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25/01/2024 | FRANCE | N°22TL00101

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 25 janvier 2024, 22TL00101


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté de débet émis à son encontre le 17 octobre 2019 par le ministre de l'action et des comptes publics pour une somme de 32 914 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2019 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme.



Par un jugement n° 1904367 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2022 sous le n° 22MA00...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté de débet émis à son encontre le 17 octobre 2019 par le ministre de l'action et des comptes publics pour une somme de 32 914 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2019 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1904367 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2022 sous le n° 22MA00101 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00101 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme A..., représentée par la société d'exercice libéral à forme anonyme (SELAFA) Cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté de débet n° 2019-1095-AD émis à son encontre le 17 octobre 2019 par le ministre de l'action et des comptes publics pour avoir paiement d'une somme de 32 914 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2019 ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 32 914 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté de débet critiqué a été pris par une autorité incompétente ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- le montant du détournement qui lui est imputé n'est pas établi ;

- l'arrêté de débet est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de son état de santé et des dysfonctionnements de l'Ecole supérieure C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;

- le décret n° 2008-227 du 5 mars 2008 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de débet n° 2019-1095-AD émis à son encontre le 17 octobre 2019 par le ministre de l'action et des comptes publics pour avoir paiement d'une somme de 32 914 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2019 et à la décharge de l'obligation de payer cette somme.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre. En statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

3. Aux termes de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963 : " I- Outre la responsabilité attachée à leur qualité d'agent public, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public (...) / X - Les régisseurs, chargés pour le compte des comptables publics d'opérations d'encaissement et de paiement, sont soumis aux règles, obligations et responsabilité des comptables publics dans les conditions et limites fixées par l'un des décrets prévus au paragraphe XII ci-après (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 5 mars 2008 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs, alors en vigueur : " Les régisseurs chargés pour le compte des comptables publics d'opérations d'encaissement (régisseurs de recettes) ou de paiement (régisseurs d'avances) sont personnellement et pécuniairement responsables de la garde et de la conservation des fonds et valeurs qu'ils recueillent ou qui leur sont avancés par les comptables publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives ainsi que de la tenue de la comptabilité des opérations. / La responsabilité pécuniaire des régisseurs s'étend à toutes les opérations de la régie depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions ", aux termes de l'article 2 du même décret, alors en vigueur : " Les régisseurs de recettes sont personnellement et pécuniairement responsables de l'encaissement des recettes dont ils ont la charge. / Ils sont également responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'exercer en matière de recettes dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour les comptables publics par l'article 12 du décret du 29 décembre 1962 modifié ", aux termes de son article 4, alors en vigueur : " La responsabilité d'un régisseur se trouve engagée dès lors qu'un déficit en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par la faute du régisseur, une recette n'a pas été encaissée ou une indemnité a dû être versée par l'organisme public à un tiers ou à un autre organisme public ", aux termes de son article 7, alors en vigueur : " La responsabilité pécuniaire du régisseur est mise en jeu au cours d'une procédure amiable par l'émission d'un ordre de versement " et aux termes de son article 11, alors en vigueur : " Si le régisseur n'a pas acquitté la somme réclamée et s'il n'a pas sollicité ou n'a pas obtenu le sursis ou si le sursis est venu à expiration, un arrêté de débet est immédiatement pris à son encontre en remplacement de l'ordre de versement. / L'arrêté de débet est émis par l'autorité compétente pour mettre en débet le comptable assignataire. / Toutes les dispositions du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique susvisé et des textes subséquents relatives aux arrêtés de débet pris à l'encontre des comptables de l'Etat sont applicables aux arrêtés de débet pris contre les régisseurs des organismes publics ".

4. Il résulte de l'instruction que la direction départementale des finances publiques de Vaucluse a diligenté, à compter du 29 mai 2018, un audit de la régie de recettes de l'Ecole supérieure D..., dont Mme A... avait la responsabilité en tant que régisseur titulaire. Cet audit a révélé l'existence d'un déficit dont le montant total a été évalué à la somme de 32 914 euros au titre de la période allant de la rentrée scolaire 2014/2015 jusqu'au 20 avril 2018. Ces constatations ont donné lieu à un rapport d'audit provisoire du 28 août 2018, puis à un rapport d'audit définitif n° 2018-84-07. Selon ce document, le déficit correspond, à hauteur de 24 775 euros, à la différence entre le produit attendu et le produit encaissé des inscriptions pour les années scolaires 2015/2016, 2016/2017 et 2017/2018 ; à hauteur de 840 euros, à la différence entre le produit attendu et le produit encaissé de l'inscription au concours pour l'année 2017/2018 ; à hauteur de 4 340 euros, à la différence entre le produit attendu et le produit encaissé des cotisations de sécurité sociale au titre de l'année scolaire 2017/2018 ; à hauteur de 2 959 euros, à la différence entre le produit attendu et le produit encaissé des recettes pour les stages de pratique amateur pour les années scolaires 2016/2017 et 2017/2018. Le 11 février 2019, le directeur de l'école a, en sa qualité d'ordonnateur, émis à l'encontre de Mme A... un ordre de versement de la somme de 32 914 euros. Sa demande du 1er mars 2019 tendant à obtenir le sursis a été rejetée par une décision du directeur de l'école du 19 mars 2019. Faute pour Mme A... d'avoir acquitté la somme réclamée, le ministre de l'action et des comptes publics a émis le 17 octobre 2019 à son encontre un arrêté de débet n° 2019-1095-AD d'un montant de 32 914 euros, majoré des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2019.

5. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, auquel renvoie l'article 11 du décret du 5 mars 2008 mentionné au point 3 : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

6. Il résulte de l'instruction que l'arrêté de débet du 17 octobre 2019 indique le montant global de la somme réclamée à Mme A..., sans en préciser les éléments de calcul ni faire référence à un document les précisant. En particulier, l'ordre de versement du 11 février 2019, auquel l'arrêté de débet fait référence et qui avait été précédemment adressé à l'intéressée, n'indique pas ces éléments. Ainsi, et alors même que, comme exposé au point 4, les éléments de calcul de la créance figuraient dans le rapport d'audit définitif qui était joint à l'ordre de versement, l'arrêté de débet critiqué ne peut être regardé comme régulièrement motivé. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que l'arrêté de débet du 17 octobre 2019 est entaché d'illégalité.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme A... est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêté de débet émis à son encontre le 17 octobre 2019 pour une somme de 32 914 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2019.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : L'arrêté de débet n° 2019-1095-AD du 17 octobre 2019 émis par le ministre de l'action et des comptes publics à l'encontre de Mme A... est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'Ecole supérieure D....

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL00101 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00101
Date de la décision : 25/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03-02-01-03 Comptabilité publique et budget. - Créances des collectivités publiques. - Recouvrement. - Procédure. - Arrêté de débet.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : SELAFA CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-25;22tl00101 ?
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