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15/01/2024 | FRANCE | N°23NT03382

France | France, Cour administrative d'appel, Juge unique, 15 janvier 2024, 23NT03382


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société SAS Sofie, représentée par Me Hourmant, a demandé au tribunal administratif de Caen d'une part, la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées par deux titres de perception émis par le ministre de l'économie, des finances et de la relance le 12 octobre 2020 pour le recouvrement des sommes de 787 329,31 euros et de 47 717, 36 euros qui lui réclamées respectivement en remboursement du solde du capital d'un prêt consenti à sa filiale la société Sillia

VL et des intérêts du même prêt, d'autre part, l'annulation des titres de perception émis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SAS Sofie, représentée par Me Hourmant, a demandé au tribunal administratif de Caen d'une part, la décharge de l'obligation de payer les sommes réclamées par deux titres de perception émis par le ministre de l'économie, des finances et de la relance le 12 octobre 2020 pour le recouvrement des sommes de 787 329,31 euros et de 47 717, 36 euros qui lui réclamées respectivement en remboursement du solde du capital d'un prêt consenti à sa filiale la société Sillia VL et des intérêts du même prêt, d'autre part, l'annulation des titres de perception émis par le ministre de l'économie ainsi que l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux exercé le 16 novembre 2020.

Par un jugement n° 2101588 du 18 septembre 2023, le tribunal administratif de Caen a annulé les titres de perception émis à l'encontre de la société Sofie ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux exercé le 16 novembre 2020 et a déchargé la société Sofie du paiement des sommes de 787 329,31 euros et de 47 717,36 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2023 et un mémoire enregistré le 8 janvier 2024 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n°2101588 du 18 septembre 2023 du tribunal administratif de Caen.

Il soutient que :

- la requête en sursis à exécution est recevable dès lors que M. C... A... a disposé d'une délégation régulière du ministre de l'économie pour la signer ainsi que la requête d'appel ;

- sur le fondement de l'article R. 811-15 et subsidiairement sur celui de l'article R. 811-17 du code de justice administrative qu'il y a lieu de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2101588 du 18 septembre 2023 du tribunal ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que faute d'observations produites en défense le ministre n'établissait pas l'existence d'un acte de cautionnement fondant la créance dont le recouvrement est poursuivi ;

- le contrat de cautionnement solidaire est produit en appel ; la créance est établie par la production du contrat ;

- la notification des voies et délais est sans incidence sur la légalité des titres de perception ; en l'espèce, les voies et délais sont mentionnées ;

- l'absence de signature de l'ampliation des décisions est sans incidence sur la régularité des desdites décisions ;

- les bases de liquidation des titres de perception ont été suffisamment précisées ;

- le moyen tiré de ce que l'Etat ne pouvait contracter un prêt du fonds de développement économique et social (FDES) avec la société Sillia VL est inopérant ;

- la déclaration de créance près le liquidateur n'est pas un préalable à la mobilisation de la caution ;

- le président et les actionnaires de la société SOFIE percevraient les sommes saisies en cas d'annulation de l'acte de saisie liée à l'annulation des titres par le jugement attaqué du tribunal administratif de Caen, l'Etat risquant ainsi de ne pouvoir recouvrer sa créance ; l'exécution du jugement du tribunal administratif risque ainsi d'emporter des conséquences difficilement réparables en ce qu'il s'agirait d'une perte définitive de la somme de 835 046 euros ;

- la demande de sursis à exécution est nécessaire pour maintenir le caractère conservatoire de la saisie et éviter toute main levée qui pourrait être prononcée en raison du caractère exécutoire du jugement de première instance ;

- il n'est pas établi que l'actif de la société pas davantage que son activité permettra d'assurer le recouvrement de la créance ; les provisions pour risques constituées permettent seulement de traduire la charge comptable de la créance au 30 juin 2023 mais pas de s'assurer de son financement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 décembre 2023 et 3 janvier 2024 la société Sofie, représenté par Me Agostini, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au versement de la somme de 2500 euros et aux entiers dépens ;

3°) d'enjoindre par un jugement avant dire droit la communication du protocole du 23 mai 2014 régularisé entre les parties.

La société fait valoir d'une part, la requête est irrecevable, M. C... A... ne justifiant pas d'une délégation régulière pour signer la requête en sursis à exécution et la requête d'appel, d'autre part, que si l'acte de cautionnement a été produit les conclusions aux fins d'annulation accueillies par le jugement du tribunal administratif de Caen du 18 décembre 2023 doivent être confirmée, les titres de recettes contestés étant irréguliers sur la forme et sur le fond, enfin que la réformation de la décision de première instance n'emporte aucune conséquence difficilement réparable.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête n° 23NT3329, enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 2023, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle a demandé l'annulation du même jugement et le rejet des conclusions aux fins d'annulation présentées par la SAS Sofie.

Vu :

- l'arrêté du 11 septembre 2023 portant délégation de signature (direction générale du Trésor).

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quillévéré, président rapporteur

- les observations de M. D... et de Mme B... pour le ministre de l'économie et de Me Agostini pour la SAS Sofie.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, (...) le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ". Par ailleurs, l'article R. 811-15 du même code prévoit que : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies ". Aux termes de l'article R.811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

Sur la recevabilité de la requête en sursis à exécution :

2. L'arrêté du 11 septembre 2023 portant délégation de signature publié au JORF du 14 septembre 2023 donne en son article 5 délégation de signature à M. C... A..., agent contractuel, secrétaire général adjoint du comité interministériel de restructuration industrielle 5CIRI), pour signer, au nom du ministre chargé de l'économie, et dans la limite de ses attributions, tous actes, arrêtés, décisions ou conventions. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la SAS Sofie et tirée de ce que M. C... A... ne disposait pas de délégation régulière pour signer pour le ministre de l'économie la requête en sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Caen du 18 septembre 2023 doit être écartée.

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution :

3. La société Sillia, VL, filiale de la société Sofie, a été bénéficiaire d'un prêt qui a été consenti par le fonds de développement économique et social (FDES) le 29 juillet 2014. Le même jour la société Sofie a signé un acte de cautionnement solidaire auprès de la société Sillia VL pour garantir le remboursement du prêt. La société Sillia VL a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 15 juin 2017. Le 12 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance a émis à l'encontre de la société Sofie en qualité de caution solidaire deux titres de perception pour le remboursement en capital et en intérêts des sommes restant dues à l'Etat au titre de ce prêt. Une saisie conservatoire a été réalisée postérieurement à l'émission des titres contestés devant le tribunal administratif de Caen.

4. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique soutient à l'appui de sa demande de sursis à exécution du jugement en cause que le tribunal administratif de Caen a jugé à tort que faute d'observations produites en défense, le ministre de l'économie n'établissait pas l'existence d'un acte de cautionnement fondant la créance dont le recouvrement est poursuivi.

5. Ce moyen est en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué du 18 décembre 2023 du tribunal administratif de Caen dès lors que le ministre a produit en appel le contrat de cautionnement solidaire désignant la société Sofie comme caution solidaire afin de garantir le remboursement des sommes qui seront dues au prêteur par la société cautionnée pour le remboursement du prêt FDES. En outre, en l'état de l'instruction le ministre fait état conformément aux dispositions rappelées au point 1 de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, d'autres moyens sérieux de nature à justifier outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation auxquelles il a été fait droit.

6. Par ailleurs, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative l'appelant soutient que l'exécution du jugement risquerait d'exposer l'Etat à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge dans le cas où ses conclusions d'appel seraient accueillies et que cette exécution risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

7. Le jugement par lequel un tribunal administratif de Caen a annulé les titres de perception émis à l'encontre de la société Sofie ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux exercé le 16 novembre 2020 et a déchargé la société Sofie du paiement des sommes de 787 329,31 euros et de 47 717,36 euros entraînerait du fait de son exécution la main levée de l'acte de saisie conservatoire du 23 novembre 2021 émis à l'encontre de la société Sofie et l'impossibilité de recouvrer en exécution de la saisie conservatoire la somme en litige. En outre, en cas d'annulation des titres de perception et de la saisie conservatoire, il n'est pas établi que l'actif de la société pas davantage que les produits d'exploitation ou les dotations aux provisions pour risques constatées dans les écritures comptables de la SAS Sofie au 30 juin 2023 permettraient de recouvrer la créance. Ainsi, l'exécution du jugement du tribunal administratif de Caen peut être regardé comme emportant pour le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique des conséquences difficilement réparables au sens des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.

8. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à demander sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Caen du 18 décembre 2023.

Sur la demande d'enjoindre la communication du protocole du 23 mai 2014 :

9. Si la société demande à la cour par jugement avant dire-droit d'enjoindre la communication du protocole du 23 mai 2014, de telles conclusions ne relèvent pas de l'office du juge du sursis à exécution statuant sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que la SAS Sofie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Dans l'attente de l'arrêt à intervenir sur le fond dans l'instance n° 23NT3329, il est sursis à l'exécution du jugement n° 2101588 du tribunal administratif de Caen du 18 septembre 2023.

Article 2 : Les conclusions en injonction de la société Sofie ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société SAS Sofie.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour le 15 janvier 2024

Le président-rapporteur,

G. QUILLÉVÉRÉ La greffière,

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : Juge unique
Numéro d'arrêt : 23NT03382
Date de la décision : 15/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. le Pdt. Guy QUILLÉVÉRÉ
Avocat(s) : AGOSTINI

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-15;23nt03382 ?
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