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09/11/2021 | LUXEMBOURG | N°46456C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 09 novembre 2021, 46456C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46456C ECLI:LU:CADM:2021:46456 Inscrit le 13 septembre 2021

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Audience publique du 9 novembre 2021 Appel formé par Monsieur …A…, …, contre un jugement du tribunal administratif du 11 août 2021 (n° 44610 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 46456C du rôle, déposé au greffe de la Cou

r administrative le 13 septembre 2021 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46456C ECLI:LU:CADM:2021:46456 Inscrit le 13 septembre 2021

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Audience publique du 9 novembre 2021 Appel formé par Monsieur …A…, …, contre un jugement du tribunal administratif du 11 août 2021 (n° 44610 du rôle) en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 46456C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 13 septembre 2021 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …A…, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant à L-… …, …, …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 11 août 2021 (n° 44610 du rôle), l’ayant débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 25 mars 2020 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 8 octobre 2021 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 28 octobre 2021.

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Le 2 août 2019, Monsieur …A… déposa une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 », auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère ».

Les déclarations de Monsieur …A… sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section 1police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

En date du 8 novembre 2019, Monsieur …A… fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 25 mars 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Monsieur …A… que sa demande de protection internationale avait été rejetée pour être non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 2 août 2019 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 2 août 2019, le rapport d'entretien de l'agent de Ministère des Affaires étrangères et européennes du 8 novembre 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que treize photos montrant diverses personnes et de conversations « Whatsapp » versées à l'appui de votre demande de protection internationale.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous seriez d'ethnie peule, né à … en Guinée et que vous y auriez vécu avec votre famille jusqu'au décès de votre père en 2001. Par la suite, vous auriez été élevé par l'oncle du dénommé …B…, qui « était notre voisin, mon père et son oncle étaient très d'accord », il « avait demandé que je sois donné dans leur famille » (p.3/12 du rapport d'entretien). En 2012, votre mère serait décédée des suites d'une crise cardiaque. Vous auriez déménagé à … où vous auriez vécu avec …B…, sa femme et ses enfants et une autre famille et où vous auriez fait des études universitaires en génie civil à l'Université de …. Afin de pouvoir financer vos études, vous auriez travaillé en tant que « … […] au marché de … » (p.2/12 du rapport d'entretien) jusqu'à votre départ de votre pays d'origine fin juillet 2018.

Vous déclarez avoir quitté votre pays d'origine parce qu'…B… vous aurait menacé de mort après avoir appris que vous auriez entretenu une relation avec sa femme …G… pendant environ trois ans lorsque Oumar se serait trouvé en Angola. Vous ajoutez que …G… serait la fille d'un riche commerçant qui aurait beaucoup de relations en Guinée. En juillet 2018, votre relation aurait été découverte par la fille du voisin et vous auriez décidé de déménager. La nouvelle de votre relation se serait répandue et …B… vous aurait appelé et menacé en disant que « le jour où on va se voir je vais te tuer » (p.8/12 du rapport d'entretien). Pour éviter que vous ne vous croiseriez, vous auriez décidé de quitter votre pays d'origine. Entretemps, …B… aurait renvoyé sa femme chez sa famille car vous auriez porté atteinte à « l'honneur de leur famille » (p.8/12 du rapport d'entretien). Afin de vous mettre la pression, alors que vous auriez déjà été hors du pays, le père de …G… et des militaires corrompus auraient incarcéré votre frère pendant deux mois avant de le relâcher suite à des pourparlers avec les Imams.

2Vous auriez quitté votre pays d'origine fin juillet 2018 en direction du Maroc, via la Tunisie où vous auriez voulu « postuler pour une université ou de collaborer avec quelqu'un pour pouvoir investir dans un commerce » (p.7/12 du rapport d'entretien). En raison des frais universitaires trop élevés et afin d'éviter d'être rapatrié, vous auriez décidé de continuer votre chemin en direction de l'Espagne. Vous seriez resté à … pendant sept ou huit mois dans un camp avant d'être transféré à …, où vous auriez été logé par une organisation humanitaire.

Vous n'auriez pas voulu introduire de demande de protection en Espagne parce qu'« il y avait le racisme et la stigmatisation des immigrants » (p.6&12 du rapport d'entretien). Vous auriez pris le bus en direction de la France et vous seriez resté à Paris pendant un mois et demi. Vous auriez voulu y introduire de demande de protection internationale, mais « à chaque fois que j'appelais le numéro pour demander l'asile, cela ne répondait pas » (p.6/12 du rapport d'entretien). Puisque vous auriez été sans abri pendant cette « période pluvieuse » vous auriez décidé de venir au Luxembourg et d'y introduire une demande de protection internationale.

Vous ne présentez aucun document d'identité pour étayer vos dires.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, vous indiquez avoir eu des problèmes avec …B… après que ce dernier aurait appris que vous auriez entretenu une relation avec son épouse pendant près de trois ans. Il aurait proféré des menaces de mort à votre encontre par téléphone.

Notons que, aussi déplorable et condamnable que ces menaces puissent être, elles ne sauraient justifier l'octroi du statut de réfugié, alors que ces menaces ne sont pas liées à l'un 3des critères figurant dans le champ d'application de la Convention de Genève et la Loi de 2015, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.

Quand bien même les menaces seraient liées à l'un des critères définis par la Convention de Genève, toujours est-il qu'une menace isolée par téléphone d'un homme ayant appris que sa femme le trompait pendant trois ans ne revêt pas un degré de gravité telle qu'elle serait à considérer comme un acte de persécution au sens desdits textes.

Quand bien même ce fait serait lié à l'un des critères énumérés par la Convention de Genève et qu'il serait suffisamment grave pour constituer un acte de persécution, notons que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, il convient de constater que vous n'avez à aucun moment ne serait-ce que contacté les autorités de votre pays d'origine et encore moins vous n'avez porté plainte contre …B… respectivement recherché de l'aide dans votre pays d'origine. On ne saurait ainsi reprocher une quelconque défaillance aux forces de l'ordre qui n'ont jamais été mises en mesure d'effectuer leur mission.

Notons à titre d'information que le Code pénal guinéen indique clairement que « Article 282: La menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable est punie de 1 à 3 ans d'emprisonnement et d'une amende de 500.000 à 1.000.000 de francs guinéens ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsqu'elle est soit réitérée, soit matérialisée par un écrit, une image ou tout autre objet. La peine est portée à 5 ans d'emprisonnement et l'amende à 2.000.000 de francs guinéens ou à l'une de ces deux peines seulement, s'il s'agit d'une menace de mort ».

A cela s'ajoute que votre comportement n'est manifestement pas celui d'une personne persécutée alors que vous indiquez en effet avoir quitté la Guinée pour vous rendre en Espagne et en France, où vous auriez séjourné pendant plusieurs mois sans avoir entrepris la moindre réelle démarche en vue de l'introduction d'une demande de protection internationale. Le fait que personne n'aurait décroché le téléphone en France quand vous auriez voulu « demander asile » respectivement qu'il y aurait prétendument du racisme en Espagne (p.6/12 du rapport d'entretien) ne saurait excuser toute autre inactivité. Votre comportement n'est manifestement pas celui d'une personne réellement persécutée respectivement en danger dans son pays d'origine est manifestement de nature à mettre en doute la gravité de votre situation dans votre pays d'origine.

Monsieur, il convient de mentionner que vous avez décidé d'introduire votre demande au Luxembourg après avoir lu qu'« on va te loger » (p.9/12 du rapport d'entretien). Or, un demandeur de protection internationale ne saurait choisir le pays où il introduit une demande de protection internationale pour des seules considérations de convenance personnelle.

Un tel comportement est incompatible avec un réel besoin de protection.

En ce qui concerne le fait que le père de …G… et des militaires corrompus auraient incarcéré votre frère pendant deux mois avant de le relâcher suite à des pourparlers avec les Imams en octobre 2018, il convient de noter qu'il s'agit en l'occurrence d'un fait non personnel.

Or, des faits non personnels mais vécus par un membre de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de 4protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, vous restez en défaut d'étayer un tel lien.

On ignore les motifs de l'incarcération si vraiment il y a eu une incarcération. De plus, votre frère aurait été libéré en octobre 2018 et il ne lui serait plus rien arrivé en Guinée depuis.

Quand bien même ce fait serait lié à votre personne, notons que, aussi déplorable et condamnable que cette action puisse être, elle ne pourra de nouveau pas être considérée comme acte de persécution ou crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. En effet, il s'agit d'un acte de vengeance qui n'est lié à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et la Loi de 2015, ce que vous avouez vous-même en disant que « C'était pour se venger » (p.8/12 du rapport d'entretien).

Notons à ce sujet que le Code pénal guinéen interdit et réprime la corruption des forces de l'ordre : « Article 192 : - Sera puni d'un emprisonnement de 1 à 5 ans et d'une amende double de la valeur des promesses agrées ou des choses reçues ou demandées sans que ladite amende puisse être inférieure à 100.000 francs guinéens, quiconque aura sollicité ou agréé des offres ou promesses, sollicité ou reçu des dons ou présents pour :

1 - Etant investi d'un mandat électif, fonctionnaire public de l'ordre administratif ou judiciaire, militaire ou assimilé, agent ou préposé d'une Administration publique ou citoyen chargé d'un ministère de service public, faire ou s'abstenir de faire un acte de ses fonctions ou de son emploi, juste ou non, mais non sujet à salaire […] ».

et « Article 333 : - Seront punis de la peine de la réclusion criminelle à temps de 5 à 10 ans :

1 - Ceux qui, sans ordre des autorités publiques et hors les cas où la loi ordonne de saisir les prévenus, auront arrêté, détenu ou séquestré des personnes quelconques ;

Si la détention ou la séquestration a duré plus de 1 mois la peine sera celle de la réclusion criminelle à temps de 10 à 20 ans ».

A cela s'ajoute que le gouvernement est en train d'activement combattre la violence arbitraire des forces de l'ordre. Dans ce contexte il échet de soulever que le ministre de la Sécurité publique « met également en garde les forces de l'ordre qui seront responsables 'd'abus ou d'exactions'. Ils devront 'répondre de leurs actes devant les tribunaux' ». Ceci confirme que le gouvernement combat activement les excès de pouvoir de ses propres forces de l'ordre.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d'être persécuté respectivement que vous risquez d'être persécuté en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs 5sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié, à savoir les menaces que vous auriez reçues de la part d'…B….

Ces menaces sont certes condamnables et regrettables, il y a cependant lieu de relever que vous ne pouvez faire valoir un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 point b de la Loi de 2015 que si les autorités guinéennes ne veulent ou ne peuvent vous fournir une protection effective contre ces menaces, ou si vous avez de bonnes raisons de ne pas vouloir vous réclamer de la protection des autorités de votre pays d'origine.

Or, vous affirmez ne pas avoir tenté d'obtenir la protection des autorités de votre pays.

En effet, il ne ressort pas des éléments de votre dossier que les autorités de votre pays d'origine ne seraient pas en mesure de vous protéger contre les menaces dont vous avez été l'objet. Il y a encore lieu de souligner qu'il existe dans votre pays d'origine une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les auteurs d'infractions et que vous aviez accès à cette protection.

A cela s'ajoute que le gouvernement est en train d'activement combattre la violence arbitraire des forces de l'ordre. Dans ce contexte il échet de soulever que le ministre de la Sécurité publique « met également en garde les forces de l'ordre qui seront responsables 'd'abus ou d'exactions'. Ils devront 'répondre de leurs actes devant les tribunaux' ».

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

3. Quant à la fuite interne En vertu de l'article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a 6aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.

En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires que vous n'auriez pas tenté de vous réinstaller dans une autre ville ou région de votre pays d'origine au motif que « la famille d'…B… se trouve partout en Guinée, donc partout où je serais on va me reconnaitre et on va le contacter » (p.10/12 du rapport d'entretien). Or, ces motifs ne constituent pas un obstacle à une réinstallation dans votre pays d'origine.

Ainsi, vous auriez pu vous installer à …, situé à 631 kilomètres de votre lieu de séjour permanent, deuxième plus importante ville en Guinée avec un port fluvial et un petit aéroport.

Ce déménagement vous aurait permis de vous éloigner de la famille d'…B…. Tenant compte de votre âge et de votre parfaite condition pour vous adonner à des activités rémunérées, vous n'établissez pas de raisons suffisantes pour lesquelles vous n'auriez pas été en mesure de vous y installer.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2020, Monsieur …A… fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 25 mars 2020 portant refus de sa demande de protection internationale et de celle lui ordonnant de quitter le territoire.

Par jugement du 11 août 2021, le tribunal administratif rejeta ce recours, pris en ses deux volets, comme non fondé.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 13 septembre 2021, Monsieur …A… a régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de son appel, il réexpose être originaire de Guinée et appartenir à l’ethnie peule. Il aurait quitté la Guinée en raison des menaces de mort proférées à son encontre par le dénommé …B…, l’époux de la femme avec laquelle il aurait entretenu une relation adultère durant trois ans. Il fait valoir que ce conflit dépasserait le cadre privé et serait motivé par des considérations ethniques, à savoir le conflit interethnique entre Peuls et Malinkés. Il insiste sur l’arrestation et l’emprisonnement arbitraires, dont son frère aurait fait l’objet à la demande du dénommé …B… et de sa belle-famille pour se venger de lui pour avoir entretenu une relation 7avec la femme de ce dernier et du déshonneur que cela aurait causé pour la famille de son amante.

En droit, l’appelant reproche en substance aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée des faits de la cause.

Il reproche ainsi plus particulièrement au tribunal d’avoir retenu que les faits invoqués ne rentreraient pas dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », alors que les faits invoqués ne relèveraient pas seulement d’un conflit d’ordre privé, mais s’expliqueraient surtout par l’existence de conflits interethniques doublés de tensions politiques. Son comportement constituerait un déshonneur pour le dénommé …B… et sa belle-famille, lesquels auraient décidé de tout mettre en œuvre pour se venger de lui. Il rappelle qu’il aurait été menacé de mort à plusieurs reprises par le dénommé …B… et que des militaires, agissant sans doute pour le compte de la belle-famille du dénommé …B…, laquelle serait « très riche », seraient allés dans sa famille pour arrêter son frère afin de lui mettre de la pression pour qu’il revienne au pays. Il affirme ainsi craindre pour sa vie, en cas de retour dans son pays d'origine, sans qu’il puisse compter sur la protection de ses autorités nationales au vu de la corruption du système judiciaire guinéen.

L’appelant estime partant remplir les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié ou à tout le moins le statut conféré par la protection subsidiaire.

L’Etat conclut en substance à la confirmation du jugement dont appel.

Concernant la demande du statut de réfugié, il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de ladite loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Ceci dit, sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour arrive à la conclusion que les premiers juges les ont appréciés à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.

L’appelant se prévaut principalement de menaces de mort proférées à son encontre par le dénommé …B… et la belle-famille de ce dernier, ainsi que de l’arrestation et de la détention arbitraires de son frère, pour avoir eu une relation avec l’épouse du dénommé …B….

8Or, ces problèmes que l’appelant affirme avoir rencontrés avec le mari et la famille de son amante, ainsi que l’a retenu à bon droit le tribunal, ne relèvent pas du champ d’application de la Convention de Genève, pour ne pas être motivés par la race, la nationalité, la religion, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social de l’appelant, mais par le fait que ce dernier a entretenu une relation avec une femme mariée dont le mari et sa belle-famille se sont sentis déshonorés par un tel comportement. Il s’agit d’un conflit d’ordre purement privé et toute tentative de l’appelant de rattacher ce conflit à son origine ethnique reste, tout comme en première instance, vaine, alors qu’aucun élément concret appuyant cette affirmation n’est fourni en cause laquelle reste à l’état de simple allégation.

En ce qui concerne les prétendues arrestation et détention arbitraires du frère de l’appelant, la Cour rejoint les premiers juges en leur analyse que les motifs de cette arrestation restent inconnus, l’appelant ne faisant que supposer que le dénommé …B… aurait orchestré cette arrestation avec l’aide de sa belle-famille pour se venger de lui en raison de sa relation avec l’épouse du dénommé …B…. Selon les propres déclarations de l’appelant, les militaires auraient accepté de relâcher son frère après paiement d’une somme d’argent, ce qui n’est pas de nature à étayer sa thèse que cette arrestation aurait un lien avec son vécu à lui.

En conséquence, l’appelant n’établit pas qu’il a quitté son pays d’origine ou qu’il en reste éloigné par crainte d’être persécuté au sens de l’article 1er, section A, § 2, de la Convention de Genève, sinon de l’article 2 sub f) de la loi du 18 décembre 2015.

C’est partant à bon droit que les premiers juges ont refusé à Monsieur …A… le statut de réfugié.

Concernant la demande du statut conféré par la protection subsidiaire, l’article 2 sub g) de la loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que » si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

Ledit article 48 énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L’octroi de la protection subsidiaire est ainsi notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

L’appelant invoque à l’appui de sa demande du statut conféré par la protection subsidiaire les mêmes faits que ceux invoqués à l’appui de sa demande du statut de réfugié.

En ce qui concerne les craintes mises en avant par l’appelant en rapport avec les menaces de mort qu’il aurait reçues, la Cour rejoint les premiers juges en leur analyse que même si le système judiciaire et policier en Guinée connaît des dysfonctionnements et ne 9rencontre pas nécessairement les standards européens, il ne ressort pas des éléments du dossier que Monsieur …A… n’aurait pas pu obtenir une protection suffisante, dans sa situation personnelle, dans son pays d’origine contre les agissements dont il fait état, à l’égard des membres de la famille et du mari de son amante. Il ressort en outre des déclarations de l’appelant que son frère, depuis sa libération en 2018 au bout de deux mois suite au paiement d’une rançon, n’a plus rencontré de problèmes et qu’il n’a pas non plus essayé de déposer une plainte contre ces agents corrompus.

Dans ce contexte, les premiers juges ont rappelé à bon escient que si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection, s’il n’a pas lui-même tenté formellement d’obtenir une telle protection. En effet, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect de protection du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut. Une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de violences et de menaces, communément la forme d’une plainte.

Dans ces conditions, la Cour est amenée à constater que l’appelant est resté et reste en défaut de démontrer que les autorités de son pays d'origine ne veulent pas ou ne peuvent pas lui fournir une protection effective.

Il suit des considérations qui précèdent que l’appelant n’est pas fondé à se prévaloir de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015.

Enfin, la Cour constate que l’appelant ne prétend pas que la situation prévalant actuellement en Guinée correspondrait à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015. En tout état de cause, la Cour n’aperçoit ni dans les déclarations de l’appelant, ni dans les pièces du dossier administratif une quelconque indication de l’existence d’une telle situation, en sorte que cette partie de la disposition ne trouve pas à s’appliquer.

Partant, il y a également lieu de déclarer non fondée la demande de protection subsidiaire de l’appelant.

L’appelant sollicite encore la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de la protection internationale, comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale.

Dans la mesure où le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

10 Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

partant, confirme le jugement entrepris du 11 août 2021 ;

donne acte à l’appelant de ce qu’il déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 novembre 2021 Le greffier de la Cour administrative 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46456C
Date de la décision : 09/11/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-11-09;46456c ?

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