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25/04/2024 | FRANCE | N°22TL20969

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 25 avril 2024, 22TL20969


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Sud Primeurs a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des amendes fiscales auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.



Par un jugement n° 2000910 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Nîme

s a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 15 av...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Sud Primeurs a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des amendes fiscales auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017.

Par un jugement n° 2000910 du 11 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2022, la société Sud Primeurs, représentée par Me Turrin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que des amendes fiscales auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation en droit s'agissant de la réponse au moyen tiré de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- la vérification de comptabilité est irrégulière dès lors qu'elle a excédé le délai de trois mois prévu par l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration, qui supporte la charge de la preuve, n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, la réalité des opérations intracommunautaires invoquées, ces éléments étant au contraire de nature à démontrer l'usurpation de son numéro intracommunautaire par d'autres opérateurs ;

- le coefficient de marge appliqué par le service ne correspond pas à la réalité comptable ;

- la facture d'un montant de 14 339,69 euros au crédit du compte fournisseur " Grupo AN " correspond au fournisseur " AN Avicola Melida " et avait été déclarée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Sud Primeurs ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 25 octobre 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sud Primeurs, qui exerce une activité de commerce de détail et de gros de produits alimentaires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017, étendue au 30 novembre 2018 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition de rectification du 18 juin 2019, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des amendes ainsi que des pénalités lui ont été notifiés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017. Les impositions supplémentaires, mises en recouvrement le 4 octobre 2019, ont fait l'objet d'une réclamation préalable de la société, rejetée par décision du 16 janvier 2020. Par un jugement du 11 mars 2022, dont la société fait appel devant la cour, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions à fin de décharge.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des termes mêmes du point 7 du jugement attaqué, qui rappellent notamment les dispositions du 4° du II de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, que le tribunal administratif a suffisamment motivé en droit sa réponse au moyen tiré de l'irrégularité, eu égard à sa durée, de la vérification de comptabilité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I. - Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) ". Les limites prévues par l'article 302 septies A du code général des impôts dans ses versions applicables au litige correspondent, pour le chiffre d'affaires des entreprises dont le commerce principal est la vente de marchandises, à un montant ajusté s'il y a lieu au prorata du temps d'exploitation de l'année civile précédente, n'excédant pas 783 000 euros pour 2016 et 789 000 euros pour 2017 et 2018. Il résulte de ces dispositions qu'une vérification de comptabilité portant sur plusieurs exercices peut durer plus de trois mois lorsque le chiffre d'affaires de la société contrôlée excède, au titre de l'un des exercices vérifiés, les seuils fixés par cet article pour l'activité qu'elle exerce.

4. Il résulte de l'instruction que les chiffres d'affaires déclarés par la société Sud Primeurs au titre des exercices 2016 et 2017, à savoir respectivement 734 443 euros et 804 193 euros, ont excédé les seuils mentionnés au point précédent s'agissant de la seconde année. Il s'ensuit qu'elle ne pouvait, pour ce seul motif, bénéficier de la garantie relative à la durée de la vérification de comptabilité prévue au I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales précité, et ce, sans que puisse être utilement invoquée la circonstance qu'elle aurait continué à bénéficier du régime simplifié d'imposition en application du b. du III de l'article 302 septies A bis du code général des impôts.

En ce qui concerne le bien-fondé des rectifications :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 256 bis du code général des impôts : " I. - 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) ". L'article 266 du même code dispose que : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur (...) ". Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée.

6. Il résulte de l'instruction que, pour considérer que la société Sud Primeurs avait réalisé sans les déclarer, au titre des années 2016 et 2017, des acquisitions intracommunautaires auprès de fournisseurs espagnols pour des montants respectifs de 85 032 et 112 643 euros, l'administration fiscale s'est fondée sur les déclarations d'échanges de biens effectuées par les vendeurs situés dans d'autres Etats membres de l'Union européenne auprès du service des douanes, lesquelles ne figuraient pas sur les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée déposées par la société. La réalité de telles acquisitions intracommunautaires a par la suite été corroborée par l'obtention, par le biais d'une assistance administrative internationale auprès des autorités espagnoles, de pièces justificatives émanant des fournisseurs espagnols de la société requérante et consistant en des extraits du compte client de cette dernière ainsi que des copies de factures assorties de bons de transport.

7. D'une part, la société, qui supporte la charge de la preuve en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 2017 au titre de laquelle elle a fait l'objet d'une taxation d'office, fait valoir que la livraison effective des marchandises correspondantes n'est pas établie dès lors que les factures ne sont pas assorties de bons de commande et de transport signés et tamponnés par elle. Les factures obtenues par l'administration, dont aucun élément du dossier n'est susceptible de révéler le caractère fictif, indiquent toutefois le numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire de la société ainsi que l'adresse de son établissement secondaire. Elles comportent par ailleurs le tampon et la signature des transporteurs ayant effectué les livraisons des marchandises à Avignon (Vaucluse) et sont, pour la plupart, signées dans la partie " réception de la marchandise ". La seule circonstance que la société ait porté plainte ne suffit pas à démontrer l'usurpation de numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire dont elle soutient avoir été victime. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit, le montant retenu par l'administration correspond à celui déclaré auprès du service des douanes par les fournisseurs espagnols, confronté ensuite aux éléments obtenus auprès d'eux. Un tel montant n'est pas sérieusement contesté par la société, faute d'assortir les factures produites devant la cour de la réponse aux observations du contribuable comportant la liste des éléments obtenus par l'administration auprès des fournisseurs espagnols et susceptible de justifier du caractère exhaustif de sa production. Dans ces conditions, la réalité des acquisitions intracommunautaires réalisées par la société Sud Primeurs auprès de fournisseurs espagnols apparaît suffisamment établie par l'instruction. C'est par suite à bon droit que l'administration a procédé au rappel de taxe sur la valeur ajoutée litigieux et a mis à la charge de la société une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités.

8. En second lieu, en se bornant à soutenir brièvement que le coefficient de marge appliqué par l'administration pour reconstituer les recettes issues de la revente des produits acquis auprès de fournisseurs espagnols ne correspond pas à la réalité comptable de la société, cette dernière ne conteste pas utilement un tel coefficient, lequel a été déterminé par le service à partir des déclarations de l'entreprise. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que la reconstitution opérée par le service serait entachée d'erreurs dès lors que, à titre d'exemple, le montant d'une facture de 14 339,69 euros a bien été déclarée par la société, n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sud Primeurs n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sud Primeurs est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Sud Primeurs et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2024.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

A. BarthezLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL20969


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20969
Date de la décision : 25/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : TURRIN MARION

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-04-25;22tl20969 ?
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