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07/12/2023 | LUXEMBOURG | N°133/23

Luxembourg | Luxembourg, courdecassation, 07 décembre 2023, 133/23


Assistance judiciaire accordée à PERSONNE1.) par décision de juin 2020 du délégué du Bâtonnier à l’assistance judiciaire N° 133 / 2023 du 7.12.2023 Numéro CAS-2023-00051 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept décembre deux mille vingt-trois.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel

SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à D-ADRESSE1.), d...

Assistance judiciaire accordée à PERSONNE1.) par décision de juin 2020 du délégué du Bâtonnier à l’assistance judiciaire N° 133 / 2023 du 7.12.2023 Numéro CAS-2023-00051 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept décembre deux mille vingt-trois.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à D-ADRESSE1.), demanderesse en cassation, comparant par Maître Cathy ARENDT, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS, établissement public, établie à L-ADRESSE2.), représentée par le président du conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour, inscrite à la liste V du tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Betty RODESCH, avocat à la Cour,

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 30 janvier 2023 sous le numéro 2023/0028 (No. du reg.: ADIV 2021/0205) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 13 avril 2023 par PERSONNE1.) à la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS (ci-après « la CAE »), déposé le 17 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 9 juin 2023 par la CAE à PERSONNE1.), déposé le 12 juin 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marc HARPES.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Conseil arbitral avait réformé trois décisions du conseil d’administration de la CAE et dit que la demanderesse en cassation avait droit au maintien de l’allocation spéciale complémentaire pour les enfants PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.). Le Conseil supérieur de la sécurité sociale a, par réformation, dit que la demanderesse en cassation n’a pas droit à l’allocation spéciale pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.).

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré du défaut de base légale, au regard de l’article 274 du Code de la Sécurité Sociale, en ce que le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a, par réformation du premier jugement, dit que PERSONNE1.) n’avait pas droit à l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour ses enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.) en se basant, pour ce faire, uniquement sur les rapports du Dr.

GOEPEL, en négligeant les nouvelles pièces versées par la demanderesse en cassation aux débats pour l’audience du Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale et en retenant qu’il y avait lieu d’entériner les conclusions de l’expert judiciaire.

Le moyen de cassation est divisé en 2 branches, chaque branche correspondant aux développements de l’arrêt relatifs à l’un des enfants concernés.

Première branche du moyen Pour ce qui est de l’enfant PERSONNE3.), né le DATE1.), la décision du Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale est entachée de défaut de base légale au regard de l’article 274 du Code de la Sécurité Sociale en ce qu’il a réformé la décision de première instance en retenant que .

Alors qu’il résulte du certificat du Dr. CABANAS du 15.09.2022 que PERSONNE3.) souffre d’ADHS, de phobie sociale et d’un syndrome d’Asperger et qu’il a une diminution de ses capacités d’au moins 50 % par rapport à des enfants du même âge.

Cette certification est d’ailleurs en conformité avec les pièces antérieurement versées aux débats et notamment le certificat médical CM1, auquel s’était référé le Conseil Arbitral dans sa décision de première instance.

Deuxième branche du moyen Pour ce qui est de l’enfant PERSONNE2.), né le DATE2.), l’arrêt du Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale est entâché de défaut de base légale, en ce que le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a décidé de réformer le premier jugement concernant cet enfant en retenant que par renvoi aux développements faits dans le cadre du dossier de l’enfant PERSONNE3.) et en absence d’éléments au dossier que l’expert judiciaire se serait trompé ou qu’il n’aurait pas pris en compte l’ensemble des données du dossier concernant l’enfant PERSONNE2.), il y aurait lieu d’entériner les conclusions de l’expert judiciaire.

Le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a donc retenu, concernant PERSONNE2.) que ce serait à bon droit que la Caisse pour l’Avenir des Enfants aurait décidé que l’intimée ne saurait plus prétendre au paiement de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés et que les nouvelles pièces versées par l’appelante, constituées de refus de l’armée allemande de recruter le jeune PERSONNE2.), ne seraient pas de nature à remettre en cause les conclusions claires et précises du rapport d’expertise judiciaire.

Or, qu’en décidant de cette façon, le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a entièrement omis une partie des éléments de preuve, en l’occurrence non seulement le certificat de l’armée allemande considérant Monsieur PERSONNE2.) comme n’étant pas apte au service, mais également les certificats du psychothérapeute Andreas SCHULTE du 12.09.2022 et du 06.12.2021 desquels il résulte que PERSONNE2.) souffre d’un syndrome d’Asperger, de phobies sociales et de ADHD et que ses capacités sont fortement restreintes par rapport à des personnes du même âge.

Pour ce qui est de la discussion du moyen de cassation, il est renvoyé aux développements faits dans la première branche du moyen qui sont censés être intégralement repris pour la deuxième branche.

L’arrêt doit encourir cassation pour défaut de base légale. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies Sous le couvert du grief tiré du défaut de base légale, le moyen, pris en ses deux branches, ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments de preuve et notamment la valeur probante des pièces versées par la demanderesse en cassation pour contester les conclusions de l’expert judiciaire, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi en l’espèce de la violation de l’article 274(4) du Code de la Sécurité Sociale dans sa teneur applicable depuis le 01.08.2016, lequel indique que : , en ce que le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a, pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.), purement et simplement réformé la décision de première instance et dit que Madame PERSONNE1.) n’avait pas droit à l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour ces 2 enfants sans tenir compte de l’élément temporel expressément mentionné dans l’alinéa 4 de l’article 274.

La demanderesse en cassation subdivise le moyen en 2 branches, chacune des branches correspondant à la décision concernant l’un de ses fils.

Première branche du moyen Le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a violé l’article 274 alinéa 4 en ce qui concerne PERSONNE3.), né le DATE1.) en décidant que l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés n’était plus redue pour PERSONNE3.) et que ce serait à bon droit que la Caisse pour l’Avenir des Enfants a décidé que l’intimée ne saurait plus prétendre au paiement de cette allocation supplémentaire pour enfants handicapés pour cet enfant, sans faire la distinction à partir de quel moment cette suppression de l’allocation spéciale devait s’appliquer.

Or que l’article 274 alinéa 4 prévoit clairement que la cessation ne s’applique qu’à partir du mois suivant celui au cours duquel la diminution de la capacité de l‘enfant a été médicalement constatée.

De ce fait, et en appliquant correctement cet, le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale n’aurait dû décider la suppression qu’à partir du mois de septembre 2022, sinon subsidiairement à compter du mois de juin 2019.

Deuxième branche du moyen Le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale a violé l’article 274(4) du Code de la Sécurité Sociale précité en ce qu’il a, également pour PERSONNE2.), né le DATE3.), réformé purement et simplement la décision de première instance et décidé que Madame PERSONNE1.) n’avait pas droit à l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour PERSONNE2.), sans tenir compte de la non-

rétroactivité de la cessation du paiement de l’allocation prévue par l’article 274 du Code de la Sécurité Sociale.

Pour PERSONNE2.), l’allocation spéciale supplémentaire a été retirée à compter du 20.07.2018, date du 18ième anniversaire, à un moment où il n’existait pas encore de constatations médicales que les conditions pour obtenir cette allocation n’étaient plus remplies.

Ce n’est que par rapport du Dr. GOEPEL du 16.08.2022 (toujours en maintenant les contestations du bienfondé de ce rapport), sinon à compter du rapport du Dr. SCHROELL que la Caisse pour l’Avenir des Enfants aurait pu décider de la suppression de l’allocation, celle-ci ne pouvant prendre effet – également pour PERSONNE2.) – qu’à compter du mois de septembre 2022, sinon à compter du mois de juin 2019.

Par référence aux développements ci-dessus quant à la première branche du moyen qui sont censés être expressément reproduits pour la deuxième branche, il faut dès lors constater que le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale en ne faisant pas cette distinction et en confirmant une décision retirant rétroactivement l’allocation spéciale à partir d’un moment où il n’existait pas encore de constatations médicales, a violé l’article 274(4) du Code de la Sécurité Sociale.

Pour cette raison, l’arrêt doit être cassé et il y a lieu de renvoyer l’affaire devant le Conseil Supérieur de la Sécurité Sociale après cassation pour déterminer sur base des éléments factuels la date effective de cessation de paiement de l’allocation autorisée. ».

Réponse de la Cour Sur les deux branches du moyen réunies La demanderesse en cassation fait grief aux juges du fond d’avoir violé l’article 274, paragraphe 4, du Code de la sécurité sociale en décidant qu’elle n’avait pas droit à l’allocation spéciale supplémentaire pour PERSONNE3.) et PERSONNE2.) « sans faire la distinction à partir de quel moment cette suppression de l’allocation spéciale devait s’appliquer » et « sans tenir compte de la non-

rétroactivité de la cessation du paiement de l’allocation prévue par l’article 274 du Code de la Sécurité Sociale ».

Le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué, en ce que les juges d’appel ont retenu que « PERSONNE1.) n’a pas droit à l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour ses enfants PERSONNE3.), né le DATE4.) et PERSONNE2.), né le DATE5.) », sans indiquer une date à partir de laquelle le paiement de l’allocation devait cesser.

Le maintien de la décision de la CAE sur le principe du retrait de l’allocation spéciale n’emporte pas de décision par les juges du fond sur la date de prise d’effet de ce retrait, question non débattue devant eux.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait.

Sur les demandes en allocation d’indemnités de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la demanderesse en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 1.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Marc SCHILTZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) contre CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS (n° CAS-2023-00051 du registre) Par mémoire signifié le 13 avril 2023 et déposé le 17 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Cathy ARENDT, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de PERSONNE1.), a introduit un pourvoi en cassation contre un arrêt rendu contradictoirement le 30 janvier 2023 par le Conseil supérieur de la sécurité sociale sous le numéro 2021/0205.

S’agissant du respect du délai de recours, ce dernier est, pour le cas de l’espèce d’une demanderesse en cassation résidant dans un pays membre de l’Union européenne, en l’occurrence en Allemagne, fixé à deux mois et quinze jours, en vertu par l’article 7, alinéas 1 et 2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, ensemble avec l’article 167, sous 1°, premier tiret du Nouveau Code de procédure civile. D’après les indications de la demanderesse en cassation1, non contestées par la défenderesse en cassation, l’arrêt entrepris lui a été notifié le 3 février 2023, de sorte que le pourvoi introduit est recevable au regard des délais.

Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Il est partant recevable.

Un mémoire en réponse a été signifié à la demanderesse en cassation par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte du défendeur en cassation – l’établissement public CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS (ci-après la « CAE ») – le 9 juin 2023 et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 12 juin 2023. Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été 1 Mémoire en cassation, page 2, alinéa 2.

introduit dans les conditions de forme et de délai prévues dans la loi modifiée du 18 février 1885.

Sur les faits et rétroactes :

Par trois décisions du 21 mai 2019, le conseil d’administration de la CAE, confirmant en cela des décisions présidentielles préalables, avait retiré à PERSONNE1.) le bénéfice de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour chacun de ses trois enfants PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.).

Par un jugement du 2 juin 2021, le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait dit fondé le recours exercé par PERSONNE1.) contre ces décisions et, par réformation, avait dit que PERSONNE1.) avait droit au maintien de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour ses trois enfants PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.).

Par un arrêt avant dire droit du 27 janvier 2022, le Conseil supérieur de la sécurité sociale avait décidé, au vu des avis divergents des médecins qui étaient intervenus dans le dossier, d’instituer une expertise aux fins de déterminer si les enfants PERSONNE2.), PERSONNE3.) et PERSONNE4.) sont atteints d’une insuffisance ou d’une diminution permanente d’au moins cinquante pour cent de la capacité physique ou mentale d’un enfant normal du même âge au sens de l’article 274 du Code de la sécurité sociale.

Par l’arrêt entrepris par le pourvoi, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a dit, par réformation partielle du jugement de première instance et en entérinant les conclusions de l’expert commis, que PERSONNE1.) a droit au maintien de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour l’enfant PERSONNE4.), mais non pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.).

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Sur le premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation comporte deux branches, toutes les deux tirées du défaut de base légale par rapport à l’article 274 du Code de la sécurité sociale qui dispose comme suit :

« 1. Tout enfant âgé de moins de dix-huit ans, bénéficiant de l’allocation familiale et atteint d’une ou de plusieurs affections constitutives d’une insuffisance ou diminution permanente d’au moins cinquante pour cent de la capacité physique ou mentale d’un enfant normal du même âge a droit à une allocation spéciale supplémentaire.

2. Le montant de l’allocation spéciale supplémentaire est fixé à 200 euros par mois.

3. L’allocation spéciale supplémentaire est payée jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans accomplis.

4. Le paiement de l’allocation spéciale supplémentaire cesse à partir du mois suivant celui au cours duquel il est constaté médicalement que la diminution de la capacité de l’enfant, telle que définie ci-avant, est inférieure à cinquante pour cent. » La première branche du moyen est en rapport avec la décision de retrait de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour l’enfant PERSONNE3.) et la deuxième concerne le retrait de cette allocation pour l’enfant PERSONNE2.).

Aux termes de la première branche de moyen, la défenderesse en cassation fait grief au Conseil supérieur de la sécurité sociale d’avoir entaché sa décision du défaut de base légale au regard de l’article 274 du Code de la sécurité sociale en considérant que « le certificat médical du docteur CABANAS, versé comme nouvelle pièce par l’intimée et qui retient une insuffisance ou diminution permanente de plus de 50% de la capacité physique ou mentale de cet enfant, manque de la précision requise pour remettre en cause les développements fouillés et précis du rapport d’expertise judiciaire », alors que selon la défenderesse en cassation, « il résulte du certificat du Dr. CABANAS du 15.09.2022 que PERSONNE3.) souffre d’ADHS, de phobie sociale et d’un syndrome d’Asperger et qu’il y une diminution de ses capacités d’au moins 50% par rapport à des enfants du même âge. » La défenderesse en cassation fait valoir que le Conseil supérieur de la sécurité sociale aurait « insuffisamment considéré » le certificat du docteur CABANAS, alors même qu’il serait « en conformité avec les pièces antérieurement versées aux débats et notamment le certificat médical CM1, auquel s’était référé le Conseil arbitral dans sa décision de première instance », de sorte que le Conseil supérieur de la sécurité sociale aurait « insuffisamment motivé sa décision en fait ».

Aux termes de la deuxième branche du moyen, il est fait grief au Conseil supérieur de la sécurité sociale d’avoir entaché sa décision d’un défaut de base légale par le fait d’avoir, pour décider que la demanderesse en cassation n’avait pas droit au paiement de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour l’enfant PERSONNE2.), entériné le rapport d’expertise médical du docteur Christopher GOEPEL sans tenir compte des éléments de preuve versés par la défenderesse en cassation, en l’occurrence un certificat de l’armée allemande considérant que PERSONNE2.) n’était pas apte au service militaire ainsi que des certificats d’un psychothérapeute qui avait considéré que PERSONNE2.) souffrait du syndrome d’Asperger, de phobies sociales et de ADHD et que ses capacités étaient fortement restreintes par rapport à des personnes du même âge.

A titre principal, sous le couvert du cas d’ouverture du défaut de base légale, le moyen, pris en ses deux branches, ne tend en réalité qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments de preuve, et plus particulièrement de la valeur probante d’un rapport d’expertise médical, le Conseil supérieur de la sécurité sociale ayant considéré que la valeur probante du rapport d’expertise médical du docteur Christopher GOEPEL l’emportait sur le certificat médical établi par le docteur CABANAS et sur les autres pièces versées par la défenderesse en cassation, cette appréciation relevant de son pouvoir souverain qui échappe au contrôle de la Cour de cassation2.

A titre subsidiaire, l’arrêt entrepris est motivé comme suit sur le point considéré :

« L’expert judiciaire a déposé ses trois rapports en date du 28 septembre 2022 au secrétariat du Conseil supérieur de la sécurité sociale. Il a conclu que les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.) présentent une insuffisance ou diminution permanente de 25% de la capacité physique ou mentale par rapport à un enfant sain du même âge/adulte. Seul l’enfant PERSONNE4.) présenterait une insuffisance ou diminution de plus de 50% de nature à ouvrir à l’intimée le droit de bénéficier de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés.

L’intimée demande l’entérinement du rapport d’expertise en ce qui concerne l’enfant PERSONNE4.), mais concernant les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.), elle soutient que l’expert n’a pas pris en compte toutes les pathologies les affectant. Outre le syndrome ADHD, ils souffriraient d’autres pathologies, dont le syndrome d’Asperger. Elle verse de nouvelles pièces pour étayer ses affirmations.

2 Cass. 19 mai 2022, n° 71/2022, n° CAS-2021-00060 du registre.

[…] Quant à l’enfant PERSONNE3.) (né le DATE4.)) :

L’expert judiciaire Christopher GOEPEL vient à la conclusion que cet enfant présente une insuffisance ou diminution permanente de 25% de la capacité physique ou mentale par rapport à un enfant sain du même âge due à un syndrome ADHD (« Aufmerksamkeits-DefizitSyndrom »). L’expert exclut l’existence d’un autisme dans le chef de cet enfant.

Il résulte de la lecture du rapport d’expertise que l’expert a fait une analyse complète du dossier médical et de l’état de santé de l’enfant. Il a dûment motivé sa décision en décrivant les symptômes dont l’enfant est atteint et en les qualifiant d’un point de vue médical. Le certificat médical du docteur CABANAS, versé comme nouvelle pièce par l’intimée et qui retient une insuffisance ou diminution permanente de plus de 50% de la capacité physique ou mentale de cet enfant, manque de la précision requise pour remettre en cause les développements fouillés et précis du rapport d’expertise judiciaire.

En l’absence d’éléments au dossier que l’expert judiciaire s’est trompé ou qu’il n’a pas pris en compte l’ensemble des données du dossier concernant l’enfant PERSONNE3.), il y a partant lieu d’entériner les conclusions de l’expert judiciaire et de retenir que concernant cet enfant, c’est à bon droit que la CAE a décidé que l’intimée ne saurait plus prétendre au paiement de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés.

Le jugement de première instance est partant à réformer concernant cet enfant.

[…] Quant à l’enfant PERSONNE2.) (né le DATE6.)) :

L’expert judiciaire Christopher GOEPEL vient à la conclusion que cet enfant présente une insuffisance ou diminution permanente de 25% de la capacité physique ou mentale par rapport à un jeune adulte sain due à un syndrome ADHD. L’expert exclut l’existence d’un autisme dans le chef de cet enfant.

Par renvoi aux développements faits dans le cadre du dossier de l’enfant PERSONNE3.), en l’absence d’éléments au dossier que l’expert judiciaire s’est trompé ou qu’il n’a pas pris en compte l’ensemble des données du dossier concernant l’enfant PERSONNE2.), il y a lieu d’entériner les conclusions de l’expert judiciaire, partant de retenir que concernant cet enfant, c’est à bon droit que la CAE a décidé que l’intimée ne saurait plus prétendre au paiement de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés. Les nouvelles pièces versées par l’appelante, constituées de refus de l’armée allemande de recruter le jeune PERSONNE2.), ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions claires et précises du rapport d’expertise judiciaire.

Le jugement de première instance est partant à réformer concernant cet enfant.» Par ces motifs, le Conseil supérieur de la sécurité sociale a motivé à suffisance, au regard des dispositions de l’article 274 du Code de la sécurité sociale, sa décision de considérer que la demanderesse en cassation n’avait plus droit à l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.).

Il en suit qu’à titre subsidiaire, le moyen n’est pas fondé en ses deux branches.

Sur le deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 274, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale aux termes duquel :

« Le paiement de l’allocation spéciale supplémentaire cesse à partir du mois suivant celui au cours duquel il est constaté médicalement que la diminution de la capacité de l’enfant, telle que définie ci-avant, est inférieure à cinquante pour cent. » Le deuxième moyen est de nouveau divisé en deux branches dont la première est en rapport avec la décision de retrait de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour l’enfant PERSONNE3.) et la deuxième concerne le retrait de cette allocation pour l’enfant PERSONNE2.).

Aux termes du moyen, il est fait grief au Conseil supérieur de la sécurité sociale d’avoir décidé que la défenderesse en cassation n’avait pas droit à l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour ses enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.), « sans faire la distinction à partir de quel moment la suppression de l’allocation spéciale devait s’appliquer ».

Dans la discussion du moyen, la défenderesse en cassation fait valoir qu’en statuant de la sorte, le Conseil supérieur de la sécurité sociale aurait retiré rétroactivement à la défenderesse en cassation le bénéfice des allocations en cause avec effet au mois de septembre 2018 pour l’enfant PERSONNE3.) (première branche), respectivement au 20 juillet 2018 pour l’enfant PERSONNE2.) (deuxième branche), violant en cela la disposition légale reprise au moyen, puisque les rapports d’expertise médicale sur les capacités des enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.) établis respectivement par le docteur SCHROELL commis par la CAE et le docteur GOEPEL commis par le Conseil supérieur de la sécurité sociale, dateraient seulement du 8 mai 2019, respectivement du 16 août 2022.

Il résulte des éléments du dossier que par décision du 18 février 2016, la défenderesse en cassation s’est vue accorder, avec effet rétroactif au 1er juillet 2013, l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés visée à l’article 274 du Code de la sécurité sociale pour ses enfants PERSONNE3.), PERSONNE2.) et PERSONNE4.)3.

Cette allocation a été retirée à la défenderesse en cassation par décisions du président de la CAE du 2 octobre 2018, qui ont été confirmées par des décisions du conseil d’administration de la CAE du 21 mai 2019. Suivant les décisions présidentielles, le droit à l’allocation cesse, pour l’enfant PERSONNE3.), à partir de septembre 2018 et, pour l’enfant PERSONNE2.), à partir de son dix-huitième anniversaire, donc à partir du 20 juillet 2018.

Ces décisions ont été réformées par le Conseil arbitral de la sécurité sociale qui a décidé du maintien de l’allocation pour les trois enfants.

Le jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale a été réformé à son tour par l’arrêt entrepris du Conseil supérieur de la sécurité sociale qui, dans son dispositif, a dit que « PERSONNE1.) n’a pas droit à l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour ses enfants PERSONNE3.), né le DATE4.) et PERSONNE2.), né le DATE5.) », sans fixer la date à partir de laquelle doit cesser le paiement de l’allocation.

Il ne saurait être considéré, comme le laisse entendre la défenderesse en cassation, qu’en statuant comme il l’a fait, le Conseil supérieur de la sécurité sociale aurait confirmé les dates de cessation du paiement de l’allocation retenues dans les décisions présidentielles du CAE, ce d’autant plus qu’il ressort du jugement de première instance que la CAE n’a chargé un médecin à l’effet d’évaluer les capacités des 3 Pièce n° 2 de Maître Cathy Arendt.

enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.) que le 6 novembre 2018, soit postérieurement aux dates retenues dans les décisions présidentielles pour la cessation du paiement de l’allocation, ce qui est manifestement contraire aux dispositions de l’article 274, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale et que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a fondé sa décision sur une nouvelle expertise qu’il a ordonné suivant arrêt du 27 janvier 2022 seulement. Au contraire, dans l’arrêt entrepris par le pourvoi, le Conseil supérieur de la sécurité sociale s’est contenté de réformer le jugement de première instance en décidant que la demanderesse en cassation n’avait pas droit à l’allocation en cause pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.), sans faire aucune référence aux décisions présidentielles et sans préciser la date de la cessation du paiement de l’allocation. Ce faisant, le Conseil supérieur de la sécurité sociale n’a partant pas confirmé les décisions présidentielles de la CAE sur le point de la prise d’effet de la cessation du paiement de l’allocation pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.).

Il en suit que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, en statuant comme il l’a fait, a implicitement mais nécessairement renvoyé à la CAE le soin de fixer, en exécution de son arrêt et en application à l’article 274, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale, la date à partir de laquelle doit cesser le paiement de l’allocation en cause pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.), étant précisé que cette décision à prendre par la CAE est à son tour susceptible de recours devant les juridictions sociales conformément à l’article 316 du même code.

Le grief que le Conseil supérieur de la sécurité sociale, en ne fixant pas la date de la cessation du paiement de l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.), aurait de ce fait confirmé les décisions présidentielles du CAE sur ce point procède ainsi d’une lecture erronée de l’arrêt entrepris, de sorte que le moyen, pris en ses deux branches, manque en fait.

A titre subsidiaire, pour autant que le moyen, pris en ses deux branches, doive être compris comme faisant grief au Conseil supérieur de la sécurité sociale d’avoir violé la loi en omettant de prendre une décision, en application de l’article 274, alinéa 4 du Code de la sécurité sociale, sur la date à partir de laquelle doit cesser le paiement de l’allocation pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.), il n’est pas fondé.

En effet, en décidant que l’allocation spéciale supplémentaire pour enfants handicapés n’était plus due à la demanderesse en cassation pour les enfants PERSONNE3.) et PERSONNE2.), le Conseil supérieur de la sécurité sociale n’était pas tenu de préciser la date effective de la cessation du paiement de l’allocation et il a pu, sans violer la disposition légale visée au moyen, laisser cette tâche à la CAE chargée de l’exécution de l’arrêt du Conseil supérieur de la sécurité sociale.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais n’est pas fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Marc HARPES 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 133/23
Date de la décision : 07/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;courdecassation;arret;2023-12-07;133.23 ?

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