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14/12/2023 | LUXEMBOURG | N°139/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 décembre 2023, 139/23


N° 139 / 2023 pénal du 14.12.2023 Not. 23388/21/CD Numéro CAS-2023-00038 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quatorze décembre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 22 février 2023 sous le numéro 87/23 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;


Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Benoît ENTRINGER, avocat à la Cour, a...

N° 139 / 2023 pénal du 14.12.2023 Not. 23388/21/CD Numéro CAS-2023-00038 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quatorze décembre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 22 février 2023 sous le numéro 87/23 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par Maître Benoît ENTRINGER, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 22 mars 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 21 avril 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné PERSONNE1.) à une amende du chef d’infraction à l’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau (ci-

après « la loi modifiée du 19 décembre 2008 ») et aux articles 18, 42 et 47 de la loi du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, qui prévoit que toute décision de justice se doit d’être motivée, en ce que l’arrêt entrepris contient une claire et indéniable contradiction dans ses motifs, valant absence totale de motifs. ».

Réponse de la Cour Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalent à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.

L’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 dispose « Il est interdit d’altérer les conditions physiques, chimiques ou biologiques des eaux de surface ou souterraines : 1. en jetant, en déposant, ou en introduisant, directement ou indirectement, volontairement ou involontairement, dans les eaux de surface ou souterraines des substances solides, liquides ou gazeuses polluées, polluantes ou susceptibles de polluer (…) ».

En retenant « Ainsi, les interdictions stipulées à l’article 22 de la prédite loi souffrent des exceptions, en sollicitant des autorisations auprès du ministre compétent.

En l’occurrence, il n’est pas contesté que PERSONNE1.) dispose d’une autorisation, dénommée en langue luxembourgeoise , afin de pouvoir traiter ses vignes avec des produits chimiques. » et « Il résulte de l’audition du 30 juillet 2021 que le prévenu PERSONNE1.) ne dispose pas du matériel nécessaire pour laver ses machines dans les champs, raison pour laquelle il a lavé ses machines dans la cour de son exploitation.

Cependant, à défaut de bâche imperméable et de protection anti-

débordement, les eaux de lavage se sont déversées directement dans la rigole menant directement dans le ruisseau . », 2 les juges d’appel ne se sont pas contredits. Il n’existe pas d’opposition entre le constat que le demandeur en cassation est titulaire d’un « Sprëtzpass » et le fait de le retenir dans les liens de la prévention à l’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, en ce que c’est à tort et en violation du texte précité que les juges du fond ont refusé de saisir la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles soulevées devant eux par PERSONNE1.). ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 6, alinéa 2, de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, une juridiction est dispensée de saisir la Cour constitutionnelle lorsqu’elle estime qu’une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement, que la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement, ou que la Cour constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.

En constatant que l’article 23 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 prévoyait des exceptions aux interdictions stipulées à l’article 22 de la même loi, de sorte que le pouvoir législatif n’avait pas entravé la liberté de l’exercice du travail viticole, mais avait posé uniquement un cadre pour l’exercice de ce travail et que l’article 61 prévoit des sanctions pénales pour les infractions commises, les juges d’appel ont pu décider qu’une question préjudicielle sur la conformité de ces dispositions légales à l’article 11 (6) de la Constitution était dénuée de tout fondement.

En constatant que les agissements visés à l’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 ne sont pas punissables s’ils sont couverts par une autorisation délivrée au titre de l’article 23 et que l’article 61 de la même loi prévoit clairement les sanctions encourues en cas de violation des articles 22 et 23, de sorte qu’aucun problème de spécification de l’incrimination ne se posait, les juges d’appel ont pu décider qu’une question préjudicielle sur la conformité de ces dispositions légales aux articles 12 et 14 de la Constitution était dénuée de tout fondement.

Une violation de la disposition visée au moyen n’est pas établie.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

3 PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 3,75 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, quatorze décembre deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, qui, à l’exception du président Thierry HOSCHEIT et du conseiller Christiane JUNCK, qui se trouvaient dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du premier avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public (CAS-2023-00038) Par déclaration au greffe de la Cour supérieure de justice en date du 22 mars 2023, PERSONNE1.) a formé un recours en cassation contre un arrêt numéro 87/23 (not.

23388/21/CD) rendu le 22 février 2023 par la Cour d’appel de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement.

La déclaration de recours a été faite auprès du greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée, dans les formes prévues à l’article 417 du Code de procédure pénale. Le pourvoi a été introduit dans le délai d’un mois prévu à l’article 41 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Cette déclaration a été suivie du dépôt au greffe de la Cour supérieure de justice d’un mémoire en cassation en date du 21 avril 2023.

Le pourvoi est recevable.

Sur les faits Par jugement n° 1923/2022 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre correctionnelle, rendu contradictoirement en date du 13 juillet 2022, PERSONNE1.) a été condamné à une peine d’amende de 1.500.- euros du chef d’infraction à l’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau et aux articles 18, 42 et 47 de la loi du 21 mars 2012 relative à la gestion des déchets.

De ce jugement, PERSONNE1.) a relevé appel en date du 24 novembre 2021, tandis que le ministère public a relevé appel en date du 26 juillet 2022. Le ministère public a interjeté appel en date du 27 juillet 2022.

En date du 22 février 2023, la Cour d’appel a rendu un arrêt n°87/23 qui reçoit les appels en la forme, les dit non fondés, dit qu’il n’y a pas lieu de saisir la Cour constitutionnelle, et confirme le jugement entrepris.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution pour contradiction de motifs valant défaut de motifs.

Les juges du fond ont retenu que PERSONNE1.) a contrevenu à l’article 22 de la loi du 19 décembre 2008 relative à l’eau, qui dispose qu’ « il est interdit d’altérer les conditions physiques, chimiques ou biologiques des eaux de surface ou souterraines : 1. en jetant, en déposant, ou en introduisant, directement ou indirectement, volontairement ou involontairement, dans les eaux de surface ou souterraines des substances solides, liquides ou gazeuses polluées, polluantes, ou susceptibles de polluer ; […] ».

La Cour d’appel a constaté que « les interdictions stipulées à l’article 22 de la prédite loi souffrent des exceptions, en sollicitant des autorisations auprès du ministre compétent »12.

L’arrêt poursuit :

« En l’occurrence, il n’est pas contesté que PERSONNE1.) dispose d’une autorisation, dénommée en langue luxembourgeoise « Sprëtzpass », afin de pouvoir traiter ses vignes avec des produits chimiques.

L’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau n’entrave pas l’exercice du travail viticole, mais pose uniquement un cadre pour l’exercice de ce travail, PERSONNE1.) n’étant partant pas incapable d’exercer son travail de viticulteur.»3.

L’arrêt dont pourvoi n’a toutefois pas constaté que le « Sprëtzpass » dont dispose PERSONNE1.) serait une autorisation délivrée sur la base de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 relative à l’eau, permettant « le déversement direct ou indirect de substances solides ou gazeuses ainsi que de liquides autres que l’eau visée au point c) dans les eaux de surface et les eaux souterraines ».

Les 4 types de certificats communément appelés « Sprëtzpass » dans le langage courant, sont délivrés en application du règlement grand-ducal du 26 septembre 2017 relatif à la vente, à l’utilisation et au stockage des produits pharmaceutiques, qui a été pris sur la base de la loi du 19 décembre 2014 relative aux produits phytopharmaceutiques, de la loi modifiée du 30 novembre 1976 portant réorganisation de l'Administration des services techniques de l'agriculture, du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil et du règlement (CE) n° 1185/2009 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 relatif aux statistiques sur les pesticides.

Rien ne permet de conclure qu’il s’agirait d’une autorisation permettant le déversement direct ou indirect de produits phytopharmaceutiques dans les eaux de surface et les eaux souterraines. L’arrêt attaqué n’a d’ailleurs nullement constaté que le « Sprëtzpass » 1 Arrêt du 22 février 2023, page 10, 2e paragraphe 2 L’article 23, paragraphe 1er, dispose que « sont soumis à l’autorisation des ministre : […] d) le déversement direct ou indirect de substances solides ou gazeuses ainsi que de liquides autres que l’eau visée au point c) dans les eaux de surface et les eaux souterraines ».

3 ibidem., page 10, 3e paragrapheconstituerait une autorisation délivrée sur la base de l’article 23 de la loi du 19 décembre 2008 précitée. 4 Le grief de la contradiction de motifs ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision.

La contradiction de motifs ne vicie l’arrêt que si elle est réelle et profonde, c’est-à-dire que s’il existe entre les deux motifs incriminés une véritable incompatibilité.

En l’espèce, il n’existe pas d’incompatibilité entre le constat que le prévenu est titulaire d’un « Sprëtzpass » et le fait de le retenir dans les liens de la prévention à l’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau.

Sur le deuxième moyen de cassation:

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle.

Le demandeur en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir considéré que les questions préjudicielles qu’il voulait voir soumettre à la Cour constitutionnelle seraient dénuées de tout fondement et qu’elle se serait ainsi à tort dispensé de déférer la question de constitutionnalité à la juridiction compétente.

En ce qui concerne les questions préjudicielles soulevées par le mandataire de PERSONNE1.), l’arrêt attaqué a retenu qu’ « à l’audience de la Cour d’appel du 30 janvier 2023, le mandataire de PERSONNE1.) demande à la Cour de renvoyer l’affaire devant la Cour constitutionnelle pour voir statuer sur deux questions préjudicielles relatives à la conformité des articles 22 et 61 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau par rapport aux articles 11 (6), 12 et 14 de la Constitution, sans cependant formuler une quelconque question préjudicielle, et sollicite la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’arrêt à intervenir soit notifié à la Cour»5.

Quant à la question de la conformité des articles 22 et 61 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau par rapport à l’article 11 (6) de la Constitution, l’arrêt entrepris est motivé comme suit :

« L’article 11 (6) de la Constitution dispose en son point 6 que « la liberté du commerce et de l’industrie, l’exercice de la profession libérale et du travail agricole sont garantis, sauf les restrictions à établir par la loi. » 4 A la page 10, 3e paragraphe, de l’arrêt du 22 février 2023 :

« En l’occurrence, il n’est pas contesté que Jean-Marc BECK dispose d’une autorisation, dénommée en langue luxembourgeoise « Sprëtzpass », afin de pouvoir traiter ses vignes avec des produits chimiques ». (nous soulignons) 5 ibidem, page 8, 2e paragraphe Le travail viticole, n’étant qu’une branche du travail agricole, est compris dans les dispositions de l’article 11 (6) de la Constitution qui garantit le droit au travail agricole.

Toute restriction à ce principe est d’interprétation stricte et ne peut intervenir qu’en vertu d’une loi formelle. En outre, toute suppression de ce droit est contraire à l’ordre public. Cependant, il n’en va pas ainsi de la simple restriction.

En effet, dans un arrêt du 4 juin 1953, la Cour Supérieure de Justice (Cass. 4.6.1953, Pas. 15, p.498) a, en se référant aux travaux parlementaires de la loi de révision constitutionnelle du 21 mai 1948, retenu que la portée de l’alinéa 6 de l’article 11 de la Constitution est de « garantir le droit au travail et d’empêcher que l’accès aux professions énumérées à son texte ne puisse être interdit autrement qu’en vertu d’une loi formelle », le pouvoir législatif pouvant ainsi apporter des restrictions à la liberté du travail agricole.

L’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau dispose que :

« Il est interdit d’altérer les conditions physiques, chimiques ou biologiques des eaux de surface ou souterraines :

1. en jetant, en déposant, ou en introduisant, directement ou indirectement, volontairement ou involontairement, dans les eaux de surface ou souterraines des substances solides, liquides ou gazeuses polluées, polluantes ou susceptibles de polluer ;

2. en prélevant directement ou indirectement de l’eau ainsi que des substances solides ou gazeuses dans les eaux de surface ou souterraines ;

3. en modifiant les caractéristiques intrinsèques des eaux de surface et souterraines par des agents physiques ;

4. en modifiant le régime hydrologique des eaux de surface. » L’article 61 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau prévoit les sanctions pénales, punissant notamment d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de 251 à 750.000 euros ou d’une de ces peines seulement, toute infraction aux articles 22 et 23 de la prédite loi.

S’il est vrai que l’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau interdit toute utilisation de produits phyto-pharmaceutiques, essentiels à l’exercice de la profession de viticulteur, il appert cependant de l’article 23 de la même loi que les interdictions visées à l’article 22 peuvent subir des exceptions au moyen d’autorisations émises par le ministre. En effet, l’article 23, point 1 d), dispose que « sont soumis à autorisation par le ministre d) le déversement direct ou indirect de substances solides ou gazeuses ainsi que de liquides autres que l’eau visée au point c) dans les eaux de surface ou dans les eaux souterraines ».

8 Ainsi, les interdictions stipulées à l’article 22 de la prédite loi souffrent des exceptions, en sollicitant des autorisations auprès du ministre compétent.

En l’occurrence, il n’est pas contesté que PERSONNE1.) dispose d’une autorisation, dénommée en langue luxembourgeoise « Sprëtzpass », afin de pouvoir traiter ses vignes avec des produits chimiques.

L’article 22 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau n’entrave pas l’exercice du travail viticole, mais pose uniquement un cadre pour l’exercice de ce travail, PERSONNE1.) n’étant partant pas incapable d’exercer son travail de viticulteur.

La question préjudicielle relative à la conformité des articles 22 et 61 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau par rapport à l’article 11 (6) de la Constitution est partant dénuée de tout fondement, de sorte qu’il n’y a pas lieu de soumettre cette question à la Cour constitutionnelle. »6 En constatant que la législation prévoyait des exceptions aux interdictions prévues à l’article 22 de la loi du 19 décembre 2008 relative à l’eau, de sorte que le pouvoir législatif a seulement apporté des restrictions à la liberté du travail agricole, la Cour d’appel a correctement motivé en quoi la question préjudicielle était dénuée de tout fondement.

Quant à la question de la conformité des articles 22 et 61 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau par rapport aux articles 12 et 14 de la Constitution, l’arrêt attaqué est motivé comme suit :

« L’article 12 de la Constitution dispose que « la liberté individuelle est garantie » tandis que l’article 14 de la Constitution dispose que « nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi ».

La notion de liberté individuelle telle que définie à l’article 12 de la Constitution vise la liberté physique d'aller et de venir et les diverses mesures de restriction de liberté susceptibles d’être prises à l’encontre d’une personne (voir p.ex. Cour constit., 28 mai 2004, n° 20/04, Cour constit., 9 décembre 2011, n° 68/11) Or, en l’occurrence, il est question de restrictions dans le cadre de l’exercice du travail de viticulteur, de sorte qu’on ne saurait parler de liberté individuelle dans le sens de l’article 12 de la Constitution.

Il ressort de l'article 14 de la Constitution que pour être prononcée, une peine doit être prévue par la loi, tant par son existence que par son taux de sévérité, et au jour de la commission du fait et à celui de la décision qui l'inflige. Le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour en exclure l'arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la nature et le type des agissements sanctionnables. Le principe de la spécification de 6 ibidem, page s 9 et 10l'incrimination est partant le corollaire de celui de la légalité de la peine consacrée par l'article 14 de la Constitution (Cour Constitutionnelle, Arrêt 12/02 du 22 mars 2002, Mémorial A, n° 40, 12 avril 2002, p. 672).

En d’autres termes, le droit pénal doit être accessible et prévisible. Le justiciable doit être en mesure de déterminer au préalable si ses agissements sont susceptibles d’être sanctionnés pénalement.

En l’espèce, l’article 61 de la loi du 19 décembre 2008 relative à l’eau prévoit clairement les sanctions pénales encourues pour les infractions commises à l’encontre des articles 22 et 23 de la prédite loi, de sorte que le prévenu PERSONNE1.) ne pouvait ignorer la sanction pénale pour les faits incriminés.

Ainsi, la question constitutionnelle est dénuée de tout fondement, de sorte qu’en application de l’article 6 alinéa 2 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, il n’y a pas lieu à renvoi préjudiciel.

Il n’y a dès lors pas lieu de surseoir à statuer. » La Cour d’appel a correctement constaté qu’aucune question de liberté individuelle au sens de l’article 12 de la Constitution ne se posait. C’est à juste titre que la question de la conformité des articles 22 et 61 de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau par rapport à l’article 12 de la Constitution a été considérée comme dénuée de tout fondement.

En ce qui concerne la question de la conformité par rapport à l’article 14 de la Constitution, la Cour d’appel a relevé à juste titre que le droit pénal doit être accessible et prévisible et que le justiciable doit être en mesure de déterminer au préalable si ses agissements sont susceptibles d’être sanctionnés pénalement.

Il était reproché à PERSONNE1.) d’avoir introduit une quantité indéterminable de produits phytosanitaires dans une rigole connectée à l’aide d’un conduit à la «Donwerbach», et d’avoir ainsi contrevenu à l’article 22 de la loi modifiée du 9 décembre 2008 relative à l’eau. Le demandeur en cassation ne conteste pas que l’acte lui reproché tombe sous les interdictions prévues par l’article 22 précité.

L’argument du demandeur en cassation consiste à affirmer que toute alternative à l’action prohibée serait tout aussi contraire à la loi et qu’« en l’espèce, le justiciable se trouve face à une situation où tout comportement de sa part est susceptible d’être appréhendé et d’entraîner sa condamnation en vertu des articles 22 et 61 de la loi de 2008, telle que postérieurement modifiée ». Une question de conformité à l’article 14 de la Constitution se poserait dès lors au niveau de la spécification de l’incrimination.

Or, il s’agit d’une question purement théorique et hypothétique, sur laquelle la Cour d’appel n’avait pas à statuer. Les seuls faits que les juges du fond devaient examiner étaient ceux reprochés au prévenu et il ne leur appartenait pas de se prononcer sur le caractère éventuellement illicite d’autres comportements alternatifs.

L’arrêt attaqué a retenu que le mandataire du demandeur en cassation a plaidé que « l’action telle qu’accomplie par son mandant ainsi que toute alternative à cette action seraient contraires à la loi, ce qui réduirait à néant toute alternative d’action dans le chef de PERSONNE1.) »7.

Le caractère répréhensible de l’action reprochée au demandeur en cassation n’a fait l’objet d’aucune contestation, de sorte qu’aucun problème de spécification de l’incrimination ne se posait. S’y ajoute qu’en instance d’appel le demandeur en cassation n’a formulé aucune question préjudicielle précise.

C’est dès lors à bon droit que l’arrêt attaqué s’est limité à examiner la seule question de la prévisibilité de la sanction pénale. En constatant que l’article 61 de la loi du 19 décembre 2008 relative à l’eau prévoit clairement les sanctions pénales encourues pour les infractions commises à l’encontre de l’article 22 de la prédite loi, la Cour d’appel a correctement motivé en quoi la question préjudicielle était dénuée de tout fondement.

Le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le 1er avocat général, Marie-Jeanne Kappweiler 7 ibidem, page 7, 4e paragraphe 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 139/23
Date de la décision : 14/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-12-14;139.23 ?

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