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26/03/2024 | FRANCE | N°22TL00557

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 26 mars 2024, 22TL00557


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de mettre à la charge du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales (GRETA) une somme de 19 138 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2020, date de réception de sa demande indemnitaire préalable et de mettre à la charge de ce groupement une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 199

1 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de mettre à la charge du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales (GRETA) une somme de 19 138 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 février 2020, date de réception de sa demande indemnitaire préalable et de mettre à la charge de ce groupement une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2002319 du 17 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales à verser à Mme B... une somme de 1 000 euros, sous déduction de la somme déjà versée de 1 000 euros portant intérêts à taux légal à compter du 30 novembre 2017, a mis à la charge du groupement une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 février 2022, sous le n°22MA00557 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL00557, un mémoire en réplique, enregistré le 1er juillet 2022, et un mémoire, enregistré le 14 mars 2023, qui n'a pas été communiqué, Mme B..., représentée par Me Bonnet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet, par le groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales, de sa demande préalable ;

3°) de condamner le groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales à lui verser une indemnité de 19 138 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts légaux à compter du 14 février 2020, date de réception de sa demande préalable ;

4°) de mettre à la charge du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en considérant son licenciement comme fondé ; il a omis de statuer sur ses préjudices relatifs au manque à gagner et à la perte des droits à pension ; il a commis une erreur dans l'appréciation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence ;

- son licenciement, par une décision du 17 avril 2014, est irrégulier, ainsi que l'a jugé le tribunal par un jugement du 11 mars 2016 devenu définitif ; elle n'a jamais accepté de rompre unilatéralement le contrat de travail et les difficultés économiques alléguées pour justifier la mesure se sont avérées totalement fausses ; la mesure de licenciement est injustifiée au fond ;

- il existe un lien de causalité direct et certain entre la décision de licenciement annulée et les préjudices subis ;

- elle a subi un manque à gagner qui peut être évalué à la somme de 1 638 euros, une perte de ses droits à pension dont il convient de fixer la réparation de manière forfaitaire à une somme de 1 000 euros, un préjudice moral qui peut être fixé à la somme de 8 500 euros et des troubles dans les conditions d'existence évalués à celle de 8 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 mai et 7 juillet 2022, le groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Sagard, Coderch-Herre et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 400 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir, à titre principal, qu'aucun lien de causalité direct n'est établi entre l'illégalité du licenciement de Mme B... et les préjudices allégués et que son licenciement était justifié au fond ; à titre subsidiaire, que ses prétentions indemnitaires sont infondées ou surévaluées.

Par une ordonnance du 22 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mars 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret n° 93-412 du 19 mars 1993 ;

- le décret n° 93-432 du 24 mars 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Bonnet, représentant Mme B... et les observations de Me Coderch, représentant le groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales.

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre de mission du 2 avril 2013, Mme B... a été recrutée en qualité de vacataire pour un volume de 250 heures par le chef de l'établissement support du groupement d'établissements (GRETA) Catalogne Formation pour la période allant du 2 avril 2013 au 31 décembre 2013 pour assurer des " interventions sur action du conseil général ". Par une lettre de vacation du 31 octobre 2013, Mme B... a été recrutée en qualité de vacataire pour un volume de 100 heures par le chef de l'établissement support du groupement d'établissements (GRETA) Vallespir Côte Vermeille pour la période allant du 1er novembre 2013 au 31 décembre 2013 pour exercer au sein du pôle de mobilisation socio-professionnel une remise à niveau et un accompagnement individuel professionnel pour les contrats aidés. Par une lettre de mission du 20 décembre 2013, Mme B... a été recrutée en qualité de vacataire pour un volume de 250 heures par le chef d'établissement support du groupement d'établissements (GRETA) Catalogne Formation pour la période allant du 2 janvier 2014 au 31 décembre 2014 pour exercer au sein du pôle insertion. Par une décision du 17 avril 2014, le chef de l'établissement support du groupement d'établissements (GRETA) Catalogne Formation devenu Pyrénées-Orientales a mis fin à compter du 22 avril 2014 aux fonctions de Mme B.... Par un jugement définitif n° 1402995 du 11 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a jugé d'une part, que le recrutement de Mme B... devait être regardé comme ayant été effectué en qualité d'agent contractuel et sur le fondement de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984 et d'autre part, que la décision du 17 avril 2014 mettant fin à ses fonctions, qui s'analysait comme un licenciement, devait être annulée dès lors qu'elle avait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. Par une lettre du 5 février 2020, reçue le 14 février suivant, Mme B... a présenté une réclamation préalable au président de l'établissement support du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales afin d'obtenir le versement de la somme de 19 138 euros en réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité fautive de son licenciement. Cette demande a été implicitement rejetée. Par un jugement n°2002319 du 17 décembre 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a notamment condamné le groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales à verser à Mme B... une somme de 1 000 euros, sous déduction de la somme déjà versée de même montant à titre de provision et portant intérêts à taux légal à compter du 30 novembre 2017.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, il résulte de l'instruction que les premiers juges, après avoir considéré que le licenciement de l'intéressée était justifié au fond, ont estimé que Mme B... était seulement fondée à se prévaloir des irrégularités de forme et de procédure entachant la décision du 17 avril 2014 et relevées par le jugement précité du 11 mars 2016. Ils ont ensuite jugé que ces illégalités fautives engageaient la responsabilité du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales pour autant qu'elles aient été à l'origine d'un préjudice direct et certain pour la requérante, que les préjudices invoqués par Mme B... ne présentaient pas un lien direct et certain avec l'illégalité fautive tenant au défaut de motivation de la décision de licenciement et que l'irrégularité de la procédure, tenant au défaut d'organisation d'un entretien préalable et de préavis d'un mois, avait causé à la requérante un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, évalués à la somme de 1 000 euros. Ce faisant, ils ont implicitement mais nécessairement écarté toute indemnisation de l'agent au titre de ses préjudices matériels allégués de manque à gagner et de perte de ses droits à pension. Par suite, le moyen tiré d'une omission à statuer sur ce point ne peut qu'être écarté.

3. D'autre part, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, en invoquant une erreur dans l'appréciation de ses préjudices personnels et la dénaturation des pièces du dossier qui entacheraient le jugement, Mme B... conteste en réalité son bien-fondé. De même, si la requérante invoque également un défaut de motivation affectant le quantum de ses préjudices, ce moyen, qui vise en réalité le défaut de justification du montant de l'indemnité allouée, relève du bien-fondé et non de la régularité du jugement entrepris.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision implicite de rejet de la réclamation préalable de Mme B... :

4. La décision attaquée a eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de l'intéressée qui, en formulant des conclusions indemnitaires, a donné à l'ensemble de sa requête le caractère d'un recours de plein contentieux.

En ce qui concerne la responsabilité de l'établissement support du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales :

5. L'illégalité d'un licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'employeur public. Par le jugement entrepris, le tribunal administratif de Montpellier a jugé que les illégalités externes entachant la décision du 17 avril 2014, relevées par un jugement du 11 mars 2016 de la même juridiction et devenu définitif, tenant à l'absence de délai de préavis, d'organisation d'un entretien préalable et au défaut de motivation, constituaient des fautes de nature à engager la responsabilité du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales. Le jugement n'est pas contesté sur ce point.

En ce qui concerne les préjudices subis et le lien de causalité :

6. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé, s'agissant d'un agent contractuel, et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.

7. Il résulte de l'instruction, notamment de la note relative à la teneur de l'entretien du 15 avril 2014 avec la requérante, rédigée le 2 juillet 2014 par le directeur opérationnel du groupement d'établissements, la conseillère en formation continue et la déléguée du personnel enseignant, que les éléments relevés par l'employeur à l'encontre de la requérante portant en particulier sur son défaut de réactivité dans l'organisation et le suivi d'ateliers, ses difficultés relationnelles et sur un dénigrement de l'institution, dont la matérialité n'est pas plus sérieusement contestée par Mme B... en appel qu'en première instance, laquelle ne produit aucun témoignage d'agents en sa faveur, et révélant, non une carence ponctuelle, mais son inaptitude à l'exercice normal de ses fonctions, étaient de nature à justifier son licenciement. Par suite, les préjudices matériels qu'elle invoque ne présentent pas un lien direct avec le licenciement illégal dont elle a fait l'objet.

8. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que le défaut de motivation de la décision du 17 avril 2014 ait été à l'origine, de manière directe et certaine, des préjudices invoqués par la requérante.

9. Enfin, le tribunal n'a pas fait une insuffisante appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par Mme B... et résultant directement de l'irrégularité de son licenciement en fixant leur réparation à la somme de 1 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de ses demandes excédant la somme de 1 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement support du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des frais exposés par l'établissement support du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement support du groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au groupement d'établissements des Pyrénées-Orientales.

Copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22TL00557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00557
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: M. Thierry TEULIÈRE
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS SAGARD CODERCH-HERRE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22tl00557 ?
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