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07/12/2023 | LUXEMBOURG | N°49764C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 07 décembre 2023, 49764C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49764C ECLI:LU:CADM:2023:49764 Inscrit le 30 novembre 2023

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Audience publique du 7 décembre 2023 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 27 novembre 2023 (n° 49725 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.08.2008)

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 49764C ECLI:LU:CADM:2023:49764 Inscrit le 30 novembre 2023

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Audience publique du 7 décembre 2023 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 27 novembre 2023 (n° 49725 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120 L. 29.08.2008)

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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 49764C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 30 novembre 2023 par Maître Pierre-Marc KNAFF, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, dirigée contre le jugement du 27 novembre 2023 (n° 49725 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg a déclaré non fondé son recours en réformation dirigé contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 novembre 2023 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 5 décembre 2023 par Madame le délégué du gouvernement Corinne WALCH;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique de ce jour.

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Il ressort d’un rapport de la Police grand-ducale, Région Sud-Ouest, Commissariat …, du 17 août 2023, référencé sous le numéro …, dit « Fremdennotiz », qu’en date du même jour, Monsieur (A) fut appréhendé par les forces de l’ordre, sans qu’il n’ait pu présenter de documents d’identité ou de voyage valables.

Par arrêté du 17 août 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de le quitter sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur ledit territoire pour une durée de cinq ans.

Par arrêté ministériel séparé du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres à cette même date, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 17 août 2023 établi par la Police grand-ducale, Région Sud-

Ouest, Commissariat … ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Par arrêté du 15 septembre 2023, notifié à l’intéressé en mains propres à cette même date, le ministre prorogea ce placement en rétention pour une durée d’un mois avec effet au 17 septembre 2023. Le recours contentieux dirigé contre ledit arrêté fut rejeté par un jugement non appelé du tribunal administratif du 2 octobre 2023, inscrit sous le numéro 49461 du rôle.

Par arrêté du 16 octobre 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre prorogea une deuxième fois le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet à partir de la notification. Le recours contentieux dirigé contre ledit arrêté fut rejeté par un jugement non appelé du tribunal administratif du 31 octobre 2023, inscrit sous le numéro 49621 du rôle.

Par arrêté du 15 novembre 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le 17 novembre 2023, le ministre prorogea une troisième fois la susdite mesure de placement pour une durée d’un mois à partir de la notification. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mes arrêtés des 17 août, 15 septembre et 16 octobre 2023, notifiés le 17 août, le 15 septembre avec effet au 17 septembre et le 17 octobre 2023, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 17 août 2023 subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 novembre 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 15 novembre 2023.

Par jugement du 27 novembre 2023, le tribunal administratif déclara ce recours en réformation non fondé et condamna le demandeur aux frais et dépens.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 30 novembre 2023, Monsieur (A) a fait entreprendre le jugement précité du 27 novembre 2023 dont il sollicite la réformation, afin de voir réformer la décision ministérielle critiquée et de voir ordonner sa mise en liberté immédiate, sinon l’application de mesures moins coercitives dans l’attente de son éloignement.

Dans un premier ordre d’idées, l’appelant reproche au ministre d’avoir ordonné son placement en rétention, alors que des mesures moins coercitives auraient concrètement été envisageables.

Ainsi, l’appelant estime qu’il aurait suffi de lui enjoindre de se présenter régulièrement à des intervalles fixes auprès d'un service donné.

Il précise disposer d'une adresse en Belgique depuis le 4 décembre 2022, renouvelée en date du 23 octobre 2023, « notamment » à B-…, laquelle garantirait qu’il ne se dérobe pas aux autorités luxembourgeoises.

Il ajoute avoir « introduit une demande de regroupement familial alors que son épouse est de nationalité belge et également déclarée à cette même adresse ».

Enfin, il déclare être disposé à fournir une garantie financière d'un montant de ….- €, afin de « garantir son maintien sur le territoire luxembourgeois ».

Dans un deuxième ordre d’idées, l’appelant estime que le fait qu’il aurait sa vie affective et sociale en Belgique, où il résiderait à quelques kilomètres de la frontière luxembourgeoise depuis 2022 et où il disposerait d'une résidence officielle et où il entendrait « régulariser » sa situation, établirait l’inexistence de tout risque de fuite dans son chef.

Enfin, les démarches entreprises en vue de préparer son éloignement seraient quasi inexistantes, bien qu’il se trouve placé en rétention depuis le mois d'août 2023 et qu’il aurait parfaitement coopéré avec les autorités luxembourgeoises.

Au-delà, les démarches entreprises auprès des autorités étrangères se révéleraient inefficaces.

L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel.

Le juge n’étant pas tenu de respecter l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties à l'instance, la Cour procédera en premier lieu à l’examen du second moyen tiré de la non-vérification d’un risque de fuite dans le chef de l’appelant, ce moyen apparaissant préalable.

Si une décision de placement en rétention table notamment sur la prémisse de base de l’existence d’un risque de fuite dans le chef de la personne visée par pareille mesure, la Cour est amenée à constater qu’en l’espèce, en présence d’une personne démunie de documents de voyage et séjour valables et qui se trouve sous le coup d’une décision d’interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire luxembourgeois, ainsi que d’une décision de retour, il existe un faisceau d’éléments concordants laissant présupposer, en application de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1, de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après la « loi du 29 août 2008 », un risque patent dans le chef de l’actuel appelant qu’il se soustraie en cas de non-rétention à son éloignement vers son pays d’origine, l’appelant restant non seulement en défaut de fournir des éléments concrets susceptibles de renverser cette présomption, mais la mise en balance par lui de ce qu’il disposerait d’une résidence en Belgique auprès de son épouse qu’il entendrait rejoindre, est au contraire de nature à la renforcer. En effet, il se dégage de façon patente de pareil argumentaire que l’appelant n’entend pas rester sur le territoire luxembourgeois et, de la sorte, a l’intention de se soustraire à la mainmise des autorités luxembourgeoises et partant à une mesure d’éloignement vers son pays d’origine, étant remarqué que pour l’heure, aucun droit de séjour en Belgique et partant aucune possibilité d’éloignement vers ce pays n’est palpable.

Au-delà, au regard de cet état des choses autour de l’existence d’un centre de vie à l’étranger dans le chef de l’appelant et de son intention clairement exprimée de quitter le territoire vers la Belgique, l’appelant ne saurait pas non plus être suivi en son premier moyen tendant à revendiquer des mesures moins coercitives qu’un placement en rétention.

En effet, dans ce cas de figure, l’intéressé ne remplit pas la condition fondamentale requise, par l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, à savoir la présentation de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite, le simple dépôt d’une garantie financière n’étant manifestement pas suffisant pour appeler une analyse différente.

Concernant enfin les contestations de l’appelant par rapport à la suffisance des diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement, la Cour rejoint et fait siennes les considérations pertinentes des premiers juges qui les ont amenés à conclure à la vérification d’une procédure exécutée avec toutes les diligences nécessaires.

Ainsi, ils ont pointé à bon escient que dès le lendemain du placement en rétention de l’appelant, les autorités belges ont été contactées pour clarifier sa situation en Belgique, -

lesquelles autorités belges ayant informé celles requérantes d’une situation « de séjour illégal en 2014 » dans le chef du concerné et de sa « (…) [radiation ] du registre de la population (perte du droit au séjour) en date du 23/05/2023 »- et dès le 22 août 2023, les autorités consulaires algériennes à Bruxelles ont été approchées en vue de l’identification de l’appelant, démarches qui n’ont certes pas encore aboutis, mais les autorités luxembourgeoises restent en contact avec celles du consulat algérien, un entretien téléphonique ayant eu lieu en date du 29 septembre 2023 entre l’agent en charge du dossier auprès de la direction de l’Immigration et Madame la Vice-Consule du Consulat d’Algérie et des relances régulières leur sont adressées en vue de voir avancer les choses, la Cour relevant que la dernière relance, en date du 17 novembre 2023, a entretemps reçu une réponse des autorités consulaires algériennes informant le ministre que le dossier de l’appelant est en cours d’examen par les autorités compétentes à Alger.

Ainsi, au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, lequel reste essentiellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères, le reproche de l’appelant quant à la mise en œuvre de trop peu de diligences laisse d’être vérifié en fait, le dispositif de l’éloignement étant en cours et apparaissant au contraire être poursuivi avec des diligences adéquates et proportionnées.

La Cour, à l’instar des premiers juges, n’entrevoit pas non plus en quoi la poursuite de la mesure menée à l’encontre de l’appelant constituerait, dans les circonstances de la cause, une atteinte injustifiée à son droit à la liberté de mouvement, consacré par les articles 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 6 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 27 novembre 2023;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel;

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 décembre 2023 Le greffier de la Cour administrative 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49764C
Date de la décision : 07/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 13/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-12-07;49764c ?

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