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09/06/2022 | LUXEMBOURG | N°86/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 09 juin 2022, 86/22


N° 86 /2022 du 09.06.2022 Numéro CAS-2021-00097 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, neuf juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel Marc SCHILTZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

C), demandeur en cassation,

comparant par Maître Cathy ARENDT, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est é...

N° 86 /2022 du 09.06.2022 Numéro CAS-2021-00097 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, neuf juin deux mille vingt-deux.

Composition:

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel Marc SCHILTZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

C), demandeur en cassation, comparant par Maître Cathy ARENDT, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

A), assistée par Maître Maximilien LEHNEN, nommé curateur d’A) suivant jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 12 février 2020, défenderesse en cassation, comparant par Maître Maximilien LEHNEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 141/21-I-DIV (aff. fam.), rendu le 16 juin 2021 sous le numéro CAL-2021-00279 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière d’appel contre les décisions du juge aux affaires familiales ;Vu le mémoire en cassation signifié les 26 et 30 août 2021 par C) à A) et à Maître Maximilien LEHNEN en sa qualité de curateur d’A), déposé le 1er septembre 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 28 octobre 2021 par A) à C) à son domicile élu, déposé le 29 octobre 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le juge aux affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, avait prononcé la séparation de corps des époux C) et A) et ordonné les mesures accessoires à celle-ci. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré du défaut de base légale En ce que la Cour d’Appel a insuffisamment motivé sa décision en fait et a négligé certaines constatations de fait qui étaient nécessaires pour statuer sur le droit Il appartenait en effet, tant au Juge aux Affaires Familiales qu’à la Cour d’Appel de déterminer si Madame A) pouvait exprimer malgré ses problèmes de santé et le fait qu’elle soit placée sous curatelle un consentement libre et éclairé quant à la procédure de séparation de corps par elle introduite.

La Cour d’Appel retient à ce sujet ce qui suit :

familiales s'est à bon droit référé aux conclusions de l'expert en neuropsychiatrie G) du 18 décembre 2020 qui a retenu qu'A) est capable de donner son consentement libre et éclairé quant à la procédure de séparation par elle introduite.

Contrairement aux développements de l'appelant, cette conclusion n'est pas contredite par le constat de l'expert qu'A) n'a aucune vue sur sa situation financière et qu'elle n'est pas capable d'élaborer des projets financiers concrets. Elle a d'ailleurs relaté à l'expert que, même pendant la vie commune, c'était le mari qui s'occupait du volet administratif et financier du couple auquel elle ne s’est jamais intéressée.

(…) Contrairement aux conclusions de l'appelant, cette description de l'état de santé mentale d'A) concorde avec les constatations personnelles et conclusions du docteur G), de sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder à un réexamen des certificats 2médicaux anciens de plus d'un an qui avaient à l'époque été soumis au juge des tutelles dont les conclusions sont versées au dossier. » En décidant ainsi et en ne tenant pas compte des contestations de Monsieur C) la décision attaquée est entachée de défaut de base légale.

Monsieur C) avait exposé en instance d’appel que le docteur G) indiquait dans son rapport que Madame A) n’avait aucun grief à faire valoir à l’encontre de son époux.

Il indique encore que Madame A) ne connaissait pas la différence au niveau juridique entre un divorce et une séparation de corps et ne savait pas qu’un avocat la représentait.

Elle disait ne pas connaitre ses droits et ne pas s’être renseignée auprès d’un avocat.

Le docteur G) se réfère dans son rapport expressément aux certificats médicaux antérieurs établis au moment de l’hospitalisation de Madame A) en 2019 qui témoigne encore du fait que sa santé mentale était fortement atteinte.

Le diagnostic avait été une schizophrénie paranoïde en 2019.

Monsieur C) avait demandé que les pièces médicales versées dans le dossier de tutelles soient communiquées et qu’il en soit tenu compte. Cependant ni les premiers juges ni la Cour d’Appel n’a fait droit à cette demande.

Si Madame A) semble avoir exprimé au docteur G), vouloir vivre séparément de son époux, ce qu’elle faisait d’ailleurs déjà de fait depuis 2016, il est manifeste que Madame A) ne connaissait pas le sens, la portée et les implications juridiques d’une procédure de séparation de corps et qu’elle n’a dès lors pas pu donner un consentement libre et éclairé à cette procédure qui a en fait été détourné en l’occurrence de son but pour des raisons étrangères au droit familial.

En ne tenant pas compte de l’ensemble de ces considérations de fait, la Cour d’Appel a insuffisamment motivé sa décision et négligé des constatations de fait qui étaient nécessaires pour statuer en droit.

Les décisions de la Cour de cassation française considèrent le défaut de base légale comme un cas d’ouverture à cassation distinct du défaut de motivation.

Le défaut de base légale est défini « comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaire pour statuer sur le droit » (La cassation en matière civile, Jacques Boré/Louis Boré, Dalloz éd° 2009/2010).

La cassation prononcée sur ce fondement s’analyse en quelques sortes en (Encyclopédie DALLOZ, Procédure Verbo :

Pourvoi en cassation n°526 et suivants et plus particulièrement au n° 530 qui cite un arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 1922, Cassation Civile 22 décembre 1922, S.1924.1.235).

3 La Cour de Cassation considère que cassation qui, loin de s’attaquer à une constatation en fait, fournie par le jugement attaqué, en tire argument pour soutenir qu’après s’être livrés à cette constatation souveraine en fait, les juges du fond en ont déduit des conséquences erronées en droit. » (Cassation 25 juillet 1902, Pasicirisie n°6, 67).

Il est de doctrine et de jurisprudence que l’insuffisance de motifs constitue un défaut de base légale.

Ainsi, serait sanctionné pour défaut de base légale, la décision dans laquelle (La Cassation en Matière Civile, Jacques BORE et louis BORE, édition DALLOZ n°78113).

La décision du 16 juin 2021 doit être cassée de ce chef. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi du 18 février 1885, chaque moyen doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser le cas d’ouverture invoqué.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition légale prétendument violée en ce que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

Le moyen ne précise pas la disposition légale qui aurait été violée par la Cour d’appel.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi en l’occurrence de la violation des l’articles 306 du Code Civil et 311 du Code Civil, ensemble avec les articles 232 et 233 du Code Civil L’article 306 du Code Civil prévoit que demande en divorce prévu par l’article 232, il sera libre au conjoint de former une demande en séparation de corps. L’article 307 dispose qu’elle sera intentée, instruite et jugée de la même manière que l’action en divorce pour rupture irrémédiable ; elle ne pourra avoir lieu que par le consentement mutuel des conjoints ».

4 L’article 311 prévoit que séparation de biens. (…) ».

L’article 232 du Code Civil prévoit que irrémédiable des relations conjugales peut être demandé par l’un des conjoints ou lorsqu’il y a accord sur le principe par les 2 conjointement ».

L’article 233 prévoit que des 2 conjoints quant au principe du divorce ou par la demande d’un seul conjoint maintenue à l’issue d’une période de réflexion ne pouvant dépasser 3 mois, renouvelable 1 fois ».

La Cour d’Appel a violé ces dispositions en retenant que s’opposer à la volonté réitérée d’A) de voir prononcer la séparation de corps entre époux, l’appel n’est pas fondé sur ce point et le jugement du 5 février 2021 est à confirmer pour avoir prononcé la séparation de corps entre parties. Comme au terme de l’article 311 du Code Civil, la séparation de corps emportera toujours séparation de biens, le Juge aux Affaires Familiales a également à juste titre ordonné la liquidation et le partage de la communauté de biens ayant existé entre parties et désigné un notaire à cette fin. » Les articles 306 et 311 et les articles 232 et 233, sont des dispositions de droit familial destinés à instaurer une séparation juridique entre deux époux soit par séparation de corps soit par divorce en raison d’une rupture de leur relation personnelle.

En l’espèce, ces articles ont cependant été détournés de leur but et la procédure intentée a été dénaturée de sa fonction, à savoir mettre fin à une relation matrimoniale irrémédiablement rompue du point de vue humain. En effet, la personne ayant introduit la demande a d’une part indiqué n’avoir aucun grief contre son époux et d’autre part n’était pas en mesure de comprendre le sens et la portée de l’action qu’elle introduisait et n’ayant même pas compris qu’elle était assistée d’un avocat (voir constatations du Dr G) et premier moyen de cassation).

Une séparation de fait entre les époux C) – A) existait pour des raisons tenant à l’état de santé de Madame A).

Cette situation convenait aux deux personnes tenant compte de leur âge et de leur état de santé.

Aucune volonté n’a été exprimée à un quelconque moment depuis 2016 par l’un des époux de consacrer juridiquement cette séparation.

L’introduction d’une procédure tendant à consacrer juridiquement cette séparation de fait pour la transformer en une séparation de corps officielle, n’avait en l’occurrence qu’un seul but, dicté par des raisons étrangères au sens et à la portée des textes légaux.

5En effet, c’est pour permettre le paiement du séjour de Madame A) dans une maison de soins dans laquelle elle a été placée, sans qu’elle ni elle ni son époux n’aient volontairement décidé cette situation que le curateur es qualité de Madame A) a fait les démarches pour obtenir des aides étatiques pour Madame A) qui n’a pas de revenus personnels à part une rente de € 114.-.

Le fait que Madame A) soit propriétaire de biens immobiliers a posé problème.

Pour accéder à ces biens dont Monsieur C) est également légitimement propriétaire, une séparation de biens suivie d’un partage s’imposait dès lors. C’est pour en arriver à cette situation de séparation de biens et de partage des biens immobiliers qu’aucun des deux époux n’aurait autrement volontairement consenti que la procédure a été introduite.

Monsieur C) reproche à la Cour d’Appel d’avoir admis la demande en séparation de biens sur cette base alors qu’en fait la logique des dispositions légales applicable en l’espèce a été en quelque sorte inversée.

Ainsi l’article 311 du Code Civil prévoit que la séparation de corps entraine toujours la séparation de biens. Celle-ci est donc la conséquence de la séparation de corps prononcée sur base de l’article précédant 306.

En l’occurrence cependant c’est pour dans le seul but d’arriver à une séparation de biens suivi d’un partage de la communauté qu’une séparation de corps a été demandée qui autrement n’avait pas de justification et de nécessité, et pour laquelle le consentement libre et éclairé de la demanderesse n’est même pas établi.

Ainsi, il peut paraître que les dispositions légales ont donc été respectées, mais elles ont été appliquées pour des raisons complètement étrangères à la prétendue désunion du mariage concerné à savoir la nécessité de monnayer les biens dont Madame A) est copropriétaire pour pouvoir bénéficier d’une aide étatique.

Même si a priori le curateur et les juges d’appel, ont pris les décisions d’introduire la demande et d’admettre la séparation de corps dans un intérêt qui peut être considéré comme légitime à savoir celui d’assurer une subsistance à Madame A), il est néanmoins incontestable que le sens, la portée et le but poursuivi par le législateur dans les articles 306, 311, 232 et 233 ont été méconnus.

C’est sur base de ces considérations l’arrêt attaqué doit être cassé pour violer les dispositions légales citées dans le visa du moyen de cassation. ».

Réponse de la Cour En prononçant la séparation de corps entre époux au motif que le demandeur en cassation ne peut s’opposer à la volonté réitérée de la demanderesse en cassation à la voir prononcer et en retenant que la séparation de corps emporte la séparation de biens, les juges d’appel n’ont pas violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

6 Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Maximilien LEHNEN, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence de l’avocat général Marc SCHILTZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

7 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation C) contre A) et Maître Maximilien LEHNEN, pris en sa qualité de curateur d’A) (affaire inscrite sous le n° CAS-2021-00097) Le pourvoi en cassation introduit par C), ci-après dénommé C), par mémoire en cassation daté au 20 août 2021, signifié le 26 août 2021 à A), ci-après dénommée A), et le 30 août 2021 à Maître Maximilien LEHNEN, en sa qualité de curateur d’A), et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 1er septembre 2021, est dirigé contre l’arrêt n° 141/21 rendu contradictoirement le 16 juin 2021 par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, inscrit sous le numéro CAL-2021-00279 du rôle.

Il n’appert pas des documents versés aux débats que l’arrêt dont pourvoi ait fait l’objet d’une signification.

Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885.

Le mémoire en réponse, daté au 28 octobre 2021 et signifié le 28 octobre 2021 par Maître Maximilien LEHNEN, en sa qualité de curateur d’A), placée sous curatelle, à C), et déposé le 29 octobre 2021 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, peut être pris en considération pour avoir été signifié et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Faits et rétroactes :

Les époux C)-A) vivent séparés de fait depuis 2016. A), suite à une hospitalisation en milieu neuro-psychiatrique en 2019, vit en maison de retraite depuis fin 2020.

Elle fut mise sous curatelle par jugement n° 58/2020 rendu le 12 février 2020 aux termes duquel Maître Maximilien LEHNEN fut désigné en qualité de curateur d’A). Le juge des tutelles a retenu qu’A), sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être conseillée et contrôlée dans les actes de de la vie civile. Le curateur s’est vu confier la mission, par application de l’article 512 du Code civil, de percevoir seul les revenus de l’intéressée et d’assurer le règlement de ses dépenses.

Suite à l’introduction de la demande en séparation de corps par A), le juge aux affaires familiales a nommé comme expert le Dr. G) avec la mission de se prononcer sur la volonté réelle de la partie demanderesse à voir procéder à une séparation de corps de son époux et de vérifier si son consentement à cette procédure est libre et éclairé. Par expertise neuro-

psychiatrique dressée le 18 décembre 2020, l’expert désigné, actant qu’A) désire une séparation de son mari, mais qu’elle ne veut pas divorcer de lui, conclut qu’elle est capable de donner un consentement libre et éclairé à cette procédure de séparation.

8Par jugement no 2021TALJAF/00460 rendu le 5 février 2021, le juge aux affaires familiales près le tribunal d'arrondissement de Luxembourg déclara fondée la demande en séparation de corps introduite par A), tout comme sa demande en allocation de pension alimentaire. Le quantum du secours alimentaire fut fixée à 2.100 euros, ce en tenant compte des besoins de la créancière d’aliments, constitué principalement par les frais d’hébergement en maison de retraite, et les capacités financières du débiteur.

L’arrêt dont pourvoi a déclaré non fondé l’appel dirigé par C) contre le prédit jugement, y compris ses arguments d’appel tenant à l’absence de preuve quant à la volonté réelle et effective de son épouse de procéder par voie de séparation de corps, au caractère détourné de la demande en séparation de corps dont la seule finalité résiderait dans la mise à disposition au le curateur de moyens financiers pour payer le séjour de l’intimée en maison de retraite, et, finalement, au caractère surfait du montant alloué par le premier juge à titre de pension alimentaire.

Quant au 1er moyen de cassation :

Le demandeur en cassation fait valoir que le 1er moyen de cassation est tiré du défaut de base légale « en ce que la Cour d’Appel a insuffisamment motivé sa décision en fait et a négligé certaines constatations de fait qui étaient nécessaires pour statuer sur le droit ».

Quel droit ? Il est rappelé que le défaut de base légale vise le cas où la décision entreprise comporte des motifs, de sorte que sa régularité formelle ne saurait être contestée, mais où les motifs sont imprécis ou incomplets à un point tel que la Cour de cassation est dans l’impossibilité de contrôler l’application de la loi1. Ce cas d’ouverture à cassation est défini comme étant l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit2.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit3.

L’indication de la disposition légale qui aurait été violée est dès lors indispensable pour ce cas d’ouverture.

Or, le moyen sous examen ne fait référence à aucune disposition légale, ni aux termes de son libellé, ni dans la discussion subséquente, laquelle ne fait pas présager par rapport à quelle disposition légale la constatation factuelle aurait été insuffisante.

Le moyen ne passant pas le cap de la recevabilité à ce titre, il n’y a pas lieu de l’examiner autrement.

Quant au 2ème moyen de cassation :

1 J. et L. BORÉ, La cassation en matière civile, 5e édition, n° 78.04 et 78.31;

2 Idem, n° 78.21 ;

3 cf. dans ce sens Cass n° 132/2020 du 15.10.2020, n° CAS-2019-00140 du registre ;

9Le 2ème moyen est tiré de la violation de la loi, à savoir « la violation des articles 306 et 311 du Code Civil, ensemble avec les articles 232 et 233 du Code Civil ».

Force est de constater que le libellé du moyen sous examen n’obéit pas à la formulation traditionnelle d’un moyen de cassation.

Certes on peut en dénicher que le demandeur en cassation critique les magistrats d’appel en ce qu’ils ont retenu que « C) ne pouvant s’opposer à la volonté réitérée d’A) de voir prononcer la séparation de corps entre époux, l’appel n’est pas fondé sur ce point et le jugement du 5 février 2021 est à confirmer pour avoir prononcé la séparation de corps entre parties. Comme au terme de l’article 311 du Code Civil, la séparation de corps empotera toujours séparation de biens, le Juge aux Affaires Familiales a également à juste titre ordonné la liquidation et le partage de la communauté de biens ayant existé entre parties et désigné un notaire à cette fin. ».

Toutefois, pour le surplus, il méconnaît les exigences de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, prescrivant qu’un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture, en ce que le moyen mélange plusieurs disposition légales, constitutifs de cas d’ouverture distincts4.

Ainsi, sans être subdivisé en branches, il invoque à la fois la violation des articles 232, 233, 306 et 311 du Code civil, étant entendu que les articles 306 et 311 du Code civil traitent de la séparation de corps, tandis que les articles 232 et 233 du Code civil visent les dispositions relatives au fond du « divorce pour rupture irrémédiable des relations conjugales »5, un parmi plusieurs cas de divorce.

Ce qui plus est, même si le demandeur en cassation soutient que la finalité de la demande en séparation de corps introduite en l’occurrence par A) résiderait dans le fait de voir monnayer sa part dans la communauté des biens entre époux, et non pas dans la consécration juridique de la séparation entre époux, il omet de dire en quoi le raisonnement attaqué de la Cour d’appel est constitutif d’une violation par rapport à chacune des dispositions visées au moyen, donc tant par rapport aux dispositions tenant à la séparation de corps, que celles tenant aux conditions de fond du divorce pour rupture irrémédiable.

Le moyen est dès lors condamné à encourir l’irrecevabilité au regard des considérations précédentes.

Pour le surplus, en réalité, sous le couvert des violations invoquées au moyen, le demandeur en cassation ne tend qu’à remettre en discussion les éléments factuels de la cause, dont l’appréciation du consentement effectif de la demanderesse à la séparation de corps, tout comme le principe et le quantum de la pension alimentaire, dont les frais d’hébergement de la demanderesse constituent un aspect. Ces éléments ayant été souverainement appréciés par les juges du fond et échappant au contrôle de Votre Cour, le moyen ne saurait être accueilli.

4 cf. dans ce sens Cass n° 74/2017 du 26.10. 2017, n° 3850 du registre ;

5 inscrits à la section II, intitulée « Du divorce pour rupture irrémédiable des relations conjugales » sous le TITRE VI traitant du divorce, la section I traitant du divorce par consentement mutuel ;

10 Pour être complet, les juges d’appel, après avoir discuté et rejeté les arguments de l’appelant en relation avec l’absence de volonté dans le chef de l’intimée de procéder par voie de séparation de corps, ont constaté que la partie demanderesse en séparation de corps persiste dans sa volonté de se séparer de son époux dont elle est déjà séparée de fait depuis juin 2016. Les juges d’appel, en retenant que C) ne peut s’opposer à la volonté réitérée d’A) de voir prononcer la séparation de corps entre époux, et en déclarant non fondé son appel sur ce point, partant en confirmant le jugement entrepris pour avoir prononcé la séparation de corps des parties, ont fait une application exempte de vices des articles 232, 233 et 306 du Code civil.

Comme aux termes de l’article 311 du Code civil la séparation de corps emporte toujours séparation de biens, et que la séparation de biens constitue donc une conséquence légale de la séparation de corps prononcée en application de l’article 306 du Code civil, les juges d’appel, en retenant que le juge aux affaires familiales a à juste titre ordonné la liquidation et le partage de la communauté de biens ayant existé entre parties et désigné un notaire à ces fins, ont également fait une exacte application de ladite disposition.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais doit être rejeté.

Pour le Procureur Général d’Etat, l’avocat général, Monique SCHMITZ 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 86/22
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2022-06-09;86.22 ?

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