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14/12/2023 | LUXEMBOURG | N°141/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 décembre 2023, 141/23


N° 141 / 2023 pénal du 14.12.2023 Not. 20065/21/CD Numéro CAS-2023-00044 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quatorze décembre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), citante directe par tierce opposition, demanderesse en cassation, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la

liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’...

N° 141 / 2023 pénal du 14.12.2023 Not. 20065/21/CD Numéro CAS-2023-00044 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, quatorze décembre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE1.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), citante directe par tierce opposition, demanderesse en cassation, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Paul MOUSEL, avocat à la Cour, en présence du Ministère public et de 1) la société anonyme de droit letton SOCIETE2.), actuellement en procédure d’insolvabilité, établie et ayant son siège social à LV-ADRESSE2.), inscrite au registre des personnes sous le numéroNUMERO2.), représentée par le curateur, la société de droit letton SOCIETE3.) SIA, établie et ayant son siège social à LV-

ADRESSE3.), inscrite au registre des personnes sous le numéroNUMERO3.), représentée par les organes statutaires, nommée par jugement du tribunal régional de Riga en date du 23 décembre 2011, 2) la société de droit letton SOCIETE3.) SIA, établie et ayant son siège social à LV-ADRESSE3.), inscrite au registre des personnes sous le numéroNUMERO3.), prise en sa qualité de curateur ou de liquidatrice de la société SOCIETE2.), représentée par les organes statutaires, citées directes sur tierce opposition, défenderesses en cassation, comparant par Maître Lionel SPET, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 3) PERSONNE1.), demeurant à ADRESSE4.), 4) PERSONNE2.), demeurant à LV-ADRESSE5.), 5) PERSONNE3.), demeurant à LV-ADRESSE6.), 6) PERSONNE4.), demeurant à LV-ADRESSE7.), 7) PERSONNE5.), demeurant à LV-ADRESSE8.), 8) le Ministère de la Justice de la République de Lettonie, ayant ses bureaux à LV-1536 Riga, Lettonie, Brivibas bulvaris, 36, cités directs sur tierce opposition, défendeurs en cassation, ne comparant pas, 9) le Ministère public, ayant ses bureaux à L-2080 Luxembourg, Cité Judiciaire, Plateau du Saint-Esprit, cité direct sur tierce opposition, défendeur en cassation, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 7 mars 2023 sous le numéro 103/23 V. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil formé par Maître Linda GOEDERT, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Paul MOUSEL, avocat à la Cour, au nom de la société anonyme SOCIETE1.) (ci-après « la société SOCIETE1.) »), suivant déclaration du 3 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 27 avril 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.), à PERSONNE2.), à PERSONNE3.), à PERSONNE4.), à PERSONNE5.), au Ministère de la Justice de la République de 2 Lettonie, au Procureur d’Etat près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, à la société SOCIETE2.) (ci-après « la société SOCIETE2.) ») et à la société SOCIETE3.) SIA, déposé le 28 avril 2023 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 24 mai 2023 par la société SOCIETE2.) et la société SOCIETE3.) SIA à la société SOCIETE1.), à la société ARENDT & MEDERNACH, à PERSONNE1.), à PERSONNE2.), à PERSONNE3.), à PERSONNE4.), à PERSONNE5.), au Ministère de la Justice de la République de Lettonie et au Procureur d’Etat près le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, déposé le 25 mai 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Sandra KERSCH.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait, d’une part, déclaré exécutoire au Grand-Duché de Luxembourg la décision rendue par la juridiction d’appel lettone « Rigas apgabaltiesas Kriminallietu tiesu kolegija » en ce qu’elle avait ordonné la restitution des avoirs d’un montant de 15.025.222,21 euros inscrits sur le compte ouvert par la société SOCIETE2.) auprès de la société SOCIETE1.) et avait, d’autre part, ordonné la confiscation de ce montant ainsi que sa restitution à la société SOCIETE2.).

Statuant sur la tierce opposition formée contre ce jugement par la société SOCIETE1.), qui n’avait pas été partie à l’instance d’exequatur, mais qui faisait valoir qu’elle avait acquis des droits sur les avoirs monétaires suite à l’exécution d’un contrat de gage, le Tribunal avait déclaré celle-ci irrecevable. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 612 du Nouveau Code de procédure civile (ci-après, le ), aux termes duquel :

ses droits, et lors duquel, ni elle ni ceux qu'elle représente, n'ont été appelés. » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le Jugement Entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable ;

aux motifs que :

Le Code de procédure pénale ne prévoit donc pas la tierce opposition comme voie de recours à l'encontre d'une décision pénale.

3 L'article 612 du Nouveau code de procédure civile dispose que : "Une partie peut former tierce-opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle ni ceux qu'elle représente, n'ont été appelés".

Cependant, l'article 612 du Nouveau code de procédure civile n'est pas applicable en matière pénale. En effet, et comme les juges de première instance l'ont rappelé sur base de la jurisprudence, notamment de l'arrêt de la Cour d'appel du 20 mars 1992, "s'il est de principe que dans le silence du Code d'instruction criminelle, il faut recourir aux normes de la procédure civile qui constitue le droit commun, cette règle ne vaut que pour autant que son effet est purement supplétif et ne saurait en aucun cas créer de toute pièce sur le plan pénal des voies de recours qui n'y existent pas" (Cour d'appel, 20 mars 1992, arrêt no 72/92 V).

Pour ce qui concerne l'argumentation de la défense de la SOCIETE1.) tirée du fait que la procédure de prise à partie prévue dans le Nouveau code de procédure civile est possible en matière pénale, celle-ci n'est pas pertinente pour la solution du présent litige. En effet, la prise à partie est introduite par un justiciable contre un juge, pour des faits qui sont à qualifier de dol, fraude, concussion, un cas de mise en œuvre de la responsabilité civile du juge prévu par la loi ou encore un déni de justice et non pas contre un jugement rendu dans une matière spécifique. Ainsi, la Cour de cassation a eu à connaître d'une requête tendant à obtenir la permission de prendre à partie un magistrat dans le cadre d'une procédure pénale (Cour de cassation, 24 juin 2021, no 99/2021).

Par ailleurs, le moyen de la SOCIETE1.) tiré de ce que selon la jurisprudence belge le recours de la tierce opposition est admissible en matière pénale est à rejeter.

En effet, si la jurisprudence belge, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation rendu le 9 février 1988, a retenu que la tierce opposition du propriétaire d'un bien est recevable devant la juridiction pénale, tel n'est pas le cas de la jurisprudence luxembourgeoise. De même, si le texte de l'article 1122 du Code judiciaire belge a fait l'objet de modifications ultérieures dans la mesure où le législateur belge a ajouté la possibilité de former tierce-opposition contre un décision qui a été rendue par une juridiction répressive, tel n'est pas le cas de l'article 612 du Nouveau code de procédure civile en vigueur au Luxembourg.

Il s'ensuit que toutes références à l'article 612 du Nouveau Code de procédure civile luxembourgeois, aux disposition légales belges en vigueur au jour du jugement, notamment à l'article 1122 du Code judiciaire belge ou encore les articles 43 bis et 44 du Code pénal belge, ainsi que toutes références aux jurisprudences belges citées et à l'avis juridique du 28 septembre 2021 se référant à des arrêts de la Cour de cassation belge, et indépendamment de toute autre argumentation invoquée par la défense de la SOCIETE1.), notamment l'argumentation selon laquelle le Nouveau code de procédure civile étant le droit commun en matière de procédure judiciaire ayant comme objet un droit civil, la tierce opposition contre un tel jugement se fera suivant les règles conformément à ce code tout comme en matière de prise à partie, ne sont pas pertinentes.

En conséquence, la tierce opposition introduite par la SOCIETE1.) doit être déclarée irrecevable, aucune disposition légale ne prévoyant une telle voie de recours à l'encontre d'une décision pénale. » 4 alors que,  première branche du moyen, en faisant complètement abstraction que l'article 612 du NCPC, prévoyant le recours extraordinaire de la tierce opposition, est libellé de manière large et n'exclut pas expressément la tierce opposition contre un jugement rendu par une chambre correctionnelle du Tribunal d'arrondissement ;

 et, deuxième branche du moyen, en faisant complètement abstraction que, bien que la confiscation soit une mesure pénale, la restitution est une mesure purement civile dans la mesure où elle opère le transfert d'un droit réel ;

la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur ne remet pas la confiscation en cause, mais est uniquement dirigée contre la mesure de restitution. Autrement dit, la tierce opposition de SOCIETE1.) n'attaque que le volet civil de l'Exequatur ;

 et, troisième branche du moyen, l'arrêt attaqué, afin de justifier que SOCIETE1.) avait assez de garanties à sa disposition, a retenu que SOCIETE1.) avait la possibilité d'exercer une demande en restitution ou attribution sur base de l'ancien article 32-1 du Code pénal plutôt que de former une tierce opposition sur base de l'article 612 du NCPC, en dépit du fait que SOCIETE1.) s'était déjà approprié la somme litigieuse en ayant au préalable réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et donc que l'ancien article 32-1 du Code pénal ne présentait aucune utilité pour SOCIETE1.) dans la mesure où elle ne peut pas demander la restitution ou l’attribution d'un bien dont elle est déjà le propriétaire légitime ;

 et, quatrième branche du moyen, l'arrêt attaqué, en interprétant l'article 612 du NCPC dans le sens qu'il ne permet pas de former une tierce opposition contre le volet civil d'un jugement pénal, a procédé à une interprétation de cette disposition qui est inconciliable avec l’article 10bis de la Constitution luxembourgeoise, consacrant le principe d'égalité devant la loi, et les articles 6, §1 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après, la ) et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’union européenne (ci-après, la ), consacrant les principes du droit à un procès équitable et à un recours effectif ;

l'arrêt attaqué, en ayant confirmé le Jugement Entrepris et déclaré irrecevable la tierce opposition formée par SOCIETE1.) contre l'Exequatur, a violé l'article 612 du NCPC. ».

Réponse de la Cour Sur les trois premières branches du moyen réunies La voie de recours de la tierce opposition, ouverte par l’article 612 du Nouveau Code de procédure civile à une partie tierce à l’égard d’un jugement « qui préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle ni ceux qu’elle représente, n’ont été appelés », n’est pas organisée par un texte propre à la procédure pénale. Cette voie de recours d’une tierce partie n’est pas envisageable en ce qui concerne les décisions 5 au pénal des juridictions répressives. Elle est ouverte à l’égard de leurs décisions au civil, qui peuvent préjudicier à des tiers à ces décisions, en tant que règle supplétive au Code de procédure pénale en l’absence de toute voie de recours offerte aux tiers par les règles propres à la procédure pénale.

L’article 32 du Code pénal, tel qu’il était en vigueur à la date de l’exercice de la tierce opposition par la demanderesse en cassation et dont les dispositions sont en substance identiques aux anciens articles 31, paragraphes 2 à 6, et 32-1 du Code pénal, abrogés par la loi du 1er août 2018, institue un recours effectif qui offre des garanties équivalentes à celles d’une tierce opposition au tiers qui fait valoir des droits sur les biens confisqués.

Ces dispositions sont rendues applicables à la procédure d’exequatur par l’article 666, dernier paragraphe, du Code de procédure pénale.

Cette procédure est, partant, ouverte à la demanderesse en cassation, qui fait valoir que suite à la réalisation d’un gage sur des avoirs, elle en serait devenue propriétaire nonobstant toute saisie ou confiscation pénales de ces avoirs au Luxembourg, ce dont il résulte qu’elle n’est pas recevable à agir par voie de tierce opposition.

Il s’ensuit que le moyen pris en ses trois premières branches n’est pas fondé.

Sur la quatrième branche Toute personne lésée a droit à un recours effectif.

Il résulte de la réponse donnée aux trois premières branches du moyen que les juges d’appel ont pu prendre appui sur l’article 32 du Code pénal pour retenir la possibilité au profit de la société SOCIETE1.) de faire valoir ses droits sur les avoirs confisqués.

L’article 32 du Code pénal offrant des garanties équivalentes à celles de l’article 612 du Nouveau Code de procédure civile, les articles 6, paragraphe 1, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne se trouvent pas violés du fait que la voie de la tierce opposition n’est pas ouverte à la demanderesse en cassation.

La demanderesse en cassation demande à la Cour de poser la question préjudicielle suivante à la Cour constitutionnelle :

« L’article 612 du Nouveau Code de procédure civile, tel qu’interprété par la Cour d’appel, viole-t-il l’article 10bis de la Constitution en ce qu’il aboutit à exclure du bénéfice de la tierce opposition les tiers préjudiciés par un jugement pénal statuant sur des intérêts civils, alors qu’un jugement rendu par une juridiction civile a les mêmes effets vis-à-vis des tiers qu’un jugement pénal statuant sur des intérêts civils et que les tiers préjudiciés par un jugement rendu par une juridiction civile peuvent introduire une procédure en tierce opposition ? ».

6 Le Code pénal prévoit, par la procédure spéciale de l’article 32, une voie de recours destinée aux tiers qui s’insère dans les modalités propres à la procédure pénale.

Compte tenu des objectifs particuliers de l’instance pénale, différents de ceux de l’instance civile, la demanderesse en cassation qui se prétend lésée dans ses intérêts civils par une décision d’exequatur d’une décision pénale étrangère, ne se trouve manifestement pas dans une situation comparable à celle d’un tiers qui se prétend lésé par une décision prise dans le cadre d’une instance purement civile. La procédure civile et la procédure pénale répondent, en effet, à des objectifs distincts et ont des objets fondamentalement différents.

La question de constitutionnalité proposée est, partant, dépourvue de tout fondement au sens de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle et l’arrêt attaqué n’a pas méconnu l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution, dans sa version en vigueur avant le 1er juillet 2023.

Il s’ensuit que la quatrième branche du moyen n’est pas fondée.

Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le deuxième, « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 10bis de la Constitution, consacrant le principe d'égalité devant la loi et aux termes duquel :

(1) Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.

(…) » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme à l'article 10bis de la Constitution ;

aux motifs que :

La fait d’effectuer une distinction entre les voies de recours pénales et civiles et de soumettre les juridictions pénales et civiles à des règles procédurales différentes, en l’occurrence à une procédure différente pour faire valoir son droit dans le cadre d’une confiscation pénale, n’a pas pour effet d’instituer une différence de traitement entre les tiers préjudiciés, contrairement à ce que le mandataire de la SOCIETE1.) soutient. En effet, la SOCIETE1.) avait la possibilité d’introduire une procédure pour faire valoir ses droits sur les avoirs en question devant les juridictions de jugement en présentant notamment une requête en restitution ou attribution basée sur l’article 32 du Code pénal luxembourgeois dans le cadre de la demande d’exequatur de la décision lettone. (…) » 7 alors que,  première branche du moyen, l’interprétation de la Cour d’appel aboutit à exclure du bénéfice de la tierce opposition les tiers préjudiciés par un jugement pénal statuant sur des intérêts civils, alors qu'un jugement rendu par une juridiction civile a les mêmes effets vis-à-vis des tiers qu'un jugement pénal statuant sur des intérêts civils et que les tiers préjudiciés par un jugement rendu par une juridiction civile peuvent introduire une procédure en tierce opposition ;

 et, deuxième branche du moyen, SOCIETE1.) s'était déjà approprié la somme litigieuse en ayant au préalable réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et donc que l'ancien article 32-1 du Code pénal ne présentait aucune utilité pour SOCIETE1.) dans la mesure où elle ne peut pas demander la restitution ou l’attribution d'un bien dont elle est déjà le propriétaire légitime ;

l’arrêt attaqué, en ayant néanmoins confirmé le Jugement entrepris et déclaré irrecevable la tierce opposition formée par SOCIETE1.) contre l’Exequatur, tout en considérant qu’une telle solution serait conforme au principe d’égalité devant la loi, a violé l’article 10bis de la Constitution. », le troisième, « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 47 de la CDFUE, aux termes duquel :

Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

(…) » étant précisé que l'article 52, §3 de la CDFUE établit un mécanisme de passerelle avec la CEDH pour les droits correspondants aux termes duquel :

3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue. » et que l'article 6, §1 de la CEDH consacre le droit à un procès équitable aux termes duquel :

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, 8 établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » et que l'article 13 de la CEDH consacre le droit à un recours effectif aux termes duquel :

Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme à l'article 47 de la CDFUE ;

aux motifs que :

Il convient de rappeler que l'article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne prévoit le droit à un recours effectif et le droit d'accès à un tribunal impartial.

(…) Selon la CEDH "Le droit à un tribunal n'est pas absolu en matière pénale qu'en matière civile et il se prête à des limitations implicites" (…) » Dans ce même sens, la Cour de cassation retient dans un arrêt du 12 novembre 2020 que : (Cour de cassation, 12 novembre 2020, no 143/2020 pénal).

Dès lors et au vu de l'ensemble des développements précédents, les moyens tirés d'une violation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne, 6.1 et 13 de la Convention ne sont pas fondés alors que l'Exequatur porte manifestement atteinte aux droits de SOCIETE1.) dans la mesure où (i) SOCIETE1.) n'a pas été convoquée à l'instance judiciaire ayant abouti à l'Exequatur, (ii) l'Exequatur a ordonné la confiscation et la restitution d'une somme que SOCIETE1.) s'est valablement appropriée en ayant 9 valablement réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et (iii) que conformément à l'article 47 de la CDFUE, SOCIETE1.) doit dans de telles circonstances disposer de la possibilité de contester une décision portant préjudice à ses droits légitimement constitués par le biais d'un recours effectif, la tierce opposition telle que prévue par l'article 612 NCPC étant le seul recours à la disposition de SOCIETE1.) afin que cette dernière puisse faire valoir ses droits, l'arrêt attaqué, en ayant néanmoins confirmé le Jugement Entrepris et déclaré irrecevable la tierce opposition formée par SOCIETE1.) contre l'Exequatur, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme aux principes du droit à un recours effectif et à un procès équitable, a violé l'article 47 de la CDFUE. », le quatrième, « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 6, §1 de la CEDH, consacrant le droit à un procès équitable, aux termes duquel :

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme à l'article 6, §1 de la CEDH ;

aux motifs que :

Il convient de rappeler que l'article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne prévoit le droit à un recours effectif et le droit d'accès à un tribunal impartial.

(…) Selon la CEDH "Le droit à un tribunal n'est pas absolu en matière pénale qu'en matière civile et il se prête à des limitations implicites" (…) » Dans ce même sens, la Cour de cassation retient dans un arrêt du 12 novembre 2020 que : (Cour de cassation, 12 novembre 2020, no 143/2020 pénal).

10 Dès lors et au vu de l'ensemble des développements précédents, les moyens tirés d'une violation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne, 6.1 et 13 de la Convention ne sont pas fondés alors que l'Exequatur porte manifestement atteinte aux droits de SOCIETE1.) dans la mesure où (i) SOCIETE1.) n'a pas été convoquée à l'instance judiciaire ayant abouti à l'Exequatur, (ii) l'Exequatur a ordonné la confiscation et la restitution d'une somme que SOCIETE1.) s'est valablement appropriée en ayant valablement réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et (iii) que conformément à l'article 6, §1 de la CEDH, SOCIETE1.) doit dans de telles circonstances disposer de la possibilité afin de pouvoir contester une décision portant préjudice à ses droits légitimement constitués, la tierce opposition telle que prévue par l'article 612 NCPC étant le seul recours à la disposition de SOCIETE1.) afin que cette dernière puisse faire valoir ses droits, l'arrêt attaqué, en ayant néanmoins confirmé le Jugement Entrepris et déclaré irrecevable la tierce opposition formée par SOCIETE1.) contre l'Exequatur, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme aux principes du droit à un procès équitable, a violé l'article 6, §1 de la CEDH. » et le cinquième, « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 13 de la CEDH, consacrant le droit à un recours effectif et aux termes duquel :

Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme à l'article 13 de la CEDH ;

aux motifs que :

Il convient de rappeler que l'article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne prévoit le droit à un recours effectif et le droit d'accès à un tribunal impartial.

(…) Selon la CEDH "Le droit à un tribunal n'est pas absolu en matière pénale qu'en matière civile et il se prête à des limitations implicites" (…) » Dans ce même sens, la Cour de cassation retient dans un arrêt du 12 novembre 2020 que :

11 pas absolu. Les Etats peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu'ils organisent et en fixer les conditions d'exercice…Les limitations au droit d'accès peuvent résulter de règles procédurales tenant aux conditions de recevabilité d'un recours » (Cour de cassation, 12 novembre 2020, no 143/2020 pénal).

Dès lors et au vu de l'ensemble des développements précédents, les moyens tirés d'une violation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne, 6.1 et 13 de la Convention ne sont pas fondés alors que l'Exequatur porte manifestement atteinte aux droits de SOCIETE1.) dans la mesure où (i) SOCIETE1.) n'a pas été convoquée à l'instance judiciaire ayant abouti à l'Exequatur, (ii) l'Exequatur a ordonné la confiscation et la restitution d'une somme que SOCIETE1.) s'est valablement appropriée en ayant valablement réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et (iii) que conformément à l'article 13 de la CEDH, SOCIETE1.) doit dans de telles circonstances disposer de la possibilité de contester une décision portant préjudice à ses droits légitimement constitués par le biais d'un recours effectif, la tierce opposition telle que prévue par l'article 612 NCPC étant le seul recours à la disposition de SOCIETE1.) afin que cette dernière puisse faire valoir ses droits, l'arrêt attaqué, en ayant néanmoins confirmé le Jugement Entrepris et déclaré irrecevable la tierce opposition formée par SOCIETE1.) contre l'Exequatur, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme aux principes du droit à un recours effectif, a violé l'article 13 de la CEDH. ».

Réponse de la Cour Il résulte de la réponse donnée au premier moyen que les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions visées aux moyens.

Il s’ensuit que les moyens ne sont pas fondés.

Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 89 de la Constitution, aux termes duquel :

Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution n’impliquerait pas une inégalité de traitement et par conséquent, serait conforme à l'article 10bis de la Constitution ;

aux motifs que :

12 La fait d’effectuer une distinction entre les voies de recours pénales et civiles et de soumettre les juridictions pénales et civiles à des règles procédurales différentes, en l’occurrence à une procédure différente pour faire valoir son droit dans le cadre d’une confiscation pénale, n’a pas pour effet d’instituer une différence de traitement entre les tiers préjudiciés, contrairement à ce que le mandataire de la SOCIETE1.) soutient. En effet, la SOCIETE1.) avait la possibilité d’introduire une procédure pour faire valoir ses droits sur les avoirs en question devant les juridictions de jugement en présentant notamment une requête en restitution ou attribution basée sur l’article 32 du Code pénal luxembourgeois dans le cadre de la demande d’exequatur de la décision lettone. (…) Il s’ensuit que le moyen tiré d’une inégalité de traitement contraire à l’article 10 bis de la Constitution n’est pas fondé » alors que,  première banche de moyen, en faisant abstraction du fait que SOCIETE1.) s'était déjà approprié la somme litigieuse en ayant au préalable réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et donc que l'ancien article 32-1 du Code pénal ne présentait aucune utilité pour SOCIETE1.) dans la mesure où elle ne peut pas demander la restitution ou l’attribution d'un bien dont elle est déjà le propriétaire légitime, la Cour d’appel s’est contredite dans ses motifs ;

 et, deuxième branche du moyen, en faisant abstraction que SOCIETE1.) s'était déjà approprié la somme litigieuse en ayant au préalable réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et donc que l'ancien article 32-1 du Code pénal ne présentait aucune utilité pour SOCIETE1.) dans la mesure où elle ne peut pas demander la restitution ou l’attribution d'un bien dont elle est déjà le propriétaire légitime, la Cour d’appel a produit un raisonnement erroné, manquant ainsi de motivation, ce qui équivaut à une absence de base légale ;

l’arrêt attaqué a violé l’article 89 de la Constitution. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Le grief tiré de la contradiction de motifs suppose une contradiction entre deux motifs d’une même décision.

La demanderesse en cassation ne soulève pas une contradiction entre deux motifs de l’arrêt, mais fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir tiré les conséquences, par elle alléguées, de la réalisation du gage sur la propriété des avoirs.

Ce grief est étranger à celui de la contradiction de motifs.

Il s’ensuit que la première branche du moyen est irrecevable.

13 Sur la seconde branche du moyen En tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, dans sa version en vigueur avant le 1er juillet 2023, le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Il résulte des motifs reproduits au moyen que les juges d’appel ont motivé leur décision. Les griefs de « raisonnement erroné » et de manque de base légale ont trait à des vices de fond des décisions judiciaires et sont étrangers au grief tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution.

Il s’ensuit que la seconde branche du moyen est irrecevable.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge des sociétés SOCIETE2.) et SOCIETE3.) SIA l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient d’allouer à chacune d’elles une indemnité de procédure de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer tant à la société anonyme de droit letton SOCIETE2.) qu’à la société de droit letton SOCIETE3.) SIA une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

la condamne aux frais de l’instance en cassation au pénal, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 4,50 euros ;

la condamne aux frais et dépens de l’instance en cassation au civil avec distraction au profit de Maître Lionel SPET, sur ses affirmations de droit.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, quatorze décembre deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

14 Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Laurent LUCAS, conseiller à la Cour d’appel, qui, à l’exception du président Thierry HOSCHEIT, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer, ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Agnès ZAGO en présence du premier avocat général Sandra KERSCH et du greffier Daniel SCHROEDER.

15 Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de la société SOCIETE1.), contre 1) PERSONNE1.), 2) PERSONNE2.), 3) PERSONNE3.),;

4) PERSONNE4.), 5) PERSONNE5.), 6) le Ministère de la Justice de la République de Lettonie, 8) la société SOCIETE2.), 9) la société SOCIETE3.) SIA, 7) le Ministère public, (affaire CAS-2023-00044 du registre) Par déclaration faite le 3 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice, la société anonyme Arendt & Medernach, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, inscrite sur la liste V du Tableau de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro NUMERO4.), représentée aux fins de la présente procédure par Maître Paul MOUSEL avocat à la Cour, remplacé par Linda GOEDERT, demeurant professionnellement à la même adresse, et en l'étude de laquelle domicile est élu, forma au nom et pour le compte de la société anonyme SOCIETE1.), un recours en cassation contre un arrêt numéro 103/23V, rendu le 7 mars 2023 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie en date du 28 avril 2023 du dépôt d’un mémoire en cassation, signé par Maître Paul MOUSEL, avocat à la Cour, pour la société anonyme Arendt & Medernach, mémoire signifié antérieurement à son dépôt à toutes les parties en cause.

Quant à la recevabilité du pourvoi Le pourvoi respecte les conditions de recevabilité définies par les articles 41 et 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation1.

1 Le délai du pourvoi, d’un mois, prévu par l’article 41 de la loi précitée de 1885 a été respecté, la déclaration du pourvoi, le 3 avril 2023, contre un arrêt contradictoire prononcé à l’encontre de la demanderesse en cassation, ayant eu lieu moins d’un mois après la date du prononcé de l’arrêt attaqué. Le délai du dépôt du mémoire, d’un mois, prévu par l’article 43, alinéa 1, de la même loi a de même été respecté, le mémoire ayant été déposé le 28 avril 2023, donc moins d’un mois après la date de la déclaration de pourvoi. Le mémoire de la partie appelante et citante directe par tierce opposition a été, conformément à l’article 43, alinéa 2, de la loi précitée, signifié aux 16 Il en suit qu’il est recevable.

Faits et rétroactes Par actes des huissiers de justice des 9 avril 2021 et 6 mai 2021, la société anonyme SOCIETE1.). a fait donner citation à PERSONNE1.), PERSONNE2.), PERSONNE3.), PERSONNE4.), PERSONNE5.), le Ministère de la Justice de la République de Lettonie, le Procureur d’État de Luxembourg, la société SOCIETE2.), société anonyme de droit letton, et la société SOCIETE3.) SIA de comparaître devant le tribunal correctionnel de Luxembourg, pour y entendre statuer à titre principal sur une tierce opposition contre un jugement n°1753/2016, rendu en matière correctionnelle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg en date du 9 juin 2016, sinon à titre subsidiaire sur une demande en interprétation du dispositif du jugement précité.

La partie requérante demande au tribunal, à titre principal, par la voie de la tierce opposition de réformer le jugement n°1753/2016 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 9 juin 2016 en ce que la restitution doit uniquement porter sur le solde restant au jour du jugement sur le compte à racine NUMERO5.) ouvert auprès de la société anonyme SOCIETE1.), sinon de préciser la portée du dispositif du jugement n°1753/2016 du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 9 juin 2016 quant au montant devant faire l’objet de la restitution, c’est-à-dire après déduction du montant acquis par la société anonyme SOCIETE1.).

Les juges de première instance ont déclaré irrecevable la tierce opposition formée par SOCIETE1.) s.a. contre le jugement correctionnel numéro 1753/2016, rendu le 9 juin 2016 et ont renvoyé pour le surplus l’affaire devant la 18e chambre, siégeant en matière correctionnelle, du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré qu’au vu du fait que les condamnations pénales sont personnelles, la procédure de la tierce opposition formée par SOCIETE1.) contre un jugement rendu en matière correctionnelle n’est pas recevable.

Sur appel de la société SOCIETE1.), la Cour d’appel a, dans un arrêt numéro 103/23 V du 7 mars 2023, - reçu l’appel de la société anonyme SOCIETE1.) en la forme ;

- a dit non fondés les moyens tirés de la violation de l’article 10 bis de la Constitution, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne et 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

- dit qu’il n’y a pas lieu à renvoi préjudiciel à la Cour constitutionnelle du Grand-Duché de Luxembourg ni à la Cour de justice de l’Union européenne ;

- dit l’appel non fondé et confirmé le jugement entrepris ;

parties citées directes antérieurement à son dépôt. Le mémoire a été, conformément à l’article 43, alinéa 1, précité, signé par un avocat à la Cour, il précise les dispositions attaquées et contient les moyens de cassation.

17 Le pourvoi sous examen est dirigé contre l’arrêt précité du 7 mars 2023.

Avant de procéder à l’analyse des différents moyens de cassation, il y a lieu de se pencher brièvement sur les rétroactes de l’affaire.

En date du 6 février 2012, les avoirs d’un montant de 15.025.222,21 euros, inscrits sur le compte portant la racine NUMERO5.) ouvert dans les livres de la société SOCIETE1.) au nom de la société SOCIETE2.) ont été saisis sur base d’une ordonnance d’un juge d’instruction luxembourgeois, dans le cadre de l’exécution d’une demande d’entraide judiciaire internationale, délivrée par les autorités lettonnes.

Par courrier du 10 février 20122 l’actuelle demanderesse en cassation a confirmé au juge d’instruction l’existence des avoirs en compte. Elle s’est réservé le droit, sur base de la loi modifiée du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière, d’opérer une réalisation de sa sûreté nonobstant saisie pénale opérée, mais a informé le magistrat instructeur que la procédure de réalisation du gage était tenue en suspens.

En date du 15 mars 2012, la demanderesse en cassation a décidé de réaliser le gage. Elle en a informé son cocontractant SOCIETE2.), mais s’est bien gardée de mettre les autorités judiciaires au courant de sa démarche. Et pour cause : au vu des circonstances ayant entouré la conclusion du contrat de gage, la question de la régularité dudit contrat se posait.

SOCIETE2.), représentée à ce moment par l’étude Arendt & Medernach a d’ailleurs dans un courrier du 10 juillet 20123 adressé à SOCIETE1.) remis en question la validité du contrat de gage conclu entre parties, position que la même étude d’avocats, défendant actuellement SOCIETE1.), qualifie de dénuée de tout fondement.

Le 7 janvier 2014, une juridiction d'appel de Riga statuant en matière pénale, confirmant le jugement du 31 octobre 2013 rendu par le tribunal de Vidzeme de la ville de Riga, a retenu que le contrat de gage n’était pas valablement conclu entre SOCIETE2.) et SOCIETE1.) et que les avoirs saisis constituent le produit d’une infraction pénale. Elle a partant ordonné la restitution des avoirs d'un montant de EUR 15.025.222,21 inscrits sur le compte-racine NUMERO5.) ouvert dans les livres de SOCIETE1.) au nom de SOCIETE2.), à cette dernière. Aussi bien en première instance qu’en deuxième instance, l’actuelle partie demanderesse en cassation a pu faire valoir ses moyens. La décision du 7 janvier 2014 reprend d’ailleurs en détail 4 les moyens développés par les mandataires de SOCIETE1.) dans le cadre de l’instance d’appel, moyens qui n’ont cependant pas été suivis par la juridiction d’appel.

Il ressort également des décisions lettonnes précitées, que les autorités lettonnes avaient l’intention ferme de faire reconnaître et de faire exécuter ces décisions au pays de situation des avoirs bancaires, soit au Luxembourg.

SOCIETE1.) était donc non seulement au courant de l’existence et de la motivation des décisions lettonnes, mais également des suites qui allaient être réservées à ces décisions.

2 Pièce 2 de la Farde de pièces, communiquées par Maître Lionel SPET 3 Farde de pièces, communiquées par Maître Lionel SPET, pièce 1b, page 26, alinéa1er, de la traduction de la décision du 7 janvier 2014 de la juridiction de RIGA 4 Farde de pièces, communiquées par Maître Lionel SPET, pièce 1b, pages 20 à 30 de la traduction de la décision du 7 janvier 2014 de la juridiction de RIGA 18 Par jugement du 9 juin 2016 n°1753/2016 le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, a - déclaré exécutoire au Grand-Duché de Luxembourg la décision numéroNUMERO6.) (affaire KA04-0190/14-21) rendue le 7 janvier 2014 par la juridiction d’appel « Rigas apgabaltiesas Kriminallietu tiesu kolegija » -en ce qu’elle a ordonné la restitution des avoirs d’un montant de 15.025.222,21 euros inscrits sur le compte racine NUMERO5.) (compte principal et sous-compte), ouvert dans les livres de la société SOCIETE1.) , établie et ayant son siège social à L-ADRESSE10.), au nom de SOCIETE2.), à la personne lésée par les infractions, à savoir AS « SOCIETE2.) » représentée par son curateur, la société SOCIETE3.) », immatriculée sous le numéroNUMERO3.), établie à ADRESSE11.), - partant ordonné la confiscation des avoirs d’un montant de 15.025.222,21 euros inscrits sur le compte racine NUMERO5.) (compte principal et sous-compte), ouvert dans les livres de la société SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-ADRESSE10.), au nom de SOCIETE2.) ;

- ordonné la restitution des avoirs confisqués ci-avant à la personne lésée par les infractions visées dans la décision numéroNUMERO6.) (affaire KA04-0190/14-21) rendue le 7 janvier 2014 par la juridiction d’appel « Rigas apgabaltiesas Kriminallietu tiesu kolegija » à savoir AS « SOCIETE2.) » ;

- dit que le jugement entraîne transfert à AS « SOCIETE2.) » représentée par son curateur, la société SOCIETE3.) », immatriculée sous le numéroNUMERO3.), établie à ADRESSE11.), de la propriété des fonds restitués, avec les intérêts courus et futurs, sur les comptes sus-mentionnés .

En date du 5 septembre 2016 ce jugement a été notifié à SOCIETE1.) aux fins de provoquer l’exécution de ladite décision.

19 Quant au premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré « de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 612 du Nouveau Code de procédure civile (ci-après, le « NCPC »), aux termes duquel :

« Une partie peut former tierce-opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle ni ceux qu'elle représente, n'ont été appelés. » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le Jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable alors que :

première branche du moyen, en faisant complètement abstraction que l'article 612 du NCPC, prévoyant le recours extraordinaire de la tierce opposition, est libellé de manière large et n'exclut pas expressément la tierce opposition contre un jugement rendu par une chambre correctionnelle du tribunal d'arrondissement » et, deuxième branche du moyen, en faisant complètement abstraction que, bien que la confiscation soit une mesure pénale, la restitution est une mesure purement civile dans la mesure où elle opère le transfert d'un droit réel ; la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur ne remet pas la confiscation en cause, mais est uniquement dirigée contre la mesure de restitution. Autrement dit, la tierce opposition de SOCIETE1.) n'attaque que le volet civil de l'Exequatur ;

et, troisième branche du moyen, l'arrêt attaqué, afin de justifier que SOCIETE1.) avait assez de garanties à sa disposition, a retenu que SOCIETE1.) avait la possibilité d'exercer une demande en restitution ou attribution sur base de l'ancien article 32-1 du Code pénal plutôt que de former une tierce opposition sur base de l'article 612 du NCPC, en dépit du fait que SOCIETE1.) s'était déjà approprié la somme litigieuse en ayant au préalable réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et donc que l'ancien article 32-1 du Code pénal ne présentait aucune utilité pour SOCIETE1.) dans la mesure où elle ne peut pas demander la restitution ou l’attribution d'un bien dont elle est déjà le propriétaire légitime ;

et, quatrième branche du moyen, l'arrêt attaqué, en interprétant l'article 612 du NCPC dans le sens qu'il ne permet pas de former une tierce opposition contre le volet civil d'un jugement pénal, a procédé à une interprétation de cette disposition qui est inconciliable avec l’article 10bis de la Constitution luxembourgeoise, consacrant le principe d'égalité devant la loi, et les articles 6, §1 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après, la « CEDH ») et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après, la « CDFUE »), consacrant les principes du droit à un procès équitable et à un recours effectif » Sur le point critiqué de l’arrêt, les juges du fond ont retenu :

« La question qui est à trancher est donc celle de savoir si la tierce opposition régie par les articles 612 à 616 du Nouveau code de procédure civile est ouverte aux tiers non parties au jugement du 9 juin 2016 statuant en matière pénale.

20 Il convient de rappeler que parmi les différentes voies de recours admises en matière pénale, on distingue comme en matière civile, les voies de recours ordinaires et les voies de recours extraordinaires. Les premières, largement ouvertes, sont l’opposition et l’appel. Les voies de recours extraordinaires sont notamment le pourvoi en cassation (articles 416 à 442 du Code de procédure pénale), le pourvoi en révision (articles 443 à 4447-1 du même code), le règlement de juges (articles 525 et suivants du même code) et, finalement, la procédure en restitution (article 32 paragraphes (1) et (2) du Code pénal et 68 du Code de procédure pénale).

Le Code de procédure pénale ne prévoit donc pas la tierce opposition comme voie de recours à l’encontre d’une décision pénale.

L’article 612 du Nouveau code de procédure civile dispose que : « Une partie peut former tierce-opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle ni ceux qu’elle représente, n’ont été appelés ».

Cependant, l’article 612 du Nouveau code de procédure civile n’est pas applicable en matière pénale. En effet, et comme les juges de première instance l’ont rappelé sur base de la jurisprudence, notamment de l’arrêt de la Cour d’appel du 20 mars 1992, « s’il est de principe que dans le silence du Code d’instruction criminelle, il faut recourir aux normes de la procédure civile qui constitue le droit commun, cette règle ne vaut que pour autant que son effet est purement supplétif et ne saurait en aucun cas créer de toute pièce sur le plan pénal des voies de recours qui n’y existent pas » (Cour d’appel, 20 mars 1992, arrêt no 72/92 V).

Pour ce qui concerne l’argumentation de la défense de la SOCIETE1.) tirée du fait que la procédure de prise à partie prévue dans le Nouveau code de procédure civile est possible en matière pénale, celle-ci n’est pas pertinente pour la solution du présent litige. En effet, la prise à partie est introduite par un justiciable contre un juge, pour des faits qui sont à qualifier de dol, fraude, concussion, un cas de mise en œuvre de la responsabilité civile du juge prévu par la loi ou encore un déni de justice et non pas contre un jugement rendu dans une matière spécifique. Ainsi, la Cour de cassation a eu à connaître d’une requête tendant à obtenir la permission de prendre à partie un magistrat dans le cadre d’une procédure pénale (Cour de cassation, 24 juin 2021, no 99/2021).

Par ailleurs, le moyen de la SOCIETE1.) tiré de ce que selon la jurisprudence belge le recours de la tierce opposition est admissible en matière pénale est à rejeter. En effet, si la jurisprudence belge, notamment dans un arrêt de la Cour de cassation rendu le 9 février 1988, a retenu que la tierce opposition du propriétaire d’un bien est recevable devant la juridiction pénale, tel n’est pas le cas de la jurisprudence luxembourgeoise. De même, si le texte de l’article 1122 du Code judiciaire belge a fait l’objet de modifications ultérieures dans la mesure où le législateur belge a ajouté la possibilité de former tierce-opposition contre une décision qui a été rendue par une juridiction répressive, tel n’est pas le cas de l’article 612 du Nouveau code de procédure civile en vigueur au Luxembourg.

Il s’ensuit que toutes références à l’article 612 du Nouveau Code de procédure civile luxembourgeois, aux dispositions légales belges en vigueur au jour du jugement, notamment l’article 1122 du Code judiciaire belge ou encore les articles 43 bis et 44 du Code pénal belge, ainsi que toutes références aux jurisprudences belges citées et à l’avis juridique du 28 septembre 2021 se référant à des arrêts de la Cour de cassation belge, et indépendamment de toute autre argumentation invoquée par la défense de la SOCIETE1.), notamment 21 l’argumentation selon laquelle le Nouveau code de procédure civile étant le droit commun en matière de procédure judiciaire ayant comme objet un droit civil, la tierce opposition contre un tel jugement se fera suivant les règles conformément à ce code tout comme en matière de prise à partie, ne sont pas pertinentes.

En conséquence, la tierce opposition introduite par la SOCIETE1.) doit être déclarée irrecevable, aucune disposition légale ne prévoyant une telle voie de recours à l’encontre d’une décision pénale. » Dans le cadre de la discussion « commune à toutes les branches », la demanderesse en cassation reprend les arguments exposés devant la juridiction du fond, sans pour autant qu’ils étayent de manière concise les différentes branches du moyen de cassation. Le soin de rapprocher les éléments de la discussion aux différentes branches semble curieusement avoir été laissé à votre Cour.

Concernant la première branche du moyen, d’ailleurs la seule branche ayant un rapport avec le texte de loi visé à l’énoncé du moyen, la demanderesse fait état de considérations générales tirées du droit belge pour motiver la recevabilité de la tierce opposition contre un jugement rendu en matière pénale, statuant sur les intérêts civils. Au vu des similitudes existantes entre la procédure pénale et le droit pénal belge et luxembourgeois, il y aurait lieu de suivre la Cour de cassation belge, qui aurait admis dès 1988 la recevabilité d’une tierce opposition du propriétaire d’un bien devant la juridiction répressive ayant ordonné la réintégration dudit bien à la masse d’une faillite.

Même si les grands principes, issus du Code pénal belge de 1867, président toujours aux conceptions fondamentales gouvernant la matérialité de l’infraction et la culpabilité de l’agent, les origines de notre droit pénal ne sauraient justifier à elles seules l’adoption de la jurisprudence belge sur le point qui nous occupe.

En effet au vu de la différence de texte par rapport à l’article 612 du Nouveau code de procédure civile, l’article 1122 du Code judiciaire belge et son interprétation par la jurisprudence ne sauraient, contrairement aux affirmations de la demanderesse en cassation guère constituer de source d’inspiration pour solutionner la problématique, qui se pose dans le cadre de la présente affaire.

Le législateur belge a lors de l’adoption du Code judiciaire de 1967 modifié l’ancien article 4745 du Code de procédure civile belge et a dans un alinéa 1er de l’article 1122 du Code judiciaire expressément visé les décisions rendues par une juridiction répressive, en tant que celle-ci statue sur les intérêts civils, parmi les jugements contre lesquels la tierce opposition est accordée.

Il s’agissait d’une innovation, guère commentée dans les travaux parlementaires, au regard de ce que décidait généralement la doctrine et la jurisprudence sous le régime antérieur.6 Au vu d’un texte de loi, qui prévoit expressément la recevabilité de la tierce opposition dirigée contre 5 Article 474 du Code de procédure civile : « Une partie ne peut former tierce opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été appelés. » 6 André LE PAIGE, Les voies de recours, Précis de droit judiciaire, tome IV, Larcier no 177 22 les décisions rendues par une juridiction répressive, en tant que celle-ci statue sur les intérêts civils, la question d’une interprétation du texte de loi ne se posait plus.

Il est cependant intéressant de se pencher sur la jurisprudence rendue sous l’article 474 du Code de procédure belge, qui était identique à l’article 612 du Nouveau Code de procédure civile luxembourgeois. La jurisprudence était des plus claires : la tierce opposition n’existe pas en matière criminelle, correctionnelle ou de police. La solution est justifiée par le caractère de la chose jugée en matière pénale. La tierce opposition est irrecevable, même lorsqu’elle est dirigée contre la partie du jugement de la juridiction répressive qui concerne les intérêts civils sur lesquels il est statué accessoirement à l’action publique. 7 L’article relatif à la tierce opposition, dont la violation est alléguée, est tiré du Nouveau Code de procédure civile, qui trouve ses origines dans les codifications napoléoniennes.

Or en droit français « Les règles du nouveau Code de procédure civile (NCPC, art. 5828) permettant à toute personne, concernée par un jugement auquel elle n'était pas partie, de demander au tribunal de se rétracter sur les points qu'elle critique, par la voie de la tierce opposition, n'ont pas d'équivalent dans le Code de procédure pénale, bien que le tribunal statue sur les intérêts civils. 9» La jurisprudence française refuse ainsi la recevabilité de la tierce opposition dirigée contre une décision pénale, même statuant sur des intérêts civils.

Le principe attaché à l’autorité erga omnes de la décision pénale a été consacré en droit français par l'arrêt Quertier de la Chambre civile de la Cour de cassation du 7 mars 185510. Même, si depuis il a été certes nuancé quant à son étendue et ses effets11 notamment au vu des exigences posées par la Convention européenne des droits de l’homme, il n'en est pas moins appliqué par les juridictions qui reconnaissent à la décision pénale cette autorité.

En droit luxembourgeois, Roger Thiry a retenu dans son ouvrage "Précis d'instruction Criminelle en Droit Luxembourgeois" (no 492) qu’il n’y a pas de tierce opposition en matière de procédure pénale – en raison de la chose jugée erga omnes. Cette position est reprise dans un arrêt no 72/92 V du 20 mars 1992, rendu par la Cour d’appel cinquième chambre.

La Cour d’appel retient ainsi : « L’appelante estime qu’à défaut de tierce opposition en droit pénal, l’article 474 du code de procédure civile doit s’appliquer au cas où un jugement répressif préjudicie aux droits privés d’un tiers.

S’il est de principe que dans le silence du code d’instruction criminelle, il faut recourir aux normes de la procédure civile qui constitue le droit commun, cette règle ne vaut que pour 7 RPDB, v° Tierce opposition no 22 et 23 8 Article 582 NCPC « La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. » 9 JurisClasseur Procédure pénale - Encyclopédies - Art. 489 à 494-1 - Fasc. 20 : TRIBUNAL CORRECTIONNEL. – Opposition. – Itératif défaut -§15 10 Cass. civ., 7 mars 1855: Bull. civ. n° 31 ; D. 1855, 1, p. 81 ; S. 1855, 1, p. 439 : « Le jugement sur cette action [publique], même en l'absence de la partie privée, a nécessairement envers et contre tous l'autorité de la chose jugée quand il affirme ou nie clairement l'existence du fait qui est la base commune de l'une et l'autre action, ou la participation de ce prévenu à ce fait » 11 JurisClasseur Procédure civile - Encyclopédies - Fasc. 900-40 : AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE. – Autorité de la chose jugée au pénal sur le civil -

23 autant que son effet est purement supplétif et ne saurait en aucun cas créer de toute pièce sur le plan pénal des voies de recours qui n’y existent pas. L’inadmissibilité de la tierce opposition s’explique par l’autorité erga omnes qui s’attache aux décisions en cette matière. » Il ressort des développements ci-dessus qu’en l’absence de texte de loi incluant expressément les décisions des juridictions répressives, en tant que celles-ci statuent sur les intérêts civils, dans le champ d’application de la tierce opposition, les juridictions et la doctrine belges, françaises, et luxembourgeoises retiennent irrecevabilité de la tierce opposition dirigée contre une décision rendue par une juridiction pénale, même si cette dernière statue sur les intérêts civils.

On peut donc conclure qu’en l’absence de texte légal prévoyant expressément le recours de la tierce opposition contre les décisions rendues par une juridiction répressive, en tant que celle-

ci statue sur les intérêts civils, la Cour d’appel a pu, sans violer la disposition visée au moyen, confirmer la décision du tribunal d’arrondissement du Luxembourg du 18 novembre 2021, en ce qu’elle a déclaré irrecevable la tierce opposition dirigée contre un jugement correctionnel numéro 1753/2016 rendu le 9 juin 2016 et renvoyé pour le surplus l’affaire devant la 18e chambre, siégeant en matière correctionnelle, du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Il en suit que le moyen est à déclarer non fondé.

Afin d’être complet, au vu des développements de la partie demanderesse en cassation sur la situation juridique en droit belge de la tierce opposition en matière pénale, il y a lieu de noter que l’article 112212 du Code judiciaire belge n’a pas subi de modification textuelle de son champ d’application depuis 1967.

Il a cependant suscité des questions d’interprétation, dont celle de la notion d’intérêts civils.

C’est dans ce contexte qu’a été rendu l’arrêt de la Cour de cassation du 9 février 1988 cité par la demanderesse en cassation, qui précise qu’une mesure de réintégration à la masse de biens soustraits à l’occasion d’une faillite frauduleuse ne constitue pas une peine, mais un mode particulier de restitution ayant un caractère civil. Au vu du caractère civil de la mesure prononcée, la Cour de cassation a retenu que l’arrêt d’appel, qui a déclaré la tierce opposition recevable et fondée dans la mesure où elle tend à l’annulation de la décision ordonnant la réintégration à la masse faillie, justifie légalement sa décision.

La décision précitée, tout comme l’évolution jurisprudentielle quant à la notion d’intérêts civils, retracée par le Professeur TULKENS, sont cependant sans pertinence et donc sans aucune incidence sur la problématique dont était saisie la Cour d’appel, puisque la question de principe de la recevabilité d’une tierce opposition dirigée contre une décision rendue par une juridiction statuant en matière répressive, en tant que celle-ci statue sur les intérêts civils, a reçu en 1967 une réponse par le biais d’un texte de loi.

La partie demanderesse en cassation la demanderesse en cassation vous invite encore à saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle.

12 Article 1122, alinéa 1er : Toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas intervenue à la cause en la même qualité, peut former tierce opposition à la décision, même provisoire, qui préjudicie à ses droits et qui a été rendue par une juridiction civile, ou par une juridiction répressive en tant que celle-ci statue sur les intérêts civils.

24 Au vu du sort réservé au moyen, il n’y a cependant pas lieu de s’interroger sur le point de savoir si la Cour constitutionnelle est à saisir d’une question préjudicielle sur base de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de cette Cour.

Une telle question paraît, en effet, conformément à ce qui a été précisé ci-avant, dénuée de tout fondement.

Concernant les deuxième, troisième et quatrième branches du moyen, le texte soumis à votre Cour de cassation constitue un amalgame de considérations de fait et de droit, non autrement structuré, ainsi que de différents cas d’ouverture, qui ne répondent pas aux conditions de clarté et de précision requises pour constituer un moyen de cassation. Les griefs allégués sont en outre étrangers au texte de loi visé à l’énoncé du moyen.

Ces branches du moyen sont dès lors à déclarer irrecevables.

La demanderesse en cassation vous invite, en outre, dans le cadre de la discussion des branches du moyen, à saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.

Suivant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, « dans la mesure où il n’existe aucun recours juridictionnel de droit interne contre la décision d’une juridiction nationale, cette dernière est, en principe, tenue de saisir la Cour au sens de l’article 267, troisième alinéa, TFUE [Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne] dès lors qu’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union est soulevée devant elle »13. Par ailleurs, « [s]elon une jurisprudence constante de la Cour, une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne ne saurait être libérée de cette obligation que lorsqu’elle a constaté que la question soulevée n’est pas pertinente ou que la disposition du droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ou que l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable »14.

La question proposée dans le cadre de la discussion de toutes les branches du moyen est relative à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Celle-ci dispose dans son article 51, paragraphe 1, de la Charte, que « [l]es dispositions de la […] Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ». Or, le moyen n’est pas tiré d’une violation de ce droit.

Il en suit qu’il n’y a pas lieu de poser la question préjudicielle proposée.

13 Cour de justice de l’Union européenne, Grande chambre, 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management e Catania Multiserviz, (arrêt également désigné comme CILFIT II), C-561/19, ECLI:EU:C:2021:799, point 32.

14 Idem, point 33.

25 Quant au deuxième moyen de cassation Le deuxième moyen de cassation est scindé en deux branches.

La première branche du moyen est tirée « de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 10bis de la Constitution, consacrant le principe d'égalité devant la loi et aux termes duquel :

(1) Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.

(…) » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme à l'article 10bis de la Constitution ;

aux motifs que :

« La fait d’effectuer une distinction entre les voies de recours pénales et civiles et de soumettre les juridictions pénales et civiles à des règles procédurales différentes, en l’occurrence à une procédure différente pour faire valoir son droit dans le cadre d’une confiscation pénale, n’a pas pour effet d’instituer une différence de traitement entre les tiers préjudiciés, contrairement à ce que le mandataire de la SOCIETE1.) soutient. En effet, la SOCIETE1.) avait la possibilité d’introduire une procédure pour faire valoir ses droits sur les avoirs en question devant les juridictions de jugement en présentant notamment une requête en restitution ou attribution basée sur l’article 32 du Code pénal luxembourgeois dans le cadre de la demande d’exequatur de la décision lettonne. (…) » alors que, l’interprétation de la Cour d’appel aboutit à exclure du bénéfice de la tierce opposition les tiers préjudiciés par un jugement pénal statuant sur des intérêts civils, alors qu'un jugement rendu par une juridiction civile a les mêmes effets vis-à-vis des tiers qu'un jugement pénal statuant sur des intérêts civils et que les tiers préjudiciés par un jugement rendu par une juridiction civile peuvent introduire une procédure en tierce opposition, Il est à rappeler que la Cour constitutionnelle décide de façon constante « que la mise en œuvre de la règle constitutionnelle de l’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans des situations comparables au regard de la disposition légale critiquée »15 et « que le législateur peut, sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que la différence instituée procède de disparités objectives et qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnelle à son but »16.

15 Voir, à titre d’illustration : Cour constitutionnelle, 5 juillet 2019, n° 149 du registre.

16 Idem.

26 L’appréciation de la conformité d’une loi à l’article 10bis de la Constitution suppose donc de déterminer, d’une part, si les situations donnant lieu à un traitement différent sont comparables et, d’autre part, dans l’affirmative, si cette différence de traitement est justifiable.

En d’autres termes, il appartient au juge « ordinaire » d’examiner si la loi dont la conformité avec le principe constitutionnel d’égalité est contestée opère effectivement une différence de traitement entre des catégories de personnes et de conclure que la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement dès lors que la loi est « neutre ».

Dans l’arrêt dont pourvoi, les juges d’appel se sont dans un premier temps penchés sur l’éventuelle différence de traitement entre le tiers préjudicié par un jugement pénal statuant sur les intérêts civils et le tiers préjudicié par un jugement civil et plus particulièrement sur la question de savoir si le tiers préjudicié par un jugement pénal statuant sur les intérêts civils a eu la possibilité de faire valoir ses droits.

Afin d’apprécier la réponse donnée par la Cour à cette question, il y a lieu de reprendre, de manière plus détaillée les rétroactes de l’affaire:

En date du 6 février 2012, les avoirs d’un montant de 15.025.222,21 euros, inscrits sur le compte portant la racine NUMERO5.) ouvert dans les livres de la société SOCIETE1.) au nom de la société SOCIETE2.) ont été saisis sur base d’une ordonnance d’un juge d’instruction luxembourgeois, dans le cadre de l’exécution d’une demande d’entraide judiciaire internationale, délivrée par les autorités lettonnes.

Par courrier du 10 février 201217 l’actuelle demanderesse en cassation a confirmé au juge d’instruction l’existence des avoirs en compte. Elle s’est réservé le droit, sur base de la loi du 5 août 2005 d’opérer une réalisation de sa sûreté nonobstant saisie pénale opérée, mais a informé le magistrat instructeur que la procédure de réalisation du gage était tenue en suspens.

Dès la saisie des avoirs en question, la société SOCIETE1.) aurait pu faire valoir ses droits sur les biens en cause sur base de l’article 11 (2) de loi modifiée du 8 août 2000 sur l’entraide judiciaire internationale en matière pénale, qui dispose que : « Si des biens autres que ceux visés à l’article 9 ont été saisis en exécution d’une demande d’entraide, le propriétaire ainsi que toute personne ayant des droits sur ces biens, peut en réclamer la restitution jusqu’à la saisine du tribunal correctionnel d’une demande tendant à l’exequatur d’une décision étrangère de confiscation ou de restitution portant sur ces biens. » Le recours prévu à l’article 11 « a pour objet de permettre, dans des circonstances exceptionnelles, à la chambre du conseil de prendre une décision, à savoir de statuer sur la restitution des biens saisis sur demande de l’autorité requérante, qui n’appartient, suivant les règles de l’entraide judiciaire internationale, en principe qu’à cette dernière ».

Le législateur a précisé, dans les travaux préparatoires ayant abouti à la loi du 27 octobre 201018 qui a introduit l’article 11, que « le sort des biens dépend […] en principe des seules décisions des autorités de […] [l’]État [requérant], à l’exclusion de celles de l’État requis [de sorte que] il appartient […] aux titulaires des biens saisis de s’adresser en principe aux autorités de l’État 17 Pièce 2 de la Farde de pièces, communiquées par Maître Lionel SPET 18 Mémorial A, 2010, no 194, p. 3194 27 requérant pour solliciter la mainlevée »19. Le recours « a seulement pour objet de fournir, par exception à ce principe, aux titulaires une sorte de “soupape de sécurité” dans des circonstances exceptionnelles ». Le législateur en fournit un exemple en citant le cas d’autorités compétentes de l’État requérant qui « refusent la mainlevée d’une saisie maintenue depuis un laps de temps important tout en se désintéressant de la poursuite de la procédure ».

En l’espèce, en cas de demande introduite sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 8 août 2000, l’autorité requérante aurait été consultée en vue de déterminer le sort à réserver à la saisie des avoirs. Il est plus que probable qu’elle ait conclu au maintien de la saisie des avoirs à ce stade de la procédure.

En date du 15 mars 2012, la demanderesse en cassation a décidé de réaliser le gage. Elle en a informé son cocontractant SOCIETE2.), mais s’est bien gardée de mettre les autorités judiciaires au courant de sa démarche. Et pour cause : au vu des circonstances ayant entouré la conclusion du contrat de gage, la question de la régularité dudit contrat se posait.

SOCIETE2.), représentée à ce moment par l’étude Arendt & Medernach a d’ailleurs dans un courrier du 10 juillet 201220 adressé à SOCIETE1.) remis en question la validité du contrat de gage conclu entre parties.

La situation juridique à laquelle SOCIETE1.) doit actuellement faire face n’est que la conséquence de son choix d’omettre d’exercer, par mesure de précaution avant la réalisation du gage, la voie de recours qui s’ouvrait à elle.

Le 7 janvier 2014 une juridiction d'appel de Riga statuant en matière pénale, confirmant le jugement du 31 octobre 2013 rendu par le tribunal de Vidzeme de la ville de Riga, a retenu que le contrat de gage n’était pas valablement conclu entre SOCIETE2.) et SOCIETE1.) et que les avoirs saisis constituent le produit d’une infraction pénale. Elle a partant ordonné la restitution des avoirs d'un montant de EUR 15.025.222,21 inscrits sur le compte-racine NUMERO5.) ouvert dans les livres de SOCIETE1.) au nom de SOCIETE2.), à cette dernière. Aussi bien en première instance qu’en deuxième instance, l’actuelle partie demanderesse en cassation a pu faire valoir ses moyens. La décision du 7 janvier 2014 reprend d’ailleurs en détail 21 les moyens développés par les mandataires de SOCIETE1.) dans le cadre de l’instance d’appel, moyens qui n’ont cependant pas été suivis par la juridiction d’appel.

Il ressort également des décisions lettonnes précitées, que les autorités lettonnes avaient l’intention ferme de faire reconnaître et de faire exécuter ces décisions au pays de situation des avoirs bancaires, soit au Luxembourg.

SOCIETE1.) était donc non seulement au courant de l’existence et de la motivation des décisions lettonnes, mais également des suites qui allaient être réservées à ces décisions.

Par jugement du 9 juin 2016 n°1753/2016 le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, a :

19 Amendements adoptés par la Commission juridique de la Chambre des députés transmis le 17 août 2010 (Document parlementaire no 6017-2, p. 8, al. 3).

20 Farde de pièces, communiquées par Maître Lionel SPET, pièce 1b, page 26, alinéa 1er de la traduction de la décision du 7 janvier 2014 de la juridiction de RIGA 21 Farde de pièces, communiquées par Maître Lionel SPET, pièce 1b, pages 20 à 30 de la traduction de la décision du 7 janvier 2014 de la juridiction de RIGA 28 - déclaré exécutoire au Grand-Duché de Luxembourg la décision numéroNUMERO6.) (affaire KA04-0190/14-21) rendue le 7 janvier 2014 par la juridiction d’appel « Rigas apgabaltiesas Kriminallietu tiesu kolegija » -en ce qu’elle a ordonné la restitution des avoirs d’un montant de 15.025.222,21 euros inscrits sur le compte racine NUMERO5.) (compte principal et sous-compte), ouvert dans les livres de la société SOCIETE1.) , établie et ayant son siège social à L-ADRESSE10.), au nom de SOCIETE2.), à la personne lésée par les infractions, à savoir AS « SOCIETE2.) » représentée par son curateur, la société SOCIETE3.) », immatriculée sous le numéroNUMERO3.), établie à ADRESSE11.), - partant ordonné la confiscation des avoirs d’un montant de 15.025.222,21 euros inscrits sur le compte racine NUMERO5.) (compte principal et sous-compte), ouvert dans les livres de la société SOCIETE1.) s.a., établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE10.), au nom de SOCIETE2.) ;

- ordonné la restitution des avoirs confisqués ci-avant à la personne lésée par les infractions visées dans la décision numéroNUMERO6.) (affaire KA04-0190/14-21) rendue le 7 janvier 2014 par la juridiction d’appel « Rigas apgabaltiesas Kriminallietu tiesu kolegija » à savoir AS « SOCIETE2.) » ;

- dit que le jugement entraîne transfert à AS « SOCIETE2.) » représentée par son curateur, la société SOCIETE3.) », immatriculée sous le numéroNUMERO3.), établie à ADRESSE11.), de la propriété des fonds restitués, avec les intérêts courus et futurs, sur les comptes sus-mentionnés .

Suite à la décision du tribunal correctionnel du 9 juin 2016, SOCIETE1.) aurait, comme l’ont précisé les juges d’appel, pu faire valoir ses droits dans le cadre du recours prévu à l’article 32 du Code pénal et endéans le délai y prévu. Contrairement au raisonnement tenu par SOCIETE1.), les débats menés dans le cadre d’une instance introduite sur base de l’article 32 du Code pénal auraient permis de débattre de la légitimité de son appropriation des avoirs en cause, légitimité qui est précisément remise en question au vu des faits retenus par les décisions lettonnes.

Pour être complet, il y a lieu de préciser que les multiples modifications des textes de loi relatifs à la confiscation spéciale n’ont, en l’espèce, aucune incidence, sur la question de l’existence du recours ouvert au tiers prétendant avoir un droit sur les biens confisqués. En effet, ce recours a été étendu à tout type d’infraction par la loi du 1er août 2007 sur la confiscation et portant modification de différentes dispositions du Code pénal, du Code d’instruction criminelle et de différentes lois spéciales22.

Si SOCIETE1.) n’était certes pas partie à l’instance par laquelle les décisions lettonnes précitées ont été reconnues exécutoires au Grand-Duché de Luxembourg, il ne reste pas moins que, d’une part, la demanderesse en cassation avait parfaitement connaissance des décisions lettonnes au vu de son intervention dans le cadre des deux instances et que, d’autre part, elle disposait en droit luxembourgeois de voies de recours pour faire valoir ses droits.

22 Mémorial A, 2007, no 136 29 Il y a lieu de conclure que dans le cadre d’une procédure en exequatur d’une décision pénale étrangère, le tiers préjudicié par un jugement pénal luxembourgeois statuant sur les intérêts civils a la possibilité de faire valoir ses droits.

Par ces motifs, complétant en partie ceux des juges d’appel, l’arrêt attaqué se trouve légalement justifié.

Il s’ensuit que le moyen est à rejeter, sans qu’il n’y ait lieu de s’interroger sur le point de savoir si la Cour constitutionnelle est à saisir d’une question préjudicielle sur base de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de cette Cour.

Une telle question paraît, en effet, conformément à ce qui a été précisé ci-dessus, dénuée de tout fondement.

Dans le cadre de la deuxième branche du moyen, la partie demanderesse en cassation fait valoir que « SOCIETE1.) s'était déjà approprié la somme litigieuse en ayant au préalable réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et donc que l'ancien article 32-1 du Code pénal ne présentait aucune utilité pour SOCIETE1.) dans la mesure où elle ne peut pas demander la restitution ou l’attribution d'un bien dont elle est déjà le propriétaire légitime. » La soussignée croit comprendre que la demanderesse en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir pris en compte l’article 32 -1 du Code pénal dans le cadre de l’évaluation des recours ouverts à la demanderesse pour faire valoir ses droits et en déduit une violation de l’article 10bis de la Constitution.

Le grief formulé est étranger au texte de loi visé dans le cadre de cette branche du moyen.

Il en suit que la deuxième branche du deuxième moyen est à déclarer irrecevable.

Quant au troisième moyen de cassation Le troisième moyen est « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 47 de la CDFUE, aux termes duquel ::

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.

Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

(…) » étant précisé que l'article 52, §3 de la CDFUE établit un mécanisme de passerelle avec la CEDH pour les droits correspondants aux termes duquel :

« 3. Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés 30 fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue. » et que l'article 6, §1 de la CEDH consacre le droit à un procès équitable aux termes duquel :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-

fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » et que l'article 13 de la CEDH consacre le droit à un recours effectif aux termes duquel :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme à l'article 47 de la CDFUE ;

aux motifs que :

« Il convient de rappeler que l'article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne prévoit le droit à un recours effectif et le droit d'accès à un tribunal impartial.

(…) Selon la CEDH « Le droit à un tribunal n'est pas absolu en matière pénale qu'en matière civile et il se prête à des limitations implicites » (…) » Dans ce même sens, la Cour de cassation retient dans un arrêt du 12 novembre 2020 que : « Le droit d'accès au juge, tel que prévu par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas absolu. Les États peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu'ils organisent et en fixer les conditions d'exercice…Les limitations au droit d'accès peuvent résulter de règles procédurales tenant aux conditions de recevabilité d'un recours » (Cour de cassation, 12 novembre 2020, no 143/2020 pénal).

Dès lors et au vu de l'ensemble des développements précédents, les moyens tirés d'une violation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6.1 et 13 de la Convention ne sont pas fondés » alors que l'Exequatur porte manifestement atteinte aux droits de SOCIETE1.) dans la mesure où (i) SOCIETE1.) n'a pas été convoquée à l'instance judiciaire ayant abouti à l'Exequatur, (ii) l'Exequatur a ordonné la confiscation et la restitution d'une somme que SOCIETE1.) s'est valablement appropriée en ayant valablement réalisé le gage conformément au Contrat de 31 Gage et la Loi CGF et (iii) que conformément à l'article 47 de la CDFUE, SOCIETE1.) doit dans de telles circonstances disposer de la possibilité de contester une décision portant préjudice à ses droits légitimement constitués par le biais d'un recours effectif, la tierce opposition telle que prévue par l'article 612 NCPC étant le seul recours à la disposition de SOCIETE1.) afin que cette dernière puisse faire valoir ses droits, l'arrêt attaqué, en ayant néanmoins confirmé le Jugement entrepris et déclaré irrecevable la tierce opposition formée par SOCIETE1.) contre l'Exequatur, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme aux principes du droit à un recours effectif et à un procès équitable, a violé l'article 47 de la CDFUE. » Le moyen est tiré de la violation de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

La Charte dispose dans son article 51, paragraphe 1, que « [l]es dispositions de la […] Charte s’adressent aux institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ».

La Charte ne s’applique donc que si et dans la mesure où les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union européenne. Or, le présent cas d’espèce est étranger à une telle mise en œuvre. La procédure dont vous êtes saisis étant étrangère à la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, la Charte est inapplicable.

Ce motif de pur droit est à substituer à ceux de l’arrêt attaqué, tirés de ce que « Dès lors et au vu de l’ensemble des développements précédents, les moyens tirés d’une violation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne […] ne sont pas fondés. »23 La décision déférée se trouve ainsi légalement justifiée24.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

La demanderesse en cassation vous invite, à saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle. L’article 47 de la Charte présuppose la mise en œuvre du droit de l’Union européenne. La procédure pénale sous examen n’appelait pas la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, de sorte que les dispositions de la Charte sont étrangères au litige.

Il en suit que la question préjudicielle est sans objet.

Quant au quatrième moyen de cassation Le quatrième moyen est « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 6, §1 de la CEDH, consacrant le droit à un procès équitable, aux termes duquel :

23 Page 13 de la décision dont pourvoi 24 Voir, à titre d’illustration d’une substitution de motifs en matière pénale : Cour de cassation, 2 décembre 2021, n° 140/2021 pénal, numéro CAS-2021-0005 du registre (réponse aux quatre premiers moyens réunis).

32 « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-

fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme à l'article 6, §1 de la CEDH ;

aux motifs que :

« Il convient de rappeler que l'article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne prévoit le droit à un recours effectif et le droit d'accès à un tribunal impartial.

(…) Selon la CEDH « Le droit à un tribunal n'est pas absolu en matière pénale qu'en matière civile et il se prête à des limitations implicites » (…) » Dans ce même sens, la Cour de cassation retient dans un arrêt du 12 novembre 2020 que : « Le droit d'accès au juge tel que prévu par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas absolu. Les États peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu'ils organisent et en fixer les conditions d'exercice…Les limitations au droit d'accès peuvent résulter de règles procédurales tenant aux conditions de recevabilité d'un recours » (Cour de cassation, 12 novembre 2020, no 143/2020 pénal).

Dès lors et au vu de l'ensemble des développements précédents, les moyens tirés d'une violation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6.1 et 13 de la Convention ne sont pas fondés » alors que l'Exequatur porte manifestement atteinte aux droits de SOCIETE1.) dans la mesure où (i) SOCIETE1.) n'a pas été convoquée à l'instance judiciaire ayant abouti à l'Exequatur, (ii) l'Exequatur a ordonné la confiscation et la restitution d'une somme que SOCIETE1.) s'est valablement appropriée en ayant valablement réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et (iii) que conformément à l'article 6, §1 de la CEDH, SOCIETE1.) doit dans de telles circonstances disposer de la possibilité « que sa cause soit entendue équitablement » afin de pouvoir contester une décision portant préjudice à ses droits légitimement constitués, la tierce opposition telle que prévue par l'article 612 NCPC étant le seul recours à la disposition de SOCIETE1.) afin que cette dernière puisse faire valoir ses droits, l'arrêt attaqué, en ayant néanmoins confirmé le Jugement entrepris et déclaré irrecevable la tierce opposition formée par SOCIETE1.) contre l'Exequatur, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme aux principes du droit à un procès équitable, a violé l'article 6, §1 de la CEDH. » 33 Il ressort de l’arrêt dont pourvoi que la demanderesse en cassation a soulevé les moyens suivants devant la juridiction d’appel :

« A titre d’ultime violation des droits, la défense de la SOCIETE1.) soutient que la solution retenue par le jugement entrepris entraîne une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, respectivement soutient que cette solution entraîne une violation du droit à un procès équitable, les droits énoncés aux articles 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, 6 et 13 de la Convention. »25 Au vu la formulation très générale du moyen en instance d’appel et compte tenu du caractère subsidiaire de l’article 1326, la juridiction du fond a analysé la violation alléguée au regard de l’article 13 en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni d’aucun autre élément du dossier soumis à la Cour de cassation que l’actuelle demanderesse en cassation a entendu invoquer devant les juges d’appel un droit autre garanti par l’article 6 de la Convention que le droit à un recours juridictionnel effectif.

Il en suit que le moyen est nouveau et, en ce qu’il comporterait l’examen de la question de savoir dans quelle mesure l’irrecevabilité de la tierce opposition a pu violer les droits de la défense de la partie demanderesse en cassation, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable.

A titre subsidiaire, le moyen est à déclarer non fondé.

L’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre lui. ».

Le prévenu bénéficie en matière pénale du droit à un tribunal, droit qui consiste à garantir un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial lorsque les poursuites sont engagées.

« La Convention se borne à exiger que les individus jouissent d’un droit d’accès effectif à la justice selon les modalités non contraires à son article 6, c’est-à-dire qu’ils bénéficient d’une possibilité claire et concrète, reconnue tant par la loi que par la pratique, de contester un acte constituant une ingérence dans leurs droits.

Cette disposition internationale impose par conséquent aux États contractants de déterminer puis de prendre des mesures adéquates afin de respecter cette obligation. L’effectivité du droit d’accès à un tribunal ne se contente donc pas de l’absence d’obstacle mis à son exercice. Elle requiert au contraire l’adoption de formes variées positives de la part des États. »27.

25 Page 12 de l’arrêt entrepris.

26 Voir sur ce point les développements sous le cinquième moyen 27 Justice pénale et procès équitable, Notions générales, Volume I, Franklin KUTY, no 472 34 La Cour européenne des droits de l’homme considère cependant que le droit d’accès au juge tel que consacré par l’article 6 §1 de la Convention n’est pas absolu. Les États sont habilités à édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu’ils organisent et à en fixer les conditions d’exercice, pourvu que ces réglementations aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice.28 La Cour estime que les limitations appliquées ne doivent cependant pas restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même.29 En l’espèce, il ressort, tel que développé sous le deuxième moyen, que le tiers s’estimant lésé par une décision rendue par une juridiction pénale dans le cadre de la procédure prévue aux articles 659 et suivants du Code de procédure pénale, dispose d’une voie de recours prévue à l’article 32 du Code pénal pour faire valoir ses droits, de sorte que le droit d’accès au juge en tant que tel est en l’espèce garanti.

Certes la partie demanderesse persiste à affirmer que le recours prévu à l’article 32 ne lui serait d’aucune utilité dans la mesure où elle serait d’ores et déjà propriétaire légitime des avoirs en cause. Le raisonnement de la défense se fonde cependant sur une prémisse erronée à savoir sa qualité de propriétaire légitime des avoirs. Or c’est précisément la légitimité de l’appropriation des avoirs, qui est contestée au regard des irrégularités affectant le contrat de gage conclu entre SOCIETE2.) et la demanderesse en cassation, qui doit être débattue.

Au vu des développements qui précèdent, les juges du fond ont pu conclure, sans violer la disposition visée au moyen, à une absence d’atteinte au droit d’accès au juge dans le chef de la demanderesse en cassation.

Quant au cinquième moyen de cassation Le cinquième moyen est « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 13 de la CEDH, consacrant le droit à un recours effectif et aux termes duquel :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme à l'article 13 de la CEDH ;

aux motifs que :

28 Idem no 473 29 CEDH arrêt KADLEC c/ TCHEQUIE du 25 mai 2004 §§ 24-25 35 « Il convient de rappeler que l'article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne prévoit le droit à un recours effectif et le droit d'accès à un tribunal impartial.

(…) Selon la CEDH « Le droit à un tribunal n'est pas absolu en matière pénale qu'en matière civile et il se prête à des limitations implicites » (…) » Dans ce même sens, la Cour de cassation retient dans un arrêt du 12 novembre 2020 que :

« Le droit d'accès au juge, tel que prévu par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas absolu. Les États peuvent édicter des prescriptions destinées à réglementer les recours qu'ils organisent et en fixer les conditions d'exercice…Les limitations au droit d'accès peuvent résulter de règles procédurales tenant aux conditions de recevabilité d'un recours » (Cour de cassation, 12 novembre 2020, no 143/2020 pénal).

Dès lors et au vu de l'ensemble des développements précédents, les moyens tirés d'une violation des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6.1 et 13 de la Convention ne sont pas fondés » alors que l'Exequatur porte manifestement atteinte aux droits de SOCIETE1.) dans la mesure où (i) SOCIETE1.) n'a pas été convoquée à l'instance judiciaire ayant abouti à l'Exequatur, (ii) l'Exequatur a ordonné la confiscation et la restitution d'une somme que SOCIETE1.) s'est valablement appropriée en ayant valablement réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et (iii) que conformément à l'article 13 de la CEDH, SOCIETE1.) doit dans de telles circonstances disposer de la possibilité de contester une décision portant préjudice à ses droits légitimement constitués par le biais d'un recours effectif, la tierce opposition telle que prévue par l'article 612 NCPC étant le seul recours à la disposition de SOCIETE1.) afin que cette dernière puisse faire valoir ses droits, l'arrêt attaqué, en ayant néanmoins confirmé le Jugement entrepris et déclaré irrecevable la tierce opposition formée par SOCIETE1.) contre l'Exequatur, tout en considérant qu'une telle solution serait conforme aux principes du droit à un recours effectif, a violé l'article 13 de la CEDH. » L’article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit à toute personne l’existence d’un recours interne permettant de s’y prévaloir de la violation d’un droit tiré de la Convention. La disposition visée au moyen exige un recours interne habilitant à examiner le contenu d’un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié.

« Le droit à un recours effectif consacré dans l’article 13 constitue un droit complémentaire, secondaire et accessoire en ce qu’il ne peut être invoqué qu’à l’appui d’un autre droit garanti par la Convention.»30 « La Cour accepta de constater une violation de l’article 13 lorsque celui-ci fut invoqué en combinaison avec un autre article, qu’il y ait eu violation ou non de cet article (Chahal c.

Royaume-Uni 15 novembre 1996, § 147-155 : combinaison avec l’article 3 ; Camezind c.

30 Frédéric Sudre, Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme, Thémis Droit PUF, 10e édition, page 496 36 Suisse, 16 décembre 1997, § 57, RTDH, 1997, 639, obs. G. Malinverni : combinaison avec l’article 8). »31 Aucun grief défendable fondé sur la Convention n’est invoqué. La demanderesse en cassation se contente de reprocher à la Cour d’appel d’avoir déclaré sa demande irrecevable sur la base d’un raisonnement erroné.

Le grief fait à l’arrêt entrepris est étranger à la disposition invoquée.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

Quant au sixième moyen de cassation L’énoncé du sixième moyen se lit comme suit :

« tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 89 de la Constitution, aux termes duquel :

« Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique » en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris et a ainsi déclaré la tierce opposition de SOCIETE1.) contre l'Exequatur irrecevable, tout en considérant qu'une telle solution n’impliquerait pas une inégalité de traitement et par conséquent, serait conforme à l'article 10bis de la Constitution ;

aux motifs que :

« La fait d’effectuer une distinction entre les voies de recours pénales et civiles et de soumettre les juridictions pénales et civiles à des règles procédurales différentes, en l’occurrence à une procédure différente pour faire valoir son droit dans le cadre d’une confiscation pénale, n’a pas pour effet d’instituer une différence de traitement entre les tiers préjudiciés, contrairement à ce que le mandataire de la SOCIETE1.) soutient. En effet, la SOCIETE1.) avait la possibilité d’introduire une procédure pour faire valoir ses droits sur les avoirs en question devant les juridictions de jugement en présentant notamment une requête en restitution ou attribution basée sur l’article 32 du Code pénal luxembourgeois dans le cadre de la demande d’exequatur de la décision lettonne. (…) Il s’ensuit que le moyen tiré d’une inégalité de traitement contraire à l’article 10 bis de la Constitution n’est pas fondé » alors que, première banche de moyen, en faisant abstraction du fait que SOCIETE1.) s'était déjà approprié la somme litigieuse en ayant au préalable réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et donc que l'ancien article 32-1 du Code pénal ne présentait aucune utilité pour SOCIETE1.) dans la mesure où elle ne peut pas demander la restitution ou 31 ibidem 37 l’attribution d'un bien dont elle est déjà le propriétaire légitime, la Cour d’appel s’est contredite dans ses motifs ;

et, deuxième branche du moyen, en faisant abstraction que SOCIETE1.) s'était déjà approprié la somme litigieuse en ayant au préalable réalisé le gage conformément au Contrat de Gage et la Loi CGF et donc que l'ancien article 32-1 du Code pénal ne présentait aucune utilité pour SOCIETE1.) dans la mesure où elle ne peut pas demander la restitution ou l’attribution d'un bien dont elle est déjà le propriétaire légitime, la Cour d’appel a produit un raisonnement erroné, manquant ainsi de motivation, ce qui équivaut à une absence de base légale ;

l’arrêt attaqué a violé l’article 89 de la Constitution. » Dans la discussion du moyen, la demanderesse en cassation conclut que la motivation de la Cour d’appel est contradictoire, respectivement erronée, manquant ainsi de motivation, ce qui équivaudrait à une absence de base légale et que partant l'arrêt attaqué devrait encourir la cassation pour avoir violé l'article 89 de la Constitution.

Dans le cadre de la première branche du moyen, la demanderesse en cassation fait état du grief de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, qui ne peut être retenu que si les motifs critiqués sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision. Ce grief suppose une contradiction entre deux motifs d’une même décision judiciaire.

En l’espèce, la partie demanderesse ne cassation ne critique cependant pas une contradiction entre deux motifs de la décision dont pourvoi, mais fait état d’une contradiction entre la motivation précitée de la Cour 32et ses propres moyens développés dans le cadre de sa défense33.

La Cour ne s’étant pas prononcée dans les conditions dénoncées par la première branche du moyen, la branche sous examen manque en fait.

Le texte soumis à Votre Cour de cassation dans le cadre de la deuxième branche du moyen constitue un amalgame de considérations sans aucun lien avec le grief énoncé, qui ne répond pas aux conditions de clarté et de précision requises pour constituer un moyen de cassation Si l’article 43 de la loi du 10 février 1885, applicable aux pourvois en matière pénale, ne se prononce pas, contrairement à l’article 10 de la même loi applicable aux pourvois en cassation 32 « Le fait d’effectuer une distinction entre les voies de recours pénales et civiles et de soumettre les juridictions pénales et civiles à des règles procédurales différentes, en l’occurrence à une procédure différente pour faire valoir son droit dans le cadre d’une confiscation pénale, n’a pas pour effet d’instituer une différence de traitement entre les tiers préjudiciés, contrairement à ce que le mandataire de la SOCIETE1.) soutient. En effet, la SOCIETE1.) avait la possibilité d’introduire une procédure pour faire valoir ses droits sur les avoirs en question devant les juridictions de jugement en présentant notamment une requête en restitution ou attribution basée sur l’article 32 du Code pénal luxembourgeois dans le cadre de la demande d’exequatur de la décision lettonne. (…) Il s’ensuit que le moyen tiré d’une inégalité de traitement contraire à l’article 10 bis de la Constitution n’est pas fondé » 33 La Cour n’ayant pas fait droit au moyen de la défense, il est tout à fait logique que la motivation de la Cour soit en contradiction avec ledit moyen de défense.

38 en matière civile, sur la présentation et la teneur du moyen, il ne reste pas moins que le texte soumis à la Cour doit lui permettre d’en déterminer le sens et la portée.

Tel n’étant manifestement pas le cas en l’espèce, la deuxième branche du moyen est à déclarer irrecevable.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État le premier avocat général Sandra KERSCH 39


Synthèse
Numéro d'arrêt : 141/23
Date de la décision : 14/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2023-12-14;141.23 ?

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