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11/04/2024 | FRANCE | N°24NC00283

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 11 avril 2024, 24NC00283


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le 2 mai 2022, Mme C... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de prescrire une expertise en vue de déterminer les responsabilités et préjudices subis suite à une thyroïdectomie pour goitre pratiquée le 29 novembre 2018 au sein de l'hôpital de Vesoul, établissement dépendant du groupe hospitalier de la Haute-Saône.



Par une ordonnance n°22NC02571 du 18 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif d

e Besançon a rejeté sa requête.



Par une requête reçue le 19 octobre 2022 au greffe de la Cour, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 2 mai 2022, Mme C... D... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de prescrire une expertise en vue de déterminer les responsabilités et préjudices subis suite à une thyroïdectomie pour goitre pratiquée le 29 novembre 2018 au sein de l'hôpital de Vesoul, établissement dépendant du groupe hospitalier de la Haute-Saône.

Par une ordonnance n°22NC02571 du 18 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête.

Par une requête reçue le 19 octobre 2022 au greffe de la Cour, Mme D... a formé appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon.

Par une ordonnance n°22NC02571du 6 février 2023, la présidente de la Cour a annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon et décidé qu'il serait procédé à une expertise et donné pour mission aux experts :

1°) de se faire communiquer tous les documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission, notamment examiner le dossier médical de Mme D... et d'entendre tous sachants ;

2°) d'examiner Mme D..., décrire son état de santé avant et après la thyroïdectomie totale pratiquée au centre hospitalier de Vesoul, décrire son état de santé actuel et retracer, en tant que de besoin, son histoire médicale ;

3°) de préciser si Mme D... a bénéficié de la part du centre hospitalier d'une information suffisante sur le risque de survenance d'une lésion trachéale du fait de la méthode d'anesthésie générale employée ;

4°) d'une manière générale, de réunir tous les éléments susceptibles d'éclairer le tribunal sur l'existence de fautes ou de négligences dans la prise en charge de Mme D..., dans les indications opératoires ou dans le geste médical pratiqué lors de l'anesthésie précédant la thyroïdectomie totale pratiquée au centre hospitalier de Vesoul ; dans le cas où les séquelles auraient plusieurs causes, indiquer la part imputable à chacune d'elles et, notamment aux actes accomplis ou non accomplis, à l'exclusion des séquelles le cas échéant imputables à l'état initial de l'intéressée, à son évolution prévisible, à des soins administrés par tout autre établissement ou praticien, à d'autres pathologies ou à toute autre cause ;

5°) de préciser, en cas de faute ou de manquement aux règles de l'art, quels sont les préjudices imputables à cette faute ou ce manquement en les distinguant des conséquences normalement prévisibles de la pathologie initiale, à l'exclusion de tout état antérieur et de toute cause étrangère ;

6°) de préciser si la lésion trachéale subie par Mme D... est liée à l'utilisation d'une sonde d'intubation défectueuse lors de l'anesthésie générale ;

7°) de fixer la date de consolidation ; en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir Mme D... ;

8°) de déterminer et évaluer les divers chefs de préjudice subis de toute nature, notamment la durée de l'incapacité temporaire totale, la durée et l'importance de l'incapacité temporaire partielle, l'importance de l'incapacité permanente partielle, le pretium doloris, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, l'incidence et le retentissement des lésions sur la vie professionnelle, ainsi que les troubles dans les conditions d'existence, à l'exclusion des séquelles imputables à l'état de santé initial, à tout autre pathologie ;

9°) d'une manière générale, d'apporter tous éléments qui seraient utiles à la solution du litige.

Le groupe hospitalier de la Haute-Saône s'est alors pourvu en cassation contre l'ordonnance du 6 février 2023.

Par une décision n°471514 du 1er décembre 2023, le Conseil d'Etat a annulé l'article 3 de l'ordonnance du 6 février 2023 de la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il fixe les points 3, 4 et 5 des missions des experts, rejeté le surplus des conclusions du pourvoi et l'appel de Mme D... devant la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il porte sur sa demande d'expertise en rapport avec une éventuelle action tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute du groupe hospitalier de la Haute-Saône.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2024, Le groupe hospitalier de la Haute-Saône, représenté par Me Le Prado, demande à la cour :

1°) d'étendre les opérations de l'expertise ordonnée le 6 février 2023 à la société Medtronic France ;

2°) de mettre à la charge de la société Medtronic France la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mesure d'extension sollicitée est utile notamment car il dispose d'une action récursoire contre le fournisseur du produit qui se serait avéré défectueux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2024, la société Medtronic France, représentée par Me Bandon-Tourret, demande à la cour :

1°) de lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à la mesure d'expertise et de ses protestations et réserves ;

2°) de compléter la mesure d'expertise en ces termes :

- Dire si l'état de santé actuel de Mme D... est la conséquence de l'évolution prévisible de la pathologie initiale, d'une affection iatrogène ou d'une infection nosocomiale et s'il s'agit d'un aléa, préciser en quoi ce dernier a eu des conséquences anormales au regard de l'évolution prévisible de la pathologie initiale,

- Analyser de façon détaillée et motivée si les produits de santé utilisés dans le cadre du traitement de Mme D... présentaient une défaillance ayant entraîné des préjudices en tenant compte de la littérature médicale et de ses instructions d'utilisation. Déterminer, le cas échéant, l'imputabilité des seuls préjudices subis par Mme D... avec la défaillance d'un tel produit de santé.

- Se référant strictement aux éventuels éléments de préjudice résultant d'éléments susceptibles d'être retenus effectivement établis et effectivement imputables

Préciser si ce lien de causalité présente un caractère direct, exclusif ou si seule une perte de chance peut être envisagée. S'il s'agit d'une perte de chance, préciser dans quelle proportion celle-ci est à l'origine des préjudices allégués par Mme D.... Indiquer le taux de survenance de la complication présentée en tenant compte de l'état spécifique de santé de Mme D.... Si l'origine des préjudices est plurifactorielle, préciser la part respectivement imputable à chacune des causes retenues;

3°) de rejeter les conclusions formées par le groupe hospitalier de la Haute-Saône au titre de l'application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le complément d'expertise sollicité est utile pour préciser dans quelle mesure le potentiel défaut du produit de santé est à l'origine des préjudices subis par Mme D....

Par un mémoire, enregistré le 28 mars 2024, Mme D..., représentée par Me Tadic, demande à la cour de lui donner acte qu'elle ne s'oppose pas à l'extension de l'expertise judiciaire sollicitée par le groupe hospitalier de la Haute-Saône et s'en rapporte à la prudence de la justice sur la mise en cause de la société Medtronic France.

Par un mémoire enregistré le 9 avril 2024, la caisse primaire d'assurance-maladie de la Haute-Saône informe la cour qu'elle n'interviendra pas dans le cadre de cette procédure de référé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... D..., née le 26 janvier 1982, a subi une thyroïdectomie pour goitre au sein du centre hospitalier de Vesoul appartenant au groupe hospitalier de la Haute-Saône. Le 16 décembre 2018, elle a constaté un gonflement au niveau de la cicatrice, après un épisode de toux sèche. Elle a alors, de nouveau, été hospitalisée au centre hospitalier de Vesoul. Le 18 décembre 2018, un scanner est réalisé en urgence suite à un gonflement extensif au niveau du visage de Mme D... qui met en évidence une fistule trachéale. L'intéressée est alors transférée au CHU de Besançon où elle a été opérée (subissant une greffe de la trachée) et où elle a séjourné ensuite pendant 3 semaines. Mme D... a formulé une demande d'indemnisation préalable auprès du groupe hospitalier de la Haute-Saône au regard des préjudices qu'elle estime avoir subi.Une médiation a alors été organisée par le groupe hospitalier de la Haute-Saône qui n'a pas permis de trouver un terrain d'accord entre les parties. Par courrier du 23 septembre 2019, le groupe hospitalier de la Haute-Saône a rejeté cette demande d'indemnisation préalable. Par une requête enregistrée le 1er novembre 2019 au greffe du tribunal administratif de Besançon, Mme D... a demandé au tribunal de condamner le groupe hospitalier de la Haute-Saône à lui verser une somme de 140000 euros afin de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subi à la suite d'une intervention de thyroïdectomie le 29 novembre 2018. Par mémoire enregistré le 16 mars 2020, la caisse primaire d'assurance-maladie de la Haute-Saône a conclu à la condamnation du groupe hospitalier de la Haute-Saône à lui verser une somme de 25481,38 euros au titre des débours exposés. Le 3 février 2020, Mme D... a présenté une demande de règlement amiable auprès de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté. Par décision du 6 mars 2020, le président de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté a rejeté cette demande. Mme D... s'est désistée de sa requête présentée devant le tribunal administratif le 10 avril 2020. Par jugement du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Besançon a donné acte du désistement de Mme D... et rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance-maladie de la Haute-Saône. Le 2 mai 2022, Mme D... a présenté une requête en référé-expertise auprès du tribunal administratif de Besançon. Par une ordonnance n°22NC02571 du 18 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête. Par une requête reçue le 19 octobre 2022 au greffe de la Cour, Mme D... a formé appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon. Par une ordonnance n°22NC02571du 6 février 2023, la présidente de la Cour a annulé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon et décidé qu'il serait procédé à une expertise et donné pour mission aux experts :

1°) de se faire communiquer tous les documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission, notamment examiner le dossier médical de Mme D... et d'entendre tous sachants ;

2°) d'examiner Mme D..., décrire son état de santé avant et après la thyroïdectomie totale pratiquée au centre hospitalier de Vesoul, décrire son état de santé actuel et retracer, en tant que de besoin, son histoire médicale ;

3°) de préciser si Mme D... a bénéficié de la part du centre hospitalier d'une information suffisante sur le risque de survenance d'une lésion trachéale du fait de la méthode d'anesthésie générale employée ;

4°) d'une manière générale, de réunir tous les éléments susceptibles d'éclairer le tribunal sur l'existence de fautes ou de négligences dans la prise en charge de Mme D..., dans les indications opératoires ou dans le geste médical pratiqué lors de l'anesthésie précédant la thyroïdectomie totale pratiquée au centre hospitalier de Vesoul ; dans le cas où les séquelles auraient plusieurs causes, indiquer la part imputable à chacune d'elles et, notamment aux actes accomplis ou non accomplis, à l'exclusion des séquelles le cas échéant imputables à l'état initial de l'intéressée, à son évolution prévisible, à des soins administrés par tout autre établissement ou praticien, à d'autres pathologies ou à toute autre cause ;

5°) de préciser, en cas de faute ou de manquement aux règles de l'art, quels sont les préjudices imputables à cette faute ou ce manquement en les distinguant des conséquences normalement prévisibles de la pathologie initiale, à l'exclusion de tout état antérieur et de toute cause étrangère ;

6°) de préciser si la lésion trachéale subie par Mme D... est liée à l'utilisation d'une sonde d'intubation défectueuse lors de l'anesthésie générale ;

7°) de fixer la date de consolidation ; en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir Mme D... ;

8°) de déterminer et évaluer les divers chefs de préjudice subis de toute nature, notamment la durée de l'incapacité temporaire totale, la durée et l'importance de l'incapacité temporaire partielle, l'importance de l'incapacité permanente partielle, le pretium doloris, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, l'incidence et le retentissement des lésions sur la vie professionnelle, ainsi que les troubles dans les conditions d'existence, à l'exclusion des séquelles imputables à l'état de santé initial, à tout autre pathologie ;

9°) d'une manière générale, d'apporter tous éléments qui seraient utiles à la solution du litige.

Le groupe hospitalier de la Haute-Saône s'est alors pourvu en cassation contre l'ordonnance du 6 février 2023. Par une décision n°471514 du 1er décembre 2023, le Conseil d'Etat a annulé l'article 3 de l'ordonnance du 6 février 2023 de la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il fixe les points 3, 4 et 5 des missions des experts, rejeté le surplus des conclusions du pourvoi et l'appel de Mme D... devant la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il porte sur sa demande d'expertise en rapport avec une éventuelle action tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute du groupe hospitalier de la Haute-Saône. Le groupe hospitalier de la Haute-Saône sollicite l'extension de l'expertise à la société Medtronic France, qui a fourni les sondes d'intubations dont Mme D... allègue la défectuosité.

Sur la demande d'extension de l'expertise :

2. Aux termes de l'article R.532-3 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise à laquelle elle a été convoquée, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées (...) ". Le juge des référés peut appeler à l'expertise toute personne n'étant pas manifestement étrangère au litige susceptible d'être engagé devant le juge de l'action qui motive l'expertise.

3. Il ressort de la décision du Conseil d'Etat du 1er décembre 2023 que l'expertise ordonnée par la cour le 6 février 2023 doit se poursuivre en ce qui concerne l'engagement potentiel de la responsabilité sans faute de l'établissement hospitalier au titre des dispositions du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

4. Mme D... a produit le rapport d'anesthésie effectué par le docteur A..., médecin chef du service d'anesthésie de l'hôpital de Vesoul, qui indiquait que les sondes d'intubation fournies à l'hôpital à cette date étaient munies d'un ballonnet dont le gonflage exerçait une pression sur une petite surface susceptible de causer des lésions trachéales, semblables à celle dont elle a souffert en l'espèce. Dès lors, l'extension de l'expertise à la société Medtronic France qui fabrique les sondes d'intubation mises en cause est utile et doit être accordée.

5. Les compléments à l'expertise sollicités par la société Medtronic France n'apparaissent pas utiles au regard des pièces du dossier.

Sur les frais liés au litige :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties formulées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : L'expertise ordonnée le 6 février 2023 est étendue à la société Medtronic France.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme D..., au groupe hospitalier de la Haute-Saône, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Saône, à la société Medtronic France et aux docteurs Jean-Pierre Pertek et Bruno Toussaint, experts.

La présidente,

P. Rousselle

La République mande et ordonne au ministre en charge de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24NC00283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Numéro d'arrêt : 24NC00283
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : TADIC

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;24nc00283 ?
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