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29/03/2024 | FRANCE | N°22MA03135

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 29 mars 2024, 22MA03135


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune du Thoronet a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 16 avril 2020 par lequel le préfet du Var a enregistré la demande de la société méridionale des carrières (Someca) concernant des installations de stockage de déchets inertes, de concassage, criblage et transit de matériaux sur le territoire communal.



Par un jugement n° 2002198 du 28 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

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Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Thoronet a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 16 avril 2020 par lequel le préfet du Var a enregistré la demande de la société méridionale des carrières (Someca) concernant des installations de stockage de déchets inertes, de concassage, criblage et transit de matériaux sur le territoire communal.

Par un jugement n° 2002198 du 28 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2022 et 14 décembre 2023, la commune du Thoronet, représentée par la SELARL Grimaldi et Associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2020 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Someca une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en ne décidant pas d'un basculement en régime d'autorisation, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement eu égard à la sensibilité du milieu et au cumul d'incidences lié à la présence à proximité d'une carrière de granulats ;

- l'étude d'incidence Natura 2000 est insuffisante au regard des exigences issues de l'article R. 414-23 du code de l'environnement ; le dossier aurait dû prévoir des solutions alternatives et des mesures compensatoires, en application du IV de l'article R. 414-23 du code de l'environnement ;

- le dossier ne respectait pas les exigences des arrêtés du 26 novembre 2012, 10 décembre 2013 et 12 décembre 2014 ; manquaient une notice des mesures destinées à réduire l'impact des transports et manipulations, la référence à un réservoir d'eau unique et suffisant, ainsi qu'un plan de collecte des effluents ;

- le préfet n'a pas effectué un examen particulier du dossier ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; les prescriptions relatives à la conservation du site classé de l'abbaye du Thoronet et de son vallon sont insuffisantes ; celles relatives à la protection de la nature, des sites et des paysages le sont également ;

- les articles L. 110-1 et L. 163-1 du code de l'environnement sont méconnus, une perte nette de biodiversité résultant du projet ;

- le projet est incompatible avec le plan local d'urbanisme ; il est situé en zone A ou en zone N du plan n'autorisant pas ce type d'activités ;

- le dispositif de lutte contre l'incendie ne respecte par les exigences de l'arrêté du 26 novembre 2012 ;

- le préfet ne pouvait légalement se référer aux objectifs du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires pour justifier l'arrêté litigieux ;

- le projet ne permet pas d'atteindre ces objectifs, ni ceux du plan départemental de gestion des déchets, qui sont déjà couverts ; l'arrêté est à cet égard entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement sont méconnues, aucune protection contre la pollution des sols et des nappes souterraines n'étant prévue ;

- les dispositions relatives à l'accès au site, prévues par les arrêtés des 26 novembre 2012, 10 décembre 2013 et 12 décembre 2014, de même que les dispositions du plan local d'urbanisme de la commune du Cannet-des-Maures en la matière, ne sont pas respectées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Par des mémoires enregistrés les 29 septembre 2023 et 15 janvier 2024, la société Someca, représentée par la SCP Boivin et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune du Thoronet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;

- le code de l'environnement ;

- le code forestier ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières ;

- l'arrêté du 26 novembre 2012 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations de broyage, concassage, criblage, etc., relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2515 de la nomenclature des installations classées, y compris lorsqu'elles relèvent également de l'une ou plusieurs des rubriques n° 2516 ou 2517 pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 10 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations de transit de produits minéraux ou de déchets non dangereux inertes autres que ceux visés par d'autres rubriques relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2517 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 12 décembre 2014 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations du régime de l'enregistrement relevant de la rubrique n° 2760 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Grimaldi, représentant la commune du Thoronet, et de Me Bazin, représentant la société Someca.

Considérant ce qui suit :

1. La commune du Thoronet relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 28 octobre 2022 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2020, par lequel le préfet du Var a enregistré la demande de la société Someca concernant des installations de stockage de déchets inertes, de concassage, criblage et transit de matériaux au sein d'une ancienne carrière, lieu-dit " A... ", sur le territoire communal.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la procédure :

2. En premier lieu, l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement prévoit que le préfet peut décider que la demande d'enregistrement sera instruite selon les règles de procédure prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier pour les autorisations environnementales, c'est-à-dire selon le régime de l'autorisation : " 1° Si, au regard de la localisation du projet, en prenant en compte les critères mentionnés à l'annexe III de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, la sensibilité environnementale du milieu le justifie ; / 2° Ou si le cumul des incidences du projet avec celles d'autres projets d'installations, ouvrages ou travaux situés dans cette zone le justifie ; / 3° Ou si l'aménagement des prescriptions générales applicables à l'installation, sollicité par l'exploitant, le justifie ; / Dans les cas mentionnés au 1° et au 2°, le projet est soumis à évaluation environnementale. Dans les cas mentionnés au 3° et ne relevant pas du 1° ou du 2°, le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale. / (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le préfet doit se livrer à un examen du dossier afin d'apprécier, tant au regard de la localisation du projet que des autres critères mentionnés à l'annexe III de la directive, relatifs à la caractéristique des projets et aux types et caractéristiques de l'impact potentiel, si le projet doit faire l'objet d'une évaluation environnementale, ce qui conduit alors à le soumettre au régime de l'autorisation environnementale. (cf. CE, 25.09.19, n° 427145)

4. Au titre du type et des caractéristiques de l'impact potentiel du projet qu'il y a ainsi lieu d'apprécier, le point 3 de l'annexe III de la directive à laquelle il est renvoyé, mentionne qu'il doit notamment être tenu compte de : " h) la possibilité de réduire l'impact de manière efficace ". L'article 4 de la directive précise à cette fin, en son point 4, que " Lorsque les États membres décident d'exiger une détermination pour les projets énumérés à l'annexe II, le maître d'ouvrage fournit des informations sur les caractéristiques du projet et sur les incidences notables qu'il est susceptible d'avoir sur l'environnement. La liste détaillée des informations à fournir est indiquée à l'annexe II.A. Le maître d'ouvrage tient compte, le cas échéant, des résultats disponibles d'autres évaluations pertinentes des incidences sur l'environnement réalisées en vertu d'actes législatifs de l'Union autres que la présente directive. Le maître d'ouvrage peut également fournir une description de toutes les caractéristiques du projet et/ou les mesures envisagées pour éviter ou prévenir ce qui aurait pu, à défaut, constituer des incidences négatives notables sur l'environnement ".

5. L'enregistrement en litige concerne des installations de stockage de déchets inertes, de concassage, criblage et transit de matériaux au sein d'une ancienne carrière de bauxite puis de matériaux calcaires, ayant fonctionné jusqu'en 1997, à l'état naturel depuis lors, ce qu'ont dûment pris en compte les services instructeurs. Le projet a vocation à combler la zone de carrière, par le stockage de 200 000 tonnes de matériaux maximum par an et un total, sur les 30 ans d'autorisation, de 3,4 millions de tonnes, puis à la végétaliser. La superficie d'emprise est de 198 000 m². Si le site se trouve en partie au sein de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique de type II " collines du Recoux ", laquelle est répertoriée à raison de sa flore et de la présence de la tortue d'Hermann et du cloporte de Provence, il est en lui-même très dégradé et ne constitue pas une zone à enjeux pour ces deux espèces. Par ailleurs, s'il constitue un corridor de déplacement des chiroptères et si une cavité y est utilisée comme gîte par certains de ces animaux, celle-ci est située hors du périmètre de terrassement et le pétitionnaire a prévu diverses mesures, reprises par l'arrêté préfectoral, notamment de préservation des points d'eau et de haies ou d'encadrement des modalités de fonctionnement de l'installation et de réaménagement du site. En outre, des suivis complémentaires des espèces sont prévus au fur et à mesure de l'avancement de l'exploitation, afin d'adapter le projet et son phasage. Dès lors, l'impact de l'installation sur les chiroptères fréquentant le site sera faible, ainsi que l'ont d'ailleurs estimé les services compétents, après visite sur place et étude naturaliste. Enfin, la carrière se trouve à 2,8 km de la zone Natura 2000 du Val d'Argens, la plus proche, n'est pas particulièrement visible depuis le vallon classé de l'abbaye du Thoronet se trouvant à 2 km et il n'apparait pas que de quelconques incidences du projet, que la requérante ne précise d'ailleurs pas, se cumuleraient avec d'autres résultant de la présence d'une carrière de granulats sur le territoire de la commune voisine du Cannet-des-Maures, à presque 4 km de distance. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement estimer, tant au regard de la localisation du projet, de ses caractéristiques, que du type et des caractéristiques de son impact potentiel, que le projet ne présentait pas une sensibilité environnementale justifiant la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I.- Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / (...) / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / (...) / III. - Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. / (...) / IV bis. - Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative. / (...) ". La liste nationale en cause, fixée par l'article R. 414-19 du même code mentionne " Les installations classées soumises à enregistrement en application de l'article L. 512-7 du code de l'environnement, dès lors que ces installations sont localisées en site Natura 2000 ".

7. Dès lors que l'installation en litige n'est ni localisée en site Natura 2000, ni susceptible d'affecter un tel site, le plus proche étant, ainsi qu'il a été dit précédemment, situé à 2,8 km, il résulte de ces dispositions qu'elle n'était pas soumise à l'établissement d'un dossier d'évaluation des incidences Natura 2000. Il ne saurait ainsi être utilement soutenu que le dossier fourni ne répondrait pas aux exigences des dispositions de l'article R. 414-23 du code de l'environnement fixant le contenu d'un tel dossier, notamment dans l'hypothèse d'effets significatifs dommageables subsistant sur l'état de conservation des habitats naturels et des espèces protégés.

8. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la pétitionnaire a fourni, à l'appui de sa demande d'enregistrement, des tableaux justifiant des mesures prises pour se conformer aux exigences des arrêtés des 26 novembre 2012, 10 décembre 2013 et 12 décembre 2014, notamment s'agissant des opérations de transport et des manipulations de matériaux en renvoyant à une pièce jointe n° 7, des moyens de défense contre l'incendie et du dispositif de collecte des effluents, le schéma des eaux de ruissellement fourni étant à ce dernier égard suffisant. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que le dossier aurait été incomplet.

9. En quatrième et dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, au regard de l'arrêté litigieux et de ses nombreux documents préparatoires, notamment le rapport établi par l'inspecteur de l'environnement le 28 janvier 2020, faisant état des avis défavorables des conseils municipaux du Thoronet et du Cannet-des-Maures et les analysant, et le compte-rendu de la réunion du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier du dossier.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'enregistrement :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / (...) ". Aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 512-7-3 du code de l'environnement : " En vue d'assurer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et, le cas échéant, à l'article L. 211-1, le préfet peut assortir l'enregistrement de prescriptions particulières complétant ou renforçant les prescriptions générales applicables à l'installation. (...) ".

11. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le site d'implantation serait particulièrement visible depuis le vallon classé de l'abbaye du Thoronet se trouvant à 2 km, l'abbaye elle-même étant située à 4,5 kilomètres de l'installation, alors en tout état de cause que le projet vise in fine au comblement et à la végétalisation de la carrière. Ce vallon classé ne paraît par ailleurs pas susceptible d'être impacté par les nuisances sonores, atmosphériques et par des mouvements de terrain ou des vibrations émanant de l'installation projetée.

12. D'autre part, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le projet serait susceptible de porter atteinte à la tortue d'Hermann et au cloporte de Provence, dès lors que les services compétents ont estimé que le site d'implantation n'était pas, au regard de son caractère très dégradé, une zone à enjeu pour ces deux espèces et que la requérante n'apporte aucun élément susceptible de contredire cette analyse. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 5, si des enjeux ont été identifiés pour les chiroptères, concernant les gîtes et les corridors de déplacement, il résulte de l'étude naturaliste datée du 16 avril 2019 que le projet n'est pas incompatible avec ceux-ci au regard des mesures mises en œuvre par l'exploitant et des conditions d'exploitation de l'installation. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le projet de la société Someca porterait atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

13. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être évoqués et ceux développés au point 5, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'enregistrement opéré par le préfet méconnaitrait les dispositions des articles L. 110-1 et L. 163-1 du code de l'environnement, et particulièrement le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, et l'objectif d'absence de perte nette de biodiversité.

14. En troisième lieu, en vertu du premier alinéa de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme, le règlement et les documents graphiques du plan local d'urbanisme sont opposables à l'ouverture des installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan. Il en résulte que les prescriptions de celui-ci qui déterminent les conditions d'utilisation et d'occupation des sols et les natures d'activités interdites ou limitées s'imposent aux actes permettant d'exploiter délivrés au titre de la législation des installations classées. Par ailleurs, il appartient au juge du plein contentieux des installations classées de se prononcer sur la légalité de l'enregistrement au regard des règles d'urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance.

15. En l'espèce le projet est situé essentiellement en zone N du plan local d'urbanisme, partiellement en sous-secteur Nco, et résiduellement en zone A. Les règlements des deux zones, dans leur rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, précisent que sont autorisés " à condition qu'ils soient directement nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics : / - Les installations, constructions ou ouvrages techniques, y compris ceux relevant de la règlementation sur les installations classées, sous réserve de démontrer d'un intérêt public des installations, de la nécessité technique de leur implantation en zone (...) et qu'ils ne portent pas atteinte au caractère de la zone ". Il est également prévu que tout projet en sous-secteur Nco " devra justifier de sa prise en compte du risque feux de forêt ". L'arrêté du 26 novembre 2012 précise par ailleurs, en son article 17, que l'installation est dotée de moyens de lutte contre l'incendie appropriés aux risques, dans des conditions qu'il précise.

16. D'une part, il ne saurait être sérieusement contesté que le projet en litige, qui vise, ainsi qu'il a déjà été dit, à combler une ancienne carrière et à végétaliser un site dégradé, ne porte pas atteinte au caractère des zones concernées et voit la nécessité technique de son implantation à cet endroit justifiée par elle-même. Par ailleurs, le plan régional de prévention et de gestion des déchets estime nécessaire de créer entre 9 et 25 installations de stockage des déchets inertes entre 2015 et 2031, dont 3 à 6 à l'échelle du bassin de vie qui présente un déficit évalué à 400 000 tonnes par an. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, la carrière implantée à proximité, sur la commune du Cannet-des-Maures, habilitée à recevoir des matériaux inertes d'apport extérieur de 300 000 tonnes par an et qui était déjà en activité lors de l'élaboration de ce plan, n'est pas en mesure de satisfaire à elle seule ces manques. Dès lors, le projet litigieux contribue à la satisfaction de besoins collectifs tenant à la valorisation et au stockage des déchets inertes, outre qu'il conduit à la réhabilitation du site en cause. Il présente de ce fait un intérêt public qui lui confère le caractère d'un équipement collectif au sens du règlement du plan local d'urbanisme communal.

17. D'autre part, il ne saurait être sérieusement soutenu que le projet ne prend pas en compte le risque de feux de forêt alors qu'est notamment prévue, conformément aux dispositions de l'article 17 de l'arrêté du 26 novembre 2012, une réserve d'eau dédiée à la lutte contre l'incendie d'une capacité totale de 120 mètres cubes. La circonstance que cette réserve soit répartie en deux bassins, alors qu'il ne résulte pas du dossier qu'un de ces bassins serait destiné à l'arrosage des stocks et pistes afin de limiter l'émission de poussières et qu'il ne saurait être préjugé de ce que la société ne respecterait pas ses engagements, est sans incidence.

18. Dès lors, et alors même que le préfet s'est mépris en vérifiant que le projet respectait, non pas les règles issues du plan local d'urbanisme approuvé le 6 mars 2020 mais celles du règlement national d'urbanisme, les moyens tirés de la méconnaissance dudit plan et de l'arrêté du 26 novembre 2012 s'agissant des dispositifs de lutte contre l'incendie doivent être écartés.

19. En quatrième lieu, si la légalité de l'enregistrement en cause ne doit pas s'apprécier par référence aux dispositions du schéma régional d'aménagement, reprenant le plan régional de prévention et de gestion des déchets, de développement durable et d'égalité des territoires, la seule circonstance que le préfet a mentionné que le projet de la société Someca participera à l'atteinte des objectifs fixés par ce schéma en matière de gestion des déchets n'est pas de nature à entacher d'erreur de droit l'arrêté en litige. Par ailleurs, ainsi que cela résulte de ce qui a été exposé au point 16 ci-dessus, cette appréciation ne repose pas sur des faits inexacts, ni n'est elle-même erronée.

20. En cinquième lieu, si la requérante soutient que les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement seraient méconnues dès lors qu'aucune protection des eaux et mesure de lutte contre la pollution des sols et des nappes souterraines ne serait prévue, elle ne conteste pas sérieusement qu'aucun lavage des matériaux sur site n'est envisagé, ceux-ci faisant l'objet d'une procédure stricte de contrôle, ni par conséquent aucun rejet de polluant nécessitant l'adoption d'un plan de gestion particulier. Par ailleurs, le risque lié à d'éventuels écoulements d'hydrocarbures, en provenance des véhicules apporteurs ou des engins de crible et de concassage, a dûment été pris en compte, conformément aux dispositions de l'article 13 de l'arrêté du 12 décembre 2014, par le stockage des produits de petit entretien sur des aires étanches avec rétention réglementaire et par un approvisionnement en carburant par camion-citerne au-dessus d'une aire étanche, le cas échéant mobile. Un dispositif de recueil des eaux de ruissellement s'écoulant sur les aires imperméabilisées via un réseau de fossé puis un double bassin étanche avec décanteur / déshuileur, permet de circonscrire tout risque, nécessairement réduit, lié aux ruissellements d'eaux superficielles polluées. En outre l'organisation de la circulation sur site et la formation des personnels sont prévus.

21. En sixième et dernier lieu, d'une part, l'article L. 134-3 du code forestier prévoit que : " Les voies de défense des bois et forêts contre l'incendie ont le statut de voies spécialisées, non ouvertes à la circulation générale. / L'acte instituant la servitude énonce les catégories de personnes ayant accès à ces voies et fixe les conditions de leur accès ". D'autre part, l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme précise que : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / 2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier ; / (...) ". Ces dispositions ont pour objet de permettre aux auteurs d'un document d'urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics ou à des installations d'intérêt général, le propriétaire restant libre de l'utilisation de son terrain sous réserve qu'elle n'ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation.

22. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte pas des éléments qu'elle fournit que les dimensions de la voie d'accès au site depuis la route départementale n° 17, utilisée durant la période d'exploitation de la carrière, seraient insuffisantes pour permettre la circulation des poids-lourds. Par ailleurs, si la commune du Thoronet fait valoir que cette voie, dite " piste du Recoux ", aurait été délimitée dans le règlement du plan local d'urbanisme de la commune du Cannet-des-Maures comme emplacement réservé afin de constituer une piste de défense contre l'incendie, il ne résulte pas de cette circonstance qu'elle ne pourrait plus être utilisée pour l'accès aux installations litigieuses, dès lors qu'un tel usage n'a pas, en lui-même, pour effet de rendre la voie incompatible avec la destination prévue. Enfin, dans l'hypothèse où le chemin deviendrait effectivement une piste de défense contre l'incendie, la commune n'indique pas en quoi la servitude prévue à l'article L. 134-3 du code forestier ne pourrait pas prévoir ce double usage. Dès lors les moyens tirés de ce que l'accès au site ne respecterait pas les dispositions des arrêtés du 26 novembre 2012, 10 décembre 2013 et 12 décembre 2014 et du plan local d'urbanisme de la commune du Cannet-des-Maures doivent être écartés.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la commune du Thoronet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 avril 2020.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de la société Someca qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Thoronet une somme de 2 000 euros à verser à la société Someca sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune du Thoronet est rejetée.

Article 2 : La commune du Thoronet versera une somme de 2 000 euros à la société Someca au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Thoronet, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Someca.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 mars 2024.

2

N° 22MA03135

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03135
Date de la décision : 29/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Nature et environnement.

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement.

Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA & ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-29;22ma03135 ?
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