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18/01/2024 | FRANCE | N°22MA00879

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 18 janvier 2024, 22MA00879


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) Diamant 78 a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 mars 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2005951 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.





Procédure devant la Cour

:



Par une requête enregistrée le 21 mars 2022, la SCI Diamant 78, représentée par Me Binisti, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Diamant 78 a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 mars 2017, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2005951 du 18 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2022, la SCI Diamant 78, représentée par Me Binisti, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 janvier 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le contrôle sur pièces est irrégulier, dès lors que l'administration, en procédant à l'examen critique des éléments obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet en parallèle, l'a privée des garanties auxquelles elle avait droit ;

- l'ensemble immobilier a cessé d'être utilisé en vue de la réalisation d'opérations imposables en 2015, de sorte que le droit de reprise de l'administration était expiré lorsqu'elle lui a notifié la proposition de rectification du 7 juin 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCI Diamant 78 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Binisti, représentant la SCI Diamant 78.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Diamant 78, qui exerce une activité de gestion immobilière, a fait l'acquisition en 2009 d'un ensemble de terrains à bâtir situés à Velaux et Rognac (Bouches-du-Rhône), sur lesquels elle avait pour projet de construire une plate-forme logistique. A l'issue d'un contrôle sur pièces portant sur la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, l'administration fiscale a estimé que la taxe ayant grevé l'acquisition de ces biens devait faire l'objet d'une régularisation sur le fondement du 5° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, au motif que ces biens, qui ont été immobilisés, n'étaient plus affectés à une opération ouvrant droit à déduction. La SCI Diamant 78 relève appel du jugement du 18 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a ainsi été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, et des pénalités correspondantes.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ". D'autre part, en vertu du troisième alinéa de l'article L. 10 du même livre, l'administration peut demander au contribuable : " (...) tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés ". Lorsque l'administration fait usage du droit que lui confèrent les dispositions précitées de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales de contrôler sur pièces les déclarations du contribuable, en lui demandant, le cas échéant, des justifications complémentaires, sans toutefois procéder à un examen critique des documents comptables, cette procédure ne peut être assimilée à une vérification de comptabilité. En revanche, l'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont, le cas échéant, elle peut remettre en cause l'exactitude. L'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, au nombre desquelles figure, notamment, l'envoi ou la remise de l'avis de vérification auquel se réfère l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

3. Il résulte de l'instruction que la SCI Diamant 78 a fait l'objet d'une vérification de comptabilité limitée à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2016 et 2017, en ce qui concerne la question de la déductibilité des provisions comptabilisées et du bien-fondé de leur inscription au bilan de ces exercices, à l'issue de laquelle elle a été informée, par une lettre datée du 7 juin 2019, de l'absence de rectification. L'administration lui a par ailleurs adressé une proposition de rectification, également datée du 7 juin 2019, l'informant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée proposés à l'issue du contrôle sur pièces de ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée. Ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, procédant de la régularisation de la taxe ayant grevé l'acquisition des terrains au motif qu'ils n'étaient plus affectés à une opération ouvrant droit à déduction, ont été fondés, ainsi qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification, sur les actes d'acquisition des terrains publiés au service de la publicité foncière, et sur l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 janvier 2017 portant refus d'autorisation d'exploiter une plate-forme logistique sur la commune de Velaux. L'ensemble des opérations conduites par l'administration, laquelle pouvait, en tout état de cause, utiliser des renseignements recueillis au cours de la vérification de comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés, ne relevait pas d'un examen critique des documents comptables, et se rattachait ainsi à la mise en œuvre des pouvoirs de contrôle qu'elle tient des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales. Par conséquent, la SCI Diamant 78 n'est pas fondée à soutenir que l'administration, en s'abstenant de mettre en œuvre une vérification de comptabilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'aurait privée des garanties auxquelles elle avait droit.

4. En second lieu, l'article 185 de la directive 2006/112/CE prévoit que la taxe sur la valeur ajoutée déduite lors de l'acquisition d'un bien utilisé pour les besoins des opérations taxées d'un assujetti doit faire l'objet d'une régularisation " lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée, entre autres en cas d'achats annulés ou en cas de rabais obtenus (...) ".

5. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". L'article 207 de l'annexe II à ce code, qui transpose notamment l'article 185 de la directive 2006/112/CE, prévoit que cette déduction est définitivement acquise à l'entreprise, sous réserve des dispositions suivantes : " II. - 1. Pour les biens immobilisés, une régularisation de la taxe initialement déduite est opérée chaque année pendant cinq ans (...) / 2. Chaque année, la régularisation est égale au cinquième du produit de la taxe initiale par la différence entre le coefficient de déduction de l'année et le coefficient de déduction de référence mentionné au 2 du V. Elle prend la forme d'une déduction complémentaire si cette différence est positive, d'un reversement dans le cas contraire. / 3. Par dérogation à la durée mentionnée au 1 et à la fraction mentionnée au 2, cette régularisation s'opère pour les immeubles immobilisés par vingtième pendant vingt années. (...) / 4. La régularisation doit être effectuée avant le 25 avril de l'année suivante. (...) / III. - 1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : / (...) 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables. / 2. Cette régularisation est égale à la somme des régularisations qui auraient été effectuées jusqu'au terme de la période de régularisation en application des 1, 2, 3 et 5 du II, en considérant que pour chacune des années restantes de cette période : / (...) 5° Dans le cas visé au 5° du 1, le coefficient d'assujettissement est égal à zéro ".

6. Une entreprise n'est tenue de procéder à la régularisation globale prévue par les dispositions précitées du 5° du 1 du III de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts qu'à compter de l'évènement qui caractérise de façon certaine la désaffectation définitive d'une immobilisation à la réalisation d'opérations taxables.

7. Il résulte de l'instruction que les terrains dont la SCI Diamant 78 a fait l'acquisition en 2009 en vue d'y construire une plate-forme logistique ont été immobilisés, et que des demandes d'autorisation d'exploiter une telle plate-forme ainsi que des demandes de permis de construire ont été déposées au cours de l'année 2013. Après que la société requérante a modifié son projet à l'issue de l'enquête publique qui s'est déroulée en 2014, le maire de Velaux a refusé de délivrer un permis de construire en 2015 en raison de l'incompatibilité du projet envisagé avec les orientations du schéma de cohérence territoriale, et, à l'issue de la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Velaux, approuvée le 28 décembre 2015, les parcelles du projet situées dans cette commune se sont trouvées en zone agricole. Il est toutefois constant que la société requérante, à la date du 19 janvier 2017, soit la date de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de délivrer l'autorisation d'exploiter une plate-forme logistique, n'avait pas affecté les terrains à une autre opération. Au demeurant, elle n'a déposé que le 14 février 2017 une nouvelle demande de permis de construire en vue d'édifier un immeuble à usage d'habitation, qui a été accordé par le maire de Velaux le 12 juillet 2017. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, et sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que la dépréciation des terrains constatée par voie de provisions par la SCI Diamant 78 au titre de l'exercice clos en 2015 n'a pas été remise en cause par l'administration à l'issue de la vérification de comptabilité portant sur l'impôt sur les sociétés, le refus de permis de construire et la modification du plan local d'urbanisme de la commune de Velaux, au cours de l'année 2015, ne constituaient pas un évènement de nature à entraîner la régularisation globale de la taxe ayant grevé l'acquisition des terrains. Par suite, le droit de reprise de l'administration n'était pas expiré à la date de la notification de la proposition de rectification du 7 juin 2019.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Diamant 78 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Diamant 78 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Diamant 78 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 janvier 2024.

2

N° 22MA00879


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00879
Date de la décision : 18/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-08 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Déductions. - Cessation ou modification d'activité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : BINISTI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-18;22ma00879 ?
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