La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2024 | FRANCE | N°22TL21163

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 19 mars 2024, 22TL21163


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée unipersonnelle Eiffage génie civil, la société par actions simplifiée AER venant aux droits de la société Eiffage travaux publics équipements de la route, la société en nom collectif Eiffage génie civil terrassement et la société en nom collectif Eiffage route grand Sud et la société par actions simplifiée Buesa ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la société Autoroutes du Sud de la France à leur payer

la somme de 3 266 549,20 euros toutes taxes comprises au titre de la révision des prix des trav...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle Eiffage génie civil, la société par actions simplifiée AER venant aux droits de la société Eiffage travaux publics équipements de la route, la société en nom collectif Eiffage génie civil terrassement et la société en nom collectif Eiffage route grand Sud et la société par actions simplifiée Buesa ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la société Autoroutes du Sud de la France à leur payer la somme de 3 266 549,20 euros toutes taxes comprises au titre de la révision des prix des travaux de déplacement de l'autoroute A9 en tenant compte de l'index TP01 et la somme de 21 411,55 euros au titre des intérêts moratoires à compter du 6 mars 2020, à parfaire jusqu'à la date de leur règlement et avec capitalisation des intérêts à compter du 6 mars 2021.

Par un jugement n°2004600 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 mai 2022, et un mémoire, enregistré le 28 février 2024 n'ayant pas été communiqué, les sociétés Eiffage génie civil, AER, Eiffage génie civil terrassement et Eiffage route grand Sud, représentées par Me Le Port, et la société Buesa, représentée par Me David, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 mars 2022 ;

2°) de condamner la société Autoroutes du Sud de la France à leur payer la somme de 3 266 549,20 euros toutes taxes comprises au titre de la révision des prix des travaux de déplacement de l'autoroute A9 et la somme de 61 437,26 euros au titre des intérêts moratoires à compter du 6 mars 2020, à parfaire jusqu'à la date de leur règlement et avec capitalisation des intérêts à compter du 6 mars 2021 ;

3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'utilisation de l'index TP01 base 2010 par la société Autoroutes du Sud de la France méconnaît les stipulations du contrat et la commune intention des parties ; elles sont fondées à obtenir l'application de cet index base 1975 en conformité avec le marché et à réclamer la somme de 3 266 549,20 euros toutes taxes comprises en règlement du solde de ce marché ;

- ainsi, la commune intention des parties au marché a été d'accorder de l'importance à la composition et à la structure de l'index TP01 base 1975 et elles n'ont pas entendu y substituer l'index TP01 2010 dont le contenu, la composition et la structure ont été substantiellement modifiés ; même si un coefficient de raccordement de 6.5345 a été appliqué à l'indice TP01, cet indice base 2010 n'était pas substituable à l'indice TP01 base 1975 ; enfin, les mentions portées sur les états d'acomptes ne leur sont pas opposables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2023, la société Autoroutes du Sud de la France, représentée par Me Sorba, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des sociétés appelantes la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la demande de première instance était irrecevable dès lors que, d'une part, les sociétés appelantes avaient renoncé à tout recours aux termes de l'article 7 de l'avenant n° 3 signé le 30 décembre 2019 ;

- d'autre part, en application des articles 50.11, 50.12 du cahier des conditions et des clauses générales applicables aux marchés de travaux, les sociétés appelantes étaient forcloses à présenter toute réclamation relative à l'application de l'index de révision du marché TP01 dont la modification leur avait été notifiée le 10 février 2015 dès lors qu'elles n'avaient émis aucune réserves ou contestations par écrit dans le délai d'un mois à compter de cette notification ;

- enfin, en application de l'article 13.24 de ce cahier des conditions et des clauses générales, dès lors que le groupement n'a pas fait de réserves sur les états d'acomptes notifiés au sujet de l'utilisation de l'index TP01 avec application du coefficient de raccordement 6.5345 et une conversion à partir du mois d'octobre 2014, les sociétés appelantes sont forcloses à présenter toute demande de révision des prix ;

- à titre subsidiaire, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à contester l'application de l'index de référence TP01 tel que modifié à compter du 15 janvier 2015 ; le changement de la structure de cet indice, qui a été expressément notifié au groupement des sociétés appelantes par courrier recommandé du 10 février 2015, n'a suscité aucune opposition de leur part ; la commune intention des parties n'a donc pas été méconnue.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chevallier, substituant Me Le Port, représentant les sociétés Eiffage génie civil, AER, Eiffage génie civil terrassement et Eiffage route grand Sud, et substituant Me David, représentant la société Buesa, et celles de Me Forray, représentant la société Autoroute du Sud de la France.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement, composé des entreprises Eiffage génie civil, mandataire, AER venant aux droits de la société Eiffage travaux publics équipements de la route, Eiffage génie civil terrassement, Eiffage Route Grand Sud, et Buesa, s'est vu confier, par un acte d'engagement du 20 mai 2014, la réalisation du déplacement de l'autoroute A9 au niveau de l'agglomération de Montpellier, dont la société Autoroutes du Sud de la France est le maître d'ouvrage, pour un montant initial de 159 205 845,48 euros toutes taxes comprises, qui a été porté à 184 759 369,19 euros toutes taxes comprises par un avenant n° 2. Un premier décompte général a été notifié, le 2 mai 2019, au groupement, lequel a présenté, le 3 mai suivant, un mémoire en réclamation d'un montant de 62 151 000 euros hors taxes, comprenant notamment une demande, au titre de la modification de l'indice TP-01, et conduisant à une révision du prix évaluée à 3 859 000 euros. Les parties ont alors engagé des discussions et un avenant n° 3 a été signé le 30 décembre 2019, portant le montant global du marché à 205 569 601,62 euros toutes taxes comprises. Le 7 janvier 2020, la société Autoroutes du Sud de la France a notifié un décompte général que les entreprises requérantes ont contesté le 20 janvier 2020, notamment en ce qui concerne la révision des prix. Ces dernières relèvent appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la société Autoroutes du Sud de la France à leur verser à leur payer la somme de 3 266 549,20 euros toutes taxes comprises au titre de la révision des prix des travaux de déplacement de l'autoroute A9.

Sur la recevabilité de la demande :

2. Aux termes de l'article 50.3 relatif aux " réclamation sur le décompte général " du cahier des conditions et des clauses générales applicable au marché en litige : " 50.31. Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires. Ce mémoire de réclamation doit reprendre, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. Ne sont pas recevables les réclamations antérieures qui n'ont pas été présentées dans les conditions du 1 de l'article 50. (...) ".

3. Aux termes de l'article 1 de l'avenant n° 3 valant décompte général et définitif signé le 30 décembre 2019, entre le groupement représenté par Eiffage Génie civil et la société Autoroute du Sud de la France : " Le présent avenant n° 3 a pour objet : de modifier l'acte d'engagement, de créer des prix supplémentaires, d'ajuster les quantités des prix du marché aux quantités réelles et définitives, d'introduire une clause de non-recours pour prendre en compte (...) le traitement et règlement de l'ensemble des demandes de rémunérations complémentaires relatives au présent marché, transmises par le groupement d'entreprises et tout intervenant œuvrant pour son compte, pour solde de tout compte, postérieurement à la notification du décompte général, purgeant ainsi toute réclamation ou réserve pour tous les événements de la vie du marché ". Aux termes de l'article 7 de cet avenant relatif à la clause de non recours : " Le titulaire renonce à toute action, réclamation ou recours en cours ou non encore engagé pour tous les événements de la vie du marché, à la date de signature du présent avenant ".

4. Il résulte de l'instruction que, le 2 mai 2019, par ordre de service n° 322, la société Eiffage génie civil, mandataire du groupement titulaire du marché en litige, a reçu notification de l'original du décompte général. Par un courrier du 3 mai 2019, la société Eiffage génie civil a émis des réserves concernant le décompte général notifié par le maître de l'ouvrage en présentant un tableau synthétisant les demandes du groupe au titre desquelles figurait une demande de modification de l'indice TP-01 avec l'indication de son montant. Aux termes de l'article 3 de l'avenant n° 3 du 30 décembre 2019, les parties ont convenu que la rémunération des prestations supplémentaires non prévue initialement était fixée à la somme de 20 810 232,43 euros toutes taxes comprises, portant ainsi le montant du marché à la somme de 205 569 601,32 euros toutes taxes comprises. Compte tenu des stipulations de cet article 3 et de celles de ce même avenant, précitées au point 3, la demande de modification de l'indice TP-01 présentée par le groupement, postérieurement à la notification le 2 mai 2019 du décompte général du marché, devait être regardée comme ayant été prise en compte au titre de la rémunération des prestations supplémentaires non prévue initialement et comme ayant été traitée et réglée de manière définitive. Dès lors, sauf à méconnaître la clause de non-recours prévue à l'article 7 de cet avenant, le groupement, qui avait renoncé, à la date de signature de celui-ci, à présenter une réclamation pour tous les événements de la vie du marché, ne pouvait présenter, le 15 janvier 2020, une demande de rectification du calcul de la révision du prix par application de l'index TP-01 à la date de signature du contrat. Par suite, les sociétés appelantes n'étaient pas recevables à présenter une telle demande devant les premiers juges et la fin de non-recevoir opposée en défense doit être accueillie.

5. Il en résulte que la société Eiffage génie civil et les autres sociétés membres du groupement ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à ce que la société Autoroutes du Sud de la France soit condamnée à leur payer la somme de 3 266 549,20 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires et de leur capitalisation.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Autoroutes du Sud de la France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par les sociétés appelantes, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chaque société appelante le versement à la société Autoroutes du Sud de la France de la somme de 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête des sociétés Eiffage génie civil et autres est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Eiffage génie civil, AER, Eiffage génie civil terrassement, Eiffage route grand Sud et Buesa verseront chacune à la société Autoroutes du Sud de la France la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Eiffage génie civil, à la société par actions simplifiée AER venant aux droits de la société Eiffage travaux publics équipements de la route, à la société en nom collectif Eiffage génie civil terrassement, à la société en nom collectif Eiffage route grand Sud, à la société par actions simplifiée Buesa et à la société anonyme Autoroutes du Sud de la France.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21163
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-01-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant. - Prix. - Révision des prix.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : LE PORT - AWEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;22tl21163 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award