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13/02/2024 | FRANCE | N°23NT00419

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 13 février 2024, 23NT00419


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.



Par un jugement n° 2001145 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une requ

te et un mémoire, enregistrés les 15 février, 7 mars, 16 novembre et 20 décembre 2023, M. et Mme D..., représentés par Me B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 2001145 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février, 7 mars, 16 novembre et 20 décembre 2023, M. et Mme D..., représentés par Me Bondiguel, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration n'a pas demandé à M. D... s'il disposait de factures correspondant aux dépenses débitées de ses comptes personnels en lien avec les prestations encaissées sur les mêmes comptes ; le vérificateur ne leur a pas posé la question de savoir s'il avait conservé les justificatifs des charges supportés à titre personnel ;

- ils n'ont pas été assistés d'un conseil jusqu'à la réception de la proposition de rectification ;

- l'examen de leur situation fiscale personnelle est dépourvu d'un débat contradictoire ;

- l'administration n'a pas abordé la question d'un enrichissement réel ;

- l'administration n'a pas tenu compte de leurs difficultés personnelles, familiales et financières ;

- l'administration aurait à tort rayé les mentions relatives à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans sa réponse à leurs observations ;

- les dépenses qu'ils ont réglées pour le compte de la SARL Netsol Qualeco n'ont pas été suffisamment prises en compte par l'administration, soit 131 944 euros au lieu de 85 561 euros au titre de l'année 2014 et 282 056 euros au lieu de 149 867 euros au titre de l'année 2015 ; le taux des charges admises de 33 % des encaissements redressés est très insuffisant au regard de la réalité de l'activité ;

-l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'un avantage occulte a été accordé à M. D... ;

- l'administration ne pouvait imposer M. D... sur le terrain du a de l'article 111 du code général des impôts sans établir le seuil au-delà duquel la rémunération de M. D... pouvait être regardée comme excessive ; le salaire de M. D... compte tenu de son activité aurait pu être fixé à 36 000 euros ;

- le rapprochement des factures émises par l'entreprise individuelle de M. D... et le détail des bases redressées fait ressortir qu'au titre de 2014 la somme de 139 898,60 euros a été encaissée sur des comptes personnels et ne peut être imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; les pièces sur lesquelles s'appuie l'administration ne permettent pas de déqualifier la nature des sommes perçues de bénéfices industriels et commerciaux liés à une activité individuelle vers la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

- la direction général des finances publiques n'est pas compétente pour encaisser et contrôler les prélèvements sociaux afférents aux revenus d'activité ;

- il n'a pas cessé son activité le 9 juin 2013.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet et 28 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Poirrier-Jouan, représentant M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., qui travaille dans la maçonnerie et le gros œuvre de bâtiment au sein de la SARL Netsol Qualeco, et son épouse ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. Par une proposition de rectification du 11 septembre 2017, le service, après avoir constaté l'encaissement des recettes de la société sur leurs comptes bancaires personnels en 2014 et 2015, ont imposé ces recettes comme des revenus distribués sur le fondement des dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts. M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été en conséquence assujettis au titre de ces deux années. Par un jugement du 16 décembre 2022, le tribunal a rejeté leur demande. M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, les requérants reprochent au service de ne pas avoir demandé à M. D... s'il disposait de factures correspondant aux dépenses débitées de ses comptes personnels en lien avec les prestations encaissées sur les mêmes comptes ou s'il avait conservé les justificatifs des charges supportés à titre personnel ou s'il y a eu un enrichissement réel en leur faveur. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'administration à effectuer de telles demandes. Il est loisible au contribuable, s'il le juge utile, d'en faire état.

3. En deuxième lieu, l'avis d'engagement de l'examen de la situation fiscale personnelle adressé le 18 janvier 2017 et réceptionné le 20 janvier 2017 par M. et Mme D... mentionne que ceux-ci peuvent se faire assister par un conseil de leur choix. Le moyen tiré de ce qu'ils n'ont pas été assistés d'un conseil jusqu'à la réception de la proposition de rectification manque donc en fait.

4. En troisième lieu, M. et Mme D... invoquent l'absence de débat contradictoire au cours de l'examen de leur situation fiscale personnelle. Toutefois, M. et Mme D... ont été informés par un courrier du 18 janvier 2017 de l'ouverture d'un examen contradictoire de leur situation personnelle. Le vérificateur leur a proposé trois entretiens les 10 et 31 mars et 30 mai 2017. Les deux premières dates sont des dates reportées d'entretien auxquelles les requérants ne se sont pas rendus. Il n'est pas contesté que M. D... a compris en langue française les demandes de l'administration quant à sa demande d'éclaircissement et de justification pour mieux comprendre l'écart de revenus entre ceux déclarés et leur situation financière. Enfin, M. et Mme D... ont pu présenter leurs observations et leurs justificatifs tout au long de la procédure d'imposition. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'examen contradictoire de la situation personnelle serait irrégulière doit être écarté.

5. En quatrième lieu, la circonstance que l'administration n'a pas tenu compte des difficultés personnelles, familiales et financières des requérants est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

6. En cinquième lieu, M. et Mme D... soutiennent que l'administration aurait à tort rayé les mentions relatives à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans la réponse aux observations des contribuables, en estimant qu'une part significative des encaissements en 2014 correspond à des factures émises non par la SARL Netsol Qualeco mais par l'entreprise individuelle de M. D.... Il est constant que cette entreprise individuelle a été créée en 2009, puis a cessé son activité le 9 juin 2013, et l'a reprise du 13 décembre 2016 au 23 juin 2017. Compte tenu de ses périodes intermittentes d'activité, les encaissements en 2014 ne sont pas en lien avec l'entreprise individuelle mais avec la SARL Netsol Qualeco. Au demeurant, les factures ont été émises au nom de celle-ci et non au nom de M. D.... Il en découle que la somme de 139 898,60 euros est imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et non dans celle des bénéfices industriels et commerciaux. En vertu des dispositions de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, la commission n'est pas compétente en matière de revenus de capitaux mobiliers. C'est donc à bon droit que l'administration a indiqué l'impossibilité de la saisir.

7. Enfin, le moyen tiré de ce que l'administration n'est pas compétente pour encaisser et contrôler les prélèvements sociaux afférents aux revenus d'activité est inopérant.

Sur le bien-fondé des impositions supplémentaires :

8. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est réputée apporter la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire.

9. Il est constant que M. D... exerçait seul la maîtrise administrative, financière et commerciale de la SARL Netsol Qualeco bien qu'il était associé à hauteur de 41% des parts en 2014 et 2015. Il a encaissé ou appréhendé au cours de ces deux années, sans contrepartie, les recettes de la société sur ses comptes bancaires personnels. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration, qui apporte la preuve qui lui incombe, a estimé que M. et Mme D... ont perçu des revenus distribués tirés d'une activité occulte sur le fondement des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts et non de revenus relevant de la catégorie des traitements et salaires, contrairement à ce que soutiennent les requérants à titre subsidiaire.

10. M. et Mme D... font valoir que les dépenses qu'ils ont réglées pour le compte de la SARL n'ont pas été suffisamment prises en compte par l'administration, soit 131 944 euros au lieu de 85 561 euros au titre de l'année 2014 et 282 056 euros au lieu de 149 867 euros au titre de l'année 2015. Toutefois, M. et Mme D... versent des tableaux récapitulatifs et de nombreux justificatifs mensuels qui comprennent des tickets de caisse et de carte bancaire, des factures et des copies de chèques, mais, faute de calendrier, devis, factures de chantiers, relevés bancaires ou tout autre élément, il n'est pas possible d'établir pour celles des factures dont les montants n'ont pas déjà été retenus par les services fiscaux en diminution des revenus distribués le lien exact entre ces dépenses qu'ils auraient réglées pour les besoins de la SARL Netsol Qualeco et les chantiers ou lieux d'intervention. Les justificatifs produits ne permettent pas d'identifier davantage les montants des dépenses supplémentaires qui auraient été prises en charge et acquittées par les requérants pour les besoins de la société, le taux des charges à retenir ne pouvant au demeurant être fixé de manière forfaitaire alors au demeurant que les montants de charges déjà admis dans le cadre du contrôle en l'absence de toute pièce justificative s'élève à 37 589 euros en 2014 et 51 101 euros en 2015.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉLa greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT00419020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00419
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;23nt00419 ?
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