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16/04/2024 | FRANCE | N°22NT02612

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 1ère chambre, 16 avril 2024, 22NT02612


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 août 2022 et les 12 avril, 11 juillet et 14 août 2023, l'association Laizon Environnement, l'association " Les amis de l'église Sainte-Anne de Norrey-en-Auge ", la commune des Moutiers-en-Auge, Mme H... F..., M. D... G..., Mmes K... I...,L... M... et N... O..., M. E... B... et Mme A... B..., représentés par Me Soublin, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :



1°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022

par lequel le préfet du Calvados a autorisé la société Eoliennes du pays d'Auge à exploiter u...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 août 2022 et les 12 avril, 11 juillet et 14 août 2023, l'association Laizon Environnement, l'association " Les amis de l'église Sainte-Anne de Norrey-en-Auge ", la commune des Moutiers-en-Auge, Mme H... F..., M. D... G..., Mmes K... I...,L... M... et N... O..., M. E... B... et Mme A... B..., représentés par Me Soublin, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet du Calvados a autorisé la société Eoliennes du pays d'Auge à exploiter un parc éolien composé de sept éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Barou-en-Auge et de Norrey-en-Auge ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le secrétaire général de la préfecture du Calvados n'était pas compétent pour signer l'arrêté contesté ;

- une partie du projet est implantée sur le territoire de la commune de Moutiers-en-Auge qui n'a pas été informée du projet et n'a pas donné son accord ; le projet va nuire aux paysages et à l'attractivité touristique de la commune ;

- l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale, qui a été instruit par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, a été rendu par une entité qui n'était pas dotée d'une autonomie réelle ;

- l'étude d'impact est insuffisante sur les solutions de substitution, sur l'évolution des incidences sur le site Natura 2000 relatif à la " Haute vallée de la Touques et affluents ", sur l'origine des matériaux utilisés, sur les caractéristiques physiques de l'ensemble du projet, sur le radar météorologique de Falaise, sur l'indépendance de la société QinetiQ, sur les capacités financières de la société pétitionnaire et sur les photomontages ;

- l'enquête publique est insuffisante quant à son périmètre géographique et son objet ; elle n'a pas eu lieu sur la commune des Moutiers-sur-Auge ; la composition du dossier d'enquête publique est incomplète ; la grille d'analyse des observations du public et le bilan statistique de la commission d'enquête sont critiquables ; la commission d'enquête publique a fait preuve de partialité, d'un manque de méthode, d'insuffisances, de confusions et d'omissions en ce qui concerne le recueil des observations du public, l'absence de critiques de la commission à l'égard des affirmations de la société pétitionnaire, les données scientifiques, la méthodologie suivie, sur la motivation de l'avis de la commission, l'absence de garanties de mise en œuvre de haies bocagères en cas de changement de propriétaires des parcelles concernées et l'absence d'autorisation d'urbanisme pour les trois postes de livraison ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement en ce qui concerne les chiroptères, les oiseaux, notamment l'oedicnème criard, le busard Saint-Martin, le busard cendré et le goéland brun, et présente un impact paysager ;

- la société pétitionnaire n'a pas demandé une dérogation pour les " espèces protégées " ;

- l'arrêté contesté du 11 avril 2022 est illégal dès lors que le projet porte atteinte aux espaces naturels et aux paysages compte tenu du document graphique de carte communale de Norrey-en-Auge.

Par un mémoire enregistré le 16 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés les 5 mai et 29 septembre 2023, la société Eoliennes du pays d'Auge, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les requérants ne présentent pas d'intérêt à agir contre l'arrêté du préfet du Calvados ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code du patrimoine ;

- le décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public,

- et les observations de Me Soublin, représentant l'association Laizon Environnement et autres et Mme C..., substituant Me Elfassi, représentant la société Eoliennes du pays d'Auge.

Une note en délibéré présentée par la société Eoliennes du pays d'Auge a été enregistrée le 12 avril 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 avril 2022, le préfet du Calvados a autorisé la société Eoliennes du pays d'Auge à exploiter un parc éolien composé de sept éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Barou-en-Auge et de Nourrey-en-Auge. L'association Laizon Environnement, l'association " Les amis de l'église Sainte-Anne de Norrey-en-Auge ", la commune des Moutiers-en-Auge, Mme H... F..., M. D... G..., Mmes K... I...,L... M... et N... O..., M. E... B... et Mme A... B... demandent l'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article R. 181-2 du code de l'environnement :" L'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale ainsi que le certificat de projet prévu par l'article L. 181-6 est le préfet du département dans lequel est situé le projet ". En vertu du deuxième alinéa du I de l'article 45 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements, l'intérim est assuré par le secrétaire général de la préfecture en cas de vacance momentanée du poste de préfet.

3. Il résulte de l'instruction que l'arrêté contesté a été signé par M. Vennin, secrétaire général de la préfecture du Calvados le 11 avril 2022. A cette date, le préfet du Calvados avait cessé ses fonctions. Son successeur a pris ses fonctions le 27 avril 2022. Dans ces conditions, il y avait vacance momentanée du poste de préfet. Le secrétaire général de la préfecture a pu légalement signer l'arrêté pendant cette vacance.

Sur l'avis de l'autorité environnementale :

4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou au cas par cas. (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition des articles 2 et 6 de cette directive, dispose, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que : " (...) II. - Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. (...) / III. - L'évaluation environnementale est un processus constitué de l'élaboration, par le maître d'ouvrage, d'un rapport d'évaluation des incidences sur l'environnement, dénommé ci-après " étude d'impact ", de la réalisation des consultations prévues à la présente section, ainsi que de l'examen, par l'autorité compétente pour autoriser le projet, de l'ensemble des informations présentées dans l'étude d'impact et reçues dans le cadre des consultations effectuées et du maître d'ouvrage (...) ". En vertu du III de l'article R. 122-6 du même code, dans sa version applicable au litige, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1, lorsqu'elle n'est ni le ministre chargé de l'environnement, dans les cas prévus au I de cet article, ni la formation compétente du Conseil général de l'environnement et du développement durable, dans les cas prévus au II de ce même article, est la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable de la région sur le territoire de laquelle le projet doit être réalisé.

5. Aux termes de l'article R. 122-24 du code de l'environnement dans sa version applicable en l'espèce : " Dans chaque région, la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable bénéficie de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement selon les modalités prévues aux articles R. 122-17 et suivants du présent code et R. 104-19 et suivants du code de l'urbanisme. Pour l'exercice de cet appui, par dérogation à l'article 2 du décret n° 2009-235 du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, à l'article 14 du décret n° 2010-687 du 24 juin 2010 relatif à l'organisation et aux missions des services de l'Etat dans la région et les départements d'Ile-de-France et à l'article 5 du décret n° 2010-1582 du 17 décembre 2010 relatif à l'organisation et aux missions des services de l'Etat dans les départements et les régions d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, les agents de ce service sont placés sous l'autorité fonctionnelle du président de la mission régionale d'autorité environnementale ".

6. L'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 a pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l'interprétation de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001 donnée par la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, il résulte clairement des dispositions de l'article 6 de la directive du 13 décembre 2011 que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné.

7. Lorsque le préfet de département est l'autorité compétente pour autoriser le projet disposant à cette fin des services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, la mission régionale d'autorité environnementale de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable, dont l'organisation et les modalités d'intervention sont définies par les articles R. 122-21 et R. 122-24 à R. 122-24-2 du code de l'environnement, peut être regardée comme disposant, à son égard, d'une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive. Ainsi, dès lors qu'elle rend un avis dans les conditions prévues par ces dispositions, la mission régionale d'autorité environnementale doit être regardée comme intervenant de manière autonome à l'égard du préfet compétent pour autoriser le projet, sans que la circonstance qu'elle ait bénéficié, pour rendre son avis, ainsi que le prévoit l'article R. 122-24 du code de l'environnement cité au point 5, de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement placés sous l'autorité fonctionnelle de son président soit, par elle-même, de nature à affecter cette autonomie.

8. En l'espèce, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale du 11 juin 2020 a été émis sous l'influence des services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement. Cette autorité environnementale disposait donc d'une autonomie réelle et n'a pas méconnu les exigences de la directive du 13 décembre 2011 ou de celle du 13 décembre 2001 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis était irrégulier doit être écarté.

Sur l'étude d'impact :

9. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant un dossier de demande d'autorisation ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Par ailleurs, dans l'hypothèse d'une régularisation de l'avis de l'autorité environnementale, cet avis doit être rendu en tenant compte d'éventuels changements significatifs des circonstances de fait.

En ce qui concerne les insuffisances des solutions de substitution proposées :

10. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / Ce contenu tient compte, le cas échéant, de l'avis rendu en application de l'article R. 122-4 et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes. (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; (...) ".

11. L'étude d'impact révisée dans le volet paysager traite de trois variantes d'implantation, pour lesquelles la société pétitionnaire a permis au public d'être informé et de participer en amont au choix du site du projet et de ses variantes. La variante A, qui a été étudiée avec des éoliennes Nordex N149 dont le rotor de 149 mètres et un mât de plus petite hauteur, est composée de neuf éoliennes avec une hauteur totale de 165 mètres. La variante B est prévue sur une ligne nord/sud constituée de 8 éoliennes avec une hauteur en bout de pale de 180 mètres. La variante C est similaire, avec seulement 7 éoliennes. Du fait des contraintes techniques et du parti pris de s'implanter à l'est d'un chapelet de boisements et donc sur des ondulations ouvertes en retrait du fond de vallée de la Dives, les variantes présentent une implantation relativement similaire, qui a été étudiée grâce à six photomontages depuis trois points qui sont le centre de Barou-en-Auge, le centre du marais et le lieu-dit " la Gare " à Morteaux-Couliboeuf. Les variantes ainsi présentées dans l'étude d'impact dont les positions prennent en compte les contraintes de production respectent les recommandations paysagères principales et notamment les recommandations de la mission régionale de l'autorité environnementale. La société pétitionnaire a estimé que la variante A est la plus " impactante " en termes de paysage tandis que les variantes B et C ont une différence peu significative sur ce plan. De plus, les variantes dans l'étude d'impact ont été analysées au regard de plusieurs critères comme le bout de pale et garde au sol, la flore et végétation " naturelles ", les oiseaux, les chiroptères et les autres groupes faunistiques mais aussi en fonction du nombre d'éoliennes allant de 9 à 7, de la puissance unitaire et de la hauteur maximale de 166 à 180 mètres dans le but de trouver le moindre impact écologique possible. En fonction des autres contraintes environnementales et techniques, la variante C a été retenue. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance des solutions de substitution présentées dans l'étude d'impact qui expose les avantages et les contraintes des variantes doit être écarté.

En ce qui concerne l'insuffisance de l'évolution des incidences Natura 2000 :

12. Dans son étude d'impact de mai 2021, et en réponse à la recommandation n°2 de la mission régionale de l'autorité environnementale, la société pétitionnaire, précise qu'elle a pris en compte cette recommandation, en faisant une étude détaillée et approfondie concernant le volet naturaliste afin d'étudier les impacts du projet sur le site Natura 2000 relatif à la " Haute vallée de la Touques et affluents " et particulièrement au regard de l'espèce de chiroptères " barbastelle d'Europe ". En effet, l'étude complémentaire a été conduite pour cette espèce à cinq kilomètres autour des gîtes de parturition et à dix kilomètres autour des sites d'hibernation et a porté de manière détaillée sur les cas de collision/barotraumatisme qui ont été constatés en France mais une telle probabilité est considérée moyenne pour l'activité éolienne en Normandie. 194 contacts certains ont été enregistrés au sol (écoute passive), dont les deux tiers proviennent de la période postnuptiale. Les points d'échantillonnage n°1 et 4 regroupent 81% des données mais l'espèce a été détectée sur l'ensemble des six points d'échantillonnage passifs ce qui signifie qu'elle fréquente l'ensemble du territoire du projet avec toutefois des activités très faibles au cœur des parcelles agricoles dans lesquelles les éoliennes doivent s'intégrer. Le suivi en hauteur a permis de démontrer qu'aucune barbastelle d'Europe n'avait fréquenté le volume aérien compris entre 55 et 100 mètres au-dessus du sol, soit celui principalement concerné par le risque de collision/barotraumatisme. L'ensemble des 54 contacts de l'espèce, enregistrés dans un volume de 0 à environ 33 mètres, est ainsi contenu très majoritairement dans l'espace de garde au sol, soit en dehors du risque de collision/barotraumatisme. Au regard de sa sensibilité moyenne, du caractère quasi-menacée de ses populations régionales et de son activité régulière et localement notable dans les lisières boisées, haies, l'impact du projet sur les populations de l'espèce a été évaluée de faible en parturition à moyen en période de dispersion. Afin d'éviter et réduire cet impact, plusieurs mesures en faveur des chauves-souris, dont profitera également la barbastelle d'Europe, ont été prises par le porteur du projet, qui sont l'évitement de plus de 200 mètres de quatre éoliennes des principales lisières fonctionnelles pour les chauves- souris, la gestion des plateformes et des abords immédiats dont l'objectif est de rendre ces habitats les moins attractifs possibles pour les chauves-souris, la gestion des pratiques culturales, dont l'objectif est de réduire l'attractivité potentielle de certaines pratiques agricoles pour les chauves-souris en chasse, la gestion de l'éclairage dont l'objectif est de réduire l'attractivité pour les insectes, entrant dans le régime alimentaire des chauves-souris, la contractualisation et la gestion de 3,8 hectares de parcelles en faveur de certaines espèces sensibles à l'activité des éoliennes (mesure de " diversion "), la création d'au moins 3 000 mètres linéaires de haies bocagères fonctionnelles en faveur de certaines espèces sensibles à l'activité des éoliennes (mesure de " diversion ") et la gestion nocturne des éoliennes adaptée et contextualisée en fonction des conditions météorologiques locales. Cette dernière mesure consiste à brider toutes les éoliennes, et particulièrement plus fortement les éoliennes E1, E2 et E3 dont l'emplacement est à moins de 200 mètres d'éléments plus ou moins fonctionnels, pour permettre jusqu'à plus de 85 % des contacts de barbastelle d'Europe d'évoluer dans le territoire du parc sans risque de collision avec des pales en mouvement. Il en résulte un impact faible à moyen évalué sur les populations, qui réduit significativement un tel risque par un ensemble de mesures appropriées efficaces et engagées par le porteur du projet. Le projet n'a donc aucune incidence directe ou indirecte significative sur les populations de barbastelle d'Europe. En outre, le porteur du projet a débuté la réalisation de suivis environnementaux conséquents et supérieurs aux minima réglementaires dont l'objectif est de disposer de données suffisamment représentatives et de prendre les éventuelles mesures correctrices nécessaires en cas d'atteinte résiduelle significative. La société éolienne du pays d'Auge a de plus annexé à l'étude d'impact les contrats passés avec les propriétaires ou exploitants pour la mise œuvre des mesures de réduction, l'article 6 de ces contrats mentionnant que les mesures de réductions seront réalisées pendant toute la durée d'étude, de construction, d'exploitation, de démantèlement définitif et de remise en état du site et cette clause étant rappelée l'article 8 de l'arrêté d'autorisation du 11 avril 2022 et devant être respectée par la société pétitionnaire. Ainsi, à l'issue de l'évaluation détaillée des incidences sur le site Natura 2000 qui prend en compte le rayon d'action de la barbastelle d'Europe, le projet qui prévoit des mesures de réduction qui devront être mise en œuvre même si un changement d'exploitant ou de propriétaire intervient, n'entraîne donc aucune incidence significative sur les espèces et habitats naturels et ne remet donc pas en cause les objectifs de maintien du bon état de conservation des espèces qui vivent dans la " Haute vallée de la Touques et affluents ". Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact sur l'évolution des incidences sur le site Natura 2000 sur la barbastelle d'Europe doit être écarté.

En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact sur l'origine des matériaux utilisés :

13. Aucune disposition législative ou réglementaire n'exige de préciser l'origine des matériaux dans l'étude d'impact qui n'a pas pour objet de décrire en détail les ouvrages envisagés mais seulement de permettre au public de connaître la nature et la localisation des travaux prévus ainsi que les caractéristiques générales des ouvrages les plus importants.

14. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet, la nature et les quantités de matériaux utilisée et les caractéristiques techniques du type de machine envisagé figurent dans le chapitre " Description du projet " de l'étude d'impact conformément aux dispositions du 2 de l'article R. 122-5 du code de l'environnement.

En ce qui concerne la description du site du projet :

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des plans joints à la description de la demande de la société pétitionnaire que la description du projet serait insuffisante et n'aurait pas permis une information complète du public quant à la localisation du projet.

En ce qui concerne le radar météorologique de Falaise :

16. Si l'association Laizon environnement et autres remettent en cause l'indépendance de la société QinetiQ, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leur affirmation.

17. Les appelants soutiennent que l'étude ne permet pas au public d'être informé des conséquences du projet sur le fonctionnement du radar météorologique de Falaise dès lors que l'étude QinetiQ est difficilement compréhensible notamment en ce qu'elle néglige de fournir certaines données et calculs et ne permet pas de s'assurer du bien-fondé de la conclusion selon laquelle les perturbations engendrées par le projet à l'égard du radar météorologique seraient acceptables. Toutefois, ils ne contestent pas sérieusement le ministre de l'écologie lorsque celui-ci affirme que l'étude été réalisée conformément aux exigences de l'arrêté ministériel du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement et selon une méthode agréée qui est une modélisation des perturbations générées par les éoliennes sur les radars météorologiques " Cloudis 1 " de la société. De plus, par une décision du 20 novembre 2015, la méthode de modélisation des perturbations générées par les aérogénérateurs sur les radars météorologiques " Cloudis 1.0 " de la société Qinetio Ltd chargée de sa mise en œuvre a été reconnue par le ministre.

En ce qui concerne les capacités financières :

18. Aux termes de l'article L. 181-27 du code de l'environnement : " L'autorisation prend en compte les capacités techniques et financières que le pétitionnaire entend mettre en œuvre, à même de lui permettre de conduire son projet dans le respect des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et d'être en mesure de satisfaire aux obligations de l'article L. 512-6-1 lors de la cessation d'activité ". Aux termes de l'article D. 181-15-2 du même code : " (...) I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir au plus tard à la mise en service de l'installation (...) ".

Il résulte de ces dispositions que le dossier d'une demande d'autorisation déposée depuis le 1er mars 2017 ne doit plus comporter des indications précises et étayées sur les capacités financières exigées par l'article L. 181-27 mais seulement une présentation des modalités prévues pour établir ces capacités, si elles ne sont pas encore constituées.

19. Il ressort du dossier de la demande d'autorisation que le montant total du projet porté par la société pétitionnaire serait évaluée à 34,6 millions d'euros, que le plan de financement reposerait sur des fonds propres pour 10% à 20 % et sur un recours à des prêts bancaires pour 80 % à 90%, et qu'avec un financement à hauteur de 90 % en cas de refus d'un emprunt bancaire, la société VSB Energies Nouvelles peut, avec un montant de 34,17 millions d'euros de capitaux propres en 2020, apporter les fonds nécessaires la société Eoliennes du pays d'Auge, qui est sa filiale. Le dossier comprend une lettre d'attestation et d'engagement des capitaux propres, une attestation d'un expert-comptable et les accords bancaires de garantie financière. Il comporte des indications suffisamment précises et étayées pour satisfaire à cette obligation tenant à l'information complète du public quant aux capacités financières de la société pétitionnaire. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la demande d'autorisation aurait insuffisamment décrit les capacités financières du porteur du projet au regard des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne les photomontages :

20. Le bureau d'études Enviroscop, qui a procédé aux photomontages critiqués par les requérants du fait de leur petit format, des prises de vue et de la technique utilisée, explique que la méthodologie est conforme aux préconisations du " Guide relatif à l'élaboration des études d'impacts pour les projets éoliens terrestres " en vigueur. Le Guide national de 2016 donne des indications concernant donc la largeur du document, son angle et la distance de lecture, mais ne donne pas de préconisations pour la hauteur des vues réelles. S'il est vrai que dans le carnet de photomontage les vues réelles sont en dessous de la moitié de la hauteur de la page, ce format ne nuit pas à la perception des éoliennes photomontées, les rapports d'échelles étant exacts par rapport à la distance orthoscopique. Une hauteur plus importante de la vue réelle aurait permis de présenter plus de ciel ou d'éléments au premier plan des photographies ne saurait remettre en question l'évaluation de l'impact visuel du projet. Si certaines photographies présentent des brumes ou ciels nuageux, la modélisation des éoliennes du projet a été adaptée en conséquence pour une meilleure appréhension visuelle du projet. Les imprécisions éventuelles des photomontages qui en résulteraient n'ont pas été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

21. Certains photomontages, qui seraient pris en période estivale, avec des arbres " feuillus " ou " juste devant des obstacles visuels ", réduiraient les vues sur le projet. Toutefois, le bureau d'études Enviroscop explique que les esquisses avec les éoliennes figurées en filaire sans gommage permettent d'apprécier les masques visuels et de conclure que les niveaux d'impacts seraient identiques en vues hivernales.

22. S'agissant des obstacles visuels, le bureau d'études justifie techniquement les points de vue des photomontages 20, 22, 23 et 31 dès lors qu'ils sont représentatifs des vues que peuvent avoir les habitants de ces lieux de vie.

23. L'impact visuel du projet sur les monuments historiques que sont l'abbatiale de Saint-Pierre-sur-Dives, l'église de Norrey-en-Auge, le château de Louvagny, le château de Vendeuvre, le château de Versainville, le château de Versainville, analysé dans le cadre de l'étude paysagère, notamment par la réalisation de photomontages, a été regardé " nul " à " faible " dans le volet paysager de l'étude d'impact.

24. La mission régionale de l'autorité environnementale a estimé dans son avis du 11 juin 2020 que le dossier qui lui a été transmis est correctement illustré et d'une lecture aisée.

25. Le résumé non-technique du dossier d'étude d'impact étant clair, synthétique et d'une lecture accessible au grand public, il ne ressort pas des pièces du dossier que les photomontages minimisent l'impact des éoliennes sur les paysages et les monuments. L'étude paysagère a suffisamment analysé le paysage, y compris les monuments protégés, les lieux de vie et les conditions permettant la meilleure configuration du projet. En concluant que le projet ne porte atteinte ni aux monuments historiques ni aux lieux de vie, soit les bourgs, l'étude d'impact a parfaitement caractérisé les incidences visuelles du projet.

Sur l'enquête publique :

En ce qui concerne le périmètre géographique de l'enquête publique :

26. L'enquête publique a pu ne pas être étendue à la commune des Moutiers-sur-Auge où trois postes de livraison doivent être installés dès lors qu'aucune éolienne n'y est prévue et qu'un poste de livraison ne constitue pas une caractéristique majeure du projet.

En ce qui concerne l'objet de l'enquête publique :

27. Il ressort des pièces au dossier que l'ensemble des éoliennes du projet est situé sur le territoire des communes de Barou-en-Auge et de Norrey-en-Auge. La circonstance que les postes de livraison soient situés sur le territoire de la commune des Moutiers-en-Auge n'implique pas que l'objet de l'enquête publique serait différent de celui indiqué dans l'avis. En outre, l'omission de la mention de la commune de Moutiers-en-Auge, dont le caractère volontaire n'est pas établi, n'a pas eu pour effet de faire obstacle à ce le nombre d'habitants de cette commune pût participer à l'enquête et d'induire en erreur la commission d'enquête. En tout état de cause, l'avis d'enquête publique a été affiché dans la commune de Moutiers en Auge comme en atteste l'arrêté d'ouverture et les constats d'affichage annexés au rapport de la commission d'enquête et que l'enquête publique a par ailleurs fait l'objet d'un affichage réglementaire et d'une publicité dans la presse locale avant et après le début de l'enquête.

En ce qui concerne le dossier d'enquête publique :

28. Si les appelants soutiennent que l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale du 11 juin 2020 ne figure ni dans la version numérique, ni dans la version papier du dossier transmis aux commissaires-enquêteurs, ils ne contestent plus au cours des débats que, comme le ministre le précise en défense, l'avis a été transmis avant l'ouverture de l'enquête publique, que la commission d'enquête a pu vérifier que le contenu était conforme aux textes en vigueur et que l'avis a été publié sur le site de la préfecture du Calvados. En outre, l'avis de l'autorité environnementale a été mis en ligne sur son site et mis à jour le 11 juin 2020, soit avant le début de l'enquête publique, le 25 octobre 2021. Par ailleurs, l'autorité administrative qui a saisi l'architecte des bâtiments de France pour avis conforme en application des dispositions de l'article R. 181-32 du code de l'environnement n'était pas tenue d'inclure l'avis ainsi rendu au dossier de l'enquête publique dès lors qu'il n'a pas la nature d'une des autorisations prévues aux articles

L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine. En revanche, le rapport établi au terme de l'enquête publique mentionne que les avis émis par les architectes des bâtiments de France du Calvados et de l'Orne et le directeur régional des affaires culturelles sont défavorables mais qu'ils ne sont pas motivés par le non-respect des périmètres protégés au titre des abords des monuments historiques. Ces mentions ont permis une information suffisante du sens de ces avis par le public.

En ce qui concerne la grille d'analyse des observations du public et le bilan statistique de la commission d'enquête :

29. Si les appelants font valoir que la grille d'analyse ne permet pas de s'assurer qu'une habitante de la commune de Barou-sur-Auge a pu exposer ce qu'elle voulait dire au sujet des atteintes aux chiroptères et qu'une autre n'aurait pas participé à la permanence du 29 octobre 2021, il ressort toutefois des pièces au dossier et notamment des registres de l'enquête publique que les observations de l'habitante de la commune de Barou-sur-Auge ont été déposées lors des permanences organisées dans cette commune les 22 novembre et 29 novembre 2021 et dans celle de Norrey-en-Auge le 27 novembre 2021 et que la seconde personne était présente lors d'une permanence qui s'est tenue dans la commune de Norrey-en-Auge le 27 novembre 2021.

En ce qui concerne le défaut d'impartialité de la commission d'enquête, son manque de méthode, ses insuffisances, ses confusions et ses omissions :

30. Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision. ". Aux termes de l'article R. 123-19 du même code : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet (...) ".

31. L'enquête publique prévue par ces dispositions doit se dérouler dans le respect des principes d'égalité et d'impartialité, dont il découle que la consultation doit être sincère, en permettant notamment au public de donner utilement son opinion et en conduisant le commissaire enquêteur, dans son rapport, à procéder à une synthèse fidèle des observations du public ainsi qu'à une analyse objective des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, des observations du pétitionnaire en réponse aux observations du public.

S'agissant du recueil des observations du public :

32. En premier lieu, les appelants font état en particulier de ce que le président de la commission a refusé de prendre en note les observations d'une habitante de Barou-en-Auge qui ne pouvait plus écrire en raison d'une maladie ou celles d'un habitant de Beaumais ou a répondu qu'il était " hors sujet " de produire notamment des observations sur la " concertation " ayant précédé le dépôt du dossier de demande. En deuxième lieu, ils ont noté le déséquilibre quantitatif du rapport témoignerait des préjugés la commission d'enquête. Sur soixante-six pages, le rapport n'en consacre que treize aux observations du public alors que l'immense majorité des observations du public est défavorable au projet. Ils ont noté que les dix-sept " observations favorables émises " ont droit à une " synthèse " à la page 53 et l'une d'elle est même résumée et qualifiée de " réponse intéressante et concrète à propos du démantèlement futur des machines en fin de vie " alors que les 236 " observations défavorables " ne reçoivent aucun commentaire mais seulement figurent sur une liste de thèmes et de titres énigmatiques, aux pages 54 et 55 du rapport d'enquête. L'opposition des 16 communes sur les 29 consultées par le préfet du Calvados est réduite à une liste de motifs sans explication ou commentaire (page 62 du rapport d'enquête). En troisième lieu, les appelants estiment que la commission d'enquête ont fait preuve de mépris à l'égard des administrés et des opposants au projet dès lors que les commissaires les ont qualifiés respectivement de " autochtones " (p. 37 du rapport d'enquête) et de " visiteurs " (p.56 et 60 du rapport d'enquête). En quatrième lieu, ils reprochent aux commissaires-enquêteurs de ne pas avoir cité les quatorze associations ayant participé à l'enquête ni tenu compte de leurs observations. Les observations ont été transmises à la société pétitionnaire pour réponse. Le rapport ne contient pas les réponses et, partant, les commentaires de la commission d'enquête sur ces réponses. Ainsi, l'opinion du promoteur aurait une pertinence supérieure sur toutes les objections que les associations spécialisées ont faites au projet éolien alors que les dossiers des associations ont été qualifiées par la commission d'enquête de très étayées et argumentées. En cinquième lieu, les appelants estiment que le rapport d'enquête publique, alors qu'il cite une phrase d'une expertise du groupe mammalogique normand (GMN), membre du réseau de chiroptérologues de la Société française d'étude et de protection des mammifères (SFEPM), sans le nommer, a écarté cette expertise. En sixième et dernier lieu, ils invoquent le fait que parmi les 255 observations du public, la seule retenue par les commissaires enquêteurs est celle d'un adversaire des " anti-éoliens " ainsi que l'absence de tout examen de l'impact visuel du projet.

33. Cependant, l'ensemble de ces constatations et griefs rappelés aux points 30 à 32, ne traduit pas le fait que les commissaires-enquêteurs n'auraient pas assuré fidèlement le recueil et la restitution de l'ensemble des observations du public, ni que leur comportement au cours de l'enquête publique ou lors de la rédaction du rapport et de leur avis auraient été empreints d'un parti pris en faveur du projet ou d'une volonté de discréditer les opposants. En outre, la circonstance que les commissaires enquêteurs se sont notamment fondés, pour répondre aux observations du public, sur des éléments d'information produits par la société pétitionnaire n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité.

S'agissant de l'absence de critiques à l'égard des affirmations de la société pétitionnaire :

34. Ni la référence au syndrome dit " Nimby " (" Not in My Backyard " : pas chez moi) pour expliquer l'opposition au projet, ni les contre-vérités alléguées du rapport d'enquête publique quant à la concertation préalablement organisée par le pétitionnaire alors que selon les requérants aucune concertation n'a eu lieu, ni le fait que les commissaires enquêteurs citent dans leur rapport un ancien président du syndicat des énergies renouvelables en faveur de la politique éolienne française ne caractérisent pas un défaut d'impartialité.

S'agissant des données scientifiques :

35. L'absence de remise en cause de l'expertise scientifique du bureau d'études Ecosphère, qui a réalisé le volet naturaliste de l'étude d'impact du projet, la méconnaissance de l'avis du groupe mammalogique normand, l'ignorance des opinions émises par les spécialistes des chiroptères, le défaut d'examen des références d'Ecosphère sur l'œdicnème criard et le fait que la commission d'enquête n'a pas prêté un examen particulier aux dates obsolètes de référence en ce qui concerne le busard saint martin et le busard cendré ne constituent pas davantage un défaut d'impartialité.

S'agissant de la méthodologie suivie :

36. La circonstance qu'un article de magazine sert d'appui à l'opinion des commissaires enquêteurs et l'absence de contrôle des affirmations du pétitionnaire ne caractérisent pas pour autant un défaut d'impartialité.

37. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les commissaires enquêteurs n'ont pas affiché leurs opinions personnelles ou exprimé un préjugé en faveur des éoliennes au cours de l'enquête publique ou dans leur rapport.

S'agissant de l'avis de la commission d'enquête publique :

38. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la motivation tant du rapport d'enquête publique que de l'avis motivé du la commission d'enquête que ces documents sont rédigés en termes équilibrés et mesurés et dressent un état complet des observations et critiques émises par le public à l'égard du projet de parc éolien.

39. Il résulte des points 32 à 38 que le moyen tiré du défaut d'impartialité de la commission d'enquête, son manque de méthode, ses insuffisances, ses confusions et ses omissions doit être écarté.

Sur les trois postes de livraison :

40. Aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : / (...) / d) Du fait que leur contrôle est exclusivement assuré par une autre autorisation ou une autre législation ; (...) ". Aux termes de l'article L. 421-8 du même code :

" A l'exception des constructions mentionnées aux b et e de l'article L. 421-5, les constructions, aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code doivent être conformes aux dispositions mentionnées à l'article L. 421-6. ". Aux termes de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, issu du décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale : " Lorsqu'un projet d'installation d'éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, cette autorisation dispense du permis de construire ". Enfin, selon l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement, issu d'un autre décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : (...) / 12° Pour les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent : / a) Sauf dans le cas prévu au 13°, un document établi par le pétitionnaire justifiant que le projet est conforme, selon le cas, au règlement national d'urbanisme, au plan local d'urbanisme ou au document en tenant lieu ou à la carte communale en vigueur au moment de l'instruction (...) ".

41. Il résulte de ces dispositions que les projets d'installation d'éoliennes terrestres soumis, depuis le 1er mars 2017, à autorisation environnementale sont dispensés de l'obtention d'un permis de construire ce qui n'a, toutefois, ni pour objet ni pour effet de dispenser de tels projets du respect des règles d'urbanisme qui leurs sont applicables, les dispositions précitées mettant à la charge de l'autorité administrative, à l'occasion de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, l'examen de la conformité des projets d'installation d'éoliennes aux documents d'urbanisme applicables. Ces dispositions assurent ainsi le respect, par les projets d'installation d'éoliennes terrestres, des prescriptions du plan local d'urbanisme, notamment celles relatives à la hauteur des constructions et installations.

42. Il suit de ce qui précède que les trois postes de livraison n'avaient pas à faire l'objet d'un permis de construire alors même qu'ils présentent, chacun, une emprise de 23 m².

Sur la méconnaissance des dispositions des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement :

43. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et

L. 511-1, selon les cas (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ".

En ce qui concerne l'impact sur les chiroptères :

44. Il résulte de l'instruction que les écoutes passives et actives au sol conduites sur le site d'implantation du projet ont permis, d'une part, d'enregistrer 26 445 contacts de

chauves-souris sur les 78 points d'écoute cumulés au cours de treize nuits échantillonnées, soit une activité moyenne élevée de 339 contacts par appareil et par nuit et, d'autre part, de recenser dix espèces. Face à ce résultat d'échantillonnage qui a couvert l'ensemble du cycle biologique des espèces de chiroptères, qui est fort, la société pétitionnaire a complété son dossier par la plantation de haies, permettant de restaurer des corridors pour la faune, par des mesures d'évitement et par un renforcement du bridage. En particulier, il est prévu une gestion des plateformes et des abords immédiats pour rendre ces habitats les moins attractifs possibles pour les chauves-souris et une gestion des pratiques culturales pour réduire l'attractivité potentielle de certaines pratiques agricoles pour les chauves-souris en chasse et une gestion de l'éclairage pour réduire l'attractivité pour les insectes, entrant dans le régime alimentaire des chauves-souris. Le pétitionnaire prévoit également une contractualisation et une gestion de 3,8 hectares de parcelles en faveur de certaines espèces sensibles à l'activité des éoliennes et une création d'au moins 3 000 mètres linéaires de haies bocagères fonctionnelles en faveur de certaines espèces sensibles à l'activité des éoliennes. En matière de bridage, une gestion nocturne des éoliennes adaptée et contextualisée en fonction des conditions météorologiques locales permet de brider toutes les éoliennes en fonction de certaines périodes de l'année, des tranches horaires nocturnes, de la vitesse du vent et de la température. De telles mesures d'évitement, de réduction et de bridage proposées présentent donc des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour ces espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé. Enfin, les appelants ne peuvent utilement soutenir que la société pétitionnaire ne respecte pas les recommandations d'Eurobats lesquelles sont dépourvues de portée règlementaire et ont été établies pour des parcs éoliens qui ne comportent pas de plan de bridage. En tout état de cause, il ressort des pièces au dossier et notamment de l'étude d'impact que les éoliennes E4, E5, E6 et E7 respectent la recommandation formulée par Eurobats et que l'éolienne E1 est située à 171 mètres d'arbustes " en mauvais état de conservation " et présentant un " intérêt fonctionnel faible " pour les chiroptères de nature à " fortement limiter le risque de collision ", que l'éolienne E2 " sera en très léger survol du ruisseau des Ruaux " présentant un " intérêt fonctionnel faible " pour les chiroptères et enfin, que la distance d'éloignement de l'éolienne E3 " est très proche de la préconisation Eurobats (184 mètres contre 200 mètres) et sera de nature à limiter le risque ".

En ce qui concerne la mesure de compensation consistant en la réalisation de haies bocagères :

45. Le moyen relatif à l'absence de garanties de mise en œuvre de haies bocagères en cas de changement de propriétaires des parcelles concernées doit être écarté dès lors qu'il s'agit d'une servitude qui grève les biens et qui doit être transmise à chaque nouveau propriétaire.

En ce qui concerne l'impact sur les oiseaux :

46. Les requérants invoquent l'impact du projet notamment sur l'œdicnème criard, le busard Saint-Martin, le busard cendré et le goéland brun. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de la note d'Ecosphère en réponse à l'enquête publique que la sensibilité à la perturbation est qualifiée de " non significative ", et que le risque de collision est qualifié de " faible " après application de mesures MR02-2 qui sont la gestion des pratiques culturales pour réduction de leur attractivité et mesures MR02-4 qui sont la contractualisation et la gestion de 3 hectares de parcelles favorables à ces espèces en dehors du parc. En particulier, l'impact brut du projet est noté par le même bureau d'études Ecosphère pour le busard Saint-Martin " moyen " en période de nidification et négligeable aux autres périodes et s'agissant du busard cendré comme moyen en période de nidification et résiduel à négligeable aux autres périodes. Par ailleurs, l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale du 11 juin 2020 recommande un suivi comportemental plus rapproché, qui pourrait permettre d'alerter le maître d'ouvrage plus rapidement en cas de mortalité anormale de l'avifaune en phase d'exploitation du parc. La commission d'enquête publique estime que l'ensemble des réponses apportées pour la préservation des œdicnèmes criards, des busards, des chiroptères sont rassurantes. Quant à l'inspection des installations classées, elle estime que le suivi prévu doit être appliqué et que la période d'entretien des plateformes au pied des éoliennes a été revue de manière à décaler la fauche prévue en été à la fin du mois d'août afin d'éviter la saison de reproduction des oiseaux. De telles mesures d'évitement et de réduction proposées dans l'étude d'impact et mentionnées dans l'arrêté contesté présentent aussi des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour ces espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé.

En ce qui concerne l'impact paysager :

47. Aux termes de l'article L. 350-1 A du code de l'environnement : " Le paysage désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l'action de facteurs naturels ou humains et de leurs interrelations dynamiques ". Pour l'application de ces dispositions combinées avec celles de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, le juge des installations classées pour la protection de l'environnement apprécie le paysage et les atteintes qui peuvent lui être portées en prenant en considération des éléments présentant, le cas échéant, des dimensions historiques, mémorielles, culturelles et artistiques.

S'agissant de l'impact dans une vision globale :

48. Il résulte de l'instruction que si l'impact est réel, il n'est pas prégnant au-delà de cinq à sept kilomètres en raison du relief et de l'importance des masques végétaux. Aucun effet d'écrasement ne peut être constaté et notamment par rapport à la " cuesta d'Auge ". Les perspectives d'échelle visuelle entre les lignes des collines avoisinantes sont raisonnables ou proportionnées. Seulement cinq impacts de co-visibilité sont recensés, soit un nombre très faible. Ainsi, la distance, la végétation, la configuration et les perspectives permettraient de réduire le projet depuis la plupart des points de vue et les visibilités ou co-visibilités en résultant ne seraient pas de nature à caractériser une atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 précité.

S'agissant de l'impact dans une vision rapprochée :

Quant à l'abbatiale de Saint-Pierre-sur-Dives :

49. Si dans son avis du 20 mai 2020, l'architecte des bâtiments de France a estimé que " les impacts du projet par rapport à l'équilibre existant entre les éléments patrimoniaux repères et le paysage seront forts. Le cas le plus significatif est celui de l'abbatiale de Saint-Pierre-sur-Dives (Saint-Pierre-en-Auge). Il s'agit du monument historique le plus haut, le plus visible depuis le lointain dans ce paysage de plaine, notamment depuis les contreforts du Pays d'Auge. Les éoliennes en mouvement seront en concurrence visuelle directe avec l'abbatiale. Les impacts visuels sont qualifiés de nuls dans ce secteur : cela est faux puisque les éoliennes seront plus de deux fois plus hautes que les tours de l'abbatiale. Quant aux impacts visuels sur le clocher de l'église de Norrey-en-Auge, ils sont qualifiés de modérés : cela est faux également, les éoliennes claires en mouvement se détachant dans les paysages seront très visibles. ", il résulte de l'instruction que le projet éolien est distant d'environ dix kilomètres de l'abbatiale. En outre, depuis la D40 vers Escures-sur-Favières, le projet est complétement masqué, de sorte que les impacts visuels sont " nuls ". Depuis la D40 vers la zone d'activités de Donville, l'abbatiale apparait brièvement entre les bâtiments industriels. Par ailleurs, e projet est visible dans l'axe de la route mais très peu prégnant, seuls des bouts de pales dépassant de la ligne du relief. De plus, il est séparé du monument par un espace visuel d'environ 58°. Aucune co-visibilité n'est envisagée. Les impacts sur le monument sont insignifiants. Depuis la voie ferrée au nord de Saint-Pierre-sur-Dives, le projet entre en co-visibilité avec le monument. Cependant, les éoliennes sont peu prégnantes, le monument restant l'élément focalisant le regard. Compte tenu de la végétation à l'approche de la ville, les impacts sont donc faibles. Depuis la sortie sud de Théville, l'abbatiale est moins visible. Elle est en grande partie masquée par la ripisylve de la vallée, seule la tour la plus haute émergeant de la végétation. Le projet est complètement masqué et son impact nul. Il en est de même depuis la D511, au nord-est de Saint-Pierre-sur-Dives.

Quant à l'église de Norrey-en-Auge :

50. Si dans son avis du 20 mai 2020, l'architecte des bâtiments de France a estimé que " les impacts sont qualifiés de modérés à Norrey-en-Auge alors que ce n'est pas le cas : il y aura un phénomène de saturation visuelle à l'intérieur même du bourg regroupé autour de son église protégée au titre des monuments historiques. ", il résulte de l'instruction que depuis le centre de Norrey-en-Auge sur la D90a, seul le rotor de l'éolienne E3 est visible tandis que les vues sur les éoliennes E5 et E6 sont filtrées par la végétation et les autres machines sont masquées. L'éolienne E3 s'insère derrière une ligne électrique, en décalé par rapport à la croix du cimetière et au porche de l'église. Depuis l'est de Norrey-en-Auge sur la D90a, aucune éolienne n'entre en co-visibilité avec l'église. De plus, bien qu'il soit visible au sud de l'église, le projet est bien séparé visuellement du monument et ne vient pas créer d'effet de rupture d'échelle. Par ailleurs, l'association" SOS Pays de Falaise " et autres soutiennent que le photomontage n° 7 minimise fortement voire nie complétement l'impact du projet sur l'église de Norrey-en-Auge et critiquent le choix du point de vue retenu pour ce photomontage n° 7 qui offre une vue bouchée vers l'église dont on n'aperçoit uniquement le haut du clocher puisque le reste du monument est masqué par la végétation et versent aux débats à l'appui de leurs critiques un carnet de photomontages ainsi que des vidéos-montages établis par un photographe professionnel. Toutefois, il ressort des pièces au dossier que les photomontages et vidéos-montages versés aux débats par les appelants ne correspondent pas aux exigences d'un carnet de photomontage professionnel alors que de son côté conformément au guide des bonnes pratiques la société pétitionnaire a retenu pour

Norrey-en-Auge un point de vue depuis l'axe le plus fréquenté, la départementale D90a, traversant le village depuis l'est et où l'église est visible dans l'axe de la route. Ainsi, les appelants en s'appuyant sur un photomontage réalisé depuis la route menant de la RD90a au hameau " Le Logis " alors que cette voie ne dessert que deux habitations et n'est pas balisée comme un itinéraire de promenade, ne démontrent pas en quoi les points de vue qu'ils ont retenus seraient plus représentatifs du territoire, le carnet de de photomontages produit par les appelants ne mentionnant pas de plus la nature du modèle numérique de terrain employé pour la modélisation et ne présentant pas les esquisses de ses panoramas avec report notamment du relief considéré qui permettent une intégration correcte des éoliennes sur les photomontages.

Quant au bourg de Beaumais :

51. Si dans son avis du 20 mai 2020, l'architecte des bâtiments de France a estimé que " A Beaumais, les vues sont réalisées autour de son église protégée au titre des monuments historiques (église et château) et les éoliennes : de ce fait, les impacts sont qualifiés de faibles et très faibles, alors que le dossier ne montre pas les impacts qu'il y aura dans le village ou en léger retrait du village avec les monuments historiques en premier plan des éoliennes ", il résulte de l'instruction que depuis la sortie nord de Beaumais, le projet forme une ligne régulière sur l'horizon, à l'échelle de ce paysage de grandes cultures dans lequel il s'insère. Depuis le lieu-dit La Rue à Beaumais, les pales sont visibles au milieu de la végétation, en arrière-plan. L'impact du projet est donc très peu prégnant.

S'agissant du mitage paysager :

52. Il appartient au juge de plein contentieux, pour apprécier les inconvénients pour la commodité du voisinage liés à l'effet de saturation visuelle causé par un projet de parc éolien, de tenir compte, lorsqu'une telle argumentation est soulevée devant lui, de l'effet d'encerclement résultant du projet en évaluant, au regard de l'ensemble des parcs installés ou autorisés et de la configuration particulière des lieux, notamment en termes de reliefs et d'écrans visuels, l'incidence du projet sur les angles d'occupation et de respiration, ce dernier s'entendant du plus grand angle continu sans éolienne depuis les points de vue pertinents.

53. En l'espèce, dans un rayon de dix à quinze kilomètres autour de la zone d'implantation du projet, se trouvent plusieurs parcs éoliens existants. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude paysagère que ces différents parcs éoliens assez éloignés du projet en litige sont bien séparés les uns des autres et la co-visibilité entre le projet et ces parcs est qualifiée de faible à très faible. De plus, si l'éolienne de Mandeville est située à une plus faible distance du projet que les autres parcs, l'étude paysagère précise que " la distance entre le projet et l'éolienne ainsi que la différence de gabarit permettent de bien identifier visuellement les deux éléments ", les impacts cumulés étant ainsi " faibles à très faibles ". Par ailleurs, il ressort du carnet de photomontages que les impacts cumulés à ceux des éoliennes déjà construites sont regardés comme faibles ou très faibles et n'ont pas pour effet d'augmenter l'effet d'encerclement auprès de la zone d'implantation. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le projet créerait un mitage du paysage en raison de l'existence d'autres parcs éoliens visibles depuis les villages de Barou-en-Auge, Norrey-en-Auge et les Moutiers-en-Auge.

S'agissant de la minimisation de l'impact du projet sur le paysage :

54. Les appelants soutiennent que l'étude d'impact de la société pétitionnaire minimise l'impact du projet sur le paysage en s'appuyant sur l'avis rendu par la mission régionale d'autorité environnementale le 11 juin 2020 selon lequel il ressortirait des coupes et photomontages de l'étude d'impact un " écrasement de la perception de la cuesta d'Auge du fait d'un rapport d'échelle défavorable ", une analyse insuffisante de l'impact du projet sur certains monuments et sites protégés (château de Fontaine-les-Bassets, le domaine du Haras du Pin, la motte castrale de Bailleul ou le couloir de la Mort), et une minimisation des incidences visuelles depuis les bourgs riverains (écrasement de la silhouette de Norrey-en-Auge et altération du caractère rural de l'église des Grands-Moutiers). Toutefois, postérieurement à l'édiction de cet avis le carnet de photomontages du volet paysager a été complété par sept nouveaux photomontages par rapport à celui de l'étude d'impact soumise à l'autorité environnementale qui montent que depuis le château de Fontaine-les-bassets, le château du Haras du pin, la motte castrale de Bailleul et le panorama de Magny dans le couloir de la mort, les impacts visuels sont faibles et que le projet n'emporte pas de rupture d'échelle ni de concurrence visuelle prégnante avec les éléments paysagers et demeure notamment bien distinct de la cuesta du pays d'Auge qui structure le paysage de la plaine de Trun à l'Est avec un écart d'environ 15 degrés. Par ailleurs, s'agissant du village de Norrey-en-Auge, l'étude paysagère relève une visibilité du projet depuis les alentours de l'église de Norrey-en-Auge mais souligne qu'il " ne vient pas perturber la vue. En effet, le bâti traditionnel, le cimetière et l'église continuent de focaliser le regard. Les impacts visuels sont faibles à nuls. " alors au demeurant qu'il est prévu par l'arrêté contesté des mesures de réduction et d'accompagnement et notamment la réfection du mur du cimetière de Norrey-sur-Auge et un renforcement de la trame bocagère depuis l'entrée du village et depuis la rue du logis. En outre, s'agissant de l'église des Grands-Moutiers, si l'étude paysagère montre bien que deux éoliennes entrent en covisibilité directe avec l'église, celle-ci n'est pas protégée et une mesure de réduction est prévue consistant à renforcer la trame bocagère des lieux de vie, en particulier, aux Grands Moutiers, à l'entrée sud-est, ce qui permettra de masquer les éoliennes. Ainsi, l'association du Laison et autres se bornent à alléguer que la lecture de l'avis de l'autorité environnementale du 11 juin 2020 permet de comprendre que les photomontages de la société pétitionnaire proposent une lecture biaisée de la réalité et minimisent de manière importante l'impact du projet sur le paysage alors que, d'une part, la lettre de cet avis se contente de recommander au pétitionnaire de compléter le volet paysager et, d'autre part, l'inspecteur des installations classées, de l'aménagement et du logement, après que la société pétitionnaire ait complété le volet paysager en produisant notamment sept nouveaux photomontages, indique dans son rapport du 3 mars 2022 que la société a satisfait à la demande de compléments et regarde la demande d'autorisation " complète et régulière " et précise que " le contenu de l'étude d'impact était proportionné aux enjeux, à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet ". Enfin, si les avis émis les 5 mai et 20 mai 2020 et les 25 juin et 26 juillet 2021 par les architectes des bâtiments de France sont défavorables en raison notamment d'impacts visuels sur le patrimoine et le paysage, ils ont été émis avant que la société pétitionnaire ne complète le volet paysager et renforce les mesures de réduction prévues par l'arrêté contesté.

55. Ainsi, compte tenu de ce qui vient d'être dit aux points 48 et 54, sans dénier l'existence d'un impact visuel que le projet entraînera dans un paysage déjà anthropisé mais peu caractérisé par un intérêt particulier, il ne résulte pas de l'instruction que cette atteinte puisse être qualifiée de particulièrement sensible et de nature à révéler une atteinte aux intérêt protégés par l'article

L. 511-1 du code de l'environnement et à la commodité du voisinage.

En ce qui concerne les " espèces protégées " :

56. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat;(...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, la " délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

57. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

58. En l'espèce, si l'association Laizon environnement et autres soutiennent que le projet litigieux présente des risques pour différentes " espèces protégées ", ils se bornent à se référer à leur critique de l'étude d'impact sur l'analyse des incidences du projet sur l'avifaune et les chiroptères, dont il a été dit au point 12, qu'elle n'était pas entachée d'insuffisance et à citer l'annexe 7 de l'étude écologique qui ne dresse pas la liste des espèces protégées mais la " liste des oiseaux nicheurs par aire d'étude ", sans apporter davantage d'éléments précis de nature à justifier l'existence d'un risque suffisamment caractérisé en se référant. Leur moyen tiré de ce qu'une dérogation à l'interdiction de destruction des " espèces protégées " devait être sollicitée ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur l'absence de compatibilité avec la carte communale de Norrey-en-Auge :

59. L'association du Laizon et autres soutiennent que l'acte contesté du 11 avril 2022 autorisant la société Eoliennes du Pays d'Auge à exploiter sept éoliennes sur les territoires des communes de Barou-en-Auge et Norrey-en-Auge est illégal dès lors que le projet porte atteinte aux espaces naturels et aux paysages. Toutefois, les requérants, en se bornant à se prévaloir du document graphique de carte communale de Norrey-en-Auge sans assortir leur moyen de davantage de précision et alors que, comme il a été dit précédemment le projet ne porte pas atteinte aux espaces naturels et aux paysages, n'établissent pas l'absence de compatibilité du projet avec cette carte communale.

60. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la société Eoliennes du Pays d'Auge que l'association Laizon Environnement et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet du Calvados du 12 avril 2022. Par voie de conséquence, leurs conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants une somme de 1 000 euros sur ce fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Laizon environnement et autres est rejetée.

Article 2 : L'association Laizon environnement et autres verseront à la Société éoliennes du pays d'auge une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Laizon Environnement, représentant unique des requérants, à la société Eoliennes du pays d'Auge et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2024.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

H. DAOUD

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT02612 02


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02612
Date de la décision : 16/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ELFASSI PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-16;22nt02612 ?
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