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07/05/2024 | FRANCE | N°22TL00326

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 07 mai 2024, 22TL00326


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de fautes commises à son égard.



Par un jugement n°1903519 du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2022, au greffe de la cour administrat

ive d'appel de Marseille sous le n° 22MA00326 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulous...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis résultant de fautes commises à son égard.

Par un jugement n°1903519 du 5 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 22MA00326 puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 22TL00326, et un mémoire, enregistré le 5 mai 2023, qui n'a pas été communiqué, Mme D..., représentée par Me Groussard, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 5 mars 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'administration ne conteste pas la réception de sa demande préalable ;

- le défaut d'information de l'administration, durant les trois premières semaines de la rentrée des classes, concernant le handicap de l'élève qu'elle était chargée d'accompagner et la manière dont elle devait intervenir, est fautif, alors qu'elle n'a pas eu d'entretien préalable avec l'enseignant référent et qu'aucune rencontre n'a été organisée avec le parent d'élève avant le 21 septembre 2008 ; les circulaires des 31 juillet 2008 et 3 mai 2017 rappellent la nécessité, à l'arrivée de l'agent, d'un premier entretien avec l'équipe éducative et la nécessaire communication entre l'agent et la famille et il résulte de la circulaire du 3 mai 2017 que l'intervention de l'agent doit se faire en lien avec l'enseignant ; les obligations prévues par la circulaire du 5 juin 2019 et le guide national d'accompagnement des élèves en situation de handicap relatives à l'organisation d' entretiens d'installation et de présentation, la mise à disposition des documents de suivi de l'élève ou à l'organisation d'une rencontre préalable de l'agent avec l'élève et sa famille, n'ont pas été respectées ;

- en l'absence de faute grave, la décision de suspension prise à son encontre est illégale et fautive ;

- elle a fait l'objet, le 10 octobre 2018, d'un entretien de recadrage qui a donné lieu à l'établissement d'un compte-rendu qu'elle n'a découvert qu'en cours d'instance ; elle n'a pas eu l'occasion de présenter ses observations et de signer ce compte-rendu, lequel ne fait pas mention de la présence d'une enseignante retraitée qui a assisté à l'entretien ; l'entretien n'a pas été précédé de la communication de son dossier et un procédé déloyal a été mis en œuvre dès lors qu'a été abordé le sujet de l'appréciation de ses aptitudes au cours de l'année précédente au lycée Jules Guesde ;

- sa mutation d'office dans un autre établissement constitue une sanction déguisée illégale en la forme et au fond ;

- une somme de 5 000 euros lui sera allouée en réparation de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2023, la rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier conclut au rejet de la requête de Mme D....

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est tardive ;

- la requête de première instance était irrecevable, faute de preuve de réception de la demande indemnitaire préalable ;

- l'administration n'a pas commis de fautes ;

- le préjudice n'est pas justifié.

Par une ordonnance du 5 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mai 2023.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (55%) par une décision du 29 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., titulaire d'un contrat à durée indéterminée depuis septembre 2016 en qualité d'accompagnant des élèves en situation de handicap et exerçant ses fonctions dans l'académie de Montpellier depuis le 1er septembre 2017, a été affectée à compter du 1er septembre 2018 au lycée polyvalent ... à Lattes (Hérault) pour une durée hebdomadaire de 35 heures pour l'accompagnement d'un élève inscrit en classe de seconde. A la suite d'un entretien de recadrage qui s'est déroulé le 10 octobre 2018, elle a été informée de son changement d'affectation dans l'intérêt du service au collège ... à Montpellier. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des mesures prises à son encontre. Par un jugement n°1903519 du 5 mars 2021, dont elle relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 43 du décret susvisé du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " En cas de faute grave commise par un agent non titulaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité définie à l'article 44. La durée de la suspension ne peut toutefois excéder celle du contrat. /(...) ". Ces dispositions confèrent un caractère conservatoire à la mesure de suspension qui est prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire. La suspension peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.

3. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'une mesure de suspension de dix jours du 1er au 10 octobre 2018 a été prise par le proviseur du lycée Champollion, par courrier électronique en date du 28 septembre 2018, afin d'apaiser une situation devenue très tendue entre la requérante et l'élève atteint de troubles autistiques dont elle assurait l'accompagnement ainsi que la mère de ce dernier. Comme l'a relevé le tribunal, la mère de l'élève accompagné par Mme D... a interpellé, par deux courriers électroniques en date des 12 et 13 septembre 2018, l'enseignante référente du secteur pour lui faire part de ses vives inquiétudes concernant l'accompagnement de son fils. Cette mère a alors fait état de divers dysfonctionnements et notamment du fait que la requérante avait fait une remarque sur l'écriture de son fils qui est dyspraxique avec une atrophie musculaire et qu'elle avait adopté une attitude déplacée critiquant devant lui les autres élèves et professeurs. Un entretien a été organisé le 21 septembre 2018 entre l'enseignante-référente, l'infirmière scolaire de l'établissement, le parent d'élève et la requérante, durant lequel cette dernière, ne cessant de répéter que l'élève en cause était incapable de respecter les consignes, a adopté une attitude très rigide ne permettant pas d'entrevoir un changement dans l'accompagnement au bénéfice de l'élève concerné. En outre, des difficultés dans la gestion des conduites adolescentes avaient déjà été relevées lors de sa précédente affectation au lycée ... à Montpellier et il ressort du bilan annuel de l'intéressée pour l'année 2017/2018 que trois des élèves dont elle assurait le soutien n'avaient pas souhaité continuer à bénéficier de cet accompagnement. Mme D..., en se bornant à soutenir en appel, sans contester la matérialité des griefs, qu'elle n'aurait pas commis de faute grave, ne remet pas sérieusement en cause le caractère de gravité et de vraisemblance des faits qui lui sont imputés concernant l'existence de fortes tensions avec l'élève atteint de troubles autistiques qu'elle accompagnait ainsi que sa mère ayant pour origine ses difficultés récurrentes d'adaptation au public spécifique dont elle était chargée. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en prenant à son encontre une mesure de suspension de ses fonctions d'une durée de dix jours.

4. Une mesure revêt le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

5. Ainsi que l'a relevé le tribunal, il ne résulte pas de l'instruction que la décision d'affectation dans un autre établissement aurait été prise dans un but autre que celui de préserver l'intérêt et donc le bon fonctionnement du service, compte-tenu de l'existence de fortes tensions entre la requérante et l'élève qu'elle accompagnait ainsi que sa mère, dues à l'attitude rigide et, à l'occasion, déplacée de l'intéressée. Il n'est notamment pas établi que l'administration aurait eu l'intention de sanctionner la requérante alors même que, du fait de la mesure portant modification de son affectation, son lieu de travail s'est trouvé plus éloigné de son domicile. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait pris une sanction déguisée sans la faire bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire, ni à soutenir qu'en prenant cette mesure d'affectation, elle aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

6. En organisant, le 10 octobre 2018, un entretien de recadrage en présence de M. C..., inspecteur de l'éducation nationale en charge de la scolarisation et de l'adaptation des élèves handicapés et de Mme A..., coordinatrice du bureau départemental des aides humaines, en raison des dysfonctionnements évoqués au point 3 concernant l'année en cours et l'année précédente, au cours duquel ont été recueillies les observations de l'agent sur les faits exposés et à l'issue duquel l'inspecteur de l'éducation nationale a préconisé un changement d'affectation, l'administration n'a pas manqué à une obligation de loyauté, ni commis aucune autre faute de nature à engager sa responsabilité, eu égard au caractère contradictoire de cet entretien. Si ce dernier a donné lieu à l'établissement ultérieur d'un compte-rendu, qui n'a été signé que par l'inspecteur de l'éducation nationale et qui ne fait pas mention du fait que la requérante s'est présentée accompagnée d'une professeure d'éducation physique et sportive à la retraite, ces circonstances ne sauraient révéler une faute dans l'organisation de l'entretien lui-même. Ne faisant pas l'objet d'une procédure disciplinaire et une mesure de suspension ne nécessitant pas le respect d'une telle formalité, Mme D... ne peut utilement invoquer le fait que l'entretien contesté n'a pas été précédé de la communication de son dossier.

7. Enfin, Mme D... invoque une faute de l'administration tirée d'un défaut d'information, durant les trois premières semaines de la rentrée des classes, concernant le handicap de l'élève qu'elle était chargée d'accompagner, et la manière dont elle devait intervenir, alors qu'elle n'a pas eu d'entretien préalable avec l'enseignant référent et le professeur principal et qu'aucune rencontre n'a été organisée avec le parent d'élève avant le 21 septembre 2018, en méconnaissance de circulaires de l'administration. A cet égard toutefois, la circulaire du 3 mai 2017 dont elle se prévaut se borne en son point 2.2 à décrire les missions de l'agent accompagnant des élèves en situation de handicap en indiquant notamment qu'il contribue à l'adaptation de la situation d'apprentissage en lien avec l'enseignant sans faire peser à ce titre sur l'administration une obligation particulière d'information de l'agent. Il en est de même de l'annexe 3 de la circulaire du 31 juillet 2018, qui se limite à décrire les modalités d'intervention et les types d'activités effectués par un auxiliaire de vie scolaire, sans faire peser sur l'administration une obligation d'information de l'agent. La requérante ne peut, par ailleurs, utilement invoquer des recommandations issues de la circulaire du 5 juin 2019 et du guide national d'accompagnement des élèves en situation de handicap, dont les publications sont postérieures aux faits en litige qui concernent la rentrée scolaire 2018 ou encore une note de service de 2019 intéressant le département de l'Aude. En tout état de cause, à supposer même que l'administration aurait commis une faute, en n'informant pas, dès la rentrée, Mme D... du handicap de l'élève accompagné, en ne mettant pas à sa disposition un document de suivi et en n'organisant pas une rencontre avec sa mère ainsi que des entretiens avec l'enseignant référent et le professeur principal de manière à permettre la réussite de l'accompagnement dont elle était chargée, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la requérante a adopté un comportement inapproprié fautif à l'égard de cet enfant handicapé. Par suite, elle n'établit pas l'existence d'un lien direct de causalité entre la faute invoquée et le préjudice moral allégué dont elle demande réparation.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande Mme D... au bénéfice de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée à la rectrice de la région académique Occitanie, rectrice de l'académie de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22TL00326


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00326
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : GROUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-07;22tl00326 ?
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