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21/07/2021 | LUXEMBOURG | N°45704C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 21 juillet 2021, 45704C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 45704C Inscrit le 26 février 2021

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Audience publique du 21 juillet 2021 Appel formé par M. X, …, contre un jugement du tribunal administratif du 27 janvier 2021 (n° 43815 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 45704C ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 45704C Inscrit le 26 février 2021

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Audience publique du 21 juillet 2021 Appel formé par M. X, …, contre un jugement du tribunal administratif du 27 janvier 2021 (n° 43815 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 45704C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 26 février 2021 par Maître Philippine RICOTTA-WALAS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur X, né le … à … (Mauritanie), déclarant être de nationalité mauritanienne, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 27 janvier 2021 (n° 43815 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a débouté de son recours en réformation introduit contre la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 22 octobre 2019 rejetant sa demande de protection internationale et lui ordonnant de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du gouvernement Yannick MULLER déposé au greffe de la Cour administrative le 26 mars 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Philippine RICOTTA-WALAS, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 avril 2021.

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Le 6 février 2018, Monsieur X introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur X sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du 7 février 2018.

Le 11 juillet 2018, Monsieur X fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 8 octobre 2018, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 16 octobre 2018, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », résuma les déclarations de Monsieur X auprès du Service de Police judiciaire et de la direction de l’Immigration comme suit : « (…) En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 février 2018, le rapport d’entretien Dublin III du 7 février 2018 et le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 11 juillet 2018 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il résulte de vos déclarations que vous prétendez être né le … à … en Mauritanie et être de nationalité mauritanienne, tout en soulignant que vous auriez vécu la plupart de votre vie au Sénégal. Vous y auriez fréquenté l’école primaire et auriez même été en possession d’une carte d’identité sénégalaise. En 2011, vous auriez quitté le Sénégal pour travailler en tant que ferrailleur à … en Mauritanie. Par la suite vous auriez travaillé en tant que pêcheur et auriez régulièrement voyagé entre le Sénégal et la Mauritanie, tout en précisant que vous auriez passé la plupart de votre vie au Sénégal.

Quant aux raisons de votre fuite, vous évoquez que vous auriez eu des problèmes avec la communauté musulmane et avec votre famille au Sénégal ainsi qu’en Mauritanie et ce parce que vous auriez eu l’intention de vous convertir au catholicisme.

D’après vos dires un collègue de travail sénégalais aurait éveillé votre intérêt pour le catholicisme en 2014 et vous auriez finalement décidé de vous convertir en avril ou mai 2015.

Le prêtre d’une église catholique à … au Sénégal, que vous auriez rencontré deux fois, aurait néanmoins refusé de vous baptiser avant votre initiation au catholicisme. Ayant appris votre intention de vous convertir, les gens vous auraient considéré comme un « homme de l’enfer » (entretien, p.7/12) et auraient « changé de comportement, Il y a eu des agressions. Les gens me frappent ».

Vous auriez dénoncé les faits à la police à … et à … en Mauritanie et à … au Sénégal.

Si les forces de l’ordre en Mauritanie vous auraient informé qu’elles ne pourraient pas garantir votre sécurité, celles du Sénégal vous auraient promis de réserver une suite à votre plainte, tout en soulignant qu’ « ils ne peuvent pas arrêter tout le monde » (entretien, p. 8/12).

Les menaces ne cessant pas, vous auriez décidé de quitter votre région en direction de l’Europe, via l’Algérie.

Vous ne présentez aucun document d’identité. (…) ».

Le ministre informa ensuite Monsieur X que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Le ministre mit tout d’abord en doute l’affirmation de Monsieur X suivant laquelle il serait de nationalité mauritanienne en se fondant sur les nombreuses incohérences ayant trait à sa situation familiale et à son vécu qui se dégageraient de son rapport d’entretien par la direction de l’Immigration, de même que sur les différentes identités qu’il aurait utilisées depuis son entrée dans l’espace Schengen. Il précisa, à cet égard, être d’avis que Monsieur X serait un ressortissant sénégalais et ce, plus particulièrement, au vu du constat, d’une part, qu’une carte d’identité sénégalaise pourrait être demandée par tout citoyen sénégalais âgé d’au moins 5 ans, et, d’autre part, qu’il aurait déclaré lors de son entretien Dublin que ses deux parents étaient de nationalité sénégalaise. Le ministre estima, dans ce contexte, que le constat quant à sa nationalité sénégalaise ne saurait être ébranlé par le simple fait qu’il ait déclaré lors de son audition par la direction de l’Immigration que son père serait de nationalité mauritanienne. Il ajouta que, même à supposer que Monsieur X puisse être considéré comme ayant eu la nationalité mauritanienne à un moment donné, il n’en resterait pas moins que toute personne âgée de 18 à 25 ans qui serait née d’un père étranger et d’une mère sénégalaise pourrait opter pour la nationalité sénégalaise. Le ministre en conclut qu’en tenant compte du fait que Monsieur X avait vécu pendant la majeure partie de sa vie au Sénégal, il aurait, d’après le code de la nationalité sénégalaise, aussi pu demander à acquérir la nationalité sénégalaise par décret. Comme Monsieur X affirmerait, par ailleurs, avoir été en possession d’une carte d’identité sénégalaise, le ministre considéra qu’il y aurait lieu d’admettre qu’il était de nationalité sénégalaise et qu’il aurait uniquement séjourné en Mauritanie pour des raisons professionnelles.

Au vu de ces considérations, le ministre informa Monsieur X que l’analyse de sa demande de protection internationale porterait uniquement sur le risque que lui ferait courir au Sénégal son intention de se convertir au catholicisme.

Après avoir constaté, d’une part, qu’en vertu de l’article 30 de la du 18 décembre 2015 et du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi en question, le Sénégal serait à considérer comme un pays d’origine sûr, et, d’autre part, que les communautés religieuses cohabiteraient de manière paisible dans ce pays, et ce en l’absence de toute ingérence étatique dans le domaine de la religion, le ministre estima que Monsieur X ne ferait état d’aucune crainte de persécution motivée par l’un des critères de fond définis par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par la « Convention de Genève », et par la loi du 18 décembre 2015.

En effet, le ministre estima que les représailles que Monsieur X craindrait de subir de la part des membres de sa communauté et de sa famille seraient constitutives d’infractions de droit commun, commises par des personnes privées et punissables, en tant que telles, selon la loi sénégalaise. Il ajouta que, de toute façon, la crainte de représailles dont il ferait état ne serait pas suffisamment grave pour justifier l’octroi du statut de réfugié.

S’agissant de la protection subsidiaire, le ministre conclut que Monsieur X ne ferait état d’aucun motif sérieux et avéré de croire qu’il courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour dans son pays d’origine.

En conséquence, il constata que le séjour de Monsieur X sur le territoire luxembourgeois était illégal et lui enjoignit de quitter ledit territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2018, inscrite sous le numéro 41930 du rôle, Monsieur X fit introduire un recours en annulation, sinon en réformation de la décision du ministre du 8 octobre 2018 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et lui ordonnant de quitter le territoire.

Par jugement du 8 juillet 2019, le tribunal administratif, dans le cadre du recours en réformation, retint que c’était à tort que le ministre avait conclu que Monsieur X n’avait pas la nationalité mauritanienne, mais la nationalité sénégalaise et qu’il avait, dès lors, également à tort analysé les motifs à la base de sa demande de protection internationale uniquement par rapport au Sénégal et non par rapport à la Mauritanie qui devait néanmoins être considérée comme son pays d’origine au sens de l’article 2, sub p), de la loi du 18 décembre 2015.

Au vu de ces considérations, le tribunal annula la décision ministérielle du 8 octobre 2018 et renvoya le dossier devant le ministre en vue de se prononcer sur le caractère fondé de la crainte de persécution ou du risque de subir des atteintes graves tels qu’invoqués par le demandeur par rapport à la Mauritanie.

Suite à ce jugement, Monsieur X fut convoqué le 30 septembre 2019 à un entretien complémentaire auprès d’un agent du ministère afin d’être de nouveau entendu sur les motifs sous-tendant sa demande de protection internationale.

Par décision du 22 octobre 2019, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 24 octobre 2019, le ministre refusa de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur X dans les termes suivants :

« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 6 février 2018 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après désignée par « la Loi du 2015 »).

Avant tout autre développement, il convient de rappeler que votre demande de protection internationale a été refusée par décision ministérielle du 8 octobre 2018. Par jugement du 8 juillet 2019 (N° 41930 du rôle), le Tribunal administratif a annulé cette décision et a renvoyé votre dossier en prosécution de cause devant le ministre.

Le 30 juillet 2019, vous avez été convoqué à un entretien complémentaire auprès d’un agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes afin de vous entendre quant aux motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 février 2018, le rapport d’entretien Dublin II du 7 février 2018 et les rapports d’entretien et d’entretien complémentaire de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 11 juillet 2018 et 30 septembre 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Il en ressort que vous avez introduit des demandes de protection internationale en Italie le 26 octobre 2016, en Allemagne le 3 février 2017 et aux Pays-Bas le 22 avril 2017.

Après qu’en date du 10 avril 2017, les autorités allemandes vous ont informé de votre transfert imminent vers l’Italie, vous avez disparu du territoire allemand depuis le 11 novembre 2017.

En outre, vous avez disparu du territoire néerlandais après avoir été informé, suite au refus des autorités néerlandaises d’examiner votre demande de protection internationale du 10 juillet 2017, que vous seriez transféré en Italie, pays responsable du traitement de votre demande de protection internationale sur base du règlement Dublin III.

Hormis votre identité actuelle, vous êtes encore connu en Italie sous quatre identités différentes, à savoir XA, né le …, de nationalité mauritanienne, alias XB, né le …, de nationalité sénégalaise, alias XC, né le …, de nationalité sénégalaise, alias XD, né le …, de nationalité sénégalaise.

Au Luxembourg, vous prétendez être de nationalité mauritanienne et vous signalez d’abord que vos deux parents seraient nés au Sénégal, qu’ils auraient la nationalité mauritanienne et qu’ils vivraient en Mauritanie. Ensuite, vous changez de version en expliquant que votre père serait né en Mauritanie et qu’il aurait la nationalité mauritanienne, tandis que votre mère serait née au Sénégal et posséderait la nationalité sénégalaise. Vous précisez encore que vous pourriez également avoir la nationalité sénégalaise « Si je voulais », mais que vous n’auriez pas entrepris les démarches nécessaires.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu au Sénégal jusqu’en 2011 et que vous y auriez fréquenté l’école primaire avant de partir travailler comme ferrailleur à … en Mauritanie. Par la suite vous auriez travaillé en tant que pêcheur et auriez régulièrement voyagé entre le Sénégal et la Mauritanie, tout en précisant que vous auriez passé la plupart de votre vie au Sénégal.

En 2015, vous auriez quitté le village de … en Mauritanie parce que vous auriez « changé de musulman à catholique », mais que vous auriez par la suite compris que « ça n’allait pas » alors que votre famille et « tous (sic) le monde des musulmans » auraient commencé à vous ignorer. En plus, tous les « gens » de votre village auraient changé de comportement et vous auraient agressé et menacé.

Interrogé quant aux agressions de villageois, vous répondez que quand vous vous seriez promené dans votre village, des gens vous auraient insulté et dit des « choses pas correctes ». Vous prétendez par la suite avoir déclaré auprès de la police mauritanienne avoir changé de religion et être « maltraité » par les « gens ». Les policiers vous auraient répondu qu’il serait difficile de vous protéger contre tous ces « gens », mais qu’ils pourraient vous aider si vous aviez des problèmes avec une personne précise.

Par la suite, vous expliquez toutefois que ces agressions auraient eu lieu à … au Sénégal dans le « village de ma mère ». Confronté par l’agent chargé de votre entretien au fait que vous aviez auparavant prétendu que ces agressions auraient eu lieu en Mauritanie, vous répondez « C’est la même chose, les gens ont réagi de la même façon », en mentionnant des « bagarres » et des insultes.

Interrogé sur les raisons de votre prétendue conversion au christianisme vous expliquez vous être converti lorsque vous vous seriez une fois retrouvé dans une église à … au Sénégal suite au décès d’un collègue de travail. Ainsi, « comme je suis quelqu’un qui aime découvrir de nouvelles choses, j’ai converti au christianisme ». Vous précisez y être allé plusieurs fois depuis 2014 et que vous auriez décidé de vous convertir suite à votre quatrième voyage.

Interrogé sur les circonstances de votre prétendue conversion, vous expliquez que vous vous seriez « souvent » rendu dans cette église à … où vous auriez « causé » avec un collègue qui vous aurait expliqué « comment devenir catholique ». Vous auriez par la suite expliqué votre situation au prêtre de l’église qui vous aurait demandé si vous vouliez vous faire baptiser. Vous auriez répondu par l’affirmative, mais « malheureusement » votre baptême n’aurait pas encore pu se faire puisque le prêtre vous aurait signalé que vous seriez « débutant » et que vous devriez « de temps en temps » passe[r] chez lui pour qu’il vous explique « comment les choses fonctionnent ». Comme vous ne vous seriez rencontré[s] que deux fois, ce baptême ne se serait jamais fait. Ainsi, vous confirmez qu’officiellement vous ne seriez pas encore converti et que vous seriez encore musulman.

Interrogé, sur base de cette absence de baptême et de conversion, comment les villageois auraient pu être au courant de votre prétendu projet de vous convertir au catholicisme, vous répondez qu’« Il y a quelqu’un qui leur a dit cela. Un collègue leur a dit ».

Vous signalez qu’avant votre arrivée en Europe, vous vous seriez trouvé à … au Sénégal avant de partir travailler pendant deux mois à … et finalement aller en Algérie. Vous précisez encore qu’à … aussi, vous auriez été agressé et insulté par des gens alors qu’« ils seraient partout dans le pays car dans chaque ville il y a quelqu’un qui me connaît ». Vous auriez déposé plainte contre ces agresseurs auprès de la police de … et les policiers vous auraient dit qu’ils feraient un suivi après que vous leur auriez expliqué que vous voudriez changer de religion.

En 2015, vous auriez quitté la Mauritanie et vous seriez arrivé en Italie en 2016.

Après trois mois passés en Italie, vous auriez décidé de partir en Allemagne, où vous auriez de nouveau résidé pendant trois mois. Par la suite, les autorités allemandes vous auraient dit de « quitter l’Allemagne » et vous seriez alors parti aux Pays-Bas en avril 2017.

Après trois mois passés aux Pays-Bas, les autorités néerlandaises auraient « voulu » que vous rentriez en Italie, raison pour laquelle vous auriez pris le train pour retourner en Allemagne.

Le 17 novembre 2017, vous seriez de nouveau entré sur le territoire néerlandais où vous seriez resté jusqu’en janvier 2018. Après avoir été placé par la police dans un centre de rétention, vous auriez été libéré après une dizaine de jours et auriez alors décidé de venir au Luxembourg le 5 février 2018.

Vous précisez encore avoir quitté les pays dans lesquels vous avez introduit des demandes de protection internationale parce que vous auriez eu des « problèmes » en Italie dû au fait que vous y auriez « volé », tandis que les autorités allemandes et néerlandaises auraient voulu que vous retourniez en Italie. Vous niez ensuite avoir dit cela et changez complètement de version en prétendant que votre oncle paternel vous aurait retrouvé en Italie, qu’il aurait été mis au courant de votre prétendu projet de conversion et qu’il aurait alors menacé de vous « supprimer ». Un de ses amis vous aurait finalement conseillé qu’il serait « mieux de quitter l’Italie ».

Après votre arrivée au Luxembourg le 5 février 2018, vous dites que vous seriez allé à l’église et que vous auriez parlé à un dénommé père B qui vous aurait donné le numéro de téléphone d’une dénommée C pour organiser votre baptême.

Dans le cadre de votre entretien complémentaire, vous ajoutez que vous ne vous seriez toujours pas converti au christianisme alors que « quand j’ai quitté le foyer …, j’ai contacté Mme C pour la conversion. Quand j’étais à … au foyer, je suis allé à l’église de …. J’ai parlé avec le père …. Je l’ai contacté mais il n’a pas beaucoup de temps. Mais depuis lors, je n’ai rien fait du tout ».

Vous prétendez ne jamais avoir possédé de passeport et ne présentez pas de pièce d’identité. Vous précisez avoir laissé celle-ci, ainsi qu’un acte de naissance en Mauritanie puisque « Ce n’est pas la peine, parce que là-bas, ce n’est pas comme ici. Là-bas, il n’y a personne qui va me demander les papiers ». Vous confirmez par ailleurs avoir possédé une carte d’identité sénégalaise que vous auriez « laissée » en Algérie.

Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit.

Premièrement, il faut soulever que votre identité n’est nullement établie et que vous tentez ostentatoirement d’induire en erreur les autorités luxembourgeoises la concernant et plus particulièrement votre nationalité afin d’augmenter vos chances de bénéficier d’une protection internationale.

En effet, rappelons que vous prétendez être de nationalité mauritanienne mais qu’il existe des raisons évidentes de croire que vous êtes en réalité de nationalité sénégalaise. En effet, vous n’auriez non seulement passé votre scolarité et la plus grande partie de votre vie au Sénégal, mais vous auriez aussi possédé une carte d’identité sénégalaise ; carte d’identité que vous auriez « laissée » pour une raison inconnue, voire une raison bien précise en Algérie.

Vous confirmez par ailleurs n’avoir quitté le Sénégal qu’en 2011 et ceci uniquement pour aller travailler de temps en temps en Mauritanie en revenant régulièrement au Sénégal. Vous ne parleriez d’ailleurs pas non plus un mot d’arabe, la langue officielle de la Mauritanie, tandis que vous parlez couramment le français, la langue officielle du Sénégal, un constat tout de même étonnant pour une personne qui aurait donc travaillé et en partie vécu pendant cinq ans en Mauritanie. Force est de constater que vous précisez par la suite que vous auriez encore vécu au Sénégal deux mois avant votre départ pour l’Algérie et que vous seriez entre-temps uniquement allé travailler en Mauritanie.

A cela s’ajoute que vous dites avoir « laissé » vos prétendues pièces d’identité mauritaniennes chez vous, prétendument en Mauritanie, et ceci pour des raisons absolument pas convaincantes. En effet, tandis que vous prétendez que contrairement à ici, les pièces d’identité ne seraient pas importantes dans votre pays d’origine, cela n’explique en rien pourquoi vous n’auriez pas jugé utile de les amener avec vous en Europe pour appuyer et prouver vos dires alors que vous auriez eu l’intention d’y rechercher une protection internationale. Il est encore moins logique que vous ayez sur base de cette réflexion jugé bon d’amener votre carte d’identité sénégalaise avec vous jusqu’en Algérie.

En effet, alors qu’on peut s’attendre à ce qu’une personne vraiment persécutée dans son pays d’origine et réellement à la recherche d’une protection internationale, tente par tous les moyens de prouver ses dires en commençant par son identité, vous avez donc choisi le contraire. Pour le surplus, il ressort donc de vos dires que vous auriez aussi délibérément « laissé » votre carte d’identité sénégalaise en Algérie.

Il est évident au vu de ce qui précède, que vous avez des raisons bien précises de ne pas jouer franc jeu avec les autorités desquelles vous souhaitez obtenir une protection internationale en ayant bien pris soin de « laisser » toutes les pièces qui auraient pu permettre de vous identifier en Afrique. Un tel comportement est toutefois totalement incompatible avec celui d’un demandeur de protection internationale réellement persécuté et réellement à la recherche d’une protection.

Ce constat vaut d’autant plus au vu de vos cinq alias en Italie, dont trois qui indiquent que vous posséderiez la nationalité sénégalaise.

Enfin et surtout, soulevons que vous confirmez avoir possédé une carte d’identité sénégalaise et qu’il est établi que celle-ci peut être demandée par « tout citoyen sénégalais, âgé d’au moins cinq ans. […] Elle est obligatoire à partir de 15 ans. ».

Il s’ensuit que vous êtes donc bel et bien à considérer comme un citoyen sénégalais.

Force est d’ailleurs dans ce contexte de constater que votre tentative de justification pour l’utilisation d’une identité sénégalaise [votre prétendue peur de vous faire éloigner en Mauritanie] ne tient pas la route, puisque vous avez donc également donné deux alias de nationalité mauritanienne à ces mêmes autorités italiennes, divulguant donc par-là votre prétendu véritable pays d’origine si on se tenait à votre version des faits. Ainsi, étant donné que vous auriez donc également expliqué aux autorités italiennes être de nationalité mauritanienne, vous auriez donc également pris le risque d’être éloigné vers ce pays, de sorte que votre explication n’est manifestement pas crédible.

Deuxièmement, votre seul et unique motif de fuite, à savoir votre prétendue conversion au catholicisme, respectivement votre projet de conversion au catholicisme, n’est manifestement pas avéré non plus. Bien au contraire, vous confirmez vous-même ne jamais avoir été baptisé, ni vous être converti au catholicisme, ceci ni même après votre arrivée en Europe 2016.

Notons que vos tentatives d’explication au sujet de votre absence de baptême et de conversion en Afrique ne sont déjà pas convaincantes alors que vous auriez eu contact avec un prêtre et que tout ce que vous auriez eu à faire aurait été de passer « de temps en temps » chez ce prêtre pour lui parler. Etant donné que vous prétendez vous-même avoir « souvent » été à l’église, il faut se demander que-ce qui aurait bien pu vous empêcher d’aller voir ce prêtre, respectivement pourquoi vous n’auriez pas été plus motivé à voir ce prêtre qui aurait pu vous aider dans votre prétendue angoisse spirituelle.

Vos explications concernant l’absence de baptême et de conversion en Europe sont encore moins convaincantes et font état d’un désintérêt évident par rapport à un prétendu problème qui vous aurait quand même fait quitter votre pays d’origine.

En effet, rappelons que vous auriez entre temps eu quatre ans pour vous faire baptiser et vous convertir au catholicisme et ceci dans quatre pays européens à majorité chrétienne dans lesquels vous avez vécu et recherché une protection internationale, mais que vous n’auriez entrepris aucune démarche en ce sens.

Il résulte tout au plus de vos dires qu’endéans ces cinq ans, vous auriez une fois parlé à un prêtre au Luxembourg, mais étant donné qu’il n’aurait pas eu « beaucoup de temps », vous n’auriez depuis « rien fait du tout ».

Or, il faut soulever que le moins qu’on peut attendre d’une personne, pour qui ces questions de foi, de baptême et conversion seraient si spirituellement importantes à l’amener à quitter, voire fuir son pays d’origine pour rechercher une protection internationale dans quatre pays européens, c’est qu’elle entreprenne au moins les démarches nécessaires dans les pays sûrs rencontrés pour enfin pouvoir vivre en harmonie avec sa foi.

Le fait qu’après quatre ans passés en Europe, vous ne vous seriez toujours pas donné la moindre peine d’entreprendre les démarches nécessaires pour vous faire baptiser et pouvoir vous convertir au christianisme, fait preuve d’un désintérêt évident par rapport à votre seul et prétendu motif de fuite.

Il est évident que sur base de ces constats, votre prétendu projet de vous convertir au catholicisme, votre seul motif de fuite qui aurait causé tous vos soucis, doit être réfuté dans son intégralité tout comme les problèmes qui en auraient découlé.

Ce constat vaut d’autant plus au vu de votre explication moins que convaincante concernant les raisons qui vous auraient initialement poussé à prétendument renier l’islam et vous convertir au catholicisme. Rappelons que vous justifiez ce projet de conversion par le seul et simple fait que « comme je suis quelqu’un qui aime découvrir de nouvelles choses, j’ai converti au christianisme » après vous être prétendument rendu dans une église lors d’un enterrement d’un collègue.

Il est permis de conclure que cette explication ne fait que conforter les doutes qui sont à formuler quant à la sincérité de vos dires, alors qu’elle fait état d’une insouciance et d’un esprit volatile, respectivement d’une banalité flagrante par rapport à une question aussi importante qu’est la foi personnelle.

Ajoutons dans ce contexte qu’il n’est par ailleurs manifestement pas crédible qu’un citoyen mauritanien qui aurait décidé de se convertir au catholicisme en fasse état à la police de son village, où tout le monde serait musulman, dans l’espoir de se faire protéger contre « tous les gens », risquant par là sa propre mort. En effet, un citoyen mauritanien qui aurait réellement eu l’intention de se convertir au christianisme ne serait certainement pas sans savoir que l’islam est la religion d’Etat en Mauritanie, que la pratique de toute autre religion y est interdite et que l’apostasie peut être punie par la mort : « The constitution defines the country as an Islamic republic and designates Islam as the sole religion of the citizens and state. Only Muslims may be citizens, and apostasy is a crime punishable by death. » Il n’est par ailleurs pas crédible non plus que vous tentez de justifier votre impossibilité de vous installer ailleurs dans votre pays d’origine par le fait que vous et votre projet de conversion seriez connus partout et dans toutes les villes en Mauritanie. En effet, en tant que personne qui aurait vécu la très grande majorité de son temps au Sénégal et qui à partir de 2011 aurait fait des allers-retours entre le Sénégal et la Mauritanie en tant que simple pêcheur ou ferrailleur, il n’est manifestement pas plausible que vous soyez connu par tous les gens, partout en Mauritanie, sur base du simple fait qu’un « collègue leur a dit ». Il est permis de qualifier une telle explication d’absurde, sachant que la Mauritanie compte tout de même une superficie d’un million de kilomètres carrés et quelques quatre millions d’habitants.

Monsieur, à tout cela s’ajoute encore le fait que vous avez pendant des années fait tout ce qui était dans votre pouvoir pour éviter que votre demande de protection internationale soit traitée par le premier pays européen compétent. Or, notons qu’il est tout de même étonnant qu’une personne qui se dit persécutée et qui quitte non seulement son pays d’origine mais directement son continent pour venir rechercher une protection en Europe, refuse pendant plusieurs années que sa demande de protection internationale soit traitée. Rappelons que vous avez préféré quitter l’Italie, pays jadis responsable du traitement de votre demande de protection internationale, après quelques mois pour aller vivre pendant deux ans alternativement et de façon clandestine en Allemagne et aux Pays-Bas en préférant vous cacher des autorités et « disparaître » aux moments où vous auriez dû être transféré en Italie, plutôt que de voir les autorités italiennes traiter votre demande de protection internationale.

Il est évident qu’un tel comportement est de nouveau totalement incompatible avec celui d’une personne qui aurait réellement quitté son pays d’origine par crainte de persécution et qui serait réellement à la recherche d’une protection internationale. Ajoutons dans ce contexte que vous vous contredites d’ailleurs non seulement sur les raisons vous ayant amené à quitter l’Italie et que vous tentez à la fin carrément de nier que vous avez initialement expliqué aux autorités luxembourgeoises avoir quitté l’Italie suite à des « problèmes » que vous auriez eus pour avoir « volé ».

Un tel comportement n’est cependant pas incompatible avec celui d’une personne qui aurait quitté son pays pour des raisons économiques et qui tente par tous les moyens de s’installer dans un pays du nord qui pourrait lui garantir de bonnes prestations sociales, respectivement un cadre de vie élevé. En effet, vous avez entrepris en 2016 et 2018 tout ce que vous pouvez pour éviter que votre demande de protection internationale soit traitée et préféré perdre deux ans de votre vie en vivant de façon clandestine dans des pays du nord plutôt que d’éventuellement profiter d’une protection en Italie ; une réaction qui prend uniquement du sens si la recherche d’une protection internationale n’était pas votre priorité suite à votre arrivée en Europe.

Votre récit n’étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Ajoutons en se basant sur le fait que vous êtes en possession d’une carte d’identité sénégalaise, qu’en vertu de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire et du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi précitée, le Sénégal constitue un pays d’origine sûr où il n’existe pas, généralement et de façon constante de persécution au sens de la Convention de Genève.

Notons en plus qu’au Sénégal, « the constitution provides for the free practice of religious beliefs and self-governance by religious groups without government interference. » et que « tensions between the Muslim majority and the Christian minority are rare, and overall religious coexistence in Senegal is exemplary. ».

Ainsi quand bien même vous auriez effectivement voulu vous convertir au catholicisme, ce qui reste contesté, tenant compte de la cohabitation paisible entre communautés religieuses au Sénégal et de l’absence de toute ingérence étatique dans le domaine de la religion, l’autorité ministérielle conclut qu’il n’existe dans votre chef aucune crainte de persécution en raison d’opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d’appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays d’origine, où vous seriez d’ailleurs volontairement retourné à de maintes reprises après votre prétendu désir de vous convertir au catholicisme.

Votre crainte de subir de plus amples représailles par la communauté et les membres de votre famille sont en effet à considérer comme un délit de droit commun, commis par des personnes privées du ressort des autorités de votre pays et punissable en vertu de la législation sénégalaise. S’agissant d’actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités politiques pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur de protection internationale. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

Notons également, que votre crainte de représailles par des membres de votre communauté et par votre famille n’est pas d’une gravité suffisante pour fonder une demande en obtention du statut de réfugié. De simples craintes hypothétiques qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable ne sauraient cependant constituer des motifs visés par la Convention de Genève. Vos motifs traduisent plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution.

A supposer que vous possédiez à côté de la nationalité sénégalaise également la nationalité mauritanienne, ce qui n’est pas établi, toujours est-il qu’aucune crédibilité ne saurait être accordée à votre prétendu projet, jamais concrétisé, de vous convertir au catholicisme et aux prétendus problèmes qui l’auraient suivi.

Il s’ensuit que vous pourriez donc à tout moment retourner vivre en Mauritanie où vous ne risquez rien et où vous seriez d’ailleurs par le passé, volontairement et à de maintes reprises retourné en tant que pêcheur ou ferrailleur et ceci même après votre prétendu projet de conversion.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compte du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Sénégal, de la Mauritanie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2019, Monsieur X fit introduire un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, d’une part, à l’annulation sinon à la réformation de la décision du ministre du 22 octobre 2019 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et, d’autre part, à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Dans son jugement du 27 janvier 2021, inscrit sous le numéro 43815 du rôle, le tribunal administratif, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, reçut le recours en réformation en la forme et au fond le déclara non justifié pour en débouter le demandeur et le condamner aux frais de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 26 février 2021, Monsieur X a régulièrement relevé appel du jugement précité.

A l’appui de la demande de protection internationale qu’il a déposée le 6 février 2018, Monsieur X explique la chronologie des faits l’ayant mené au Luxembourg. Il prétend être né d’un père mauritanien et d’une mère sénégalaise et soutient avoir subi des menaces du fait de son rapprochement à la religion chrétienne aussi bien au Sénégal qu’en Mauritanie. Si l’appelant affirme avoir passé une grande partie de sa vie au Sénégal où il aurait été scolarisé, il affirme également avoir la nationalité mauritanienne et y avoir séjourné dès 2011 pour des raisons professionnelles. Monsieur X fait valoir qu’il aurait été employé en tant que ferrailleur à … (Mauritanie) et également en tant que pêcheur entre la Mauritanie et le Sénégal. A partir de 2014, l’appelant affirme s’être rendu plusieurs fois à l’église située à … (Sénégal) après avoir découvert la religion chrétienne lors des funérailles d’un collègue de travail. Il explique avoir rencontré un prêtre en vue de se faire baptiser, mais qu’étant novice, le prêtre aurait suggéré de se rencontrer régulièrement afin de mieux l’introduire à la religion chrétienne.

Toutefois, ce baptême n’aurait jamais eu lieu, étant donné que Monsieur X aurait quitté la Mauritanie pour fuir vers l’Europe en 2015 après avoir travaillé deux mois à ….

Quant aux persécutions qu’il affirme avoir subies, il explique qu’un collègue aurait révélé son projet de conversion et qu’il aurait été insulté et agressé par des « gens ». Quant à l’identité de ces personnes, il affirme qu’elles seraient partout dans le pays et qu’il serait connu dans chaque ville de Mauritanie. Il explique de manière générale que depuis qu’il se serait rapproché de la religion chrétienne, les gens auraient changé de comportement à son égard, l’ignoreraient et qu’il aurait été agressé à de nombreuses reprises par sa famille et « des musulmans ». Il prétend s’être rendu à la police mauritanienne à deux reprises pour dénoncer ces agressions sans toutefois avoir pu bénéficier d’une protection de la part des autorités nationales. Selon lui, les difficultés rencontrées n’auraient cessé avec sa fuite puisqu’il affirme qu’un de ses oncles l’aurait retrouvé dans un centre d’accueil en Italie et qu’il l’aurait menacé de mort pour avoir renié la religion musulmane. L’appelant affirme que depuis son arrivée au Luxembourg, il aurait pris contact avec des membres de plusieurs églises du pays en vue de son baptême, mais que cette célébration aurait pris du temps, notamment du fait de la crise du COVID-19 et de son déménagement. Il fait valoir qu’il n’aurait pas simplement l’intention de se convertir, mais qu’il aurait entamé un chemin spirituel et que sa foi intérieure serait restée intacte, de sorte que l’acte officialisant son baptême importerait peu à ce stade. Il soumet une attestation testimoniale d’un ministre du culte datée du 25 févier 2021 selon laquelle il aurait réitéré « sa demande de conversion sincère ». En raison de l’ensemble de ces circonstances, l’appelant fait valoir qu’il aurait des raisons de craindre un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 en cas de renvoi en Mauritanie.

De son côté, la partie étatique demande la confirmation pure et simple du jugement entrepris. Elle souligne qu’aucun élément nouveau ne serait apporté par l’appelant en appel et que l’attestation testimoniale déposée serait suspecte en ce qu’il manquerait une page de l’attestation et qu’elle aurait été établie in tempore suspecto, soit après le jugement du tribunal du 27 janvier 2021 rejetant sa demande de protection internationale.

Il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute encore que dans le cadre du recours en réformation dans lequel elle est amenée à statuer sur l’ensemble des faits lui dévolus, la Cour administrative doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile en ne se limitant pas à la pertinence des faits allégués, mais elle se doit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

En premier lieu, la Cour relève des incohérences dans le récit de l’appelant quant à la localisation de ses papiers d’identité. L’appelant affirme ainsi disposer d’une carte d’identité sénégalaise qu’il aurait laissée chez lui, lieu qu’il indique comme étant avant son départ … (Sénégal). Il affirme ensuite qu’il l’aurait laissée auprès de sa famille en Mauritanie avant d’affirmer, enfin, qu’il l’aurait laissée en Algérie lors de sa traversée vers l’Europe.

En second lieu, quant aux menaces et agressions que l’appelant affirme avoir subies du fait de son changement de religion, la Cour constate que ses dénonciations sont extrêmement vagues et ne se rapportent à aucun incident en particulier que l’appelant aurait pris le soin de détailler lors de ses auditions auprès des agents de la direction de l’Immigration.

En effet, malgré ses trois auditions, l’appelant reste en défaut de relater les actes qu’il aurait subis du fait de son rapprochement allégué à la religion chrétienne et se contente de répondre de manière générale en affirmant que les « gens » se seraient comportés différemment avec lui et qu’ils l’auraient insulté, voire frappé parce que sa famille, mais aussi des inconnus, auraient été informés de son projet de conversion.

Or, pour que la Cour puisse mesurer la gravité des actes que l’appelant dénonce à l’appui de sa demande de protection internationale, il lui aurait appartenu de les relater en détail en faisant par exemple état de la date approximative de leur survenance, du contexte et du détail de ces incidents et du lieu où ils se sont déroulés.

En outre, la Cour ne relève aucunement dans le récit de l’appelant l’existence de restrictions sérieuses dans son parcours de vie du fait de son rapprochement allégué à la religion chrétienne. En effet, l’appelant ne fait nullement état de restrictions particulières engendrées par les actes qu’il dénonce, alors qu’il ne semble avoir eu aucune difficulté à exercer sa profession en Mauritanie et à jouir de sa liberté de circulation entre la Mauritanie et le Sénégal.

La Cour a encore des raisons de douter du récit de l’appelant, alors qu’il prétend s’être adressé à la police mauritanienne à deux reprises pour dénoncer les violences qu’il aurait subies de la part d’acteurs non étatiques. S’il prétend que la police n’aurait pas pu lui venir en aide, l’appelant reste en défaut de démontrer de manière crédible qu’il aurait véritablement saisi les autorités nationales des violences alléguées.

Enfin, la Cour note que l’appelant se contredit en affirmant qu’il risquerait de subir des persécutions du fait de sa religion en cas de retour en Mauritanie eu égard à la pénalisation de l’apostasie. Si l’appelant dit avoir informé les policiers mauritaniens de son projet de conversion à deux reprises, il ne ressort aucunement de ses dires qu’une quelconque mesure de sanction aurait été prise à son encontre par les autorités nationales malgré la connaissance de son changement de religion contemplé.

Quant à la question de la conversion dite effective ou formelle de l’appelant depuis son arrivée au Luxembourg, c’est-à-dire à travers l’organisation de son baptême, la Cour relève que ces éléments sont dépourvus de pertinence pour rétablir la crédibilité de la demande de protection internationale déposée par Monsieur X.

Il y a lieu, dans ces conditions, d’écarter l’existence de motifs de persécution repris par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de reconnaissance du statut de réfugié introduite par Monsieur X, quoique pour des motifs distincts.

La Cour relève, en outre, que les déclarations de l’appelant n’ont pas permis de tenir pour établie l’existence de motifs sérieux et avérés de croire qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves en cas de retour en Mauritanie.

En effet, la Cour ne dégage pas non plus du récit de l’appelant, qui renvoie aux mêmes motifs soumis à l’appui de sa demande en obtention du statut de réfugié, un risque concret d’être exposé, en cas de retour dans son pays d’origine, à une condamnation à la peine de mort, à l’exécution, à la torture, à des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants ou encore à des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Il s’ensuit que les conditions pour admettre l’appelant au statut conféré par la protection subsidiaire ne se trouvent pas non plus remplies en l’espèce.

Partant, il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre d’abord, puis les premiers juges ont rejeté la demande en reconnaissance d’une protection internationale, prise sous son double volet.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, comme le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 26 février 2021 en la forme, au fond, le déclare non fondé et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 27 janvier 2021, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 21 juillet 2021 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier assumé de la Cour Patrick WIES.

s. WIES s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 juillet 2021 Le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45704C
Date de la décision : 21/07/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-07-21;45704c ?

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