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11/08/2021 | LUXEMBOURG | N°44620C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 11 août 2021, 44620C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 44620C Inscrit le 3 juillet 2020

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Audience publique du 11 août 2021 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 1er avril 2020 (n° 42571 du rôle) dans un litige l’opposant à la société anonyme …O…, …, en matière d’impôts

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 44620C du rôle, déposé au greffe d...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 44620C Inscrit le 3 juillet 2020

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Audience publique du 11 août 2021 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 1er avril 2020 (n° 42571 du rôle) dans un litige l’opposant à la société anonyme …O…, …, en matière d’impôts

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 44620C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 3 juillet 2020 par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sur base d’un mandat afférent lui délivré par le ministre des Finances le 15 mai 2020, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 1er avril 2020 (n° 42571), par lequel ledit tribunal a statué sur le recours introduit au nom de la société anonyme …O…, établie et ayant son siège social à L-… …, …, …, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et d’un bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006, tous les deux émis le 18 avril 2018, le tribunal ayant reçu le recours principal en réformation en la forme, au fond, l’ayant dit justifié et constaté que « la dette de l’impôt sur le revenu des collectivités et le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006 est prescrite », partant, et dans le cadre du recours en réformation, annulé les deux bulletins déférés, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, en rejetant la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 4.000 € formulée par la demanderesse et en condamnant l’Etat aux frais et dépens ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 septembre 2020 par Maître Mario DI STEFANO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la société anonyme …O… ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2020 par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2020 par Maître Mario DI STEFANO pour compte de la société anonyme …O… ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Mario DI STEFANO, assisté de Maître Alexandre PHAM, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 novembre 2020 ;

Maître Mario DI STEFANO, assisté de Maître Alexandre PHAM, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 décembre 2020, à laquelle l’affaire avait été fixée pour continuation des débats ;

Vu l’avis du greffier de la Cour administrative du 17 décembre 2020 confirmant qu’un délai jusqu’au 22 janvier 2021 avait été accordé aux parties à l’audience du même jour en vue de déposer un mémoire supplémentaire quant à la question de l’admissibilité d’un dépôt de pièces sollicitées par la Cour de la part de l’Etat ;

Vu l’avis du greffier de la Cour administrative du 20 janvier 2021 accordant à Maître Mario DI STEFANO une extension jusqu’au mardi 26 janvier 2021 pour le dépôt de son mémoire supplémentaire ;

Vu le mémoire supplémentaire, intitulé « mémoire en réplique », déposé au greffe de la Cour administrative le 21 janvier 2021 par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe de la Cour administrative le 26 janvier 2021 par Maître Mario DI STEFANO pour compte de la société anonyme …O… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Mario DI STEFANO, assisté de Maître Alexandre PHAM, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 janvier 2021.

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La société anonyme …K…, établie et ayant eu son siège social à L-… …, …, …, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, ci-après désignée par la « …K… », fit l’objet d’une dissolution par scission en deux sociétés distinctes.

De cette scission de la société …K…, deux nouvelles sociétés furent constituées, en l’occurrence, d’une part, la société anonyme L1., établie et ayant son siège social à L-… …, …, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, ci-

après désignée par la « …L1… », et, d’autre part, la société anonyme …L2…., établie et ayant eu son siège social à L-… …, …, …, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, ci-après désignée par la « …L2… », laquelle fut absorbée en date du 19 juin 2018 par la société anonyme …O…, établie et ayant son siège social à L-… …, …, …, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, ci-après la « société …O… ».

Suite au dépôt, en date du 3 juillet 2007, de la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial communal de l’année 2006 de la société …K… pour l’exercice d’exploitation du 1er janvier 2006 au 21 décembre 2006, le bureau d’imposition Sociétés 2 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit en date du 16 février 2011 à l’égard de la société …K… le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006.

La réclamation du 27 avril 2011 étant restée sans réponse de la part du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », la société …L1… fit introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 décembre 2015, un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et du bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006, tous les deux émis le 16 février 2011 à l’égard de la société …K…, d’une part, et de la contrainte du 11 août 2015, d’autre part.

Après que la requête introductive d’instance avait été signifiée à la société …L2… par l’exploit de l’huissier de justice du 6 juillet 2016, la société …L2… fut encore mise en intervention par la société …L1… par requête en intervention forcée déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er décembre 2016.

Par jugement du 12 juillet 2017, portant le numéro 37302 du rôle, le tribunal administratif reçut le recours principal en réformation en la forme, déclara la requête en intervention forcée de la société …L1… à l’égard de la société …L2… irrecevable pour défaut d’objet et écarta des débats le mémoire en réponse de la société …L2… pour être tardif, tout comme le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement, ainsi que les mémoires supplémentaires déposés par la société …L2…, respectivement par la société …L1…, au fond, le déclara non fondé, partant en débouta, et dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, le tout en condamnant la société …L1… aux frais.

Par arrêt du 30 janvier 2018, portant les numéros 40071C et 40083C du rôle, la Cour administrative, après avoir prononcé la jonction des deux requêtes d’appel déposées contre le jugement du 12 juillet 2017 par la société …L1… et la société …L2… et avoir écarté des débats le mémoire déposé par la société …L2… en date du 13 novembre 2017, dit que c’était dans une juste logique des choses que les premiers juges ont déclaré irrecevable la requête en intervention forcée par laquelle la société …L1… avait fait intervenir la société …L2… en cause.

La Cour constata ensuite que les parties étaient divisées essentiellement sur la question de savoir quelle société impliquée dans la scission en cause devrait être considérée comme redevable de la dette d’impôt fixée à travers les bulletins litigieux de l’année 2006 du 16 février 2011 et retint que les trois sociétés impliquées dans le projet de scission du 24 octobre 2006 avaient eu l’intention de transmettre la dette d’impôt découlant de l’imposition de la société …K… au titre de l’exercice 2006 à la société …L2…. Elle en conclut que la société …L2… était et est à considérer comme seule débitrice des dettes d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal au titre de l’exercice d’exploitation 2006 encore née dans le chef de la société …K… au moment de l’émission des bulletins litigieux du 16 février 2011.

La Cour déclara ensuite, à défaut d’avoir été constituée débitrice de l’impôt en cause, la société …L2… hors cause. Elle retint également que dans la mesure où la société …L1… ne s’était pas vu transmettre, dans le cadre de la scission en cause, les dettes de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal au titre de l’exercice 2006 encore nées dans le chef de la société …K…, elle avait, à juste titre, critiqué que les bulletins du 16 février 2011 avaient fixé à son égard le quantum de cotes d’impôt dont elle n’était pas redevable. Par conséquent, la Cour déclara l’appel de la société …L1… partiellement fondé, partant, par réformation du jugement du 12 juillet 2017, annula le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et le bulletin de l’impôt commercial communal pour l’année 2006, tous les deux émis le 16 février 2011 à l’égard de la société …K…, et confirma le jugement entrepris pour le surplus.

Suite à l’arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2018, le bureau d’imposition s’adressa, par courrier du 19 février 2018, à la société …L2… de la manière suivante :

« (…) Suite à l’imposition de l’ancienne société anonyme dissoute …K… au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial pour l’exercice 2006, deux bulletins d’impôt ont été émis en date du 16 février 2011 et envoyés à l’adresse du siège social de la société anonyme …L1…ment créée (issue de la scission).

Les bulletins d’impôt précités ont fait l’objet d’une réclamation et ultérieurement d’un recours juridictionnel, le jugement du Tribunal administratif du 12 juillet 2017 ayant subséquemment été frappé d’appel devant la Cour administrative par les deux successeurs en droit et obligations de l’ancienne société anonyme dissoute …K….

L’arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2018 a reçu les appels interjetés en la forme, a joint les deux appels, a mis hors cause la société anonyme …L2… (issue pareillement de la scission), a déclaré l’appel de la société anonyme…L1…nouvellement créée partiellement fondé et, par réformation du jugement du 12 juillet 2017, a annulé tant le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités que le bulletin de l’impôt commercial communal émis tous les deux en date du 16 février 2011, le jugement entrepris ayant été confirmé pour le surplus.

Dans son analyse de la situation fiscale (cf. les pages 12-17 de l’arrêt) de l’ancienne société anonyme dissoute …K… ainsi que de l’impact de la scission sur les deux sociétés nouvellement créées, c’est-à-dire la société anonyme nouvelle …L1…et la société anonyme …L2…, la Cour administrative a souligné qu’il résulte des articles 169 et 170, alinéa (1) de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) que c’est la société dissoute qui est le contribuable dans le chef duquel s’est réalisé le fait générateur de l’impôt ayant dû être fixé et que c’est conformément au paragraphe 3 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) également la société dissoute dans le chef de laquelle la dette d’impôt a pris naissance (cf. le cinquième alinéa à la page 12).

Etant donné qu’il s’agit ainsi de même de la société dissoute qui est devenu le redevable de l’impôt, la Cour administrative a vérifié ensuite si la société dissoute était à considérer comme survivant à sa dissolution pour les besoins de son imposition et de l’exécution de ses obligations fiscales y relatives et décidé qu’il y a lieu de se référer au droit des sociétés afin de déterminer le moment spécifique auquel une dissolution dans le cadre d’une scission prend fiscalement effet et les conséquences au niveau de la dette d’impôt, ceci faute de dispositions spécifiques y afférentes au sein de la loi concernant [l’impôt] sur le revenu et de la loi générale des impôt (AO).

Référence faite aux dispositions reprises aux sein des articles 288 (1), 289 (2), 289 (3) b), 297 (2), 301, 302, 303 (1) et 307 (1) de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (L.S.C.), dans sa version applicable en l’espèce, la Cour administrative a considéré que la pré-évoquée L.S.C. reconnaît un effet légal à l’égard des tiers à la répartition du passif de la société scindée retenue dans le projet de fusion approuvé par toutes les sociétés impliquées et dûment publié et qu’en conséquence, à partir de la date d’effet de la scission, la société bénéficiaire qui s’est vue imputer la dette par ledit projet est à considérer comme le seul débiteur de cette dette et qu’il n’est dérogé à cette règle de la transmission d’une certaine dette à un débiteur unique par l’instauration d’une solidarité entre toutes les sociétés bénéficiaires que dans deux hypothèses, à savoir primo lorsque le projet de scission ne permet pas l’imputation claire d’une dette à une société et secundo lorsque la société s’étant vue imputer la dette ne dispose pas de l’actif nécessaire pour régler la dette.

La prise d’effet de la scission à l’égard des tiers, dont également l’administration des contributions directes, ayant eu lieu le 25 juin 2007, donc à une date largement antérieure à l’émission des bulletins d’impôt litigieux du 16 février 2011 et le projet de scission ayant prévu le transfert à la société anonyme …L2… du terrain sis à …, inscrit au cadastre de la …, au lieu-dit « … », sous le n° …, et l’actif de l’ancienne société anonyme …K… à la valeur comptable de … euros, ensemble les frais d’architecte y relatifs à hauteur de … euros, à la valeur marchande de ce moment, évaluée à …0 euros, ainsi que de la dette d’impôt de … euros découlant de la réévaluation du prédit terrain (dette d’impôt à provisionner dans les comptes sociaux de la société anonyme …O…), la Cour administrative a conclu que les sociétés impliquées dans le projet de scission du 24 octobre 2006 avaient l’intention de transmettre la dette d’impôt découlant de l’imposition de l’ancienne société anonyme dissoute …K… au titre de l’exercice 2006, à la société anonyme …O…, cette dernière ayant été désignée comme société bénéficiaire à laquelle ont été transmis les éléments du passif constitués par la dette d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal pour l’exercice 2006 encore née dans le chef de l’ancienne société anonyme dissoute …K… et non encore fixée à travers des bulletins d’impôt à ce moment.

Après avoir encore constaté la non-applicabilité du paragraphe 8 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG), la Cour administrative a finalement admis que c’est dès lors la solution du droit commercial qui s’impose également dans le cadre de l’imposition à l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal des sociétés impliquées dans une scission de sorte que « la société …O… était et est à considérer comme seule débitrice des dettes d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal au titre de l’exercice d’exploitation 2006 (en raison de la dette d’impôt) encore née dans le chef de l’ancienne société anonyme …K… au moment de l’émission des bulletins litigieux du 16 février 2011 ».

La Cour administrative a ensuite constaté que les bulletins litigieux ont toutefois été notifiés à l’adresse du siège social de la société anonyme …L1…ment créée et non pas à l’adresse du siège social de la société anonyme …O…, que l’argumentaire étatique selon lequel plusieurs indices auraient permis au bureau d’imposition de considérer légitimement que la société anonyme …L1…ment créée aurait été mandatée par la société anonyme …O… en ce qui concerne les affaires fiscales de l’ancienne société anonyme dissoute …K… était à rejeter, les appelantes ayant souligné à bon droit qu’un mandat ne se présume pas, que la société anonyme …O… était partant à déclarer et mettre hors cause et que les bulletins litigieux devaient encourir l’annulation en raison du fait qu’ils ont été notifiés à la société anonyme …L1…ment créée qui ne pouvait cependant pas qualifier de destinataire des bulletins litigieux à défaut d’être le redevable des cotes d’impôt fixées.

En résumé, la Cour administrative a ainsi dit que le destinataire réel des bulletins d’impôt ayant repris l’imposition à l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal de l’ancienne société anonyme dissoute …K… dans le chef de laquelle s’est réalisé le fait générateur de l’impôt (l’assujetti à l’impôt ayant dû subir l’imposition conformément aux articles 169 et 170, alinéa (1) L.I.R. de la plus-value réalisée en raison de la réévaluation du terrain transmis à la société anonyme …O… dans le cadre de la scission était partant bel et bien l’ancienne société anonyme …K…) et dans le chef de laquelle la dette d’impôt a pris naissance en vertu du §3 StAnpG, aurait dû être le redevable des dettes d’impôt d’après le droit des sociétés, c’est-à-dire que les bulletins litigieux ayant repris l’imposition de l’ancienne société anonyme dissoute …K… auraient dû être notifiés au prénommé redevable des dettes d’impôt, en l’occurrence la société anonyme …O….

En d’autres termes, les bulletins litigieux n’ont pas été annulés en raison du fait que l’ancienne société anonyme dissoute …K… a été imposée à tort sur la susdite plus-value mais en raison de la notification des bulletins litigieux à l’adresse du siège social de la société anonyme …L1…ment créée tandis que le destinataire réel des bulletins d’impôt émis aurait d’après le projet de scission dû être la société anonyme …O… en tant que redevable des dettes d’impôt de la société scindée.

Cela étant, il appartient au bureau d’imposition SOCIETES 2 d’émettre des bulletins d’impôt nouveaux (il y a eu concertation à ce sujet avec la Direction des Contributions Directes) reprenant l’imposition pour l’exercice 2006 de l’ancienne société anonyme dissoute …K… à l’impôt sur le revenu des collectivités et à l’impôt commercial communal, les bulletins d’impôt étant toutefois notifiés cette fois-ci à l’adresse du siège social de la société anonyme …O… en sa qualité de destinataire réel (en exécution de l’arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2018) de ceux-ci.

L’imposition dérogeant sur divers points à la déclaration pour l’impôt sur le revenu des collectivités et pour l’impôt commercial de l’année 2006 remise pour compte de l’ancienne société anonyme dissoute …K…, vous voudrez trouver ci-joint, par respect du « principe du contradictoire » tel que prescrit par le paragraphe 205, alinéa (3) de la loi générale des impôts (AO), les projets d’imposition pour l’exercice 2006.

Qui plus est, les projets d’imposition du 26 novembre 2010 ont été notifiés de même que les bulletins litigieux à la seule adresse du siège social de la société anonyme …L1…ment créée de sorte qu’après la clôture de la procédure d’investigation fiscale, les bulletins d’impôt (§210, alinéa (1) AO) ont été émis sans que les projets d’imposition sus-évoqués aient été envoyés préalablement à la société anonyme …O… en sa qualité de destinataire réel des bulletins litigieux impliquant qu’il se pose la question (l’obligation d’informer l’intéressé couvrant, outre les questions relatives à la matérialité des faits, également les questions de droit, tenant à l’interprétation à donner aux dispositions légales ou réglementaires et à la qualification juridique des faits) si les bulletins d’impôt litigieux n’auraient pas déjà dû encourir l’annulation pour non-respect du « principe du contradictoire » (cf. les alinéas 3-6 à la page 9 du mémoire supplémentaire du 19 janvier 2017 du délégué du gouvernement).

Le défaut de notification d’un bulletin d’imposition ne conditionnant pas pour autant son existence juridique (TA 21.6.2000, n° 11671), ledit bulletin pouvant d’ailleurs être attaqué de suite par voie de réclamation (§246, alinéa (2) AO) et la formalité substantielle instaurée à travers le prédit §205, alinéa (3) AO requérant la consultation du contribuable avant la clôture de la procédure d’investigation fiscale et l’établissement du bulletin d’impôt qui, établi par-après, ne peut en tout état de cause plus être modifié dès son existence matérielle sauf dans les cas spécifiques prévus par l’« AO », il s’ensuit, l’existence matérielle des bulletins litigieux étant restée incontestée, que le « principe du contradictoire» n’a en effet pas été respectée à l’égard de la société anonyme …O… et il va sans dire que les bulletins litigieux, au cas où ils nous auraient été retournés, sinon des bulletins d’impôt émis en double exemplaire original, auraient été grevés du même vice de forme si le bureau d’imposition SOCIETES 2 avait notifié ces bulletins à la société anonyme …O… en tant que destinataire réel à une date ultérieure.

Pour ce qui est de la prescription de l’impôt, l’article 10, alinéa (1) de la loi modifiée du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes, des droits d’accise sur les eaux-de-vie et des cotisations d’assurance sociale dispose qu’en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans.

Or, il résulte de la suspension de la prescription dans la phase des recours précontentieux et contentieux (en raison du dessaisissement du bureau d’imposition SOCIETES 2 / application de la règle « contra non valentem agere non currit praescriptio ») que la dette d’impôt de la société à imposer ne s’est pas encore éteinte.

PROJETS D’IMPOSITION I – Etablissement de l’impôt sur le revenu des collectivités (I.R.C.) de l’année 2006 Phase de l’assiette de l’impôt Résultat d’après le compte « profits et pertes » :

-… EUR + Rémunérations allouées aux administrateurs :

… EUR + Retenue d’impôt sur les tantièmes … EUR + Impôt sur la fortune :

… EUR Sous-total :

-… EUR + Bénéfice conformément aux articles 170, alinéa (1) ainsi que 169, alinéas (1) et (3) L.I.R. :

… EUR Revenu imposable :

… EUR Phase de la liquidation de l’impôt Revenu à imposer suivant barème : … euros Impôt suivant barème (22%) :

… EUR Majoration en faveur du fonds pour l’emploi (4%) :

… EUR Impôt sur le revenu total dû :

… EUR II – Etablissement de l’impôt commercial (I.C.) de l’année 2006 Phase de l’assiette de l’impôt Bénéfice soumis à l’impôt commercial :

…EUR Abattement :

-… EUR Bénéfice d’exploitation imposable :

… EUR Phase de la liquidation de l’impôt Bénéfice d’exploitation imposable arrondi :

… EUR Base d’assiette d’après le bénéfice d’exploitation (3%) … EUR Taux applicable pour la commune de Luxembourg : 225% % Impôt commercial dû : … x 2,25 =

… EUR * * * Je vous invite à fournir vos observations et/ou objections y afférentes pour le 16 mars 2018 au plus tard; ce délai passé, l’imposition de l’exercice 2006 sera établie compte tenu des redressements envisagés. (…) ».

Par courrier du 16 mars 2018, la société …L2… prit position quant au courrier du bureau d’imposition du 19 février 2018.

Le 18 avril 2018, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société …L2… le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités en y indiquant que l’imposition diffèrerait de la déclaration sur les points suivants : « Le bénéfice provenant de la réévaluation du terrain transmis à la société anonyme …O… dans le cadre de la scission par constitution de nouvelles sociétés est imposé dans le chef de la société anonyme dissoute …K… tel qu’exposé au projet d’imposition du 19 février 2018 du bureau d’imposition SOCIETES 2. Après analyse de la lettre recommandée (avec accusé de réception) du 16 mars 2018 de Maître …, le bureau d’imposition SOCIETES 2 ne saurait partager les conclusions de Maître … y développées alors qu’elles ne reflètent pas les motifs et le dispositif de l’arrêt de la Cour Administrative du 30 janvier 2018 (numéros 40071C et 40083C du rôle) dont le présent bulletin constitue l’exécution ».

Le bureau d’imposition émit encore en date du même jour le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006 à l’égard de la société …L2….

Le 23 mai 2018, la société …L2… introduisit une réclamation auprès du directeur contre les bulletins précités de l’année 2006 qui fut portée au rôle du contentieux sous le numéro C 24893.

Par une décision de l’assemblée générale extraordinaire du 19 juin 2018, les actionnaires de la société …L2… décidèrent de son absorption par la société …O…. Par une décision de l’assemblée générale extraordinaire du même jour, les actionnaires de la société …O… décidèrent encore de la fusion par absorption de la société …L2….

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 28 mars 2019, la société …O… fit introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation du bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et du bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006, tous les deux émis le 18 avril 2018.

Dans son jugement du 1er avril 2020, le tribunal administratif reçut le recours principal en réformation en la forme et dit qu’il n’y avait dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation. Quant au fond, il déclara le recours justifié et constata que « la dette de l’impôt sur le revenu des collectivités et le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006 » était prescrite. Partant, et dans le cadre du recours en réformation, le tribunal annula le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités et le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2006, tous les deux émis le 18 avril 2018 par le bureau d’imposition à l’égard de la société anonyme …O….Le tribunal rejeta la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … € formulée par la demanderesse et condamna l’Etat aux frais et dépens.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 3 juillet 2020, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a fait régulièrement relever appel de ce jugement du 1er avril 2020.

Les argumentations respectives des parties sont axées autour de deux questions essentielles, la première étant celle de la prescription des créances d’impôt à la base des bulletins du 18 avril 2018 et la seconde étant celle de la notification valable de ces bulletins à la société …L2…. Dans la mesure où la réponse à la question de la prescription de la créance d’impôt, portant sur son existence même, est préalable à celle de la notification des bulletins, qui conditionne leur opposabilité à leur destinataire réel, il y a lieu de les examiner dans cette suite logique.

Quant à la prescription des créances d’impôt L’Etat souligne que la société …O… ne contesterait pas, dans le cadre de son recours sous examen, le bien-fondé de la créance qui aurait été confirmé dans le cadre de l’arrêt prévisé de la Cour du 30 janvier 2018, mais n’invoquerait que des moyens de nature purement procédurale afin de tenter d’échapper au paiement du montant d’impôts non contestable.

Il critique ensuite le raisonnement du tribunal par rapport à la question de la prescription de la créance dans la mesure où il a admis que la mise hors cause de la société …L2… par l’arrêt de la Cour du 30 janvier 2018 par rapport à la procédure d’imposition litigieuse devrait entraîner qu’aucune suspension de prescription sur base de l’article 3 de la loi modifiée du 22 décembre 1951 portant prorogation du délai de prescription de certains impôts directs et précision des conditions dans lesquelles les prescriptions peuvent être interrompues, ci-après la « loi du 22 décembre 1951 », ne saurait être invoquée à son égard.

L’Etat souligne que des contraintes et commandements auraient été notifiés à la société …L1… et à la société …L2… et que ces actes auraient interrompu le cours du délai de prescription les 27 octobre 2011 et 8 octobre 2015.

En outre, d’après l’Etat, la société …O… serait le successeur en droits et obligations de la société …K… et la société …L2… aurait été le destinataire légal des bulletins d’impôt du 18 avril 2018, comme le tribunal l’aurait reconnu à juste titre. La critique formulée par l’intimée à travers son appel incident laisserait dès lors d’être justifiée, d’autant plus qu’aucune irrégularité n’affecterait la notification des bulletins d’impôt et du décompte afférent qui auraient été correctement adressés à la société …L2… en sa qualité de successeur en droits et obligations de la société …K….

L’Etat fait valoir que le § 8 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, ci-après désignée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », devrait être interprété en ce sens qu’en cas de scission, l’ensemble des sociétés résultant de la scission seraient d’office à considérer comme des « Rechtsnachfolger » au sens de cette disposition. Au-delà des questions liées à la détermination de l’impôt au vu de la scission, le § 8 StAnpG aurait en effet encore la dimension de l’impôt lui-même fixé dans le chef de l’ancienne société et l’opération de scission aboutirait à une situation de « Gesamtrechtsnachfolge » qui aurait pour conséquence que l’administration serait admise à s’adresser à n’importe laquelle des nouvelles sociétés issues de la scission en vue de la perception des impôts et ce indépendamment de la question de savoir quelle portion de l’actif net investi de la société scindée elle a repris. L’Etat reconnaît que cette interprétation du § 8 StAnpG serait plus large que celle admise par le tribunal dans la mesure où il considérerait ledit texte comme autonome et non pas comme étroitement lié aux dispositions du droit des sociétés.

L’Etat ajoute encore qu’il faudrait tenir compte du fait que la société …L2… s’est elle-même immiscée dans la procédure ayant mené à l’arrêt du 30 janvier 2018 lorsqu’elle invoque actuellement le fait d’avoir été mise hors cause. Il faudrait conclure que la société …L2… se contredirait ainsi elle-même.

La société …O… précise liminairement que par des décisions concordantes des assemblées générales des actionnaires de la société …L2… et d’elle-même du 19 juin 2018, elle aurait absorbé la société …L2… et serait partant à considérer, conformément à l’article 1021-17 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, ci-après dénommée la « loi du 10 août 1915 », comme s’étant vue transmettre l’ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée.

Quant à la question de la prescription de la créance fiscale, l’intimée admet que le délai de prescription de dix ans est applicable en l’espèce et qu’il a commencé à courir le 1er janvier 2007, conformément à l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes des droits d’accise sur l’eau-de-vie et des cotisations d’assurance sociale, ci-après la « loi du 27 novembre 1933 ».

Elle conteste cependant l’argument étatique fondé sur la suspension du cours de la prescription durant la période où les juridictions administratives étaient saisies du recours introduit par la société …L1… et où l’administration se serait trouvée dans une impossibilité d’agir. Se prévalant de l’article 3 de la loi du 22 décembre 1951, l’intimée soutient qu’au vu de la mise hors cause de la société …L2… par rapport à la procédure alors engagée, aucune suspension de la prescription ne saurait être invoquée à son encontre. Contrairement à l’argumentation de l’Etat, le fait que la société …L2… est intervenue dans le cadre de la procédure contentieuse ayant abouti à l’arrêt du 30 janvier 2018 n’affecterait pas la conclusion que sa mise hors cause aurait été décidée par ledit arrêt qui aurait acquis autorité de chose jugée et dont la conclusion ne pourrait plus être remise en question. L’intimée considère que l’administration ne se serait pas trouvée dans une impossibilité d’agir à l’égard de la société …L2… au vu du fait que la procédure contentieuse ayant abouti à l’arrêt du 30 janvier 2018 aurait porté sur l’imposition de la société …L1… destinataire des bulletins annulés.

L’argumentation étatique en sens contraire reposerait sur une lecture erronée de la loi alors même que l’arrêt du 30 janvier 2018 aurait retenu que les dispositions de la loi du 10 août 1915 régissant les scissions seraient opposables à tous les tiers, y compris à l’administration des Contributions directes.

Afin de justifier son argument de l’expiration du délai de prescription, l’intimée souligne en premier lieu que les bulletins litigieux ont été émis le 18 avril 2018 et partant après le 1er janvier 2017, date à laquelle la prescription aurait été définitivement acquise d’après elle.

En deuxième lieu, l’intimée relève que les contraintes et commandements invoqués par l’Etat n’auraient pas été déposés comme pièces par l’Etat dans le cadre de la procédure contentieuse et conteste partant leur existence. Elle insiste également sur la condition que les actes interruptifs de la prescription devraient être signifiés à celui que l’on veut empêcher de prescrire, mais qu’elle n’aurait aucune connaissance d’une contrainte ou d’un commandement qui auraient été signifiés à la société …L2….

A l’audience des plaidoiries du 19 novembre 2020, la Cour a fait part de son constat que l’Etat avait certes invoqué plusieurs contraintes et commandements, mais que les pièces afférentes ne figuraient pas dans le dossier fiscal soumis à la Cour. Elle a dès lors demandé au délégué du gouvernement de de fournir à la Cour l’intégralité du dossier administratif, tel que cela est d’ailleurs prévu par l’article 8, paragraphe (5), de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après la « loi du 21 juin 1999 ».

Les mandataires de l’intimée ont cependant manifesté à l’audience des plaidoiries leur opposition à cette faculté accordée à l’Etat de compléter le dossier après le rapport du magistrat rapporteur.

A l’audience publique du 17 décembre 2020 à laquelle l’affaire avait été fixée pour continuation des débats, au vu du dépôt au greffe et de la communication à l’intimée du « volet recouvrement » du dossier fiscal en date du 26 novembre 2020, la Cour a autorisé les parties à produire un mémoire supplémentaire sur la question de l’admissibilité de ces pièces complémentaires et sur l’incidence de ces pièces quant au fond de l’affaire.

Quant à l’admissibilité du mémoire supplémentaire déposé par l’Etat Dans le cadre de son mémoire supplémentaire, l’intimée conclut d’abord à voir écarter le mémoire déposé par l’Etat le 21 janvier 2021. Elle fait valoir en premier lieu qu’aucune ordonnance formelle autorisant le dépôt de mémoires supplémentaires n’aurait été prise par la Cour. Elle ajoute en deuxième lieu que l’Etat aurait lui-même intitulé son mémoire comme « mémoire en réplique » sans faire aucune référence à une ordonnance autorisant sa production, mais qu’il aurait déjà fait déposer un mémoire en réplique le 14 octobre 2020 et qu’un second mémoire en réplique ne serait pas admissible.

Néanmoins, l’article 48 de la loi du 21 juin 1999, lorsqu’il admet l’exception pour le dépôt de mémoires supplémentaires dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire en ce que le président de la Cour ou le magistrat présidant la juridiction d’appel « peut ordonner d’office le dépôt de mémoires supplémentaires », vise non seulement l’hypothèse d’une ordonnance formelle prise par la Cour, mais également celle où la Cour autorise ce dépôt oralement dans le cadre l’instruction de l’affaire à l’audience des plaidoiries. Or, l’intimée admet elle-même que la Cour a accordé à l’audience du 17 décembre 2020 aux parties le droit de soumettre un mémoire supplémentaire, cette faculté ayant encore été confirmée par un avis du greffe de la Cour du même jour. En outre, la qualification erronée du mémoire supplémentaire comme « mémoire en réplique » s’analyse en une erreur purement matérielle qui n’affecte point son admissibilité en tant que mémoire supplémentaire dont la production a été autorisée par la Cour.

Il s’ensuit que le moyen de l’intimée tendant à voir écarter le mémoire supplémentaire de l’Etat est à écarter.

Quant à l’admissibilité du dossier déposé par l’Etat le 26 novembre 2020 L’intimée fait exposer que la faculté accordée à l’Etat de déposer lesdites pièces lui permettrait de pallier à ses manquements à son obligation de verser l’intégralité du dossier fiscal depuis le début de la procédure. Se référant aux articles 2, 41 et 46 de la loi du 21 juin 1999, l’intimée soutient qu’une partie devrait impérativement déposer au greffe les pièces qu’elle entend invoquer concomitamment avec sa requête ou ses mémoires et qu’en l’espèce, au vu du débat sur la question de la prescription déjà mené en première instance, il aurait partant incombé à l’Etat de réunir toutes les pièces utiles à l’appui de son appel et de les déposer ensemble avec sa requête d’appel, voire au plus tard avec son mémoire en réplique, de sorte qu’elle serait forclose à produire de nouvelles pièces après le dépôt de son dernier mémoire. Elle se réfère encore aux articles 8 et 41 de la loi du 21 juin 1999 pour relever qu’en règle générale toute pièces versée après que le magistrat a commencé son rapport en audience publique serait écartée des débats, sauf si le dépôt serait ordonné par la Cour, mais que la Cour n’aurait rendu aucune ordonnance autorisant la production de nouvelles pièces et que le rapport du magistrat rapporteur aurait déjà été achevé lorsque l’opportunité de communiquer les nouvelles pièces était accordée à l’audience.

Cette argumentation est cependant à rejeter, étant donné que les dispositions citées par l’intimée partent certes du principe que les pièces à l’appui des recours et mémoires sont déposées ensemble avec lesdits recours et mémoires, mais qu’elles n’imposent pas une concomitance stricte entre les dépôts des recours et mémoires, soumis au respect des délais impératifs prévus par la loi, d’un côté, et ceux des pièces qui ne sont pas soumis aux mêmes délais, de l’autre côté. La preuve en est que la disposition de l’article 45, paragraphe (5), de la loi du 21 juin 1999, autorisant le dépôt de pièces jusqu’au commencement de son rapport oral à l’audience par le magistrat rapporteur, serait dépourvue de toute utilité si le délai pour une partie de déposer ses pièces aurait expiré en toute occurrence au moment du dépôt de son dernier mémoire.

En outre, le même article 45, paragraphe (5), de la loi du 21 juin 1999, lorsqu’il admet l’exception pour le dépôt de pièces après le rapport « si le dépôt en est ordonné par la Cour », vise non seulement l’hypothèse d’une ordonnance formelle prise par la Cour, mais également celle où la Cour autorise ce dépôt oralement dans le cadre l’instruction de l’affaire à l’audience des plaidoiries. Or, l’intimée admet elle-même que la Cour a demandé oralement à l’audience du 19 novembre 2020 au délégué du gouvernement de soumettre en cause le « volet recouvrement du dossier fiscal » en question.

En deuxième lieu, l’intimée fait valoir que l’admission du dépôt des pièces supplémentaires par l’Etat entraînerait une violation de ses droits de la défense. Elle se prévaut de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après la « Cour EDH », pour conclure à l’applicabilité de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), ainsi que de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne quant au respect des principes élémentaires d’un procès. Elle réitère son analyse suivant laquelle l’Etat aurait persisté durant toute la procédure contentieuse à fournir un dossier incomplet au vu du manque de certaines pièces pourtant expressément invoquées par lui à l’appui de son argumentation et que cette attitude l’aurait privée de son droit d’accès à l’ensemble des preuves détenues par l’administration. Elle ajoute que le principe du contradictoire serait « bafoué » si une décision de justice était fondée sur des faits et documents dont une partie n’a pu prendre connaissance et sur lesquels elle n’a pas été en mesure de prendre position. Or, les contraintes et commandements invoqués par l’Etat comme pièces essentielles n’auraient pas été inclus dans le dossier durant tout le cours des deux instances de la procédure contentieuse, de sorte qu’elle n’aurait eu aucune chance d’analyser ces pièces et d’y prendre position à un moment utile de la procédure contentieuse et que la faculté accordée à l’Etat de les verser en cause plus d’un mois après la date limite fixée pour le dépôt de son dernier mémoire ne permettrait pas de respecter les principes du contradictoire et d’égalité des armes. D’après l’intimée, les pièces déposées par l’Etat le 26 novembre 2020 devraient partant être écartées de ce chef.

Il est vrai que la Cour EDH a rappelé dans son arrêt du 5 juillet 2012 (… c/ Suisse, req.

n° 11663/04) que « le droit à un procès pénal équitable implique que la défense puisse avoir accès à l’ensemble des preuves entre les mains de l’accusation, qu’elles soient en défaveur, ou en faveur, de l’accusé (… c. Royaume-Uni, no 6684/05, § 43, 11 janvier 2011). Les seules restrictions admissibles au droit d’accès à l’ensemble des preuves disponibles sont celles qui s’avèrent strictement indispensables (… c. Pays-Bas, 23 avril 1997, § 58, Recueil 1997-III), soit la protection d’intérêts nationaux vitaux ou la sauvegarde des droits fondamentaux d’autrui (… c. Royaume-Uni, précité, § 42) ».

Il se dégage cependant de cet arrêt que la situation à sa base était celle d’un procès en matière d’impôts et de sanction pour défaut de collaboration dans le cadre duquel l’administration avait remis à la juridiction compétente seulement une partie de son dossier global, comportant également un volet d’enquête pénale, et la juridiction avait rejeté la demande du contribuable de pouvoir consulter l’ensemble des documents entre les mains de l’administration.

Or, la situation de l’espèce est bien différente en ce que le différend porte non pas sur un dossier que l’administration aurait refusé de produire et que la Cour aurait également considéré comme ne devant pas être communiqué à l’intimée, mais plutôt sur un dossier que l’Etat invoque dans le cadre du litige et qu’il a omis de verser intégralement en cause. La demande de la Cour de se voir soumettre le « volet recouvrement du dossier fiscal » tend précisément à réunir tous les éléments de preuve invoqués par les parties afin de pouvoir trancher le litige en pleine connaissance de cause.

En outre, la substance du droit à un procès équitable implique l’accès d’une partie aux preuves détenues par l’autre partie et la faculté utile de pouvoir les examiner et d’y prendre position. Or, en sollicitant le dépôt du dossier en question ainsi que sa communication aux mandataires de l’intimée, ainsi qu’en accordant aux parties la possibilité de prendre position quant à ce dossier à travers un mémoire supplémentaire, la Cour a précisément assuré à l’intimée l’accès à ce dossier et lui a réservé la faculté de l’examiner, de prendre de manière circonstanciée position par rapport aux documents le composant et de développer ses moyens en droit sur cette base.

S’il est dès lors incontesté que la soumission, par l’Etat, des éléments de preuve du « volet recouvrement du dossier fiscal » seulement en instance d’appel et sur demande de la Cour ne correspond pas à un déroulement idéal d’un procès, il n’en reste pas moins que le droit à un procès équitable de l’intimée a pu être préservé à travers les mesures ordonnées par la Cour, de sorte que le moyen de l’intimée tendant à voir écarter le « volet recouvrement du dossier fiscal », déposé par l’Etat le 26 novembre 2020, pour violation de son droit à un procès équitable est à rejeter.

Quant à la prescription à l’égard de la société …L2… L’Etat invoque les contraintes et commandements contenus dans le « dossier recouvrement » soumis le 26 novembre 2020 qui auraient été notifiés à la société …L1… et à la société …L2…, à savoir une contrainte n° … du 4 octobre 2011, rendue exécutoire le 21 octobre 2011, signifiée à la société …L1… le 5 octobre 2011, ainsi qu’une contrainte n° … du 11 août 2015, rendue exécutoire le 3 septembre 2015 et signifiée le 7 octobre 2015 à la société …L1… et à la société …L2…. Dans la mesure où l’intimée serait le successeur en droits et obligations de la société …K…, la dette d’impôt ne serait dès lors pas éteinte du fait de la prescription acquise.

L’intimée entend voir dénier au dossier soumis par l’Etat tout intérêt pour l’instruction du recours sous examen. Elle rappelle qu’un bulletin d’impôt aurait pour objet de fixer la cote d’impôt et entraînerait son exigibilité, de sorte que des poursuites pourraient être engagées seulement à partir de la date d’exigibilité de la cote. Elle relève alors que les seules pièces qui auraient été adressées à la société …L2… « sans raison apparente » seraient une contrainte du 11 août 2015 rendue exécutoire le 3 septembre 2015 et un commandement du 7 octobre 2015.

Elle insiste sur le fait que ces actes de recouvrement se fonderaient sur les anciens bulletins d’impôt émis le 16 janvier 2011 à l’encontre de la société …K…, mais que cette dernière aurait été dissoute antérieurement et que lesdits bulletins auraient été annulés par l’arrêt du 30 janvier 2018. D’après l’appelante, au vu de l’exigibilité de la cote seulement à partir de l’émission du bulletin d’impôt la quantifiant et non pas à partir du fait générateur de l’impôt, il faudrait admettre que les actes d’exécution, dont les contraintes et commandements, seraient intrinsèquement liés aux bulletins d’impôt sur lesquels ils sont basés, de manière que l’on ne saurait plus accorder un quelconque effet à l’égard de l’intimée à la contrainte et au commandement susvisés adressés à la société …K…. Dans la mesure où la société …L2… aurait été mise hors cause par l’arrêt du 30 janvier 2018 et où les bulletins litigieux n’auraient été émis que le 18 avril 2018, la prescription aurait couru à l’égard de la société …L2… sans interruption jusqu’à son terme au 1er janvier 2017, de sorte que la créance d’impôt en cause serait actuellement prescrite.

L’intimée ajoute qu’une contrainte du 4 octobre 2011 et un commandement de payer du 25 octobre 2011 auraient été notifiés à la société …K…, dossier fiscal n° …, donc à la société …L1…. Renvoyant à l’article 2244 du Code civil, l’intimée fait valoir qu’un acte interruptif de prescription devrait être signifié à la personne que l’on veut empêcher de prescrire afin de pouvoir déployer son effet interruptif à l’égard de cette personne. Cette exigence impliquerait que les actes interruptifs invoqués par l’Etat auraient dû être signifiés en l’espèce à la société …L2…, ce que l’administration aurait cependant omis de faire. Quant à la contrainte du 11 août 2015 rendue exécutoire le 3 septembre 2015 et un commandement du 7 octobre 2015, l’intimée expose que ces actes auraient visé la société …K…., dossier fiscal n° …, et non pas la société …L2… qui aurait été un tiers à cet égard. En outre, une notification de ces actes à cette dernière société n’aurait pas abouti dans la mesure où l’avis émis par les services postaux du 21 octobre 2015 établirait le retour du courrier à l’expéditeur. Or, dans la mesure où il ne suffirait pas qu’une notification d’un courrier ait été envoyée au destinataire mais qu’elle parvienne effectivement au destinataire, la conclusion d’un défaut de notification à la société …L2… s’imposerait.

La Cour tient liminairement à rappeler le contenu de certaines des conclusions retenues par elle dans l’arrêt du 30 janvier 2018.

En premier lieu, elle a déduit des dispositions des articles 169 et 170 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée « LIR », ainsi que du § 3 StAnpG que c’est la société dissoute qui est le contribuable dans le chef duquel se réalise le fait générateur de l’impôt qui doit être fixé, par déduction de l’article 169 (1) LIR, au moment de la fin de sa dissolution ou de la période de liquidation et c’est, conformément au § 3 StAnpG, également la société dissoute dans le chef de laquelle la dette d’impôt prend naissance, de manière qu’elle devient au moment de sa dissolution ou de la fin de sa liquidation encore le redevable de l’impôt pour cette période finale de son existence. Plus loin, la Cour a déduit des dispositions pertinentes du droit des sociétés qu’avec la prise d’effet de la scission, la société scindée disparaît définitivement et seule la société bénéficiaire s’étant vue imputer une dette précisée dans le projet de scission en est le débiteur. La disparition de l’ancien débiteur et son remplacement par un nouveau débiteur exclusif, sauf les deux hypothèses de dette solidaire prévues par le droit des sociétés, sont opposables à tous les tiers dont les créanciers, telle l’ACD.

La Cour a déduit de ces principes et de son analyse du projet de scission du 24 octobre 2006 entre les sociétés …K…, …L1… et …L2… que suite à la publication de la scission au Mémorial C du 25 juin 2007 pour les trois sociétés impliquées, ladite scission a pris effet également à l’égard des tiers, dont l’administration des Contributions directes, en ce sens que la société …K…, encore devenue débitrice des dettes d’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal au titre de son dernier exercice d’exploitation, était définitivement dissoute et que cette dette d’impôt avait été transmise à la société …L2… qui était devenue elle-même seule débitrice de ladite dette qui devait encore être fixée à travers des bulletins d’impôt restant à émettre.

En deuxième lieu, la Cour a constaté que les bulletins du 16 février 2011 ont été notifiés à la société « …K… » à l’adresse de l’ancien siège social de la société …K… correspondant également au siège social de la société …L1…, le bulletin indiquant encore le numéro de dossier de la société …K…, de sorte que la société …L1… était le destinataire direct de ce bulletin. Dans la mesure où la société …L1… ne s’était pas vu transmettre, dans le cadre de la scission en cause, les dettes de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal au titre de l’exercice 2006 encore nées dans le chef de la société …K…, la Cour a confirmé que les bulletins du 16 février 2011 ont fixé à son égard le quantum de cotes d’impôt dont elle n’est pas redevable et a partant annulé lesdits bulletins.

Par contre, d’après la Cour, il se dégageait du contenu de ces bulletins qu’ils n’étaient pas destinés à la société …L2… qui n’avait partant pas été constituée débitrice de l’impôt en cause et qui a en conséquence été mise hors cause par l’arrêt du 30 janvier 2018.

A la suite de l’arrêt du 30 janvier 2018, le bureau d'imposition a émis les bulletins d’impôt déférés qui ont eu pour destinataires « …K… / société anonyme dissoute / c/o …O… S.A. (succ. en droit et oblig. De la S.A. dissoute …K…) /…, … / L- … ».

Dans la mesure où les bulletins du 16 février 2011 n’ont point affecté la situation de la société …L2… et ont de toute façon disparu de l’ordonnancement juridique suite à leur annulation par l’arrêt du 30 janvier 2018, l’Etat se prévaut actuellement des seuls bulletins émis le 18 avril 2018 et ayant, d’après son analyse, comme destinataire la société …L2… en tant que bulletins ayant fixé les dettes d’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal redues par la société …K… au titre de son dernier exercice d’exploitation 2006 et ayant rendu la société …L2… redevable des cotes d’impôt fixées dans ces bulletins.

Cependant, si un bulletin d’impôt n’a pas pour effet de créer la dette d’impôt, la naissance de cette dernière découlant en effet de la survenance du fait générateur de l’impôt, il a néanmoins l’effet déclaratif de fixer le quantum de la dette d’impôt et il déclenche son exigibilité dans le chef de son destinataire qui est partant constitué débiteur de l’impôt fixé. Il s’ensuit qu’en l’absence d’un bulletin d’impôt émis à l’égard d’un contribuable déterminé comme destinataire et lui notifié dans les formes prescrites, il ne peut pas être considéré comme redevable d’une certaine cote d’impôt.

Par voie de conséquence, la société …L2… n’était en tout cas pas redevable des dettes de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal au titre de l’exercice 2006 encore nées dans le chef de la société …K… jusqu’à la notification des bulletins du 18 avril 2018, la question de la validité de cette notification soulevée par l’intimée ne devant pas être tranchée au présent stade.

Or, la contrainte est un ordre daté et signé par le receveur, rendu exécutoire à une date déterminée par la signature du directeur ou de son délégué, disant qu’un contribuable est contraint au paiement d’impôts déterminés pour un montant donné (Cour d’appel 26 octobre 2016, n° 42040, Pas. T. 38, p. 285). Une contrainte présuppose dès lors nécessairement que son destinataire soit redevable des montants d’impôts y renseignés et que ces derniers soient exigibles de sa part, soit, en d’autres termes, que le montant d’impôt ait préalablement été fixé et rendu exigible à l’égard du destinataire de la contrainte par le biais d’un bulletin d’impôt émis à son égard.

La première contrainte invoquée par l’Etat, la contrainte n° … du 4 octobre 2011, rendue exécutoire le 21 octobre 2011, ensemble le commandement de payer du 25 octobre 2011, notifiés le 27 octobre 2011, renseignent comme destinataires la société …K…, dossier fiscal n° …, et la société …L1…. L’intimée se prévaut à bon droit de l’article 2244 du Code civil, applicable au vu du renvoi contenu à l’article 3 de la loi du 22 décembre 1951 et disposant que « Une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile », dans la mesure où cette disposition requiert effectivement que l’acte interruptif de la prescription doit être signifié à la personne que l’on veut empêcher de prescrire afin de pouvoir déployer son effet interruptif à l’égard de cette personne. Dès lors, faute d’avoir été notifiés à la société …L2…, la contrainte du 4 octobre 2011 et le commandement de payer du 25 octobre 2011 ne peuvent, déjà de ce seul chef, pas se voir reconnaître un effet interruptif de la prescription à l’égard de la société …L2….

La seconde contrainte n° … du 11 août 2015, destinée d’après ses mentions à remplacer la première contrainte du 4 octobre 2011, rendue exécutoire par le directeur le 3 septembre 2015, ensemble le commandement de payer du 7 octobre 2015, renseignent certes la société …K…, la société …L1… et la société …L2… comme destinataires, ne peuvent, abstraction même faite de la question de la notification valable soulevée par l’intimée, pas avoir l’effet d’interrompre la prescription à l’égard de la société …L2…. En effet, faute pour cette dernière d’avoir été rendue redevable des montants d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal en cause à travers un bulletin d’impôt lui notifié en temps utile, la contrainte du 11 août 2015 et le commandement de payer du 7 octobre 2015 ne sauraient valablement lui ordonner de payer les impôts en souffrance et partant non plus interrompre le cours de la prescription en tant que mesure de recouvrement visant des montants que la personne visée ne redoit pas.

Il s’ensuit que les actes interruptifs de prescription invoqués par l’Etat ne peuvent pas se voir reconnaître un effet interruptif du cours de la prescription à l’égard de la société …L2… et partant, au vu de son absorption par l’intimée, à l’égard de celle-ci.

L’Etat ne saurait pas non plus se prévaloir de la suspension de la prescription sur base de l’article 3 de la loi modifiée du 22 décembre 1951 au vu du principe de l’effet relatif des bulletins d’impôt. En effet, les décisions en matière d’impôts directs, dont les bulletins d’impôt, règlent des cas d’imposition déterminés et ne deviennent, conformément au § 91, alinéa (1), AO, exécutoires que par leur notification (« Bekanntgabe ») ou leur notification formelle (« Zustellung »), lorsqu’elle est requise, à toutes les personnes impliquées dans le cas d’imposition concerné et à l’égard desquelles elles sont appelées à déployer leurs effets, soit leurs destinataires. A l’égard de tiers qui n’en sont pas les destinataires, un bulletin d’impôt ne devient pas directement exécutoire pour déployer des effets contraignants, mais constitue un fait juridique dont l’existence leur est opposable sans pouvoir affecter directement en lui-

même leur situation. Pour ce qui est des voies de recours exercées contre un bulletin d’impôt, étant donné que le directeur est légalement censé procéder à une nouvelle instruction de tout le cas d’imposition lui soumis, sa décision a légalement un contenu décisionnel strictement parallèle à celui du bulletin objet de la réclamation (cf. Cour adm. 6 mars 2018, n° 39408C, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 1020). De même, le recours contentieux introduit contre une décision directoriale ou un bulletin d’impôt met en cause exclusivement les personnes impliquées dans le cas d’imposition en question et non pas de tierces personnes. Il en découle que l’effet suspensif de la prescription de voies de recours prévu par l’article 3 de la loi modifiée du 22 décembre 1951 ne peut s’appliquer que par rapport aux personnes impliquées dans le cas d’imposition en question et non pas à l’égard de tiers.

Au vu du fait que la société …L2… ne s’est pas vue notifier les bulletins d’impôt du 16 février 2011, elle a conservé par rapport au cas d’imposition ayant fait l’objet de ces bulletins, à savoir l’imposition à l’impôt sur le revenu des collectivités et à l’impôt commercial communal de la société …K… du chef de son dernier exercice d’exploitation 2006, la qualité de tiers et ce également dans le cadre de l’exercice des voies de recours à l’encontre de ces bulletins par la société …L1….

Cette conclusion ne se trouve point énervée par la circonstance que la société …L1… avait fait signifier la requête introductive d’instance déposée le 17 décembre 2015, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux bulletins du 16 février 2011, à la société …L2… par l’exploit de l’huissier de justice du 6 juillet 2016, de manière à la rendre par ce biais partie à ce procès. En effet, tant le tribunal et la Cour ont mis la société …L2… hors cause dans le cadre de ce recours en reconnaissant sa qualité de tiers par rapport aux parties et à l’objet du recours. Dès lors, le fait qu’elle a été amenée à défendre ses intérêts et à faire reconnaître sa qualité de tiers dans le cadre de ce procès ne saurait lui être préjudiciable en emportant la suspension du cours de la prescription à l’égard du cas d’imposition découlant de la soumission de la société …K… à l’impôt sur le revenu des collectivités et à l’impôt commercial communal du chef de son dernier exercice d’exploitation 2006.

Il découle de ces développements que c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu’aucune imposition n’est intervenue à l’égard de la société …L2… en sa qualité de successeur de la société …K… avant l’expiration du délai de prescription. Ils en ont partant déduit à juste titre que la dette de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2006 était prescrite à l’égard de la société …L2… à partir du 1er janvier 2017, de sorte que c’est à tort que le bureau d’imposition a émis les bulletins litigieux du 18 avril 2018 à l’égard de la société …L2…. Les premiers juges ont dès lors conclu à bon droit au bien-fondé du recours de l’intimée et annulé les bulletins déférés dans le cadre du recours en réformation.

Il s’ensuit que l’appel étatique laisse d’être justifié et que le jugement entrepris est à confirmer sans qu’il y ait lieu d’examiner plus avant les autres moyens des parties, dont l’appel incident de l’intimée quant au volet de la notification régulière des bulletins d’impôt du 18 avril 2018, le constat de la prescription de la créance d’impôts et l’annulation desdits bulletins rendant cet examen superflu.

L’intimée sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de .. € sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 en se prévalant des frais d’avocat qu’elle aurait dû engager pour assurer la défense de ses intérêts.

Cette demande est cependant à rejeter, étant donné qu’il ne se dégage pas de l’ensemble des éléments en cause en quoi il serait inéquitable de laisser des frais non répétibles à la charge de l’intimée.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 3 juillet 2020 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’Etat, partant, confirme le jugement entrepris du 1er avril 2020, rejette la demande de l’intimée en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros, condamne l’Etat aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu à l’audience publique du 11 août 2021 au local ordinaire des audiences de la Cour par le vice-président, en présence du greffier assumé la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 août 2021 Le greffier de la Cour administrative 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44620C
Date de la décision : 11/08/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 09/11/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-08-11;44620c ?

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