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30/01/2024 | FRANCE | N°23TL00199

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 23TL00199


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2201164 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2023, et un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2201164 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2023, et un mémoire en production de pièces enregistré le 12 décembre 2023, n'ayant pas été communiqué, Mme C..., épouse A..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au bénéfice de son conseil, une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que, contrairement à ce qu'impose l'article 9 du code de justice administrative, il est insuffisamment motivé dans sa réponse aux moyens tirés de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées au regard de sa vie privée et familiale et faute de mentionner sa demande de regroupement familial ;

- elles sont illégales par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant refus de regroupement familial ; à cet égard, le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour rejeter sa demande sur le 3° de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans exercer son pouvoir d'appréciation ;

- les décisions attaquées méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions attaquées méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 16 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme D... C..., épouse A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 27 janvier 1983, déclare être entrée en France le 9 novembre 2013, sous couvert d'un visa de court séjour mais n'en justifie pas. Le 19 novembre 2016 elle a épousé M. B... A..., compatriote titulaire d'une carte de résident, et un enfant est né du couple le 18 octobre 2017. Le 18 juin 2018, Mme C... épouse A... a déposé une demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par arrêté du 24 juillet 2018, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Ces décisions sont devenues définitives, le recours formé à leur encontre ayant été rejeté, en dernier lieu, par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 23 mai 2019. Mme C..., qui s'est maintenue en situation irrégulière sur le territoire français, a de nouveau sollicité, le 25 novembre 2021, un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Parallèlement, son époux a déposé une demande de regroupement familial en sa faveur qui a été rejetée par décision du préfet de l'Hérault du 12 février 2021. Par un arrêté du 17 décembre 2021, ce dernier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

2. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement du 2 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

4. En premier lieu, les premiers juges, aux points 6 et 8 du jugement attaqué ont suffisamment répondu aux moyens invoqués par Mme C... sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant. La contestation de Mme C..., portant sur la pertinence de l'argumentation retenue par les premiers juges quant au fait que l'enfant française du conjoint de Mme C..., sur lequel il dispose de l'autorité parentale, puisse vivre au Maroc, relève non de la motivation du jugement mais de son bien-fondé. Ce moyen d'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

5. En second lieu, si l'appelante soutient que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité faute pour les premiers juges de s'être prononcés sur son moyen invoqué contre le refus de séjour, par voie d'exception d'illégalité du refus de regroupement familial qui lui a été opposé le 12 février 2021, dès lors que ce moyen était inopérant, faute pour la décision de refus de séjour d'être prise pour l'application de la décision par laquelle le préfet s'est prononcé sur la demande de regroupement familial, le tribunal n'était pas tenu de l'examiner.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise, notamment, les dispositions des articles L. 423-23, L. 435-1 et L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet a entendu faire application à la situation de Mme C.... Il fait également état des éléments propres à la situation personnelle et familiale de l'intéressée, mentionnant notamment la date du 9 novembre 2013 alléguée -et non établie- par Mme C..., de son entrée en France, son mariage le 19 novembre 2016 avec M. A..., compatriote titulaire d'une carte de résident, déjà père d'un enfant français, et la naissance d'un enfant du couple le 18 octobre 2017. Cet arrêté est donc suffisamment motivé tant au regard des éléments de droit que de fait. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation tant du refus de séjour que de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

7. En deuxième lieu, ainsi qu'il est dit au point 5 du présent arrêt, le moyen invoqué par Mme C... contre le refus de séjour, par voie d'exception d'illégalité du refus de regroupement familial qui lui a été opposé le 12 février 2021, est inopérant faute pour la décision de refus de séjour d'être prise pour l'application de la décision par laquelle le préfet s'est prononcé sur la demande de regroupement familial.

8.En troisième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Mme C..., ainsi qu'il est dit au point 1 du présent arrêt, ne justifie pas d'une entrée régulière en France et de ce qu'elle est entrée en France le 9 novembre 2013. Elle ne s'est par ailleurs jamais, compte tenu des refus de séjour dont elle a fait l'objet, trouvée en situation régulière en France. Les seules circonstances tenant à la présence en situation régulière de son conjoint, père d'un enfant français issu d'une précédente union, et de la naissance d'un enfant commun du couple, né le 18 octobre 2017 et scolarisé à la date de la décision attaquée, sont insuffisantes pour caractériser une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions ont été prises. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pout les mêmes raisons, ces décisions ne peuvent être regardées comme entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'appelante.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. L'appelante soutient, mais ne justifie pas, que son conjoint ne pourrait quitter le territoire français compte tenu du fait qu'il disposerait de l'autorité parentale sur un enfant de nationalité française né d'une précédente union. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00199 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00199
Date de la décision : 30/01/2024

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23tl00199 ?
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