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14/03/2024 | FRANCE | N°22TL00552

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 14 mars 2024, 22TL00552


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Me Aussel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée MJ, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels la société MJ a été assujettie, au titre respectivement de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015, ainsi que des pénali

tés correspondantes.



Par un jugement n° 2004649 du 13 décembre 2021, le tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me Aussel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée MJ, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels la société MJ a été assujettie, au titre respectivement de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2004649 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 février 2022 sous le n° 22MA00552 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00552 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Me Aussel, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société MJ, représenté par Me Amiel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels la société a été assujettie, au titre respectivement de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et des exercices clos en 2014 et 2015, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires retenue par le service est excessivement sommaire dès lors qu'il n'a pas été tenu compte, pour la période du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2015, de la carte des prix alors applicable et que la proportion des remises faites aux étudiants a été sous-évaluée ;

- il convient de procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires en tenant compte, pour la période correspondante, de la carte des prix produite par la société, dont la date a été certifiée par un expert, ainsi que d'un abattement de 25 % du chiffre d'affaires correspondant aux " tarifs étudiants ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Me Aussel, liquidateur judiciaire de la société MJ, ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 25 octobre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société MJ, qui exploitait la discothèque " Le Milk " sur le territoire de la commune de Montpellier, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, prorogée au 30 novembre 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Aucune comptabilité n'ayant été remise au vérificateur lors des opérations de contrôle, il a été procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, respectivement au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 et des exercices clos en 2014 et 2015, ainsi que des pénalités, ont été notifiés à la société par proposition de rectification du 21 juillet 2017 et mis en recouvrement le 30 novembre 2018. Ceux-ci ont fait l'objet d'une réclamation préalable de la société le 2 mars 2020, rejetée par l'administration fiscale le 11 août 2020. Le liquidateur judiciaire de la société MJ, qui en a sollicité la décharge auprès du tribunal administratif de Montpellier, fait appel du jugement rendu le 13 décembre 2021 rejetant sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. La société MJ n'ayant présenté aucune comptabilité au vérificateur lors des opérations de contrôle et les impositions en litige ayant été établies conformément à l'avis rendu le 25 septembre 2018 par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la société MJ supporte, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de la reconstitution du chiffre d'affaires à laquelle s'est livrée l'administration fiscale.

3. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, le vérificateur s'est appuyé sur les factures d'achats de boissons obtenues auprès des fournisseurs, dans le cadre de son droit de communication. Il a appliqué aux achats réalisés les prix de vente indiqués sur la carte des prix remise par la société à la brigade de contrôle et de recherches de la direction départementale des finances publiques de l'Hérault lors d'un contrôle de billetterie en juillet 2016, en distinguant les ventes au verre et à la bouteille. La répartition de ces ventes, ainsi que les dosages d'alcool dans les verres, ont été établis à partir des explications du gérant et de la carte des prix. En l'absence de tout inventaire de stock, l'ensemble des achats de boissons ont été considérés comme consommés dans l'année. Il a ensuite été fait application d'un pourcentage de pertes et d'offerts ainsi que d'une estimation de la consommation des employés.

4. La société fait valoir, en premier lieu, que le service aurait tenu compte, à tort, de la même carte des prix pour reconstituer les recettes sur toute la période vérifiée, alors que celle-ci n'était applicable qu'à compter du 1er octobre 2015. Elle se prévaut d'une carte des prix qui aurait été appliquée selon elle entre le 1er janvier 2014 et le 30 septembre 2015. Il résulte toutefois de l'instruction qu'une telle carte, évoquée il est vrai par le gérant lors de ses échanges avec le vérificateur, n'a jamais été remise avant la fin des opérations de contrôle. En outre, il résulte de l'instruction que les marques d'alcool mentionnées sur la carte des prix dont se prévaut la société ne correspondent pas, pour une part non négligeable, aux produits réellement achetés et revendus par la société au cours de la période en litige. Dans ces conditions, la circonstance que la société justifie que les fichiers informatiques correspondant à la carte des prix dont elle demande la prise en compte ont été créés en 2013 et n'ont pas été modifiés depuis cette date ne suffit pas à démontrer, faute de tout élément résultant de l'instruction en ce sens, qu'une telle carte aurait effectivement été appliquée pour la période litigieuse.

5. La société fait valoir, en second lieu, que l'administration a largement sous-estimé l'importance des remises pratiquées pour les étudiants, qui constituaient la majeure partie de sa clientèle et qu'elle s'est efforcée de fidéliser par des prix réduits. Le vérificateur aurait dû, selon elle, retenir un abattement de 25 % du chiffre d'affaires reconstitué pour évaluer correctement l'ampleur des remises ainsi consenties aux étudiants. Toutefois, ses allégations ne sont corroborées par aucun élément, alors que l'administration a relevé qu'aucun " tarif étudiant " n'était mentionné sur la carte des prix. L'administration a également estimé, sans être utilement contredite par la société sur ce point, que les soirées étudiantes ont lieu principalement le jeudi et que les étudiants ne constituent pas la principale fréquentation d'une discothèque durant la période estivale, de sorte que la prise en compte des remises étudiantes pour tous les soirs d'ouverture de l'année serait exagérée. Il est par ailleurs ressorti des échanges avec le gérant de la société que les offres du club visaient principalement la clientèle féminine, ce dont il a été tenu compte par le vérificateur qui a exclu de la reconstitution des recettes les boissons alcoolisées type cava et vin mousseux, considérées comme intégralement offertes, ainsi que par l'application d'un pourcentage de 5% d'offerts. Il n'est pas démontré par la société que, ce faisant, le vérificateur aurait sous-évalué les offerts de la discothèque.

6. Ainsi, la société requérante n'apporte pas la preuve du caractère excessivement sommaire de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires appliquée par l'administration, lequel ne saurait davantage être établi par la circonstance que la méthode proposée par la société permettrait d'aboutir aux chiffres d'affaires déclarés par elle pour chaque exercice.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Me Aussel, liquidateur judiciaire de la société MJ, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Me Aussel, liquidateur judiciaire de la société MJ, est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Vincent Aussel, liquidateur de la société à responsabilité limitée MJ, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Restino, première conseillère,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22TL00552


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