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24/06/2021 | LUXEMBOURG | N°100/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 24 juin 2021, 100/21


N° 100 / 2021 du 24.06.2021 Numéro CAS-2020-00114 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-quatre juin deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Marc HARPES, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier en chef de la Cour.

Entre:

L), demandeur en cassation, c

omparant par Maître Cédric SCHIRRER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile ...

N° 100 / 2021 du 24.06.2021 Numéro CAS-2020-00114 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-quatre juin deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Marc HARPES, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier en chef de la Cour.

Entre:

L), demandeur en cassation, comparant par Maître Cédric SCHIRRER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

l’association sans but lucratif A), défenderesse en cassation, comparant par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 44/20, rendu le 28 mai 2020 sous le numéro CAL-

2019-00865 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 13 août 2020 par L) à l’association sans but lucratif A) (ci-après « l’association A) »), déposé le 27 août 2020 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 2 octobre 2020 par l’association A) à L), déposé le 12 octobre 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Lotty PRUSSEN et les conclusions de l’avocat général Isabelle JUNG ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal du travail de Luxembourg avait rejeté la demande de L) dirigée contre son employeur, l’association A), tendant à voir qualifier le changement d’affectation de son poste de travail de modification en sa défaveur d’une clause essentielle du contrat de travail et à voir qualifier sa démission y consécutive de licenciement abusif. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi, plus particulièrement de l'article L. 121-7 du Code du travail ;

en ce que, en l'espèce, la Cour d'Appel a estimé qu'il n'était pas nécessaire de se conformer aux formalités procédurales à respecter par un employeur en cas de modification du contrat de travail en défaveur du salarié prévues à l'article L. 121-

7 du Code du Travail, Que la Cour d'Appel a considéré que, du moment qu'il y avait une convention écrite entre parties modifiant temporairement les conditions de travail du salarié, le salarié pouvait être détaché auprès du même employeur pour une durée déterminée et par la suite, être renvoyé à son ancien poste, toutefois avec moins d'avantages qu'avant la date de son détachement, Que dans ce cas, la Cour d'Appel a considéré, qu'il n'y avait pas modification du contrat de travail en défaveur du salarié et, dès lors, l'employeur n'était pas tenu de suivre la procédure de modification formelle du contrat de travail prévue à l'article L. 121-7 du Code du Travail ;

Que toutefois, l'article L. 121-7 du Code du Travail ne perd pas son caractère obligatoire du fait de conventions modificatives temporaires du contrat de travail conclues entre l'employeur et le salarié.

Qu'au cas où, à la fin d'une telle convention temporaire, l'employeur propose des conditions de travail qui constituent une modification, en défaveur du salarié, d'une clause essentielle du contrat de travail, dont fait partie la convention temporaire, l'employeur est tenu de notifier ces modifications dans les formes et conditions prévues à l'article L. 121-7 du code du travail.

Qu'en statuant différemment, la Cour d'appel a violé l'article L. 121-7 du Code du Travail, Que l'arrêt attaqué encourt donc la cassation de ce chef. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments du dossier qui les ont amenés à retenir que l’affectation du demandeur en cassation à un autre poste de travail ne constitue pas une modification en sa défaveur portant sur une clause essentielle du contrat de travail au sens de l’article L. 121-7 du Code du travail, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Anne-Marie SCHMIT, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier en chef Viviane PROBST.

PARQUET GENERAL Luxembourg, le 3 mai 2021 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

________

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Monsieur L) c/ A) ASBL (affaire n° CAS 2020-00114 du registre) Par mémoire signifié le 13 août 2020 à l’association sans but lucratif A) (ci-après A) ASBL) et déposé le 27 août 2020 au greffe de Votre Cour, Monsieur L) a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt numéro numéro 44/20 – III – TRAV, du 28 mai 2020 rendu contradictoirement par la Cour d’appel, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail et en instance d’appel, sous le numéro CAL-2019-00865 du rôle.

Les pièces au dossier ne renseignent cependant pas d’une signification de l’arrêt entrepris. En l’absence d’éléments contraires, la soussignée part dès lors du principe que le pourvoi en cassation a été interjeté dans les délais prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues par cette loi.

Faits et rétroactes Par requête déposée au greffe de la justice de paix de Luxembourg en date du 22 août 2018, L) a fait convoquer A) ASBL pour l’y entendre condamner à lui payer le montant total de 62.277,84 euros + p.m., avec les intérêts légaux tels que de droit, principalement à partir du 31 mai 2018, date de sa démission, sinon à partir de la demande en justice jusqu’à solde, suite à sa démission considérée par le requérant comme étant un licenciement abusif aux termes de l’article L. 121-7 du Code du travail, alors qu’il aurait subi une modification substantielle de ses conditions de travail sans que la procédure prévue à cet effet n’ait été respectée par l’employeur. Par ailleurs, L) a demandé un dédommagement matériel pour harcèlement moral prétendument subi auprès d’A) ASBL.

L) a encore requis l’exécution provisoire du jugement et la condamnation d’A) ASBL au paiement d’une indemnité de procédure de 5.000 euros sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile.

Lors de la première instance, A) ASBL a reconventionnellement demandé la condamnation de L) au paiement d’une indemnité de procédure de 2.500 euros sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile.

Par jugement rendu contradictoirement le 4 juillet 2019, le Tribunal du travail de Luxembourg a - dit que la résiliation du contrat de travail était intervenue par la démission avec préavis de L), - dit qu’il n’y avait pas lieu de qualifier cette démission de licenciement abusif, - débouté L) de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour préjudices matériel et moral, - débouté L) de sa demande en paiement d’arriérés de salaires, - débouté L) de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, - débouté L) de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile, - condamné L) à payer à A) ASBL une indemnité de procédure de 500 euros sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile, - dit qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du jugement, - condamné L) aux frais et dépens de l’instance.

Par acte d’huissier du 8 août 2019, L) a régulièrement fait interjeter appel de ce jugement du 4 juillet 2019, qui lui a été notifié en date du 11 juillet 2019, concluant à la réformation de la décision de première instance sur base des arguments présentés antérieurement et réclamant une indemnité de procédure de 5.000 euros pour chaque instance.

A) ASBL a réitéré ses demandes présentées en première instance et a réclamé une indemnité de procédure pour l’instance d’appel.

Par un arrêt contradictoirement rendu et portant la date du 28 mai 2020, la Cour d’appel, troisième chambre siégeant en matière de droit du travail, a déclaré l’appel de L) recevable mais non fondé, confirmant le jugement du 4 juillet 2019, et a condamné L) a payer à A) ASBL une indemnité de procédure de 1.500 euros sur l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile ainsi qu’aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt.

Quant à l’unique moyen de cassation L’unique moyen de cassation est tiré « de la violation de la loi, plus particulièrement de l’article L. 121-7 du Code du Travail ;

En ce que, en l’espèce, la Cour d’appel a estimé qu’il n’était pas nécessaire de se conformer aux formalités procédurales à respecter par l’employeur en cas de modification du contrat de travail en défaveur du salarié prévues à l’article L. 121-7 du Code du Travail, Que la Cour a considéré que, du moment qu’il y avait une convention écrite entre parties modifiant temporairement les conditions de travail du salarié, le salarié pouvait être détaché auprès du même employeur pour une durée déterminée et par la suite, être renvoyé à son ancien poste, toutefois avec moins d’avantages qu’avant la date de son détachement, Quand dans ce cas, la Cour d’Appel a considéré, qu’il n’y avait pas modification du contrat de travail en défaveur du salarié et, dès lors, l’employeur n’était pas tenu de suivre la procédure de modification formelle du contrat de travail prévue à l’article L.121-7 du Code du Travail ;

Que toutefois, l’article L.121-7 du Code du Travail ne perd pas son caractère obligatoire du fait des conventions modificatives temporaires du contrat de travail conclues entre l’employeur et le salarié.

Qu’au cas où, à la fin de telle convention temporaire, l’employeur propose des conditions de travail qui constituent une modification, en défaveur du salarié, d’une clause essentielle du contrat de travail, dont fait partie la convention temporaire, l’employeur est tenu de notifier ces modifications dans les formes et conditions prévues à l’article L.121-7 du Code du Travail.

Qu’en statuant différemment, la Cour d’appel a violé l’article L.121-7 du Code du Travail, Que l’arrêt attaqué encourt la cassation de ce chef. ».

La partie demanderesse en cassation reprend dans la discussion de son moyen, les arguments déjà exposés en instance d’appel, estimant que la Cour d’appel a, à tort, estimé que le changement de poste imposé à L) après la fin de son détachement temporaire pour une durée déterminée, ayant fait l’objet d’un avenant au contrat de travail accepté et signé par le salarié, n’était pas à qualifier de modification substantielle de son contrat de travail initial de sorte que l’employeur, A) ASBL, n’avait pas à respecter la procédure prévue à l’article L.271-1 du Code du travail.

La soussignée se rapporte à sagesse de Votre Cour en ce qui concerne la recevabilité du moyen de cassation.

Il y a lieu de constater que les critiques du demandeur en cassation portent tant sur l’interprétation faite par les juges d’appel de la clause temporaire ayant fait l’objet d’un avenant accepté et signé le 11 février 2015 par L) sans aucunes réserves, que sur l’appréciation des faits ayant amené les juges du fond à rejeter la notion de modification substantielle du contrat de travail au sens de l’article L.121-7 du Code du travail.

Or, en ce qui concerne l’interprétation des clauses conventionnelles et l’intention des parties, Votre Cour admet de façon constante que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain et que leur décision à ce sujet échappe à votre contrôle.

Concernant l’avenant au contrat de travail signé le 11 février 2015 par L) et son employeur, les juges d’appel ont fait l’analyse suivante :

« Il découle en effet d’un avenant au contrat de travail du 11 février 2015, avec prise d’effet au 1er janvier 2015, que L) a été nommé « chargé de missions » avec une fonction bien spécifique auprès de la direction de son employeur. Ce document comprend une clause sous laquelle figure la signature de « L) » et qui se lit comme suit : « par la présente, je soussigné L) déclare accepter la nomination à la fonction de chargé(e) de missions pour A) asbl pour une durée de 3 ans à prendre effet au 01.01.2015, avec toutes les missions et obligations qui y sont liées ».

Il s’en suit que ce que L) qualifie de rétrogradation n’en est pas une, a fortiori une modification portant sur un élément essentiel de son contrat de travail, à savoir sa carrière, puisqu’il a été détaché pour une durée limitée dans le temps, à un poste déterminé. Les cocontractants savaient dès le départ que ce détachement prendrait fin au terme fixé par l’avenant du 11 février 2015, à savoir le 1er janvier 2018. L) a même expressément accepté la fonction et la limitation à une durée de trois ans. ».

Ainsi le moyen ne saurait être accueilli alors qu’il a trait à l’interprétation du contrat de travail, en l’espèce l’avenant du 11 février 2015 aux termes duquel L) a déclaré accepter sa nomination temporaire en tant que chargé de mission pour son employeur du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2018, c'est-à-dire à la détermination de l’existence et du contenu des obligations respectives, partant de la volonté des parties contractantes laquelle relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond échappant donc au contrôle de la Cour de cassation.

En outre, en ce qui concerne l’appréciation des éléments permettant de retenir ou, comme dans le cas d’espèce, de ne pas retenir une modification substantielle du contrat de travail, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’une appréciation des éléments de fait.

Dans le cas d’espèce, les juges d’appel ont dû examiner, à l’instar du juge de première instance, si le poste proposé à L) après la fin de son affectation temporaire, poste considéré par L) comme une rétrogradation défavorable, pouvait être considérée comme une véritable modification substantielle de son contrat de travail aux termes de l’article L.121-7 du Code du travail, plus particulièrement en ce qui concerne le grade de carrière et le salaire. A ce sujet les juges, après avoir examiné l’avenant au contrat signé le 11 février 2015, sont arrivés à la conclusion qu’il n’y avait pas eu de modification défavorable imposée à L) à la fin de son détachement temporaire, bien au contraire :

« Il n’a pas non plus subit de perte financière, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective au 1er octobre 2017. L) a ainsi basculé de la carrière PE3 dans la nouvelle carrière C6, avec une ancienneté de dix ans, ce qui a augmenté son salaire mensuel de la somme de 5.703,98 euros à celle de 7.348,24 euros. ».

Or, cette analyse des éléments de fait échappe à Votre Cour car il relève du pouvoir souverain de juges du fond, de sorte que là encore, le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État L’avocat général Isabelle JUNG 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 100/21
Date de la décision : 24/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2021-06-24;100.21 ?

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