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20/12/2023 | FRANCE | N°21VE02141

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 20 décembre 2023, 21VE02141


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Takeda France a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du comité économique des produits de santé (CEPS) du 24 juillet 2018 en tant qu'elle ordonne le versement à l'URSSAF de la somme de 10 338 521 euros au titre d'une remise conventionnelle concernant la spécialité Entyvio pour l'année 2017, de régulariser le montant de cette remise conventionnelle en la fixant à la somme de 1 133 865 euros et de la décharger de

l'obligation de payer la somme réclamée au titre de cette remise à hauteur de 9 204 656 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Takeda France a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du comité économique des produits de santé (CEPS) du 24 juillet 2018 en tant qu'elle ordonne le versement à l'URSSAF de la somme de 10 338 521 euros au titre d'une remise conventionnelle concernant la spécialité Entyvio pour l'année 2017, de régulariser le montant de cette remise conventionnelle en la fixant à la somme de 1 133 865 euros et de la décharger de l'obligation de payer la somme réclamée au titre de cette remise à hauteur de 9 204 656 euros, et, à titre subsidiaire, de condamner le CEPS, ou à défaut l'Etat, à lui verser la somme de 9 204 656 euros et les intérêts de retard en réparation du préjudice résultant pour elle du versement de ce montant indu de remise conventionnelle.

Par un jugement n° 1811733 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à qui le tribunal administratif de Paris a transmis le dossier de la société Takeda France, a, en premier lieu, annulé la décision du 24 juillet 2018 du président du CEPS en tant qu'elle a imputé sur le montant des remises conventionnelles mises à la charge de la société Takeda France pour l'année 2017 la somme de 10 338 521 euros au titre de la remise conventionnelle concernant la spécialité Entyvio pour l'année 2017 au lieu de la somme de 1 134 000 euros de remises auxquelles la société est assujettie en application de la convention qui la lie au CEPS, en deuxième lieu, déchargé la société Takeda France de l'obligation de payer la somme de 9 204 521 euros, et, en troisième lieu, accordé à la société Takeda France le versement des intérêts au taux légal sur la somme de 9 204 521 euros à compter du 14 septembre 2018.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 juillet 2021 et 11 octobre 2023, le ministre des solidarités et de la santé demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de la société Takeda France.

Il soutient que :

- les articles L. 162-18 et L. 162-16-6 I du code de la sécurité sociale se fondent exclusivement sur la spécialité pharmaceutique, sans distinguer selon l'indication thérapeutique ou le statut en termes de remboursement par l'assurance maladie ;

- aux termes de l'article 2.1. de l'avenant conventionnel du 26 novembre 2016, la remise à appeler doit être calculée sur l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé par la spécialité, toutes indications confondues, au titre de la liste en sus, soit la somme de 30 489 223 euros, déduction faite de 3 000 000 d'euros ;

- avant le 1er septembre 2018 pour les établissements du champ médecine, chirurgie, obstétrique, et le 28 février 2019 s'agissant de l'hospitalisation à domicile, aucun système d'information objectif ne permettait de distinguer le chiffre d'affaires réalisé pour une spécialité en fonction de l'indication thérapeutique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2022, la société Takeda France, représentée par Me Damiano, avocate, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation de la décision du comité économique des produits de santé (CEPS) du 24 juillet 2018 en tant qu'elle ordonne le versement à l'URSSAF de la somme de 10 338 521 euros au titre d'une remise conventionnelle concernant la spécialité Entyvio pour l'année 2017 ;

3°) à être déchargée de la somme de 9 204 656 euros, ou à défaut à la somme de 9 204 521 euros retenue par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

4°) à la condamnation de l'Etat à lui verser les intérêts au taux légal sur la somme de 9 204 656 euros, ou à défaut à la somme de 9 204 521 euros retenue par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à compter du 14 septembre 2018 ;

5°) à titre subsidiaire, à ce qu'une mesure d'expertise soit ordonnée pour chiffrer ou vérifier les données du PMSI permettant de déterminer le chiffre d'affaires relatif à la vente de la spécialité Entyvio dans l'indication MC au titre de l'année 2017 ;

6°) à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la décision du 24 juillet 2018 est entachée d'un défaut de motivation ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 162-22-7 du code de la santé publique qui prévoient une inscription sur la liste " en sus " par indication thérapeutique au titre de laquelle la spécialité Entyvio a été inscrite pour l'indication MC seulement par arrêté du 27 juillet 2018 ;

- les avenants de prix doivent se lire en combinaison avec les arrêtés ministériels d'inscription correspondants, lesquels distinguent selon l'indication thérapeutique ; à cet égard, l'avenant du 17 juillet 2018 porte sur l'indication maladie de Crohn et est en lien avec l'arrêté du 27 juillet 2018 ; l'avenant conclu le 28 novembre 2016 ne pouvait concerner l'indication MC ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 162-16-6 du code de la sécurité sociale, lesquelles ne prévoient pas un tarif de responsabilité unique par spécialité et renvoient à l'article L. 162-22-7 du code de la santé publique, dès lors que le tarif de responsabilité est fixé par indication ainsi qu'en attestent la lettre d'orientation ministérielle du 17 août 2016, les rapports du CEPS ou encore l'accord cadre du 5 mars 2021 conclu entre le CEPS et les entreprises du médicament ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale qui subordonnent les remises conventionnelles à la conclusion de l'avenant conventionnel qui prévoit le remboursement d'une indication, alors que l'indication MC a fait l'objet d'une inscription sur la liste " en sus ", seule de nature à ouvrir la voie à la négociation de remises conventionnelles, seulement en juillet 2018, date avant laquelle aucune remise ne pouvait être mise à sa charge du fait d'un vide juridique s'agissant de l'indication MC ;

- elle s'est acquittée de la remise " ATU/post-ATU " sur les ventes de la spécialité Entyvio pour l'indication MC jusqu'en 2017, conformément aux dispositions de l'article L. 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale ;

- dès lors que l'avenant conclu le 28 novembre 2016 ne concerne que l'indication RCH, le calcul des remises conventionnelles au titre de l'année 2017 doit être basé exclusivement sur le chiffre d'affaires réalisé au titre de cette indication ;

- le moyen tiré de la facturation de la totalité des ventes de la spécialité Entyvio au titre de la liste " en sus " est inopérant dans la mesure où cette facturation relève de la seule responsabilité des établissements de santé dans le cadre de l'enveloppe dérogatoire accordée, conformément aux dispositions des articles L. 162-22-7 et L. 162-23-13 du code de la sécurité sociale ;

- le moyen tiré de l'impossibilité de la décharger de l'obligation de payer en raison de l'imprécision des données qu'elle a produites est infondé en raison de la valeur probante de ces données, qui sont renseignées par les praticiens exerçant dans les établissements de santé, ainsi que le prévoit l'avenant du 28 novembre 2016 ;

- à titre subsidiaire, une mesure d'expertise devrait être ordonnée afin de vérifier le chiffre d'affaires réalisé au titre de l'année 2017 avec la vente d'Entyvio dans l'indication MC.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Damiano, pour la société Takeda France.

Considérant ce qui suit :

1. Le comité économique des produits de santé (CEPS) a conclu le 31 mai 2010, en application de l'article L. 162-16-6 du code de la sécurité sociale, une convention avec la société Takeda France, qui avait notamment pour objet de fixer le prix de vente des spécialités pharmaceutiques dont elle est le fabricant et de définir les conditions de versement à l'assurance maladie de remises sur le prix de ces médicaments. Deux avenants à cette convention, signés respectivement les 28 novembre 2016 et 17 juillet 2018, ont arrêté le tarif de responsabilité de la spécialité dénommée Entyvio commercialisée par la société pour deux indications thérapeutiques, d'une part, la rectocolite hémorragique (RCH) et, d'autre part, la maladie de Crohn (MC). Par un courrier du 24 juillet 2018, le président du CEPS a, en application de la convention du 31 mai 2010 ainsi modifiée, adressé à la société Takeda France un état détaillé de ses remises et avoirs pour l'année 2017 aboutissant notamment à un montant net de remises conventionnelles à verser à l'URSSAF d'Île-de-France de 10 338 521 euros pour la spécialité Entyvio. Cette somme a été mise en recouvrement par l'URSSAF le 13 août 2018.

2. La société, qui s'est acquittée de cette somme le 14 septembre 2018, en a toutefois contesté les modalités de calcul par un recours gracieux, qui a fait l'objet d'un rejet par une décision du 7 septembre 2018. La société Takeda France a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à titre principal, d'annuler la décision du CEPS du 24 juillet 2018 en tant qu'elle ordonne le versement à l'URSSAF de la somme de 10 338 521 euros au titre de la remise conventionnelle concernant la spécialité Entyvio pour l'année 2017 et de la décharger, avec majoration des intérêts de retard, de l'obligation de payer la somme de 9 204 656 euros représentant le montant indu de remise conventionnelle calculé par le CEPS dans la décision en litige, et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser une indemnité du même montant assortie des intérêts. Le ministre des solidarités et de la santé relève appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé la décision du 24 juillet 2018 du président du CEPS en tant qu'elle a imputé sur le montant des remises conventionnelles mises à la charge de la société Takeda France pour l'année 2017 la somme de 10 338 521 euros au titre de la remise conventionnelle concernant la spécialité Entyvio pour l'année 2017 au lieu de la somme de 1 134 000 euros de remises auxquelles la société est assujettie en application de la convention qui la lie au CEPS, d'autre part, déchargé la société Takeda France de l'obligation de payer la somme de 9 204 521 euros, et, enfin, accordé à la société Takeda France le versement des intérêts au taux légal sur la somme de 9 204 521 euros à compter du 14 septembre 2018.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige : " I. - L'Etat fixe, sur demande du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou à l'initiative des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, la liste des spécialités pharmaceutiques bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché dispensées aux patients dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 162-22-6 qui peuvent être prises en charge, sur présentation des factures, par les régimes obligatoires d'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation mentionnées au 1° du même article, ainsi que les conditions dans lesquelles certains produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 peuvent faire l'objet d'une prise en charge en sus des prestations d'hospitalisation susmentionnées. Cette liste précise les seules indications thérapeutiques ouvrant droit à la prise en charge des médicaments en sus des prestations d'hospitalisation mentionnées à l'article L. 162-22-6. ". Aux termes de l'article L. 162-16-6 du même code, dans sa version alors applicable : " I. Le tarif de responsabilité et le prix limite de vente aux établissements des spécialités pharmaceutiques mentionnées aux articles L. 162-22-7 et L. 162-23-6 sont fixés par convention entre l'entreprise et le Comité économique des produits de santé et publiés par ce dernier au plus tard dans un délai de cent quatre-vingts jours à compter de la réception de la demande d'inscription de l'entreprise sur la liste mentionnée aux mêmes articles (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la décision en litige : " En application des orientations qu'il reçoit annuellement des ministres compétents, le Comité économique des produits de santé peut conclure avec des entreprises (...) des conventions d'une durée maximum de quatre années relatives à un ou à des médicaments visés au premier alinéa du I de l'article L. 162-16-6 (...). Ces conventions, dont le cadre peut être précisé par un accord conclu avec un ou plusieurs syndicats représentatifs des entreprises concernées, déterminent les relations entre le comité et chaque entreprise, et notamment : / 1° Le prix mentionné à l'article L. 162-16-5 de ces médicaments, à l'exception de ceux inscrits sur la liste prévue au 1° de l'article L. 5126-6 du code de la santé publique qui ne bénéficient pas d'une autorisation de mise sur le marché et, le cas échéant, l'évolution de ce prix, notamment en fonction des volumes de vente ; / 2° Le cas échéant, les remises prévues en application des articles L. 138-13, L. 138-19-4, L. 162-18 et L. 162-16-5-1 ; (...) ". L'article L. 162-18 du même code, dans sa version applicable, dispose : " Les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux peuvent s'engager collectivement par une convention nationale à faire bénéficier la caisse nationale de l'assurance maladie d'une remise sur tout ou partie du chiffre d'affaires de ces spécialités réalisé en France. / Elles peuvent s'engager individuellement par des conventions ayant le même objet. / Ces conventions, individuelles ou collectives, déterminent le taux de ces remises et les conditions auxquelles se trouve subordonné leur versement qui présente un caractère exceptionnel et temporaire. Elles peuvent notamment contribuer au respect d'objectifs relatifs aux dépenses de promotion des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés à l'usage des collectivités. / Ces conventions sont conclues entre, d'une part, le comité visé à l'article L. 162-17-3, et, d'autre part, (...) une entreprise. (...) / Les conventions conclues au titre des spécialités bénéficiant, pour l'une de leurs indications, d'une autorisation mentionnée à l'article L. 5121-12 du code de la santé publique (...) du présent code n'incluent que des remises portant sur les unités vendues à compter de la signature de la convention. Elles incluent également des prévisions relatives aux volumes de vente, le cas échéant indication par indication, pour les trois prochaines années. (...) ".

5. Pour considérer que le CEPS avait commis une erreur de droit en incluant, dans l'assiette de calcul de la remise due au titre de l'année 2017 pour la spécialité Entyvio, le chiffre d'affaires relatif à la vente de cette spécialité pour l'indication MC, le tribunal administratif a jugé que l'inscription, comme la radiation, d'une spécialité pharmaceutique de la liste prévue à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale s'opère indication par indication, par un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé, simultanément à la fixation du tarif de responsabilité par convention signée entre l'entreprise et le CEPS. Cette convention peut prévoir l'application de remises sur le chiffre d'affaires réalisé au cours d'une année sur les ventes des indications des spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste mentionnée à l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, dite " liste en sus ". Ainsi, il a considéré que dès lors que l'indication MC avait été inscrite sur la " liste en sus " par un arrêté du 27 juillet 2018 et le tarif de responsabilité des deux indications et les modalités d'application des remises avaient été mis à jour par un avenant à la convention en date du 17 juillet 2018, seul le chiffre d'affaires des ventes de la spécialité Entyvio pour l'indication RCH, inscrite sur la " liste en sus " par un arrêté du 5 janvier 2017, pouvait faire l'objet, au titre de l'année 2017, d'une remise dans les conditions prévues par la convention signée entre le CEPS et la société Takeda France, dans sa version issue de l'avenant du 26 novembre 2016.

6. En premier lieu, le ministre des solidarités et de la santé fait valoir que les articles L. 162-18 et L. 162-16-6 I du code de la sécurité sociale se fondent exclusivement sur la spécialité pharmaceutique, sans distinguer selon l'indication thérapeutique ou le statut en termes de remboursement par l'assurance maladie. Toutefois, indépendamment du caractère unique du tarif de responsabilité applicable à une spécialité, dès lors que les articles L. 162-18 et L. 162-16-6 I du code de la sécurité sociale renvoient à l'article L. 162-22-7 du même code, ils subordonnent nécessairement la possibilité de mise en place d'un tarif de responsabilité et de remises conventionnelles à l'inscription de la spécialité qui en est l'objet sur la liste " en sus ", laquelle se fait par indication. Par suite, le moyen tenant au caractère global par spécialité des remises conventionnelles prévues à l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale, lequel au demeurant fait référence à des " volumes de vente, le cas échéant indication par indication ", doit être écarté.

7. En deuxième lieu, d'une part, le ministre fait valoir que l'article 2.1. de l'avenant conventionnel du 28 novembre 2016 prévoit le principe d'une remise calculée en fonction du nombre de flacons vendus et du chiffre d'affaires hors taxes sur une année civile de la " spécialité Entyvio ". Toutefois, cet avenant, conclu notamment au visa de l'article L. 162-16-6 du code de la sécurité sociale, ne pouvait couvrir que les spécialités pharmaceutiques mentionnées aux articles L. 162-22-7, soit les seules indications thérapeutiques de ces spécialités ouvrant droit à la prise en charge des médicaments en sus des prestations d'hospitalisation mentionnées à l'article L. 162-22-6 et figurant sur la liste spécifique. D'autre part, et ainsi que le ministre requérant le soutient, il ressort de deux courriers électroniques que le CEPS a effectivement indiqué que le chiffre d'affaires réalisé par la vente de la spécialité Entyvio sur l'année 2017, soit 33 489 223 euros, a été facturé au titre de la liste " en sus ". Toutefois, les données adressées à la société Takeda par courrier du 25 mai 2018 constituent un simple relevé global sans ventilation de montant en fonction de l'indication thérapeutique. En outre si le courrier du 4 mai 2018 fait référence à l'indication Crohn, le ministre ne conteste pas qu'à cette date, l'indication MC ne figurait pas sur la liste " en sus ", cette inscription n'étant intervenue que par un arrêté du 27 juillet 2018, lequel a été suivi d'un nouvel avenant à la convention, en date du 17 juillet 2018, mettant à jour le tarif de responsabilité et les modalités d'application des remises des deux indications. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le chiffre d'affaires à prendre en compte pour calculer le montant de la remise conventionnelle due au titre de l'année 2017 devait inclure l'ensemble des ventes réalisées au titre de la spécialité Entyvio, doit également être écarté.

8. En troisième lieu, le ministre soutient qu'avant le 1er septembre 2018 pour les établissements du champ médecine, chirurgie, obstétrique, et le 28 février 2019 s'agissant de l'hospitalisation à domicile, aucun système d'information objectif ne permettait de distinguer le chiffre d'affaires réalisé pour une spécialité en fonction de l'indication thérapeutique. Il résulte de l'instruction que l'article 2.1 de la convention pluriannuelle signée entre la société Takeda France et le CEPS, dans sa version issue de l'avenant du 28 novembre 2016, stipule que le nombre de flacons et le chiffre d'affaires hors taxes sur une année civile de la spécialité Entyvio seront constatés à partir des déclarations trimestrielles faites au GERS. Le ministre requérant ne conteste pas que les données produites par la société Takeda, à partir desquelles le tribunal administratif a calculé le montant des remises dues par cette dernière au titre des deux premiers trimestres de l'année 2017, sont issues du GERS, qui constitue la base de données de ventes de médicaments partagée entre l'administration et les organisations représentatives des laboratoires pharmaceutiques, pour ce qui concerne le nombre de flacons d'Entyvio vendus au titre de chaque indication, et du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), lequel est placé sous la responsabilité de l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), s'agissant des données chiffrées relatives à l'indication MC. Le ministre se contente de produire les fichiers de calcul de la remise élaborés par le CEPS, sans démontrer que les données du GERS auxquelles il a lui-même accès ne correspondraient pas à celles produites par la société. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de caractère probant des données produites par la société Takeda France pour le calcul du montant de la remise due pour les ventes d'Entyvio réalisées au titre de l'année 2017 pour l'indication alors inscrite sur la liste en sus doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que le ministre des solidarités et de la santé n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du président du CEPS du 24 juillet 2018 en tant qu'elle a imputé sur le montant des remises conventionnelles mises à la charge de la société Takeda France pour l'année 2017 la somme de 10 338 521 euros au titre de la remise conventionnelle concernant la spécialité Entyvio pour l'année 2017 au lieu de la somme de 1 134 000 euros de remises auxquelles la société est assujettie en application de la convention qui la lie au CEPS, déchargé la société Takeda France de l'obligation de payer la somme de 9 204 521 euros, et accordé à la société Takeda France le versement des intérêts au taux légal sur la somme de 9 204 521 euros à compter du 14 septembre 2018.

Sur les conclusions incidentes présentées par la société Takeda France :

10. Si la société Takeda France demande, à titre principal, à être déchargée de la somme de 9 204 656 euros au lieu de la somme de 9 204 521 euros retenue par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, avec intérêts au taux légal sur le différentiel entre ces deux sommes à compter du 14 septembre 2018, elle n'apporte aucune précision quant à l'erreur qui aurait été commise par le tribunal administratif dans le calcul de la remise et qui ne ressort pas des pièces du dossier. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Takeda France de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre des solidarités et de la santé est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par la société Takeda France est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à la société Takeda France la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Takeda France et au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Pham, première conseillère,

Mme Bonfils, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2023.

La rapporteure,

M.-G. BONFILS

Le président,

S. BROTONS

La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE02141 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02141
Date de la décision : 20/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : CABINET HOGAN LOVELLS PARIS LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-20;21ve02141 ?
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