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25/04/2024 | FRANCE | N°22TL20968

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 avril 2024, 22TL20968


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Sud Primeurs a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ainsi que de l'amende fiscale auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 2002271 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa

demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Sud Primeurs a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ainsi que de l'amende fiscale auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 2002271 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, la société Sud Primeurs, représentée par Me Turrin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ainsi que de l'amende fiscale auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de contrôle sur pièces est irrégulière et s'assimile à une vérification de comptabilité et elle a été privée, du fait de ce détournement de procédure, des garanties propres à la vérification de comptabilité ;

- le droit de reprise étant prescrit, l'administration ne pourra pas procéder à une nouvelle rectification au titre de 2015 ;

- l'administration, qui supporte la charge de la preuve, n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, la réalité des opérations intracommunautaires invoquées, ces éléments étant au contraire de nature à démontrer l'usurpation de son numéro intracommunautaire par d'autres opérateurs ;

- le coefficient de marge appliqué par le service ne correspond pas à la réalité comptable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Sud Primeurs ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 25 octobre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sud Primeurs, qui exerce une activité de commerce de détail et de gros de produits alimentaires, a fait l'objet d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2015. Par une proposition de rectification du 26 décembre 2018, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée, une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, une amende ainsi que des pénalités lui ont été notifiés. Les impositions supplémentaires, mises en recouvrement le 4 octobre 2019, ont fait l'objet d'une réclamation préalable de la société, rejetée par décision du 3 juin 2020. Par un jugement du 11 mars 2022, dont la société fait appel devant la cour, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions à fin de décharge.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité (...) ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...). / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ". L'administration procède à la vérification de comptabilité d'une entreprise lorsqu'en vue d'assurer l'établissement d'impôts ou de taxes totalement ou partiellement éludés par les intéressés, elle contrôle sur place la sincérité des déclarations fiscales souscrites par cette entreprise ou ce contribuable en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude. L'exercice régulier du droit de vérification de comptabilité suppose le respect des garanties légales prévues en faveur du contribuable vérifié, au nombre desquelles figure notamment l'envoi ou la remise de l'avis de vérification auquel se réfère l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

3. Il résulte de l'instruction que les opérations de contrôle auxquelles s'est livrée l'administration fiscale ont consisté à comparer les déclarations d'échanges de biens effectuées par les vendeurs situés dans d'autres Etats membres de l'Union européenne auprès du service des douanes à la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déposée par la société et en particulier à la ligne relative aux acquisitions intracommunautaires. Ce faisant, le service s'est livré à un simple contrôle sur pièces, sans examen critique des documents comptables de l'entreprise. A la demande de la société, l'administration fiscale a obtenu, dans le cadre de l'assistance administrative auprès des autorités espagnoles, des doubles des factures susceptibles de conforter les rectifications envisagées. De tels documents émanant des entreprises fournisseuses, elles ne constituent pas des pièces comptables pour la société Sud Primeurs. Il s'ensuit que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait eu recours à une vérification de comptabilité sans mise en œuvre des garanties prévues à l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des rectifications :

4. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les impositions litigieuses ont été établies à l'issue d'une procédure régulière. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que, eu égard à la prescription du droit de reprise, l'administration fiscale ne serait plus fondée à procéder à de nouvelles rectifications au titre de 2015, doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 256 bis du code général des impôts : " I. - 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) ". L'article 266 du même code dispose que : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur (...) ". Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée.

6. Il résulte de l'instruction que, pour considérer que la société Sud Primeurs avait réalisé sans les déclarer, au titre de l'année 2015, des acquisitions intracommunautaires auprès de fournisseurs espagnols pour un montant total de 89 671 euros, l'administration fiscale s'est fondée sur les déclarations d'échanges de biens effectuées par les vendeurs situés dans d'autres Etats membres de l'Union européenne auprès du service des douanes, lesquelles ne figuraient pas sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déposée par la société. La réalité de telles acquisitions intracommunautaires a par la suite été corroborée par l'obtention, par le biais d'une assistance administrative internationale auprès des autorités espagnoles, de pièces justificatives émanant des fournisseurs espagnols de la société requérante et consistant en des extraits du compte client de cette dernière ainsi que des copies de factures assorties de bons de transport.

7. D'une part, la société fait valoir que la livraison effective des marchandises correspondantes n'est pas établie dès lors que les factures ne comportent ni sa signature, ni son tampon. De telles factures, dont aucun élément du dossier n'est susceptible de révéler le caractère fictif, comportent néanmoins le numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire de la société ainsi que l'adresse de son établissement secondaire. Elles comportent par ailleurs le tampon et la signature des transporteurs ayant effectué les livraisons des marchandises à Avignon (Vaucluse). La seule circonstance que la société ait porté plainte ne suffit pas à démontrer l'usurpation de numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire dont elle soutient avoir été victime. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit, le montant retenu par l'administration correspond à celui déclaré auprès du service des douanes par les fournisseurs espagnols, confronté ensuite aux éléments obtenus auprès d'eux. Un tel montant n'est pas sérieusement contesté par la société, faute d'assortir les factures produites devant la cour de la réponse aux observations du contribuable comportant la liste des éléments obtenus par l'administration auprès des fournisseurs espagnols et susceptible de justifier du caractère exhaustif de sa production. Dans ces conditions, la réalité des acquisitions intracommunautaires réalisées par la société Sud Primeurs auprès de fournisseurs espagnols apparaît suffisamment établie par l'instruction. C'est par suite à bon droit que l'administration a procédé au rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux et a mis à la charge de la société une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités.

8. En troisième lieu, en se bornant à soutenir brièvement que le coefficient de marge appliqué par l'administration pour reconstituer les recettes issues de la revente des produits acquis auprès de fournisseurs espagnols ne correspond pas à la réalité comptable de la société, cette dernière ne conteste pas utilement un tel coefficient, lequel a été déterminé par le service à partir des déclarations de l'entreprise.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sud Primeurs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sud Primeurs est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Sud Primeurs et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

A. BarthezLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20968


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20968
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : TURRIN MARION

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-04-25;22tl20968 ?
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