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20/02/2024 | FRANCE | N°22NT01716

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 20 février 2024, 22NT01716


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie, a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, à titre principal, d'annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle la préfète de la région Bretagne a confirmé sa décision du 17 avril 2019 lui imposant le versement au Trésor public de la somme de 12 250 euros pour défaut de justification de la réalité des prestations de formation facturées, de la somme de 6 255 euros c

orrespondant à des produits non justifiés, de la somme de 8 216,36 euros correspondant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie, a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, à titre principal, d'annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle la préfète de la région Bretagne a confirmé sa décision du 17 avril 2019 lui imposant le versement au Trésor public de la somme de 12 250 euros pour défaut de justification de la réalité des prestations de formation facturées, de la somme de 6 255 euros correspondant à des produits non justifiés, de la somme de 8 216,36 euros correspondant à des dépenses non rattachables à l'activité de formation professionnelle continue et enfin de la somme de 8 288,52 euros correspondant à des dépenses non justifiées, d'autre part, à titre subsidiaire, de réformer cette décision en ramenant les sommes mises à sa charge à de plus justes proportions et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement no 1904641 du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, dans son article 1er, jugé que l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie versera au Trésor public la somme totale de 32 259,88 euros (10 000 euros pour défaut de justification de la réalité des prestations facturées, 5 755 euros correspondant à des produits non justifiés, 8 216,36 euros correspondant à des dépenses non rattachables à l'activité de formation professionnelle continue et 8 288,52 euros correspondant à des dépenses non justifiées.) et, d'autre part, dans son article 2, réformé en conséquence la décision de la préfète de la région Bretagne du 12 juillet 2019 en ce qu'elle avait de contraire à l'article 1er, enfin a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2022, l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie, représentée par Me Robinet, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2022 en tant qu'il n'a fait que très partiellement droit à sa demande et dans la mesure de ce qui suit :

- s'agissant du défaut de justification de la réalité des prestations facturées : à titre principal, de constater l'abandon de ses demandes relatives à la formation de M. B... et de M. F..., d'annuler les sanctions infligées au titre des formations de MM. J... et C... et en conséquence de limiter le montant de la sanction à la somme de 1 500 euros et à titre subsidiaire, de limiter la sanction infligée à la somme de 1 350 euros au titre de la formation de Monsieur C... et en conséquence, de ramener la somme totale due à 2 850 euros ;

- s'agissant du défaut de justification des produits : de constater l'abandon de ses demandes relatives à la formation de Mme B... en ce que le tribunal y a fait droit et d'annuler l'ensemble des autres sanctions infligées au titre du défaut de justification des produits ;

- s'agissant des dépenses non rattachables à l'activité de formation professionnelle continue : de juger rattachables à ces dépenses, celles engagées au titre des repas des 20 octobre et 24 novembre 2017 et d'annuler, en conséquence, les sanctions infligées à ce titre et de limiter les sanctions infligées à la somme de 7 546,46 euros ; - s'agissant des dépenses non justifiées retenues par les décisions contestées à hauteur de 8 288,52 euros : de constater qu'elle abandonne ses demandes à ce titre ;

2°) d'annuler la décision de la préfète de Bretagne du 12 juillet 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- bien que ne pouvant produire des feuilles d'émargement dont elle n'a pas conservé de copies, elle apporte cependant la preuve, en fournissant différents éléments concordants, de la réalité des prestations dispensées, en sous-traitance, à deux stagiaires MM. J... et C... lesquels ont fourni, bien que n'ayant pas réussi l'examen sanctionnant leur formation, une attestation probante ; la sanction d'un montant de 8500 euros prononcée en conséquence ne pourra qu'être annulée ;

- elle justifie de la régularité des produits encaissés s'agissant de quatre stagiaires pour lesquels la préfète de la région Bretagne l'a sanctionnée d'un versement de 4952 euros au trésor public ; la formation de Mme E... et de M. H... n'a été prise en charge que pour partie, respectivement par Pôle Emploi et par UNIFAF (O.P.C.O. Santé) ; l'écart de facturation de 196 euros s'agissant des formations dispensées à M. A... et Mme D... résulte d'une erreur matérielle ; les factures de régularisation établies postérieurement aux opérations de contrôle et avant l'intervention de la décision préfectorale contestée doivent être prises en compte ;

- la préfète de la Région Bretagne n'était pas compétente pour contrôler le financement des formations par les personnes visées à l'article L.6361-1 du code du travail ; ainsi même en l'absence de factures correspondantes, les formations financées par les stagiaires eux-mêmes ne sauraient faire l'objet d'une sanction ; tel est le cas de des formations de M. A... et Mme D... financées en totalités par eux-mêmes ; pour Mme H..., l'UNIFAF n'a pris en charge qu'une somme de 2940 euros sur un total de 4500 euros de sorte que la différence échappe aux dispositifs de sanction ; Mme E... a réglé personnellement la somme de 1500 euros qui n'était pas prise en charge par Pôle Emploi de sorte que cette somme échappe au champ de contrôle et de sanction de l'Etat ;

- les frais exposés dans des circonstances particulières, s'agissant des deux repas des 20 octobre 2017 et 24 novembre 2017, soit 347,50 euros et 322,40 euros, sont rattachables à l'activité de formation professionnelle ; la date du 20 octobre 2017 se situe pendant la formation théorique du diplôme de thanatopracteur qui se tenait du 4 septembre au 20 octobre 2017, soit le dernier jour de la formation où il s'agissait de rencontrer des professionnels de leur futur secteur d'activité ; les frais du repas du 24 novembre 2017 ont été exposés à l'occasion du salon funéraire qui se tient tous les deux ans et réunit les principaux acteurs de la profession et donne là encore l'occasion aux stagiaires de rencontrer des professionnels de leur futur secteur d'activité ; l'intérêt pour les stagiaires en termes d'insertion professionnelle est évident.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a déchargé l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie du versement au Trésor public de la somme de 2 250 euros s'agissant de la formation de Mme B....

Il fait valoir que :

- les moyens présentés par l'AFITT ne sont pas fondés ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que le contrôle administratif et financier de l'Etat ne pouvait porter que sur des formations dispensées par un employeur au titre de ses obligations par des fonds publics ; la sanction de l'inexécution d'actions de formation est appliquée indépendamment de l'origine des financements des actions non mises en œuvre ; c'est à tort en conséquence que le tribunal a jugé que l'autorité administrative n'avait pas le pouvoir de sanctionner l'AFITT pour l'inexécution de la formation de Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- les décisions du Conseil constitutionnel n° 2012-273 QPC du 21 septembre 2012 et n° 2016-619 QPC du 16 mars 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie (AFITT) a fait l'objet, en 2018, d'un contrôle sur pièces en matière de formation professionnelle au titre de l'année 2017. À l'issue de ce contrôle, au vu du rapport émis le 10 octobre 2018 par l'agent de contrôle et des observations orales et écrites produites par le président de cette association, la préfète de la région Bretagne a infligé à cette association, par une décision du 17 avril 2019, plusieurs sanctions en application des articles L. 6362-5, L. 6362-6, L. 6362-7 et L. 6362-7-1 du code du travail consistant en le versement au Trésor public des sommes de 12 250 euros pour défaut de justification de la réalité de prestations de formation facturées, 6 255 euros correspondant à des produits non justifiés, 8 216,36 euros correspondant à des dépenses non rattachables à l'activité de formation professionnelle continue et 8 288,52 euros correspondant à des dépenses non justifiées, soit un total de 35 009,88 euros.

2. L'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie a, le 13 septembre 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation ou, à titre subsidiaire à la réformation de la décision du 12 juillet 2019 par laquelle la préfète de la région Bretagne a confirmé sa décision du 17 avril 2019. Par un jugement du 4 avril 2022, cette juridiction a, d'une part, dans son article 1er, jugé que l'AFITT devait verser au Trésor public la somme totale de 32 259,88 euros (10 000 euros pour défaut de justification de la réalité des prestations facturées, 5 755 euros correspondant à des produits non justifiés, 8 216,36 euros correspondant à des dépenses non rattachables à l'activité de formation professionnelle continue et 8 288,52 euros correspondant à des dépenses non justifiées.), d'autre part, et en conséquence, décidé dans son article 2 que la décision de la préfète de la région Bretagne du 12 juillet 2019 devait être réformée en ce qu'elle avait de contraire à l'article 1er, enfin a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

3. L'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie relève appel du jugement précité du 4 avril 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande de décharge des sommes qu'elle doit verser au trésor public. L'AFITT sollicite désormais s'agissant, tout d'abord, du " défaut de justification de la réalité des prestations facturées ", ensuite, du " défaut de justification des produit " et, enfin, des " dépenses non rattachables à l'activité de formation professionnelle continue " l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et des décisions administratives contestées en ce qui concerne les sommes restées à sa charge et qu'elle souhaite voir minorer. En revanche, l'association requérante abandonne expressément en appel ses conclusions tendant à la décharge, d'une part, s'agissant du " défaut de justification de la réalité des prestations facturées " des sommes relatives à la formation de Mme B... et M. F... et, d'autre part, de la somme de 8 288,52 euros correspondant à des " dépenses non justifiées ". Le ministre du travail, quant à lui, demande, par la voie de l'appel incident que la somme de 2250 euros soit remise à la charge de l'AFITT pour un versement au Trésor public relatif à la formation de Mme B....

Sur les conclusions tendant à la réformation de la décision du 12 juillet 2019 de la préfète de région Bretagne et à la décharge des sommes restant à la charge de l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie :

4. Aux termes de l'article L. 6361-1 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date du contrôle effectué sur les activités de l'association requérante : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les dépenses de formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue instituée par l'article L. 6331-1 et sur les actions prévues aux articles L. 6313-1 et L. 6314-1 qu'ils conduisent, financées par l'Etat, les collectivités territoriales, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou les organismes agréés pour collecter ou gérer les fonds de la formation professionnelle continue ". Aux termes de l'article L. 6361-2 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur : / 1° Les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par : (...) / c) Les organismes de formation et leurs sous-traitants ; (...) ". Aux termes de l'article L. 6361-3 de ce même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en œuvre pour la formation professionnelle continue. / Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme. (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 6362-1 du code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...), les organismes prestataires de formation (...) communiquent aux agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 les renseignements nécessaires à l'accomplissement de leur mission ". Aux termes de l'article L. 6362-5 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les organismes mentionnés à l'article L. 6361-2 sont tenus, à l'égard des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 : / 1° De présenter les documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus ainsi que la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue ; / 2° De justifier le rattachement et le bien-fondé de ces dépenses à leurs activités ainsi que la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions légales régissant ces activités. / A défaut de remplir ces conditions, les organismes font, pour les dépenses considérées, l'objet de la décision de rejet prévue à l'article L. 6362-10 ". Aux termes de l'article L. 6362-6 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. / A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1 ".

6. Aux termes de l'article L. 6362-7 du code du travail : " Les organismes chargés de réaliser tout ou partie des actions mentionnées l'article L. 6313-1 versent au Trésor public, solidairement avec leurs dirigeants de fait ou de droit, une somme égale au montant des dépenses ayant fait l'objet d'une décision de rejet en application de l'article L. 6362-10 ". Aux termes de l'article L. 6362-7-1 du même code : " En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. / A défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués ".

7. Aux termes de l'article L. 6362-10 du code du travail : " Les décisions de rejet de dépenses et de versement mentionnées au présent livre prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir, après la notification des résultats du contrôle, que si une procédure contradictoire a été respectée ". Aux termes de l'article R. 6362-4 du même code : " La décision (...) du préfet de région ne peut être prise qu'au vu des observations écrites et après audition, le cas échéant, de l'intéressé, à moins qu'aucun document ni aucune demande d'audition n'aient été présentés avant l'expiration du délai prévu à l'article R. 6362-3. / La décision est motivée et notifiée à l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 6362-6 de ce même code : " L'intéressé qui entend contester la décision administrative qui lui a été notifiée en application de l'article R. 6362-4, saisit d'une réclamation, préalablement à tout recours contentieux, l'autorité qui a pris la décision. / Le rejet total ou partiel de la réclamation fait l'objet d'une décision motivée notifiée à l'intéressé ".

En ce qui concerne le défaut de justification de la réalité des formations dispensées, notamment en sous-traitance pour le compte de l'Institut français de formation des professions funéraires (IFFPF) et l'appel incident :

8. D'une part, il résulte de l'article R. 6332-25 du code du travail, dans ses versions successivement en vigueur en 2017 que le paiement des frais de formation pris en charge par les organismes collecteurs paritaires s'effectue après exécution des prestations de formation et sur production de pièces justificatives, qui ont été listées, à compter du 1er avril 2017, par l'article D. 6353-4 du même code. Au nombre de ces pièces figurent, outre les états de présence émargés par le stagiaire, tous documents et données établissant sa participation effective à la formation, les documents ou données relatifs à l'accompagnement et à l'assistance du bénéficiaire par le dispensateur de la formation, les comptes rendus de positionnement et les évaluations organisées par le dispensateur de la formation qui jalonnent ou terminent la formation ainsi que, le cas échéant, les justificatifs permettant d'attester de la réalisation des travaux exigés. Il résulte également des dispositions de l'article R. 6332-26 du code du travail puis du second alinéa de l'article R. 6332-25 du même code, dans leurs versions successivement en vigueur en 2017, que la copie de ces états d'émargement, puis, plus généralement celle de l'ensemble des documents cités ci-dessus, peut être exigée par les organismes collecteurs paritaires agréés et par les agents de contrôle des services de la direction régionale compétente. D'autre part, il résulte également de ces dispositions et de celles de l'article L. 6362-6 du code du travail qu'il appartient à l'administration d'apprécier, au regard des pièces produites par l'organisme de formation, sur lequel pèse ainsi la charge de la preuve, et sous le contrôle du juge, la réalité des activités conduites en matière de formation professionnelle continue.

9. Il ressort des termes de la décision contestée que la préfète de la Région Bretagne a mis à la charge de l'association A.F.I.T.T. un versement au Trésor public d'un montant total de 12.250 euros, pour défaut de justification de la réalité des prestations facturées pour les formations de M. C... (4.250 euros), de M. J... (4.250 euros), de M. F... (1.500 euros) et de Mme B... (2.250 euros).

S'agissant de la formation de M. F...,

10. L'association requérante a, en appel, indiqué " n'être pas en mesure d'apporter des éléments nouveaux " et, ainsi que rappelé plus haut, renoncer à sa demande de décharge de la somme de 1500 euros mise à sa charge s'agissant de la formation dispensée à M. F....

S'agissant de la formation de Mme B...,

11. Le tribunal administratif, qui a estimé que la formation pratique qui aurait été suivie par Mme B... n'a pas été entièrement financée par un employeur au titre de ses obligations légales ni par des fonds publics, a, pour ce motif tiré de l'erreur de droit, déchargé l'AFITT du versement de la somme de 2 250 euros. Le ministre du travail relève appel incident sur ce seul point.

12. D'une part, il résulte des dispositions combinées des articles L. 6361-2, L. 6361-3 et L. 6362-5 du code du travail, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel (décision n° 2012-273 QPC du 21 septembre 2012), que le contrôle, prévu par la loi, des organismes de formation professionnelle continue a pour objet de vérifier que les sommes versées par les personnes publiques ou les employeurs contributeurs pour financer cette action sont affectées à cette seule fin et ne porte pas atteinte, dans cette mesure, à la liberté d'entreprendre. Selon les termes de l'article L. 6362-5 du code du travail, ce contrôle s'applique à tous les organismes de formation visés à l'article L. 6361-2, pour l'ensemble des activités de formation continue définies par l'article L. 6313-1 du code du travail. Dans ces conditions, l'origine du financement et les modalités d'une action de formation professionnelle continue sont sans incidence sur l'étendue du contrôle exercé par l'Etat sur l'activité et les dépenses des prestataires de formation, lequel poursuit un but d'intérêt général.

13. D'autre part, la sanction de l'inexécution d'actions de formations, distincte du remboursement, est appliquée sans égard pour l'origine des financements des actions non mises en œuvre (organisme public financeur, employeur contributeur ou particulier cocontractant). Il s'ensuit que le ministre du travail est dès lors fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal a retenu le motif tiré de l'erreur de droit pour prononcer la décharge de la somme de 2250 euros.

14. Il y a lieu, cependant, par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le bien-fondé du motif de la sanction ainsi prononcée par la décision préfectorale contestée s'agissant de la formation de Mme B.... Il résulte de l'instruction qu'il n'a été présenté, lors du contrôle, ni contrat de formation professionnelle ni feuille d'émargement pour les 315 heures facturées à Mme B.... En se bornant à produire une attestation établie a posteriori par la stagiaire -au demeurant imprécise quant au nombre d'heures de formation effectivement suivies et au montant versé-, une seconde facture émise par l'association requérante se référant à cette action de formation établie avant la fin de la période de formation en cause, ou encore un tableau récapitulatif des factures qui retient un montant différent des 2 250 euros facturés à Mme B..., la requérante ne justifie pas de la réalité de l'action de formation qui aurait été dispensée à Mme B.... Par suite, c'est à bon droit que la préfète de Bretagne a ordonné à l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie de verser au Trésor public une somme de 2 250 euros.

S'agissant des formations de MM. C... et J...,

15. Enfin, s'agissant des formations dispensées par l'AFITT à deux stagiaires, MM. C... et J..., bénéficiant d'une prise en charge par Pôle emploi, l'association requérante admet ne pas pouvoir présenter les émargements des formations dispensées en cause. Cependant, s'agissant de la formation pour M. C..., elle verse aux débats un courriel du 21 décembre 2021 émanant du directeur de la Plateforme des services centralisés de Pôle Emploi Grand Est qui indique que, si l'établissement ne peut techniquement fournir un duplicata des feuilles d'émargement, il peut certifier à l'association AFITT " eu égard à la procédure de mise en paiement des factures des centres de formation que Pôle emploi a bien réglé les factures afférentes à la convention 41C511844502 et concernant M. C... G... pour la session du 4 septembre au 27 octobre 2017 et pour un montant de 1 350 euros sur la base du bilan de fin de formation et des feuilles d'émargement du demandeur d'emploi ". Cette attestation qui permet d'identifier précisément le bénéficiaire de la formation financée par Pôle Emploi, qui est tiers à l'instance, et se réfère aux modalités de contrôle par l'organisme de l'effectivité de la formation dispensée en visant expressément le bilan de fin de formation et les feuilles d'émargement, dont Pôle emploi indique avoir été destinataire, est suffisamment probante pour établir la réalité de la formation suivie. En revanche, s'agissant de la formation de l'autre stagiaire concerné, M. J..., en l'absence de toute attestation établie par Pôle Emploi et versée aux débats, l'attestation établie par le stagiaire comme l'attestation de l'IFFPF, donneur d'ordre de l'AFITT, ne peuvent être regardées à elles seules comme des justificatifs suffisants et probants permettant d'établir la réalité de la formation qui aurait été dispensée à M. J.... Il en résulte que l'AFITT est seulement fondée à soutenir, comme elle le demande à titre principal, que le jugement attaqué doit être réformé s'agissant la situation de M. C... et qu'elle doit, en conséquence, être déchargée du paiement au trésor public de la somme totale de 4250 euros mise à sa charge par les décisions contestées des 17 avril et 12 juillet 2019, lesquelles doivent également être annulées dans cette mesure.

En ce qui concerne l'absence de justification des produits :

16. Il résulte des dispositions de l'article L. 6362-5 du code du travail que les organismes de formation professionnelle continue sont tenus de présenter, à l'occasion d'un contrôle, l'ensemble des justificatifs relatifs aux produits encaissés. Cette justification est destinée à permettre à l'agent de contrôle, d'une part, de déterminer si les produits encaissés correspondent à des fonds publics ou à des financements supportés par des employeurs au titre de leurs obligations légales et, d'autre part, de contrôler la justification du versement et de l'utilisation de ces fonds ou de ces financements. Lorsque l'administration constate que des produits ont été encaissés sans justification, elle peut présumer, si elle ne dispose pas d'éléments en sens contraire, que les produits en cause sont issus de fonds publics ou de financements supportés par des employeurs au titre de leurs obligations légales et regarder les sommes encaissées comme destinées à une dépense dont le bien-fondé et le rattachement aux activités de formation professionnelle n'est pas établi. Alors que cette obligation pèse sur les organismes de formation à l'occasion de leur contrôle, un tel organisme ne saurait en revanche, sans méconnaître cette obligation, tenter de reconstituer une comptabilité ou des facturations postérieurement au contrôle, alors même qu'il serait tenu, par les dispositions pertinentes du code de commerce, de rectifier ses comptes annuels dans le cas où il aurait lui-même constaté leur irrégularité ou leur manque de sincérité.

17. Au cas d'espèce, d'une part, il résulte de l'instruction et il est constant que les opérations de contrôle ont permis de mettre à jour diverses insuffisances de gestion et de comptabilité qui, ainsi que l'indique l'association requérante, l'ont conduit à communiquer aux agents de contrôle un premier bilan comptable, dont il est apparu, par les discordances relevées, qu'il ne traduisait pas la réalité de son activité eu égard aux découvertes concomitantes des malversations de son ancien trésorier. Il ressort des éléments du dossier que, lors de l'audition du 11 décembre 2018, l'administration a accordé un délai supplémentaire de réponse à l'A.F.I.T.T. pour justifier des dépenses et des produits rejetés en fournissant les factures manquantes, ce que l'association requérante n'a pas été en mesure de faire. Les factures de régularisation émises postérieurement au contrôle s'agissant des formations suivies par Mmes E... et D..., MM. H... et A... comme le " bilan rectificatif " associé, reconstitué a posteriori, transmis aux services de contrôle et versés aux débats ne sauraient tenir compte de justificatifs probants relatifs aux produits encaissés dans le cadre des actions de formation professionnelle. Les circonstances que le premier bilan comptable transmis à l'administration n'avait pas encore été approuvé par l'assemblée générale de la structure et que le " bilan rectificatif " a été attesté par un expert-comptable demeurent à cet égard sans incidence. Les éléments produits par l'AFITT ont pu, en conséquence, être écartés par la préfète de la région Bretagne sans erreur de droit, ni erreurs de fait et d'appréciation. D'autre part, en applications des principes qui ont été rappelés aux points 12. et 13., l'AFITT ne saurait utilement, à titre subsidiaire, se prévaloir du fait que les formations de MM. A... et D... ont été financées en totalité par eux-mêmes et que seule une partie des sommes facturées à M. H... et Mme E... aurait été prise en charge respectivement par l'organisme UNIFAF et par Pôle-emploi, le solde ayant été réglé directement par les intéressés. En effet, les décisions préfectorales contestées prononçant à l'encontre de l'association requérante une sanction pour inexécution des actions de formation et ne sollicitant par un quelconque remboursement des sommes en cause, la sanction en litige est appliquée sans égard pour l'origine des financements des actions non mises en œuvre. L'AFITT ne peut dès lors soutenir que la préfète de la région Bretagne n'était pas compétente pour contrôler le financement des formations supporté pour une partie par les stagiaires eux-mêmes, formations ne pouvant faire l'objet d'une sanction.

18. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que la préfète de la région Bretagne a mis à la charge de l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie le versement au Trésor public d'une somme d'un montant total de 5 755 euros comprenant, d'une part, une somme de 4 756 euros correspondant aux factures émises pour les stagiaires en cause et, d'autre part, une somme de 999 euros correspondant à la différence entre le premier compte de produits présenté au contrôle faisant état d'un montant total de 63 905 euros et celui établi ensuite qu'elle était seulement en mesure de justifier à hauteur de 62 906 euros.

En ce qui concerne des dépenses estimées " non rattachables" à l'activité de formation professionnelle continue :

19. La décision préfectorale du 12 juillet 2019 met à la charge de l'association requérante de verser au trésor public un montant de 8 216, 36 euros pour des dépenses non rattachables à l'activité de formation professionnelles. L'AFITT demande de limiter le versement au trésor public à la somme de 7 546,46 euros et soutient que, contrairement à ce que retient la décision préfectorale contestée, deux dépenses de frais de restauration " qui ont été engagées dans des circonstances particulières concourent bien à la formation et à l'insertion professionnelle des stagiaires formés par A.F.I.T.T ". Cependant, en se bornant à produire en appel, comme en première instance, des facturettes ainsi que deux factures simplifiées ne portant pas le nombre de convives ni l'objet du repas, la requérante n'établit pas que les frais de prise en charge de la restauration des stagiaires exposés pour un montant total de 669,90 euros respectivement les 20 octobre et 24 novembre 2017, auraient été nécessaires ou même utiles aux formations dispensées.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie est seulement fondée à obtenir la réformation des décisions préfectorales contestées et du jugement attaqué en tant qu'ils ont mis et laissé à sa charge le versement au trésor public de la somme de 4 250 euros s'agissant de la formation dispensée à M. C..., d'autre part, que le ministre du travail est fondé, quant à lui, à obtenir la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a déchargé l'AFITT du versement au trésor public de la somme de 2 250 euros s'agissant de la formation dispensée à Mme B....

Sur les frais d'instance :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie, qui n'est pas partie perdante pour l'essentiel dans l'instance d'appel, d'une somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement no 1904641 du 4 avril 2022 du tribunal administratif de Rennes est réformé en tant qu'il a rejeté la demande de l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie tendant à la décharge du versement au Trésor public de la somme de 4 250 euros s'agissant de la formation dispensée à M. C....

Article 2 : La décision de la préfète de la région Bretagne du 12 juillet 2019 est annulée en tant qu'elle a mis à la charge de l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie le versement au trésor public de la somme de 4 250 euros.

Article 3 : Le jugement no 1904641 du 4 avril 2022 du tribunal administratif de Rennes est réformé en tant qu'il a déchargé l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie, s'agissant de la formation dispensée à Mme B..., du versement au trésor public de la somme de 2 250 euros et les conclusions des demandes de cette association tendant à cette décharge sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Assistance et Formation Internationales en Thanatopraxie et Thanatoplastie et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2024.

Le rapporteur

O. COIFFETLe président

O. GASPON

La greffière,

I. PETTON

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22NT01716 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01716
Date de la décision : 20/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : DOURDIN-ROBINET

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-20;22nt01716 ?
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