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30/01/2024 | FRANCE | N°23NT00974

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 30 janvier 2024, 23NT00974


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) Legris Industries a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012 pour un montant de 108 708 euros.



Par un jugement n° 1801013 du 4 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour avant cassation :



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ar une requête enregistrée le 3 juillet 2020 la SA Legris Industries, représentée par Me Bertacchi, demande à la cour :


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Legris Industries a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2012 pour un montant de 108 708 euros.

Par un jugement n° 1801013 du 4 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête enregistrée le 3 juillet 2020 la SA Legris Industries, représentée par Me Bertacchi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs ;

- à titre principal, les dispositions de l'article 231 du code général des impôts fixent un critère alternatif et non cumulatif et elle n'est donc pas redevable de la taxe sur les salaires au titre de l'exercice 2012 dès lors qu'elle était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette période ;

- à titre subsidiaire, s'agissant des rémunérations incluses dans l'assiette de la taxe sur les salaires, le directeur financier du groupe disposait de prérogatives relevant du secteur taxable de sorte que sa rémunération, pour autant qu'elle entre dans l'assiette de la taxe sur les salaires, ne pouvait que relever du rapport général d'assujettissement à la taxe sur les salaires ;

- par ailleurs, le directeur financier et le directeur juridique et fiscal agissant " sous l'autorité du directeur des opérations de la société Frégate et de son Président ", ils ne disposaient pas juridiquement des pouvoirs les plus étendus susceptibles de les faire entrer dans l'assiette de la taxe sur les salaires et par conséquent, c'est à tort que leurs rémunérations ont été incluses dans cette base d'imposition.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 février 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SA Legris Industries ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 20NT01871 du 26 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 4 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes et prononcé la décharge des impositions en litige.

Par une décision n° 460838 du 31 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 23NT00974.

Procédure devant la cour après cassation :

Par des mémoires enregistrés les 5 juin et 26 octobre 2023, la SA Legris Industries, représentée par Me Bertacchi, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures

Elle soutient que :

- l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat après cassation opère un revirement de la jurisprudence du Conseil d'Etat n° 49766 Sté des Brasseries et casinos des Flots Bleus ;

- les dispositions relatives à l'assiette de la taxe sont autonomes des dispositions relatives au champ d'application de celles-ci ; les dispositions de l'article 51.3 de l'annexe III au code général des impôts sont contraires à la loi ; l'article 51.3 de l'annexe III au code général des impôts résulte d'un décret simple, alors que seul un décret en Conseil d'Etat habilitait le pouvoir réglementaire a fixé par la voie réglementaire le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires ; l'article 51.3 de l'annexe III au code général des impôts énonce une règle contraire aux dispositions de l'article 231.1 du code général des impôts, en tant qu'il renvoie au chiffre d'affaires de l'année civile précédant celui du paiement des rémunérations ;

- l'article 231-1 du code général des impôts doit conduire à faire application du rapport d'assujettissement applicable au titre de l'année du versement des rémunérations et non celui de l'année N-1 ; la société a été intégralement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur son chiffre d'affaires au titre de l'année 2012 ; par conséquent, le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires 2012 de la société est nul ;- c'est à tort que l'administration a inclus dans l'assiette de la taxe sur les salaires les rémunérations allouées au directeur financier de la société ainsi qu'au directeur juridique et fiscal ;

- l'article 231-1 du code général des impôts doit conduire à faire application du rapport d'assujettissement applicable au titre de l'année du versement des rémunérations et non celui de l'année N-1 ; la société a été intégralement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur son chiffre d'affaires au titre de l'année 2012 ; par conséquent, le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires 2012 de la société est nul ;

- tant au regard que des activités matériellement exercées que des attributions qui lui sont confiées, le directeur financier n'est pas exclusivement rattaché au secteur financier de sorte que sa rémunération doit, nécessairement, relever du rapport général d'assujettissement à la taxe sur les salaires ;

- la rémunération du directeur juridique et fiscal ne peut être rattachée au secteur mixte, ce directeur n'ayant pas la possibilité d'engager la société au titre du secteur financier.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Legris Industries a fait l'objet en 2014 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 2012 à 2014, à l'issue de laquelle l'administration a constaté qu'elle n'avait pas déposé de déclaration au titre de la taxe sur les salaires pour l'année 2012 et n'avait donc pas acquitté cette taxe au titre de cette année. Estimant qu'elle en était pourtant redevable, l'administration lui a adressé, selon la procédure contradictoire, une proposition de rectification, le 8 décembre 2015, l'informant de son intention de mettre à sa charge un rappel de taxe sur les salaires au titre de l'année 2012 d'un montant de 108 708 euros, pénalités et intérêts de retard inclus. La SA Legris Industries a contesté ce rappel dans ses observations, puis dans une réclamation préalable qui a été rejetée par l'administration le 9 janvier 2018. Elle a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande de décharge de cette imposition. Par un arrêt n° 20NT01871 du 26 novembre 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 4 mars 2020 du tribunal administratif de Rennes et prononcé la décharge des impositions en litige. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Par une décision n° 460838 du

31 mars 2023, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et a renvoyé devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 23NT00974.

Sur l'exception d'illégalité du 3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts :

2. D'une part, aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant (...) à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total (...) 3 a. Les conditions et modalités d'application du 1 sont fixées par décret. Il peut être prévu par ce décret des règles spéciales pour le calcul de la taxe sur les salaires en ce qui concerne certaines professions, notamment celles qui relèvent du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale. Un décret en Conseil d'Etat fixera, en tant que de besoin, les modalités selon lesquelles sera déterminé le rapport défini au 1.". D'autre part, aux termes du 3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts : " L'assiette de la taxe est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble des rémunérations définies au 2 le rapport existant, au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. (...) ". Et aux termes de l'article L. 112-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat participe à la confection des lois et ordonnances. Il est saisi par le Premier ministre des projets établis par le Gouvernement. ".

3. Tout d'abord, contrairement à ce que soutient la SA Legris Industries, les modalités selon lesquelles est déterminé le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires sont précisées par le 1. de l'article 231 du code général des impôts et non seulement par le

3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts qui se borne sur ce point à réitérer la lettre de la loi de sorte que la société n'est pas fondée à soutenir que ce dernier article aurait dû être adopté par décret en Conseil d'Etat et non par décret simple.

4. D'autre part, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré d'une contrariété entre l'article 231 du code général des impôts et le 3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts doit également être écarté dès lors que la mention " au titre de cette même année " de la deuxième phrase du 1 de l'article 231 renvoie conformément en cela au 3 de l'article 51 de l'annexe III du CGI à la mention " l'année civile précédant celle du paiement des rémunérations "

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du 3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts doit être écarté dans ses deux branches.

Sur le principe de l'assujettissement à la taxe sur les salaires :

6. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 que sont redevables de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d'une année civile, dans la limite du rapport mentionné ci-dessus, d'une part, les personnes ou organismes dont le chiffre d'affaires de cette année n'est pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, les personnes ou organismes dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur d'une fraction inférieure à 90 %. Il en résulte inversement que, pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d'une année civile, une personne ou un organisme doit, non seulement être assujetti cette année-là à la taxe sur la valeur ajoutée sur une partie au moins de son chiffre d'affaires, mais aussi l'avoir été l'année précédente à hauteur d'au moins 90 % de son chiffre d'affaires.

7. Il résulte de l'instruction et il est constant que la SA Legris Industries n'a pas été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur une fraction de son chiffre d'affaires d'au moins 90 % au cours de l'année 2011. Par suite, l'administration a pu à bon droit l'assujettir à la taxe sur les salaires au titre de l'année 2012, alors même que l'intégralité de son chiffre d'affaires de cette dernière année a été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, en application des dispositions de l'article 231 du code général des impôts citées au point 2 du présent arrêt, le rapport d'assujettissement de la SA Legris Industries à la taxe sur les salaires au titre de l'année 2012 devait être déterminé en tenant compte du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année 2011.

Sur les rémunérations à prendre en compte dans l'assiette de la taxe sur les salaires :

8. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 209 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total.

9. Selon la société requérante, c'est à tort que l'administration aurait assujetti les rémunérations de M. C..., directeur financier, et de M. B..., directeur juridique et fiscal, à la taxe sur les salaires dès lors qu'ils agissent sous l'autorité du directeur des opérations de la société Grégate et de son président. Toutefois, l'administration relève que

M. C... occupe depuis 2009 le poste de " directeur financier groupe " et est à ce titre responsable de l'ensemble des sujets relatifs à la politique financière du groupe, alors que

M. A... B..., directeur juridique et fiscal, est responsable de l'ensemble des sujets relatifs à la politique juridique et fiscale en matière d'acquisitions et cession de participations du groupe. En outre, si la société requérante critique l'application aux rémunérations de M. C... du rapport d'assujettissement propre au secteur financier, elle n'établit pas que ce dernier aurait eu d'autres attributions que celles du secteur financier. La société requérante ne produit aucun élément de nature à établir que les fonctions des intéressés auraient trait au secteur d'activité de la société soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a appliqué aux rémunérations versées à M. C..., directeur financier et responsable de la politique financière du groupe, le rapport d'assujettissement du secteur financier et à celles versées à M. B..., directeur juridique et fiscal du groupe, le rapport d'assujettissement général et a pris en compte dans l'assiette de la taxe sur les salaires les rémunérations versées à M. C... et à M. B....

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SA Legris Industries n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er La requête de la SA Legris Industries est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA Legris Industries et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur

A. PENHOAT Le président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 23NT009742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00974
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23nt00974 ?
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