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23/01/2024 | FRANCE | N°22MA03070

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 23 janvier 2024, 22MA03070


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) Gaz Réseau Distribution de France (GRDF) a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la société par actions simplifiées (SAS) NGE Fondations à lui verser une somme de 37 240,97 euros en réparation des dommages subis par une canalisation de gaz, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts.



Par un jugement n° 1901505 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a condamné la société NGE Fo

ndations à verser à la société GRDF la somme de 37 240,97 euros majorée des intérêts à compter du 14 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Gaz Réseau Distribution de France (GRDF) a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la société par actions simplifiées (SAS) NGE Fondations à lui verser une somme de 37 240,97 euros en réparation des dommages subis par une canalisation de gaz, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1901505 du 18 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a condamné la société NGE Fondations à verser à la société GRDF la somme de 37 240,97 euros majorée des intérêts à compter du 14 mars 2018 et de leur capitalisation à compter du

14 mars 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure, a mis à la charge de la société NGE Fondations la somme de 1 500 euros à verser à la société GRDF au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 décembre 2022 et le 22 mai 2023, la société NGE Fondations, représentée par Me Zanotti de la SCP Courtaud-Piccerelle-Zanotti, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 18 octobre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de la société NGE Fondations ;

3°) de condamner la société NGE Fondations à lui verser la somme de 90 697, 97 euros toutes taxes comprises (TTC) en réparation des préjudices subis du fait du sinistre du

11 octobre 2017 ;

4°) de mettre à la charge de la société NGE Fondations la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal ne pouvait la condamner au titre de la responsabilité sans faute, dès lors que la société GRDF n'a pas la qualité de tiers aux travaux publics en litige, mais celle de participante à cette opération de travaux en procédant à un marquage-piquetage

le 25 septembre 2017 ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ces travaux publics, en disposant de l'ensemble des informations nécessaires, en se conformant aux plans fournis et au marquage réalisé, en n'ayant pas à réaliser des sondages complémentaires et en pouvant poursuivre les travaux compte tenu du piquetage de classe B ;

- subsidiairement, la société GRDF, même qualifiée de tiers à ces travaux, a commis une faute qui est à l'origine directe et exclusive du sinistre et qui consiste à ne pas avoir mentionné, lors du marquage-piquetage obligatoire, le changement de direction de la canalisation souterraine, en méconnaissance de l'article R. 554-27 du code de l'environnement, à ne pas avoir réalisé un marquage de la classe de précision A, à avoir fourni des plans imprécis et à ne pas avoir formulé de recommandation ou préconisé un repérage dès la déclaration d'intention de commencement des travaux ;

- très subsidiairement, les frais prétendument engagés du fait du sinistre ne sont pas justifiés ;

- en tout état de cause, à titre reconventionnel, elle réclame la somme de

90 697, 97 euros en réparation des préjudices causés par la faute de la société GRDF et tenant à l'immobilisation de son personnel d'encadrement, de son personnel exécutant et de son matériel, à la somme que la SNCF a répercutée sur l'exécution du contrat et au coût de l'exécution des travaux suivant le planning initial.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 et 14 avril et un mémoire enregistré le 31 mai 2023 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la société GRDF, représentée par Me de Angelis de la SCP de Angelis et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au même titre la somme de 2 000 euros à la charge de tout contestant, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 mai 2023 la clôture d'instruction a été fixée au 1er juin 2023, à 12 heures.

Par une lettre du 2 janvier 2024, la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de la société NGE contre la société GRDF comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, dans l'hypothèse où cette seconde société ne se verrait pas reconnaître par la Cour la qualité de participante à l'opération de travaux publics en litige, la juridiction administrative étant compétente pour statuer sur les demandes d'indemnité formées à raison des dommages causés par une opération de travail public, dès lors que les personnes dont la responsabilité est recherchée participent au travail public et ont la qualité de tiers par rapport à la victime.

Le 4 janvier 2024, la société NGE Fondations a produit des observations en réponse au moyen relevé d'office par la Cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vincent, substituant Me Zanotti, représentant la société NGE Fondations, et de Me Marguet, substituant Me de Angelis, représentant la société GRDF.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché de travaux, la société GTS s'est vue confier par la SNCF la réalisation des travaux de confortement, par grillage et géomembrane ancrés en paroi, d'un talus sur le chemin dit des douaniers, longeant les voies ferrées qui surplombent la plage de

Golfe-Bleu, sur la commune de Roquebrune-Cap-Martin. Le 11 octobre 2017, la conduite souterraine de gaz présente sous ce chemin a été endommagée par l'un des engins de chantier de la société. Par un jugement du 18 octobre 2022, dont la société NGE Fondations, venue aux droits de la société GTS, relève appel, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à la société GRDF la somme de 37 240,97 euros majorée des intérêts à compter du 14 mars 2018 et de leur capitalisation à compter du 14 mars 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure, en réparation des préjudices subis du fait du sinistre causé à sa canalisation de gaz.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a condamné la société NGE Fondations à réparer les préjudices de la société GRDF ;

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

2. Si, même en l'absence de faute, le maître de l'ouvrage et, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime, ce régime de responsabilité ne s'applique pas aux préjudices subis par les participants à l'opération de travaux publics, qui ne peuvent rechercher que la responsabilité pour faute des acteurs de cette opération.

3. Ont le caractère de travaux publics les travaux immobiliers répondant à une fin d'intérêt général et qui comportent l'intervention d'une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ces derniers.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 554-1 du code de l'environnement : " I. - Les travaux réalisés à proximité des ouvrages constituant les réseaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ou à proximité des ouvrages mentionnés à l'article L. 562-8-1 sont effectués dans des conditions qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte à leur intégrité, sécurité ou continuité de fonctionnement, à l'environnement, à la sécurité des travailleurs et des populations situées à proximité du chantier ou à la vie économique.

/ II. - Lorsque des travaux sont réalisés à proximité d'un ouvrage mentionné au I, des dispositions techniques et organisationnelles sont mises en œuvre, dès le début du projet et jusqu'à son achèvement, sous leur responsabilité et à leurs frais, par le responsable du projet de travaux, par les exploitants des ouvrages et par les entreprises exécutant les travaux. / (...) ". Aux termes de l'article R. 554-20 du même code, dans sa version en vigueur au moment des

faits : " Le responsable de projet qui envisage la réalisation de travaux vérifie au préalable s'il existe dans ou à proximité de l'emprise des travaux un ou plusieurs ouvrages en service d'une des catégories mentionnées à l'article R. 554-2. Pour ce faire, au stade de l'élaboration du projet, il consulte le guichet unique, directement ou par l'intermédiaire d'un prestataire ayant passé une convention avec celui-ci conformément à l'article R. 554-6, afin d'obtenir la liste et les coordonnées des exploitants de chacun de ces ouvrages ainsi que les plans détaillés des ouvrages en arrêt définitif d'exploitation ". Aux termes de l'article R. 554-21 de ce code :

" I. - Le responsable du projet adresse une déclaration de projet de travaux à chacun des exploitants d'ouvrages en service mentionnés à l'article précédent, et dont la zone d'implantation est touchée par l'emprise des travaux (...) ". L'article R. 554-25 du même code dispose quant à lui que : " I. ' L'exécutant des travaux adresse une déclaration d'intention de commencement de travaux à chacun des exploitants d'ouvrages en service (...) II. ' La déclaration d'intention de commencement de travaux reprend, dans le volet relatif à la déclaration de projet de travaux, exactement les mêmes informations que celles portées dans la déclaration de projet de travaux à laquelle elle se rapporte. Elle comporte l'indication aussi précise que possible de la localisation et du périmètre de l'emprise des travaux et de la nature des travaux et techniques opératoires prévus ".

5. Aux termes de l'article R. 554-26 du code de l'environnement : " I. ' Les exploitants sont tenus de répondre, sous leur responsabilité, dans le délai de sept jours, jours fériés non compris, après la date de réception de la déclaration d'intention de commencement de travaux dûment remplie. Ce délai est porté à neuf jours, jours fériés non compris, lorsque la déclaration est adressée sous forme non dématérialisée. (...) La réponse, sous forme d'un récépissé, est adressée à l'exécutant des travaux qui a fait la déclaration. Elle lui apporte toutes informations utiles pour que les travaux soient exécutés dans les meilleures conditions de sécurité, notamment celles relatives à la localisation des ouvrages existants considérés, à une échelle et avec un niveau de précision appropriés, et celles relatives aux précautions spécifiques à prendre selon les techniques de travaux prévues et selon la nature, les caractéristiques et la configuration de ces ouvrages. (...) II. ' L'exploitant peut, à son initiative ou en application de l'arrêté prévu au V du présent article, apporter tout ou partie des informations nécessaires, notamment celles relatives à la localisation de l'ouvrage, dans le cadre d'une réunion sur site. Dans ce cas, il prend contact avec le déclarant dans le délai maximal indiqué au I du présent article pour convenir d'un rendez-vous avec lui. Si le déclarant ne souhaite pas un rendez-vous à brève échéance, il prend l'initiative d'un nouveau contact avec l'exploitant pour la prise de rendez-vous. Pour les ouvrages présentant des enjeux importants en termes de sécurité justifiés par leurs caractéristiques propres ou par leurs conditions d'insertion dans l'environnement, ce mode opératoire est obligatoire, sauf s'il a été déjà appliqué en réponse à la déclaration de projet de travaux. (...) V. ' Un arrêté du ministre chargé de la sécurité des réseaux de transport et de distribution fixe le modèle du récépissé de la déclaration d'intention de commencement de travaux ainsi que sa notice d'emploi, les règles relatives, le cas échéant, à la dématérialisation de l'envoi du récépissé, les règles relatives à la précision minimale des informations accompagnant le récépissé et les cas où un rendez-vous sur site à la demande de l'exploitant pour préciser la localisation de son ouvrage est obligatoire. Il fixe en outre les modalités de traitement des déclarations incomplètes ".

6. Enfin, l'article 7 de l'arrêté du 15 février 2012 pris en application du chapitre IV du titre V du livre V du code de l'environnement relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution, prévoit en son I les indications que doivent comporter les plans que l'exploitant entend fournir avec le récépissé de déclaration d'intention de commencement de travaux. Cet article distingue en outre le cas où l'exploitant ne communique pas d'information cartographique avec le récépissé de déclaration, et celui où une partie au moins de l'ouvrage concerné par le projet de travaux est rangée par son exploitant dans la classe de précision B ou C et où cet ouvrage relève de l'une des catégories visées au 1 et au 2° du III de cet article. Dans les deux cas, l'exploitant de l'ouvrage doit apporter les informations relatives à la localisation de celui-ci dans le cadre d'une réunion sur site avec marquage ou piquetage, tenue au plus tard lors de la réponse à la déclaration d'intention de commencement de travaux, sous la responsabilité de l'exploitant et à ses frais.

En ce qui concerne la qualité de la victime et le régime de responsabilité applicable :

7. Les travaux en litige, qui ont consisté dans le confortement du talus situé au-dessus de la voie ferrée surplombant la plage à Roquebrune-Cap-Martin et qui ainsi ont été réalisés pour le compte de la SNCF, alors personne publique, dans l'intérêt d'une dépendance du domaine public ferroviaire, constitutif par ailleurs d'un ouvrage public, revêtent le caractère de travaux publics.

8. Certes, il est constant, d'une part, que la canalisation enfouie dans le chemin des douaniers et gérée par la société GRDF assure le transport de gaz visés par les dispositions, citées au point 5, du III de l'article 7 de l'arrêté du 15 février 2012 pris en application du

chapitre IV du titre V du livre V du code de l'environnement relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution, et d'autre part que les plans versés par cette société en annexe à son récépissé du

29 août 2017 de la déclaration d'intention de commencement des travaux établie par la société GRDF le 28 août 2017 précisent, à l'échelle 1/ 200, qu'ils appartiennent à la classe de

précision B, sauf pour les tronçons donnant lieu à indication d'une classe de précision autre. Ainsi, en application des dispositions de l'article 7 de l'arrêté du 15 février 2012, la société GRDF, exploitante de cet ouvrage, était tenue, à la suite du récépissé de la déclaration d'intention de commencement de travaux présentée par la société NGE Fondations, d'effectuer sous sa responsabilité, comme elle l'a annoncé dans son récépissé et comme elle l'a fait le

28 septembre 2017, une réunion sur site avec marquage et piquetage.

9. Néanmoins, alors même que la réunion sur site, organisée sous la responsabilité de la société GRDF et destinée à compléter les informations de classe de précision B données dans la réponse à la déclaration d'intention de commencement des travaux, a revêtu un caractère obligatoire, cette société, qui ne tire aucun avantage des travaux réalisés par la société GTS pour le compte de la SNCF et dont l'intervention en qualité d'exploitant de l'ouvrage est antérieure au commencement de ces travaux, ne peut être regardée comme une participante à cette opération de travaux, mais comme tiers à l'égard de celle-ci.

10. Par suite la société NGE Fondations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que pour engager sa responsabilité envers la société GRDF, le tribunal administratif de Nice n'a pas recherché si elle avait commis une faute de nature à justifier sa condamnation à réparer les préjudices subis par celle-ci.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la société NGE et la faute alléguée de la société GRDF :

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, notamment d'un procès-verbal de constat d'huissier du 11 octobre 2017, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que l'impact sur la conduite de gaz souterraine a été causé par un engin de chantier de la société GTS qui pratiquait alors une excavation dans le chemin des douaniers. Les travaux publics en litige sont donc à l'origine directe et certaine du sinistre subi par l'ouvrage exploité par la société GRDF.

12. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'à l'appui de son récépissé de déclaration d'intention de commencement de travaux, qui adresse à la société GTS, notamment, la recommandation de ne pas utiliser de pelle mécanique à l'intérieur du fuseau d'incertitude de l'ouvrage de gaz hors décroutage ou accord de l'exploitant, la société GRDF a joint des plans de localisation de ses ouvrages souterrains, de la classe de précision B qui correspond à un niveau d'incertitude maximale de localisation lié à une implantation du réseau ou tronçon, par rapport à sa position cartographiée, dans un fuseau inférieur ou égal à 1 mètre 50. Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne résulte ni des dispositions de l'article 7 de l'arrêté du 15 février 2012, ni d'aucun autre texte, que la société GRDF ait été tenue, lors de sa réponse à la déclaration d'intention de commencement des travaux, de livrer des plans de la classe de précision A qui correspond à un niveau d'incertitude maximale de localisation lié à une implantation du réseau ou tronçon rigide, par rapport à sa position cartographiée, dans un fuseau inférieur ou égal à

40 cm, en dehors des actions de contrôle. L'ensemble de ces plans, transmis sous forme dématérialisée à l'échelle 1/200 et au format A3, matérialisaient les coudes et changements de direction du réseau dans des conditions suffisamment lisibles et rendant possible leur impression au format A4, ainsi que le prévoient les dispositions du 1° et du 9° du I de l'article 7 de l'arrêté du 15 février 2012. S'il est vrai que, en méconnaissance des dispositions du 6° du I de ce même article, ces plans ne comportent qu'une seule référence géolocalisée, et non les coordonnées géoréférencées d'au moins trois points de l'ouvrage distants l'un de l'autre d'au moins 50 mètres, ou de trois points de l'ouvrage les plus éloignés possible l'un de l'autre si sa dimension maximale est inférieure à 50 mètres, il ne résulte pas de l'instruction que cette carence de l'exploitant de l'ouvrage ait joué un quelconque rôle causal dans la survenance du sinistre.

13. En troisième lieu, ainsi qu'elle l'avait annoncé dans son récépissé de déclaration d'intention de commencement des travaux, la société GRDF a établi le 28 septembre 2017 un compte rendu de la réunion sur site avec marquage et piquetage qu'elle a organisée en application des dispositions citées au point 6, indiquant la classe de précision A pour la planimétrie de localisation du réseau, et les classes de précision A et B pour le traçage au

radio-détecteur de câbles et de canalisations du type " RD 800 ". Contrairement à ce que soutient la société NGE Fondations, qui ne peut utilement se prévaloir des dispositions du II de l'article 7 de l'arrêté du 15 février 2012 issues de l'arrêté du 26 octobre 2018 portant modification de plusieurs arrêtés relatifs à l'exécution de travaux à proximité des réseaux, et donc postérieures aux faits en litige, aucune disposition de cet arrêté du 15 février 2012, pas même les dispositions du III de son article 6 alors en vigueur, n'imposait à l'exploitant de l'ouvrage souterrain de livrer lors de la réunion des informations relevant exclusivement de la classe de précision A, ni, compte tenu des informations sur la localisation de l'ouvrage ainsi données dans le cadre de la réunion sur site, de respecter ce seul niveau de précision lors de l'établissement du compte rendu de cette réunion.

14. En quatrième lieu, ce compte rendu de réunion, qui fixe à 10 le nombre de marquages avec une incertitude de 2 fois 0,50 cm et qui indique qu'il n'y a pas de marquages avec une incertitude de deux fois un mètre, prévoit que le marquage des ouvrages avec sa classe de précision sera réalisé et précise que l'entreprise chargée des travaux reconnaît que les renseignements ainsi obtenus sont suffisants pour lui permettre de réaliser ces travaux en toute sécurité. A rebours des allégations de la société NGE Fondations, il ne résulte pas de ce document que le changement de direction de la conduite de gaz ayant subi le sinistre en cause, matérialisé sur les plans initialement transmis, n'aurait pas été identifié par la société GRDF lors des opérations de marquage piquetage. Si le procès-verbal de constat d'huissier dressé le

11 octobre 2017, restituant les déclarations du représentant de la société GTS, indique qu'il n'y avait aucun marquage jaune à l'endroit du coude sinistré, et que les agents de GRDF, présents au moment des opérations de constatation, ne l'ont pas contesté, ce même constat, assorti de clichés photographiques des prises de mesure par l'officier ministériel, relève la présence, sur le sentier et au bord de l'excavation, d'un marquage de peinture jaune partiellement effacé. Ainsi, ce seul procès-verbal de constat, y compris en ce qu'il résulte de mesures prises par l'huissier lui-même, ne peut suffire à établir l'absence, à l'endroit du sinistre, d'un marquage jaune, ni que ce marquage ne correspondrait pas à l'un des dix marquages caractérisés par une incertitude de

2 fois 0,50 cm, mentionnés dans le compte rendu de réunion, ni à plus forte raison que le marquage effectivement réalisé aurait présenté un caractère strictement rectiligne. Il ne résulte pas non plus de l'instruction, pas même de ce procès-verbal de constat, que le marquage au sol n'aurait pas été effectué conformément aux prescriptions de l'article R. 554-27 du code de l'environnement, ou aux prévisions du guide d'application relative à la réglementation des travaux à proximité des réseaux, auquel renvoient les dispositions du IV de l'article 7 de l'arrêté du 15 février 2012.

15. Certes, enfin, en méconnaissance des prévisions de ce guide technique, le compte rendu de réunion de marquage, établi par l'exploitant de l'ouvrage enfoui, n'était pas accompagné de photos, plans, croquis ou tableaux de caractéristiques de tronçons qui faisaient apparaître les points singuliers que sont les changements de direction, dont le coude sinistré. Toutefois, compte tenu à la fois des plans initiaux dont disposait la société chargée des travaux et qu'il lui revenait de conserver et de consulter pendant la durée de ceux-ci, de la réalisation d'un marquage au sol localisant notamment ces changements de direction, et de la connaissance suffisante que la société a admis avoir acquise de ces éléments en complétant le compte rendu de réunion de marquage, le manquement ainsi commis par la société GRDF n'a pas en l'espèce été même pour partie à l'origine du sinistre.

16. Dans ces conditions, la société NGE Fondations n'est pas fondée à soutenir que les fautes de la société GRDF devraient l'exonérer en tout ou partie de sa responsabilité.

En ce qui concerne les préjudices subis par la société GRDF :

17. Pour allouer à la société GRDF une indemnité de 37 240,97 euros, majorée des intérêts de retard et de leur capitalisation, le tribunal a retenu que le dommage subi par sa conduite de gaz avait engendré pour elle des frais d'immobilisation du réseau, des frais de personnel, de matériaux et de prestations extérieures, dont il est utilement justifié en cause d'appel par la production de tableaux et détails de sommes engagées. En se bornant à relever que la société GRDF ne produisait en première instance qu'une seule pièce pour justifier de la réalité et de l'étendue de ses préjudices, sans tenir compte des nouvelles productions de celle-ci accompagnant son mémoire en défense devant la Cour, ni contester l'effectivité et l'utilité des débours correspondants, l'appelante ne conteste pas efficacement la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société NGE Fondations n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à verser à la société GRDF la somme de 37 240,97 euros, majorée des intérêts de retard et de leur capitalisation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société NGE Fondations tendant à la condamnation de la société GRDF à réparer ses préjudices :

19. D'une part, le litige né de l'exécution d'une opération de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé. En dehors de cette hypothèse, il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de conclusions indemnitaires formées par un participant à une opération de travaux publics contre un tiers à cette opération.

20. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 9, la société GRDF n'a pas la qualité de participante à l'opération de travaux publics en litige, les conclusions reconventionnelles présentées en première instance par la société NGE Fondations, personne morale de droit privé, contre cette société, elle-même personne privée, et tendant à sa condamnation à réparer les préjudices qu'elle dit avoir subis du fait des prétendus manquements de l'exploitant à ses obligations découlant du code de l'environnement, sont portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et ne peuvent qu'être rejetées. Il en va de même, pour les mêmes motifs, de ses prétentions tendant aux mêmes fins présentées à nouveau en cause d'appel.

21. D'autre part, si, comme elle l'indique dans ses observations sur le moyen relevé d'office par la Cour, la société NGE Fondations a entendu, depuis la première instance, présenter ses conclusions reconventionnelles sur le fondement de la responsabilité même sans faute de la société GRDF prise en sa qualité d'exploitante de la canalisation de gaz endommagée, constitutive d'un ouvrage public, les dommages dont elle demande la réparation et qui tiennent aux conséquences du retard de chantier causé par le sinistre du 11 octobre 2017, n'ont pas pour origine directe l'existence de cet ouvrage, mais les travaux publics en litige. Ses conclusions reconventionnelles ainsi formulées ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de de ses frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société NGE Fondations est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société GRDF présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiées NGE Fondations et à la société anonyme GRDF.

Copie en sera adressée à la SNCF.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

N° 22MA030702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03070
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SCP DE ANGELIS & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;22ma03070 ?
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