 juillet 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., Mme E... C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'enjoindre à la commune de ... de remettre en état une bande de terrain d'une superficie de 20 m² leur appartenant et de condamner cette commune à leur verser une indemnité de 500 euros en réparation de leur préjudice.

Par un jugement n° 2102270 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 12 mai 2022 et le 24 juillet 2023, M. A... C..., Mme E... C... et Mme D... C..., représentés par la SELARL Hestée avocat, agissant par Me Trigon, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2102270 du 15 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'enjoindre à la commune de ... de remettre en état une bande de terrain d'une superficie de 20 m² leur appartenant, en supprimant le bitume la recouvrant, en déplaçant hors de leur propriété le caniveau, les grilles et les regards du réseau public d'évacuation des eaux pluviales et usées s'y trouvant, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'arrêt à venir sera devenu définitif, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de condamner la commune de ... à verser à M. et Mme C... une indemnité de 500 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ;

4°) de condamner la commune à verser M. et Mme C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les consorts C... soutiennent que :

- la commune a irrégulièrement intégré à l'assiette de la rue ..., à l'occasion de travaux de réfection de cette voie réalisés en 2014, une bande de terrain de 20 m², qui leur appartient, comme en témoigne un arrêté d'alignement du 7 août 1998, modifié le 20 avril 1999 ; cette bande de terrain, dont la commune ne peut pas revendiquer la possession par prescription acquisitive, servait auparavant à stationner le véhicule de M. C..., n'était pas enrobée et ne comportait pas de regards et grilles du réseau de recueil des eaux pluviales, implantés lors de ces travaux ;

- la commune doit remettre en état les lieux en supprimant l'enrobé posé sur cette bande de terrain car :

* l'emprise irrégulière ne peut pas être régularisée par une procédure d'expropriation, d'ailleurs non envisagée par la commune, l'incorporation de la bande de terrain au domaine public ne présentant pas d'intérêt public,

* le prix de 30 euros par m² proposé par la commune pour l'acquisition de cette bande de terrain ne correspond pas au prix d'achat de la propriété,

* le réseau de recueil des eaux pluviales peut être déplacé ou faire l'objet d'une servitude de tréfonds, justement indemnisée,

* la bande de terrain, qui est constructible, est nécessaire à l'aménagement de leur propriété.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 5 juillet 2022 et le 16 novembre 2023, la commune de ..., représentée par la SELARL Racine, agissant par Me Bichelonne, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- les requérants n'établissent pas être propriétaires de la bande de terrain de 20 m² qu'ils revendiquent, qui est un accotement ayant fait l'objet d'un revêtement et qu'elle entretenait ;

- les travaux qu'elle a réalisés en 2014 n'ont pas changé la configuration des lieux et ont amélioré les conditions de circulation rue ... ;

- la remise en état de cette bande de terrain entraînerait une atteinte excessive à l'intérêt général et elle mettra en œuvre, si besoin, une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute de liaison du contentieux, la créance indemnitaire étant d'ailleurs prescrite et les requérants ne subissant aucun préjudice.

L'instruction a été close au 23 février 2024 par une ordonnance du 6 février précédent.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2 avril 2024 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Legendre, représentant la commune de ....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... est devenu propriétaire, le 20 juin 2018, d'une maison d'habitation implantée sur une parcelle alors cadastrée D 1728, d'une contenance de 385 m², située ..., sur le territoire de la commune de .... Il a fait diviser cet immeuble pour en soumettre une partie au régime de la copropriété, puis, le 17 avril 2019, M. A... C... et Mme E... C... née B..., son épouse, ont cédé à Mme D... C..., sœur de M. C..., un lot de la copropriété nouvellement créée. Le géomètre chargé de procéder à la division aurait alors constaté qu'une bande de terrain d'une superficie de 20 m² se retrouvait dans l'emprise de la voie publique. Par courrier du 16 décembre 2019, les époux C..., s'estimant propriétaires de cette bande de terrain ayant fait l'objet d'un aménagement de voirie, ont décliné l'offre d'acquisition que leur fit la commune, puis, par courrier que la commune a réceptionné le 18 janvier 2021, ils ont mis en demeure cette collectivité de remettre en état les lieux, c'est-à-dire d'ôter le revêtement en bitume de cette bande de terrain et de déplacer le caniveau, les grilles et regards d'eau du réseau public d'évacuation des eaux pluviales et usées s'y trouvant. Le maire de la commune leur a opposé un refus implicite. Les époux C... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de constater l'irrégularité de l'emprise résultant de l'occupation sans droit ni titre par la commune de ce qu'ils estiment être une partie de leur terrain, d'enjoindre à la commune la remise en état des lieux et de la condamner à leur verser une indemnité de 500 euros en réparation de leur préjudice. Ils relèvent appel du jugement du 15 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur l'existence, l'étendue et les limites du domaine public, sauf à renvoyer à l'autorité judiciaire une question préjudicielle en cas de contestation sur la propriété du bien litigieux dont l'examen soulève une difficulté sérieuse. Le caractère sérieux de la contestation s'apprécie au regard des prétentions contraires des parties et au vu de l'ensemble des pièces du dossier. Le juge doit prendre en compte tant les éléments de fait que les titres privés invoqués par les parties.

3. Il résulte de l'instruction que la bande de terrain, désormais cadastrée D 2548 et D 2543, pour une superficie totale de 20 m², objet de la contestation des consorts C..., a été physiquement séparée du terrain supportant la maison des requérants par l'édification en 1977 d'un muret, présenté par le père de M. C... comme construit en limite de propriété, avant même que M. C... acquière le bien en juin 2018. Le père de M. C... avait sollicité, pour cette édification, un arrêté d'alignement, pris par le maire de la commune le 30 juillet 1977. Si un nouvel arrêté d'alignement, accompagné d'un schéma, a été pris le 7 août 1998 et si les requérants se prévalent également d'un nouveau schéma d'alignement, adressé à M. C... en avril 1999 par les services de la direction départementale de l'équipement, mais qui n'a pas donné lieu à la prise par le maire d'un nouvel arrêté d'alignement, il résulte des dispositions du 3ème alinéa de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière qu'un arrêté d'alignement n'a pour objet, en l'absence de plan d'alignement, que de constater la limite d'une voie publique au droit d'une propriété riveraine, sans emporter aucun effet sur le droit de propriété des riverains. De surcroît, les énonciations de ces actes et schémas successifs n'indiquent pas que la rue ... passe au droit, non de la propriété délimitée par le muret en question, mais de la bande de terrain en litige qui se trouve séparée de la propriété des requérants par ce muret, alors qu'un document d'arpentage d'octobre 2018, signé de M. C..., d'où est issue une modification cadastrale, attribue cette bande de terrain de 20 m² cadastrée D 2548 et D 2543 au domaine public communal. Une attestation rédigée le 2 mars 2023 par l'ancien propriétaire de la parcelle voisine, indiquant que le muret aurait été implanté en retrait de 1,20 mètre de la limite cadastrale pour faciliter les entrées et sorties des engins agricoles dans sa ferme, ne permet pas d'établir que la bande de 20 m² est incluse dans la propriété des consorts C.... Enfin, les photographies produites par les requérants font apparaître que cette bande de terrain, traversée en long par un caniveau de recueil des eaux pluviales, au milieu duquel se trouve une grille d'avaloir des eaux pluviales, équipement que les travaux d'amélioration de la rue ... réalisés en 2014 n'ont pas déplacé, était auparavant partiellement goudronnée, et pour le restant gravillonnée, à l'instar d'un accotement. Par conséquent, il ne résulte pas de l'instruction qu'en procédant, lors des travaux de 2014, au goudronnage de la bande de terrain en litige, la commune de ... aurait irrégulièrement empiété sur la propriété des époux C....

4. En l'absence d'emprise irrégulière, les conclusions des requérants tendant à la remise en état des lieux ne peuvent qu'être rejetées, comme celles tendant au versement d'une indemnité d'occupation, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces dernières.

5. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de ..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les consorts C... demandent au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants une quelconque somme au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de ... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... en tant que représentant unique des consorts C... et à la commune de ....

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 avril 2024.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01446 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01446
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité sans faute. - Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL HESTEE AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;22ly01446 ?
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