La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2021 | LUXEMBOURG | N°45746C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 24 juin 2021, 45746C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45746C du rôle Inscrit le 5 mars 2021 Audience publique du 24 juin 2021 Appel formé par la société anonyme (AA), …, contre un jugement du tribunal administratif du 26 janvier 2021 (n° 42273 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision de l’INSTITUT LUXEMBOURGEOIS DE REGULATION (ILR) en matière du marché de l’électricité Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 45746C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 5 mars 2021 par Maître Renaud LE SQUEREN, avocat à la Cour, inscrit au tabl

eau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (AA...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45746C du rôle Inscrit le 5 mars 2021 Audience publique du 24 juin 2021 Appel formé par la société anonyme (AA), …, contre un jugement du tribunal administratif du 26 janvier 2021 (n° 42273 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision de l’INSTITUT LUXEMBOURGEOIS DE REGULATION (ILR) en matière du marché de l’électricité Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 45746C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 5 mars 2021 par Maître Renaud LE SQUEREN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (AA), établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro …, dirigée contre le jugement du tribunal administratif du 26 janvier 2021 (n° 42273 du rôle), à travers lequel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation, tout en déclarant recevable, mais non fondé le recours en annulation de la décision de l’établissement public INSTITUT LUXEMBOURGEOIS DE REGULATION (ILR) du 24 octobre 2018 par laquelle elle a perdu le bénéfice de la catégorie C pour la détermination de la contribution au mécanisme de compensation ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 31 mars 2021 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite au barreau de Luxembourg sur la liste V, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg, sous le numéro B 186.371, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Marianne RAU, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 30 avril 2021 par Maître Renaud LE SQUEREN au nom et pour compte de l’appelante ;

1Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 19 mai 2021 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, représentée par Maître Marianne RAU, au nom et pour compte de l’établissement public INSTITUT LUXEMBOURGEOIS DE REGULATION ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré en conséquence à l’audience publique du 17 juin 2021.

En date du 24 octobre 2018, l’ INSTITUT LUXEMBOURGEOIS DE REGULATION, ci-après « l’ILR », s’adressa à la société anonyme (AA), ci-après « la société (AA) », en les termes suivants :

« Décision ILR/R18/40 du 24 OCTOBRE 2018 SUR LA PERTE DU BÉNÉFICE DE LA CATÉGORIE C POUR LA DÉTERMINATION DE LA CONTRIBUTION AU MÉCANISME DE COMPENSATION PAR LA SOCIÉTÉ ANONYME (AA) POUR L'ANNÉE 2018 SECTEUR ÉLECTRICITÉ La Direction de l'Institut Luxembourgeois de Régulation, Vu l'article 7 de la loi modifiée du 1er août 2007 relative à l'organisation du marché de l'électricité ;

Vu le règlement grand-ducal modifié du 31 mars 2010 relatif au mécanisme de compensation dans le cadre de l'organisation du marché de l'électricité, et notamment son article 8 ;

Vu la décision du 12 octobre 2017 de l'Institut Luxembourgeois de Régulation (réf.: CH/cm D68771) autorisant la société anonyme (AA), établie et ayant son siège social à L-…, à bénéficier du taux de contribution de la catégorie C ;

Considérant que la société anonyme (AA) n'a pas transmis à l'Institut Luxembourgeois de Régulation avant le 30 septembre 2018 une confirmation qu'elle répond toujours aux critères de classification de la catégorie C ;

Considérant dès lors qu'en l'absence d'une telle confirmation dans le délai prescrit, l'Institut Luxembourgeois de Régulation décide de la perte du bénéfice de la catégorie C de l'entreprise conformément à l'article 8, paragraphe 5 du règlement grand-ducal modifié du 31 mars 2010;

2Décide Art. 1er. Pour l'année 2018, la société anonyme (AA) perd le bénéfice du taux de contribution de la catégorie C du mécanisme de compensation pour le point de fourniture LDS-… (POD: LU …).

Art. 2. La présente décision est notifiée à la société anonyme (AA) et une copie est adressée pour information au gestionnaire de réseau concerné.

Un recours en annulation contre la présente décision est ouvert devant le tribunal administratif de Luxembourg à introduire par ministère d'un avocat à la Cour au plus tard dans les trois mois qui suivent la notification de la présente décision. (…) ».

En date du 8 novembre 2018, la société (AA) répondit à l’ILR ce qui suit :

« (…) Nous accusons réception de votre courrier, dont référence ci-dessus.

Nous vous saurions gré de bien vouloir revenir sur votre décision en ce qui concerne la non-application du taux de contribution de catégorie C pour l'année 2018.

Suite au départ de la personne qui s'occupait de remplir annuellement la demande, vos courriers sont restés sans réponse et nous le déplorons.

Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir accueillir de façon positive la demande en annexe, tout en sachant que nous ferons notre possible pour que cette situation ne se reproduise plus à l'avenir. (…) ».

Par un courrier du 14 novembre 2018, l’ILR s’adressa à la société (AA) en les termes suivants :

« (…) Nous accusons bonne réception de votre courrier du 8 novembre 2018 par lequel vous nous demandez de revenir sur la décision ILR/E18/40 du 24 octobre 2018 sur la perte du bénéfice de la catégorie C pour la détermination de la contribution au mécanisme de compensation par votre société.

L'Institut Luxembourgeois de Régulation est cependant au regret de vous informer qu'il ne fait pas droit à votre demande et qu'il maintient sa décision de refus du 24 octobre 2018, en l'absence de nouveaux éléments de fait et de droit permettant de justifier une réformation de la décision dont objet.

En effet, vous invoquez à l'appui de votre recours contre la décision de refus, justifiée par l'absence de confirmation avant le 30 septembre 2018 que votre société répond toujours aux critères de classification de la catégorie C, « que suite au départ de la personne qui s'occupait de remplir annuellement la demande, vos courriers sont restés sans réponse et nous le déplorons. ».

L'Institut estime que les changements dans votre organisation du personnel et l'oubli qui en résultait ne constituent pas des événements susceptibles de justifier la réformation de la 3décision de refus objet du recours, d'autant plus que le courrier du 28 août 2018, par lequel, de par sa propre initiative, l'Institut avait pris soin de vous rappeler de l'approche de l'échéance du 30 septembre 2018, a été adressé à la direction de votre entreprise à laquelle il appartenait dès lors de donner suites utiles.

En outre, même en faisant droit à votre argument d'une réorganisation interne aboutissant à un oubli de respecter les échéances, quod non, les échéances sont fixées par voie de règlement grand-ducal et constituent des délais auxquels ni votre entreprise ni l'institut ne peuvent déroger.

Un recours en annulation contre la présente décision est ouvert devant le tribunal administratif de Luxembourg, à introduire par ministère d'avocat à la Cour au plus tard dans les trois mois qui suivent la notification de la présente décision. (…) ».

Par courrier du 16 novembre 2018, la société (AA) s’adressa à nouveau à l’ILR en ces termes :

« (…) Nous accusons réception de votre courrier du 14 novembre 2018, dans lequel vous refusez notre demande de nous réintégrer dans la catégorie C pour la détermination de la contribution au mécanisme de compensation par notre société.

Nous tenons à insister sur plusieurs éléments :

- Nous n'avons pas reçu la relance du 28 août 2018.

- A titre d'exemple, le courrier reçu ce jour est adressé à "(AA)" et non pas à une fonction dans l'entreprise (voir copie jointe).

- Comme vous l'indiquiez le 12 octobre 2017, vous avec reçu notre demande pour l'année 2017, le 05 octobre 2017.

Nous ne remettons pas en cause, bien évidemment, l'échéance du 30 septembre 2018, fixée par voie de règlement grand-ducal, mais nous vous demandons à nouveau de revoir la position tenue dans le courrier du 14 novembre 2018, les enjeux étant socialement impactants. (…) ».

Par courrier du 3 décembre 2018, l’ILR rappela à la société (AA) que sa décision du 24 octobre 2018 aurait déjà été confirmée sur recours gracieux par sa décision du 14 novembre 2018.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2019, la société (AA) fit introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée de l’ILR du 24 octobre 2018.

Par jugement du 26 janvier 2021, le tribunal se déclara incompétent pour connaître du recours principal en réformation, tout en déclarant le recours subsidiaire en annulation recevable mais non fondé, en débouta la société (AA), rejeta sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et la condamna aux frais et dépens de l’instance.

4Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 5 mars 2021, la société (AA) a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 26 janvier 2021 dont elle sollicite la réformation dans le sens de voir annuler la décision de l’ILR du 24 octobre 2018.

A l’appui de cet appel, l’appelante souligne tout d’abord que par une décision du 12 octobre 2017 de l'ILR, elle aurait pu bénéficier, dans le contexte du mécanisme de compensation dans le cadre de l’organisation du marché de l’électricité, d'un taux de contribution de la catégorie C pour l'année 2017, dont elle aurait, par ailleurs, bénéficié depuis de longues années pour avoir toujours largement satisfait aux conditions requises à cet effet. Elle fait relever que pour l’année 2018, elle n’aurait, pour la première fois, pas été en mesure de retourner le formulaire de confirmation d'application du taux de contribution de la catégorie C du mécanisme de compensation dûment rempli avant l'échéance du 30 septembre 2018, alors même qu’elle remplirait toujours les conditions pour bénéficier de ce taux de contribution pour l'année en question, lequel aurait partant a priori dû lui être appliqué. Suite à la décision de l'ILR du 24 octobre 2018, elle aurait demandé en date du 8 novembre 2018 à l’ILR de revenir sur sa position, tout en régularisant, le même jour, sa situation par l'envoi du formulaire de confirmation d'application du taux de contribution de la catégorie C du mécanisme de compensation pour l'année 2018 dûment rempli. Néanmoins, l’ILR aurait maintenu sa décision en invoquant un courrier de relance datant du 28 août 2018 lui signalant l'approche de l'échéance du 30 septembre 2018, courrier qu’elle affirme ne jamais avoir reçu. Par la suite, le gestionnaire du réseau, la société (BB), aurait émis les « Factures Utilisation Réseaux Electricité » en dates des 31 octobre, 30 novembre et 31 décembre 2018 relatives respectivement aux mois d'octobre, de novembre et de décembre 2018, en appliquant le taux de contribution de la catégorie B et non plus le taux de contribution de la catégorie C. Ensemble avec la facture de décompte du 31 décembre 2018, ainsi que les « Factures Utilisation Réseaux Electricité » déjà reçues pour les mois allant de janvier à septembre 2018, l’appelante affirme avoir subi un préjudice financier d'un montant total de ….- € en relation avec la perte du bénéfice du taux de contribution de la catégorie C pour l'année 2018 et que malgré sa tentative de régler à l'amiable cette affaire, l'ILR ne serait plus revenu sur la décision déférée du 24 octobre 2018.

Sur ce, la société (AA) réitère en premier lieu son moyen tiré d’un non-respect de la procédure administrative non contentieuse et estime plus particulièrement que l’ILR a violé l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », disposition qui, selon une jurisprudence constante en la matière, aurait pour objet d'instaurer une procédure contradictoire destinée à protéger les droits de la défense de l'administré lorsque l'administration se propose de prendre, d'une part, des décisions de révocation ou de modification d'office pour l'avenir de décisions qui ont créé ou reconnu des droits et, d'autre part, des décisions en dehors d'une initiative de la partie concernée, c'est-à-dire sans avoir été saisie d'une demande préalable de l'administré concerné, sans pour autant que cette formalité ne puisse constituer une fin en soi.

L’appelante estime que cette disposition exigerait qu'un vrai dialogue soit engagé entre l'autorité administrative et l'administré afin que les deux puissent exposer, en connaissance de cause et après réflexion faite, leur point de vue avant que la décision projetée ne soit prise. Elle fait plaider que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 aurait vocation à s’appliquer en l’espèce, au motif que, d’un côté, l’ILR serait un établissement public doté d’une personnalité juridique propre, en vertu de l'article 1er de la loi modifiée du 30 mai 2005 portant organisation de l'Institut Luxembourgeois de Régulation, et que, de l’autre côté, ladite procédure serait plus protectrice que 5celle du règlement grand-ducal modifié du 31 mars 2010 relatif au mécanisme de compensation dans le cadre de l’organisation du marché de l’électricité, ci-après « le règlement grand-ducal du 31 mars 2010 », qui ne prévoirait qu’une information a posteriori portant sur la perte du bénéfice de la contribution de la catégorie C qui aurait été déjà prononcée par l'ILR.

La société (AA) en conclut qu’étant donné qu’il n’y aurait pas eu péril en la demeure, l’ILR aurait dû faire application, en l’espèce, de la procédure prévue par l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, en l’informant, en pratique, de manière effective et réelle par le biais d'une communication par lettre recommandée lui accordant un délai d'au moins huit jours pour présenter ses observations, de la perte éventuelle du bénéfice de la contribution de la catégorie C, ce qui n’aurait pas été fait en l’espèce. Quant au courrier de relance que l’ILR prétendrait lui avoir envoyée le 28 août 2018, l’appelante conteste formellement avoir reçu ce courrier, faute pour l’ILR de ne pas avoir envoyé ledit courrier sous pli recommandé. Ainsi, en l'absence d’un telle relance, aucun délai d'au moins huit jours n'aurait pu lui être accordé pour présenter ses observations et, le cas échéant, pour être reçue et entendue en personne.

La société (AA) réitère ensuite son moyen tiré d’une prétendue violation des principes généraux du droit et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, ci-après « la Charte », soulignant que l’ILR, en tant qu’établissement public indépendant, devrait respecter les principes généraux du droit régissant les rapports entre une autorité administrative et ses administrés et, en particulier, le principe du contradictoire, ce qui, en l’espèce, n’aurait cependant pas été le cas.

Dans ce contexte, elle fait relever que si elle aurait malencontreusement manqué la date d'échéance du 30 septembre 2018 pour confirmer l'application du taux de contribution de la catégorie C pour l'année 2018, il faudrait constater que les obligations incombant à l'ILR quant à une procédure contradictoire menée au préalable n'auraient pas été respectées, au motif qu’il serait de jurisprudence constante que lors de la procédure conduisant à une décision administrative individuelle, l'autorité administrative devrait assurer la protection juridique de l'administré concerné, en lui donnant la possibilité d'intervenir dans l'élaboration de cette décision, ou, à tout le moins, d'en être informé. Le respect de cette règle s'imposerait à plus forte raison lorsque l'administration interviendrait d'office, sans qu'une décision n'ait été sollicitée par la personne concernée et que la décision serait constitutive d'une sanction à son égard ou qu'elle porterait gravement atteinte à sa situation individuelle. Ainsi, la décision déférée du 24 octobre 2018 constituerait une telle mesure comportant de graves conséquences financières pour elle, en ce que la perte du bénéfice du taux de contribution de la catégorie C lui aurait causé un préjudice financier de l’ordre de … euros.

Par ailleurs, le principe du contradictoire serait également inscrit à l’article 47, alinéa 2, de la Charte disposant que toute personne aurait droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, cet article s’apparentant à l'article 6, paragraphe 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après « la CEDH », s'appliquant, malgré son champ plus limité, également à toutes les procédures administratives comportant une sanction à l'égard d'un administré. L’appelante fait relever sur ce point que si la décision en l'espèce ne devait pas s'interpréter comme une sanction administrative, per se, il serait néanmoins incontestable que la procédure qui l'entoure devrait toujours respecter le principe du contradictoire en conformité avec les termes de la Charte.

6 L’ILR conclut en substance à la confirmation pure et simple du jugement dont appel.

Il est constant en cause que pour la période 2011 à 2017, la société (AA) a bénéficié de l’application du taux de contribution de la catégorie C du mécanisme de compensation conformément aux exigences fixées par l’article 8 du règlement grand-ducal du 31 mars 2010, article qui est de la teneur suivante :

« (1) Les points de fourniture qui sont alimentés à un niveau de tension d’au moins 65 kV ou qui affichent une consommation de plus de 20 GWh ou qui relèvent d’une entreprise grande consommatrice d’électricité peuvent être classés en catégorie C. Afin de faire classer un ou plusieurs points de fourniture en catégorie C, les entreprises concernées doivent faire parvenir par écrit la demande y relative au régulateur au plus tard avant le 30 septembre de l’année pour laquelle le taux de la catégorie C est sollicité, date après laquelle aucune demande ne peut plus être prise en considération.

(…) (4) Le régulateur procède à l’évaluation du dossier et décide sur base des pièces justificatives si le ou les points de fourniture concernés par la demande peuvent être classés en catégorie C.

(5) Les entreprises dont le ou les points de fourniture ont été autorisés de faire partie de la catégorie C par décision du régulateur doivent confirmer annuellement avant le 30 septembre qu’elles répondent toujours aux critères de classification en catégorie C. En ce qui concerne le statut d’entreprise grande consommatrice d’électricité, cette confirmation doit être certifiée exacte par un expert-comptable. En l’absence d’une confirmation le régulateur décide la perte du bénéfice de la catégorie C de l’entreprise concernée et en informe l’entreprise et les gestionnaires de réseau. (…) ».

En effet, il se dégage des pièces du dossier que pour les années afférentes les demandes respectives de la société (AA) ont été reçues par l’ILR aux dates respectives des 15 juin 2011, 21 août 2012, 31 juillet 2013, 22 septembre 2014, 26 août 2015, 19 septembre 2016 et 5 octobre 2017 et ont toutes été autorisées pour répondre aux exigences fixées par l’article 8 du règlement grand-ducal du 31 mars 2010, lesdites autorisations annuelles attirant à chaque reprise l’attention de la société (AA) sur le fait que si elle entendait bénéficier du taux de contribution de la catégorie C pour l’année suivante, elle devrait confirmer avant le 30 septembre de l’année en cause que « vous répondez toujours aux critères de classification en catégorie C (…). En l’absence d’une telle confirmation, je déciderai la perte du bénéfice de la catégorie C ».

L’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que :

« Sauf s´il y a péril en la demeure, l´autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d´office pour l´avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d´une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l´amènent à 7agir.

Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d´au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.

Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne.

L´obligation d´informer la partie concernée n´existe que pour autant que l´autorité compétente est à même de connaître son adresse. Les notifications sont valablement faites à l´adresse indiquée par la partie ou résultant de déclarations officielles ».

Concernant plus précisément l’applicabilité dudit article 9, c’est tout d’abord à bon escient que les premiers juges ont noté qu’il se dégage de l’article 8 du règlement grand-ducal du 31 mars 2010 que l’octroi du bénéfice du taux de contribution de la catégorie C est limitée à une année et que l’autorisation pour l’année subséquente est conditionnée par l’obligation imposée au bénéficiaire de confirmer annuellement, avant le 30 septembre de l’année en question, qu’il est toujours éligible afin de bénéficier de ce tarif de faveur.

Au vu de la systémique mise en place par l’article 8 du règlement grand-ducal du 31 mars 2010, la Cour arrive à la conclusion que la décision de l’ILR du 24 octobre 2018 ne constitue ni une décision de révocation ou de modification d´office pour l´avenir d’une décision ayant créé ou reconnu des droits à la société (AA), ni une décision prise en dehors d´une initiative de celle-ci.

En effet, il se dégage d’abord clairement du dossier que les autorisations antérieures du taux de contribution de la catégorie C délivrées au profit de la société (AA) n’ont jamais été accordées au-delà de l’année de référence, mais uniquement pour une durée déterminée se limitant à cette année. De même, la perte du bénéfice de la catégorie C ne vaut que pour l’année pour laquelle une demande de confirmation en bonne et due forme n’a pas été faite, mais non pour les années antérieures pour lesquelles les demandes avaient été régulièrement effectuées, de sorte que la décision de l’ILR n’a pas remis en cause un droit antérieurement reconnu à la société (AA).

Pour le surplus, il y a lieu de constater, tel que relevé à juste titre par le tribunal, que la prorogation du bénéfice du tarif C au-delà de la première année présuppose toujours, d’après l’article 8 du règlement grand-ducal du 31 mars 2010, une démarche active de la part du bénéficiaire avant la date butoir du 30 septembre de l’année en cause et qui doit prendre l’initiative de faire parvenir par écrit sa demande y relative au régulateur au plus tard avant le 30 septembre de l’année pour laquelle le taux de la catégorie C est sollicité, pièces justificatives à l’appui, ce que la société (AA) a d’ailleurs toujours fait pour les années 2011 à 2017 inclus.

A cela s’ajoute que l’ILR a encore rappelé chaque année à la société (AA), au moment de l’octroi du bénéfice du taux de contribution de la catégorie C, que celle-ci devait confirmer avant le 30 septembre de l’année subséquente qu’elle répondrait toujours aux critères de classification en catégorie C pour pouvoir bénéficier du taux favorable, étant relevé à titre superfétatoire dans ce contexte que l’ILR avait encore envoyé en date du 28 août 2018 un courrier de rappel à la société (AA), même si cette dernière déclare n’avoir pas reçu le courrier en question.

8 Au vu de ce qui précède, c’est dès lors à bon droit que le tribunal est arrivé à la conclusion que l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 n’est pas applicable au cas d’espèce, la décision de l’ILR du 24 octobre 2018 ne rentrant dans aucune des catégories de décisions visées par cet article, et le moyen afférent est à rejeter.

Quant au moyen de la société (AA) tiré d’une prétendue violation des principes généraux du droit tels qu’inscrits à la CEDH et à la Charte, et, plus particulièrement, le principe du contradictoire, il convient de rappeler en premier lieu que les garanties prévues par l'article 6 de la CEDH, et donc également par l’article 47 de la Charte, n'ont pas vocation à s'appliquer au niveau d'une procédure purement administrative, en ce qu'elles n'entrent en ligne de compte qu'à un stade ultérieur, au niveau de l'instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l'aboutissement de ladite procédure (cf. Cour adm. 28 juin 2016, n° 37529C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Droits de l’homme et libertés fondamentales, n° 27 et autres références y citées).

Ainsi, la société (AA) a pu introduire un recours contentieux à l’égard de la décision de l’ILR du 24 octobre 2018 devant les juridictions administratives offrant toutes les garanties exigées par les articles 6 de la CEDH et 47 de la Charte.

Pour le surplus, tel que relevé à bon escient par l’ILR, la prise en compte du principe du contradictoire et du respect des droits de la défense au niveau précontentieux se fait précisément par le biais du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, dont notamment son article 9, déclaré inapplicable au présent litige, tel que retenu ci-avant.

Finalement, il convient encore de noter que la perte du bénéfice de la catégorie C pour l’année 2018, même si elle a eu un impact financier pour la société (AA), n’est pas à analyser comme une sanction administrative équivalent à une sanction pénale, mais trouve son origine dans l’inaction de la société (AA), à savoir le défaut d’introduction de la demande de pouvoir bénéficier du taux de contribution de la catégorie C pour l’année 2018 dans le délai légal prescrit, à savoir avant le 30 septembre 2018.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé en tous ses aspects et que le jugement dont appel est à confirmer.

La société (AA) sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.000 €.

Eu égard à l’issue du litige, cette demande est à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel du 5 mars 2021 recevable ;

9 au fond, le dit non justifié ;

partant, en déboute l’appelante ;

confirme le jugement entrepris du 26 janvier 2021 ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelante ;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 juin 2021 Le greffier de la Cour administrative 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45746C
Date de la décision : 24/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-06-24;45746c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award