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14/03/2024 | FRANCE | N°22NC00680

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 14 mars 2024, 22NC00680


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en droits et pénalités des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2016.



Par un jugement n° 2006148 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en d

roits et pénalités des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en droits et pénalités des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 2006148 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge en droits et pénalités des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2016.

Par un jugement n° 2005499 du 7 janvier 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 15 mars 2022, sous le numéro 22NC00680 et un mémoire enregistré le 26 août 2022, M. C..., représenté par Me Richert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que l'administration, afin de lui appliquer la règle du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts, a considéré que la SCI Wegas avait cédé, par l'acte du 30 mai 2016, de manière distincte l'usufruit temporaire et la nue-propriété de l'immeuble, alors qu'elle n'en a cédé que la pleine-propriété, le démembrement du droit de propriété de cet immeuble étant le fait des acquéreurs et qu'elle ne conservait pas la nue-propriété ; en conséquence, en l'absence d'une cession d'un usufruit temporaire, cette règle ne pouvait lui être appliquée ;

- lorsque le vendeur d'un bien cède à la fois la nue-propriété et l'usufruit d'un bien à des acquéreurs distincts, il réalise une vente en contrepartie d'un seul prix et en s'obligeant à transférer la propriété du bien et non pas une cession d'usufruit en vertu des règles du droit civil lesquelles ont lieu de s'appliquer en l'espèce dans le silence de la loi fiscale ;

- l'administration s'est fondée sur sa propre doctrine, la réponse ministérielle Lambert du 2 juillet 2013 reprise au BOI-IR-BASE-10-10-30 n° 90, laquelle est illégale.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

II. Par une requête enregistrée le 15 mars 2022, sous le numéro 22NC00682 et un mémoire enregistré le 26 août 2022, Mme B..., représentée par Me Richert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration, afin de lui appliquer la règle du 1° du 5 de l'article 13 du code général des impôts, a considéré que la SCI Wegas avait cédé, par l'acte du 30 mai 2016, de manière distincte l'usufruit temporaire et la nue-propriété de l'immeuble, alors qu'elle n'en a cédé que la pleine-propriété, le démembrement du droit de propriété de cet immeuble étant le fait des acquéreurs et qu'elle ne conservait pas la nue-propriété ; en conséquence, en l'absence d'une cession d'un usufruit temporaire, cette règle ne pouvait lui être appliquée ;

- lorsque le vendeur d'un bien cède à la fois la nue-propriété et l'usufruit d'un bien à des acquéreurs distincts, il réalise une vente en contrepartie d'un seul prix et en s'obligeant à transférer la propriété du bien et non pas une cession d'usufruit en vertu des règles du droit civil lesquelles ont lieu de s'appliquer en l'espèce dans le silence de la loi fiscale ;

- l'administration s'est fondée sur sa propre doctrine, la réponse ministérielle Lambert du 2 juillet 2013 reprise au BOI-IR-BASE-10-10-30 n° 90, laquelle est illégale.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucun des moyens invoqués par Mme B... n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Agnel ;

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Peeters, représentant les requérants.

Des notes en délibéré ainsi que des mémoires distincts comportant une question prioritaire de constitutionnalité, enregistrés le 20 février 2024, ont été présentés pour Mme C... et M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme B... détiennent chacun la moitié du capital de la SCI Wegas, sur les résultats de laquelle ils sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers en application de l'article 8 du code général des impôts. Cette société a fait l'objet d'un contrôle sur place ayant concerné la cession d'un immeuble lui appartenant effectuée le 30 mai 2016. A la suite de cette vérification, l'administration fiscale a procédé au rehaussement du bénéfice imposable de la SCI Wegas au titre de l'année 2016 à hauteur d'une somme de 110 000 euros. A la suite d'une procédure de rectification effectuée dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration a imposé M. C... et Mme B... dans la catégorie des revenus fonciers en leur qualité d'associés de la SCI, chacun sur la moitié de cette somme. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2020 et les réclamations préalables des contribuables ont été rejetées le 7 août de la même année. Par les deux requêtes ci-dessus visées lesquelles concernent les conséquences fiscales d'une même opération, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, M. C... et Mme B... relèvent appel des jugements du 7 janvier 2022 par lesquels le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

2. Aux termes de l'article 13 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " 5.1°. Pour l'application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l'imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d'être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l'usufruit temporaire cédé. Lorsque l'usufruit temporaire cédé porte sur des biens ou droits procurant ou susceptibles de procurer des revenus relevant de différentes catégories, le produit résultant de la cession de cet usufruit temporaire, ou le cas échéant sa valeur vénale, est imposable dans chacune de ces catégories à proportion du rapport entre, d'une part, la valeur vénale des biens ou droits dont les revenus se rattachent à la même catégorie et, d'autre part, la valeur vénale totale des biens ou droits sur lesquels porte l'usufruit temporaire cédé ". Il résulte de ces dispositions que le produit résultant de la première cession à titre onéreux d'un même usufruit temporaire est imposable au nom du cédant dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré et que leur champ d'application recouvre toutes les premières cessions à titre onéreux d'un même usufruit pour une durée explicitement déterminée entre les parties à l'acte de cession.

3. Par un acte authentique du 30 mai 2016, la SCI Wegas a vendu à deux cessionnaires différents un immeuble situé dans la commune de Hoenheim (Bas-Rhin) moyennant le prix de 151 492 euros. Par cet acte, le premier acquéreur, la SCI Vical, a acquis la nue-propriété de l'immeuble tandis que le second, la SARL Activ'4, en a acquis l'usufruit temporaire jusqu'au 29 mai 2028, date à laquelle la pleine propriété se reconstituera entre les mains du premier acquéreur.

4. Il résulte de ces stipulations que si la SCI Wegas a bien cédé l'entière propriété de son immeuble, il n'en demeure pas moins que la SARL Activ'4 s'est rendue acquéreuse du seul usufruit temporaire de l'immeuble et que cette acquisition trouve sa cause, non pas dans un accord conclu avec la SCI Vical mais dans l'obligation contractée à son égard par la SCI Wegas au terme et en vertu des stipulations de l'acte litigieux du 30 mai 2016. En conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la constitution d'un usufruit temporaire au profit de la SARL Activ'4 serait la conséquence d'un accord conclu entre les seuls acquéreurs. Il s'en déduit que l'opération litigieuse a emporté la cession d'un usufruit temporaire alors même que la pleine propriété n'avait pas vocation à se reconstituer au profit du cédant à l'expiration de cet usufruit. La circonstance qu'une telle opération ne revêtirait pas la qualification de cession d'usufruit en droit civil, du point de vue du vendeur, demeure sans incidence sur l'application de la loi fiscale qu'il convient de faire à l'acte litigieux. Dès lors, c'est par une exacte application des dispositions ci-dessus reproduites du 5 de l'article 13 du code général des impôts que l'administration a imposé le profit provenant de cette première cession à titre onéreux d'usufruit dans la catégorie des revenus fonciers. La circonstance qu'il n'existe aucun lien entre les acquéreurs de l'immeuble et la SCI Wegas ainsi que ses associés et que l'acte litigieux ne s'est pas inscrit dans une stratégie d'optimisation ou d'évasion fiscale ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions laquelle résulte clairement des termes de la loi.

5. Il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale s'est fondée à juste titre sur les dispositions de la loi fiscale. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration se serait illégalement fondée sur sa propre doctrine, résultant de la réponse ministérielle Lambert du 2 juillet 2013 reprise au BOI-IR-BASE-10-10-30 n° 90, afin de procéder aux rectifications litigieuses.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il n'y ait lieu de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis, que M. C... et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées de M. C... et de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 15 février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Rousselle, présidente de la cour,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLa présidente,

Signé : P. Rousselle

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°s 22NC00680 et 22NC00682

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00680
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;22nc00680 ?
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