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28/02/2024 | FRANCE | N°21VE03086

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 28 février 2024, 21VE03086


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du maire de Montmorency du 21 juin 2018 rejetant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents survenus les 14 et 18 janvier 2016, ensemble la décision du 27 septembre 2018 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de la commune de Montmorency le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 1812031 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du maire de Montmorency du 21 juin 2018 rejetant sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service des accidents survenus les 14 et 18 janvier 2016, ensemble la décision du 27 septembre 2018 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de la commune de Montmorency le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1812031 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces décisions et a mis la somme de 1 500 euros à la charge de la commune de Montmorency au titre des frais liés à l'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 novembre 2021, la commune de Montmorency, représentée par Me Carrère, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du principe de sécurité juridique, la demande de Mme A... ayant été faite que près de vingt mois après les deux accidents litigieux ;

- il est entaché d'erreur de droit et de qualification juridique, le courrier du 14 janvier 2016 l'informant de l'engagement d'une procédure disciplinaire et les propos tenus à son encontre par le directeur des ressources humaines n'étant pas particulièrement violents et soudains ; Mme A... présentait un état dépressif antérieur ; la commune exposante n'était pas tenue d'instruire une demande d'imputabilité au service d'une maladie, Mme A... s'étant uniquement placée sur le terrain de l'accident de service ; une telle demande serait tardive.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés respectivement les 31 juillet 2022 et 21 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Boukheloua, avocat, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Montmorency le versement de la somme de 3 600 euros au titre des frais liés à l'instance.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905, notamment son article 65 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- les observations de Me Abbal pour la commune de Montmorency et celles de Me Boukheloua, pour Mme A....

Une note en délibéré, enregistrée le 1er février 2024, a été présentée pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Montmorency relève appel du jugement du 23 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, à la demande de Mme A..., assistante de conservation principale de 1ère classe, l'arrêté de la maire du 21 juin 2018 rejetant la demande de requalification de son congé de longue maladie en congé pour accident de service, ensemble la décision du 27 septembre 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit ; (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

3. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, un courrier annonçant l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'encontre d'un agent ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., responsable du musée Jean-Jacques Rousseau de Montmorency, a été placée en arrêt de travail à compter du 20 janvier 2016 jusqu'au 16 février 2016, l'avis du praticien mentionnant une " rechute anxiodépressive sévère réactionnelle à un conflit d'ordre professionnel ". Cet arrêt de travail a été renouvelé à plusieurs reprises. Par un courrier du 22 juillet 2016, Mme A... a demandé à être placée en congé de longue maladie. Après un avis favorable du comité médical du 10 novembre 2016, elle a bénéficié d'un congé de longue maladie du 19 janvier 2016 au 18 juin 2017. A la demande de Mme A..., ce congé a été renouvelé sur avis favorable du comité médical jusqu'au 18 décembre 2017. Par un courrier du 2 octobre 2017, Mme A... a sollicité la requalification de ce congé en congé pour accident de service en invoquant non seulement la demande de sanction disciplinaire dont elle avait fait l'objet le 14 janvier 2016 mais aussi l'insulte qu'aurait formulée à son encontre le directeur des ressources humaines lors de la réunion extraordinaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 18 janvier 2016 consacré à la souffrance au travail des agents du musée. La commission de réforme ayant émis un avis défavorable le 29 mars 2018, la maire de Montmorency, par un arrêté du 21 juin 2018, a rejeté la demande de requalification présentée par Mme A.... Ce refus a été confirmé sur recours gracieux par une décision du 27 septembre 2018. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces décisions au motif que le syndrome anxio-dépressif réactionnel au titre duquel Mme A... avait bénéficié d'un congé de longue maladie était en lien direct avec les événements des 14 et 18 janvier 2016.

5. Toutefois, si par le courrier du 14 janvier 2016, la maire de Montmorency a informé Mme A... qu'elle envisageait de prendre à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans et lui a communiqué le rapport adressé au conseil de discipline, il n'est pas établi que ces documents comportaient des éléments excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ainsi, ce courrier ne peut être regardé comme constituant un évènement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service.

6. En outre, si, lors de la réunion extraordinaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 18 janvier 2016 consacré à la souffrance au travail des agents du musée, le directeur des ressources humaines de la commune a notamment précisé à Mme A... qu'elle n'avait " jamais rien compris " et a indiqué " c'est fini de mettre tout le monde autour d'une table et de discuter. On n'est pas au café du commerce ", ces propos ne peuvent être regardés par leur nature et le contexte dans lequel ils ont été prononcés comme constituant un évènement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service.

7. Il résulte de ce qui précède que, quels que soient les effets qu'ils ont produits sur Mme A..., les évènements auxquels elle a été confrontée les 14 et 18 janvier 2016 ne peuvent être qualifiés d'accidents de service. Par suite, la commune de Montmorency est fondée à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé pour ce motif l'arrêté du 21 juin 2018 et la décision du 27 septembre 2018.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A....

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la communication du dossier :

9. Aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". Aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires alors en vigueur relatif à la commission de réforme : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier (...) il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 29 mars 2018 et du procès-verbal de communication de dossier établi à cette même date, que Mme A... a été invitée à prendre connaissance de son dossier et a effectivement pu en prendre connaissance avant la séance le 29 mars 2018. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance des droits de la défense :

11. En premier lieu, Mme A... a porté la mention suivante dans le procès-verbal de communication de dossier du 29 mars 2018 : " celui de la ville étant incomplet quant aux pièces jointes annoncées (...) ". Elle fait valoir en appel que le rapport du médecin de prévention ne figurait pas dans le dossier transmis par la commune, de même que certains arrêts de travail. Toutefois, à supposer même qu'une partie des pièces annoncées par la commune n'ait pas été transmise à la commission de réforme, d'une part, celle-ci pouvait faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes ou expertises qu'elle estimait nécessaires et, d'autre part, Mme A... pouvait également présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux, conformément aux dispositions de l'article 19 du décret du 14 mars 1986. Ainsi, il n'est pas établi que la commission de réforme n'a pas pu émettre son avis en connaissance de cause en raison du caractère incomplet du dossier communiqué par la commune.

12. En second lieu, si Mme A... a demandé en vain le réexamen de son dossier par la commission de réforme par un courrier du 13 janvier 2020 qui a fait l'objet d'un rejet le 10 février 2020, cette circonstance est postérieure à l'arrêté attaqué et sans incidence sur sa légalité.

En ce qui concerne la régularité de l'avis de la commission de réforme :

13. En premier lieu, Mme A... soutient que la commission de réforme a confondu dans son avis la maladie chronique digestive dont elle souffre, qui a donné lieu à son placement en congé de longue maladie, et l'affection psychologique résultant des deux accidents de service dont elle a victime les 14 janvier et 18 janvier 2016. Toutefois, il n'est pas établi que la commission de réforme n'a pas pris en compte les éléments médicaux afférents spécifiquement à cette dernière affection pour rendre son avis. Ainsi, la procédure ne peut être regardée comme ayant été viciée au motif que la commission de réforme ne se serait prononcée que sur la pathologie chronique digestive de Mme A....

14. En second lieu, il n'est pas établi que la commission de réforme se serait dispensée de prendre en compte les critères de reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident et ne se serait pas prononcée sur le lien entre les deux évènements survenus en janvier 2016 et le fait que Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 20 janvier 2016 puis en congé de longue maladie.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

15. En premier lieu, si l'arrêté attaqué relève que la demande de requalification de Mme A... est intervenue près de deux ans après la survenance des faits invoqués et s'il souligne la tardiveté avec laquelle cette dernière a invoqué les deux accidents des 14 et 18 janvier 2016, il ne ressort pas des termes de cette décision que la maire de la commune de Montmorency aurait ainsi entendu opposer à l'intéressée l'irrecevabilité de sa demande, cet arrêté se bornant à conclure que " ces circonstances ne permettent ni d'établir la matérialité des accidents allégués ni, en tout état de cause, dans les circonstances particulières précitées, une imputabilité au service ".

16. En deuxième lieu, il n'est pas établi que, par l'arrêté attaqué, la maire de Montmorency a refusé, par principe, de requalifier le congé de longue maladie de Mme A... en congé pour accident de service et qu'elle a entaché sa décision d'erreur de droit.

17. Enfin, il ne ressort pas des termes de cet arrêté que la maire de Montmorency a confondu les deux affections dont souffre Mme A... et qu'elle a entaché sa décision d'erreur de droit ou d'appréciation.

18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Montmorency est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté de la maire du 21 juin 2018, ensemble la décision du 27 septembre 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Montmorency, qui n'est pas la partie perdante, verse une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... une quelconque somme sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1812031 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 septembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Montmorency sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montmorency et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Houllier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2024.

Le rapporteur,

G. CamenenLa présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

T. René-Louis-Arthur

La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

No 21VE03086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE03086
Date de la décision : 28/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie. - Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-28;21ve03086 ?
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