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07/12/2023 | LUXEMBOURG | N°135/23

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 07 décembre 2023, 135/23


N° 135 / 2023 pénal du 07.12.2023 Not. 34810/19/CD + 16835/20/CD + 17291/20/CD + 5537/21/CD + 14619/21/CD Numéro CAS-2023-00053 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept décembre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (P), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 2

9 mars 2023 sous le numéro 147/23 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Lu...

N° 135 / 2023 pénal du 07.12.2023 Not. 34810/19/CD + 16835/20/CD + 17291/20/CD + 5537/21/CD + 14619/21/CD Numéro CAS-2023-00053 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, sept décembre deux mille vingt-trois, sur le pourvoi de PERSONNE1.), né le DATE1.) à ADRESSE1.) (P), demeurant à L-ADRESSE2.), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, en présence du Ministère public l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 29 mars 2023 sous le numéro 147/23 X. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal formé par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, au nom de PERSONNE1.), suivant déclaration du 18 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 16 mai 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Nathalie HILGERT.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation du chef de diverses infractions, à une peine d’emprisonnement et à une amende, sans lui accorder le bénéfice d’une exemption ou réduction de peine en application de l’article 31 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie (ci-après « la loi modifiée du 19 février 1973 »), pour les infractions aux articles 8.1.a) et 8.1.b) de la loi modifiée du 19 février 1973, commises depuis mars/avril 2018 jusqu’au 26 mai 2019. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de l’article 31 de la modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie, en ce que l’arrêt attaqué n’a pas fait bénéficier le demandeur en cassation de l’exemption de peine prévue par cet article, et a donc fait une fausse application et une interprétation erronée de cet article.

alors que selon l’article 31 prémentionné, seront exemptés des peines d’emprisonnement et d’amende :

1er qui avant toute poursuite judiciaire auront révélé à l’autorité l’identité d’auteurs d’infractions aux articles 8 a), b), d), f), g), i), 9, 10 et 11 ou si ces auteurs ne sont pas connus, l’existence de ces infractions. » ».

Réponse de la Cour Vu l’article 31, paragraphe 1, point b) de la loi modifiée du 19 février 1973.

Il ressort du jugement de première instance que les poursuites judiciaires à l’encontre du demandeur en cassation ont été entamées par une citation à prévenu du 8 juin 2022.

En retenant « les révélations, auxquelles se réfèrent PERSONNE1.) et son mandataire afin de conclure à l’exemption de peine, ont été faites dans le cadre du procès-verbal numéro 30908/2019 du 25 mai 2019 (…) » et « n’ont dès lors pas été faites avant toute poursuite judiciaire » pour en déduire que le paragraphe 1, point b), de l’article 31 précité ne trouvait pas à s’appliquer aux infractions aux articles 8.1.a) et 8.1.b) de la loi modifiée du 19 février 1973 commises avant la date de rédaction du procès-verbal et retenues à charge du demandeur en cassation, les juges d’appel ont violé la disposition visée au moyen.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation sur le point considéré.

PAR CES MOTIFS, sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen de cassation la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu le 29 mars 2023 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle, sous le numéro 147/23 X., en ce qu’il a confirmé le jugement de première instance ayant refusé l’application de l’article 31, paragraphe 1, point b) de la loi modifiée du 19 février 1973 aux peines d’emprisonnement et d’amende prononcées pour les infractions aux articles 8.1.a) et 8.1.b) de la loi modifiée du 19 février 1973, commises depuis mars/avril 2018 jusqu’au 26 mai 2019 ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;

laisse les frais de l’instance en cassation à charge de l’Etat ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, sept décembre deux mille vingt-trois, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, président, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Théa HARLES-WALCH en présence du premier avocat général Marc SCHILTZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation PERSONNE1.) en présence du Ministère Public N° CAS-2023-00053 du registre Par déclaration faite le 18 avril 2023 au greffe de la Cour Supérieure de Justice du Grand-Duché de Luxembourg, Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, a formé au nom et pour le compte de PERSONNE1.) un recours en cassation contre un arrêt n° 147/23 X. rendu le 29 mars 2023 par la Cour d’appel, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 16 mai 2023 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, signé par Maître Nicky STOFFEL.

Le pourvoi, dirigé contre un arrêt qui a statué de façon définitive sur l’action publique, a été déclaré dans la forme et le délai de la loi. De même, le mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 a été déposé dans la forme et le délai y imposés.

Il en suit que le pourvoi est recevable.

Faits et rétroactes Par jugement n° 2059/2022 du 15 juillet 2022, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en chambre correctionnelle, a acquitté PERSONNE1.) de l’infraction de recel et l’a condamné du chef d’infractions aux dispositions de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions, du chef de port public de faux nom, du chef de cel frauduleux ainsi que du chef d’infractions aux articles 8.1.a), 8.1.b) et 8-1 de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie (ci-après la loi modifiée du 19 février 1973) à une peine d’emprisonnement de 18 mois et à une amende de 3.000 euros.

La Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris en ce qui concerne PERSONNE1.) par arrêt du 29 mars 2023.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 31 paragraphe 1er de la loi modifiée du 19 février 1973, en ce que l’arrêt attaqué n’a pas fait bénéficier le demandeur en cassation de l’exemption de peine prévue par cet article. Ce faisant, la Cour d’appel aurait fait une fausse application et une interprétation erronée de cette disposition légale.

Selon le demandeur en cassation, la seule condition d’application de l’article 31 paragraphe 1er de la loi modifiée du 19 février 1973, à savoir une révélation faite avant toute poursuite judiciaire, aurait été remplie en l’espèce. En effet, il affirme avoir fait des révélations à la police dans le cadre d’une affaire de violences conjugales et suivant procès-verbal du 25 mai 2019 n° 30908/2019, soit avant toute poursuite judiciaire dirigée contre lui.

Le demandeur en cassation donne encore à considérer qu’au moment de ces révélations, il n’avait pas encore fait l’objet de poursuites judiciaires pour une affaire de stupéfiants et que la notion de poursuite judiciaire est à définir comme l’action juridique dirigée contre une personne qui a commis une infraction.

L’arrêt attaqué a retenu ce qui suit en relation avec l’article 31 paragraphe 1er de la loi modifiée du 19 février 1973:

« En ce qui concerne l’article 31 de la loi modifiée du 19 février 1973, il y a lieu de rappeler que « 1. seront exemptés des peines d’emprisonnement et d’amende :

… b) ceux des coupables d’infractions aux articles 8, a),b),e),i) et 10 alinéa 1er qui avant toute poursuite judiciaire auront révélé à l’autorité l’identité d’auteurs d’infractions aux articles 8 a),b),d),f),g),i), 9, 10 et 11 ou si, ces auteurs ne sont pas connus, l’existence de ces infractions … (…) ».

En l’espèce, les révélations, auxquelles se réfèrent PERSONNE1.) et son mandataire afin de conclure à l’exemption de peine, ont été faites dans le cadre du procès-verbal numéro 30908/2019 du 25 mai 2019 du commissariat Luxembourg (C3R) dressé à l’encontre du prévenu notamment pour infractions aux articles 7.A.1 et 8.1.a) et b) de la loi modifiée du 19 février 1973.

Les révélations n’ont dès lors pas été faites avant toute poursuite judiciaire, de sorte que le point 1. de l’article 31 précité ne trouve pas à s’appliquer ».

L’article 31 de la loi modifiée du 19 février 1973, dans sa teneur actuelle, a été inséré par la loi du 27 avril 2001 modifiant la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie1. La version originaire de la loi du 19 février 1973 concernant la vente des substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie2 prévoyait cependant déjà des possibilités de profiter d’exemptions ou de réductions de peine à condition que ces révélations aient été faites avant toute poursuite judiciaire. La notion de « poursuite judiciaire », comme élément charnier, se trouvait dès lors déjà dans la version originaire de cette loi.

Il résulte des travaux parlementaires de cette loi que le bénéfice d’une exemption de peine est subordonné à plusieurs conditions, dont notamment que la révélation doit avoir pour but de permettre la poursuite des auteurs d’infractions3.

Il y est encore précisé que les révélations doivent avoir été faites « avant toute poursuite judiciaire, c’est-à-dire avant que le Procureur d’Etat ait requis le juge d’instruction d’ouvrir l’information ou avant qu’il ait cité le prévenu à comparaître devant la juridiction de jugement, si une instruction n’a pas été requise »4. Selon les auteurs du projet de loi, poursuite judiciaire équivaut ainsi dans les grandes lignes à mise en œuvre de l’action publique.

Il résulte encore de la doctrine que les procès-verbaux ne constituent qu’un instrument de preuve de l’infraction et qu’ils ne sont, en principe et en droit commun, ni la base nécessaire, ni le titre de la poursuite5.

En l’espèce, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg et la Cour d’appel étaient saisis de cinq dossiers (notices n° 34810/19/CD, 16835/20/CD, 17291/20/CD, 5537/21/CD et 14619/21/CD). L’action publique n’avait pas encore été mise en mouvement en mai 2019 en ce qui concerne les dossiers sous les numéros de notice 16835/20/CD, 17291/20/CD, 5537/21/CD et 14619/21/CD. Il peut être déduit des termes du jugement du 15 juillet 2022, avisant la seule citation du 8 juin 2022 et non pas une ordonnance de renvoi, qu’aucune information n’a été ouverte dans le cadre de l’affaire 34810/19/CD. Ce constat est corroboré par le dossier à disposition de la soussignée, en ce compris les éléments archivés.

Il faut en conclure que les poursuites judiciaires au sens de l’article 31 de la loi modifiée du 19 février 1973 n’ont été entamées que par la citation à prévenu du 8 juin 2022.

Le moyen de cassation est partant fondé. Etant donné que la déclaration de culpabilité n'encourt pas de reproche, il serait opportun de limiter la cassation à la seule peine6.

1 Mémorial A, 17 mai 2001, n° 61, Documents parlementaires, n° 4349.

2 Mémorial A, 3 mars 1973, n° 12.

3 Documents parlementaires, n° 1550, Exposé des motifs, p. 929.

4 Documents parlementaires, n° 1550, Exposé des motifs, p. 928 et 929.

5 R. THIRY, Précis d’instruction criminelle en droit luxembourgeois, n° 81, p. 69.

6 cf. Cass. Crim fr., 30 novembre 2016, n°15-86.718, tel que cité par Madame le Premier avocat général Marie-

Jeanne KAPPWEILER dans ses conclusions dans l’affaire CAS-2023-00037.

6 A titre surabondant, il y a lieu de relever qu’en concluant que les révélations n’ont pas été faites avant toute poursuite judiciaire au seul motif qu’elles ont été mentionnées dans le cadre d’un procès-verbal de police dressé pour infractions aux articles 7.A.1 et 8.1.a) et b) de la loi modifiée du 19 février 1973 sans relever qu’à ce moment-là, soit le 25 mai 2019, les poursuites judiciaires, au sens de mise en œuvre de l’action publique, avaient déjà été entamées, les juges d’appel n’ont pas donné de base légale à leur décision. Dans la mesure cependant où le défaut de base légale constitue un cas d’ouverture différent de la violation de la loi7 dont votre Cour n’est pas expressément saisie, la cassation ne pourrait intervenir que pour violation de la loi.

Quant au deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 31 paragraphe 2 de la loi modifiée du 19 février 1973, en ce que l’arrêt attaqué n’a pas fait bénéficier le demandeur en cassation de la réduction de peine prévue par cet article. Ce faisant, la Cour d’appel aurait fait une fausse application et une interprétation erronée de cette disposition légale. En effet, au moment où le demandeur en cassation aurait fait ses déclarations, ni la police, ni les autorités judiciaires n’auraient été au courant des agissements de Madame PERSONNE2.). L’identité de cet auteur aurait partant uniquement été révélée grâce aux explications du demandeur en cassation.

Etant donné que ce moyen de cassation n’est formulé qu’à titre subsidiaire pour le cas où le premier moyen serait rejeté et au vu des conclusions relatives au premier moyen de cassation, le deuxième moyen est devenu sans objet.

Conclusion Le pourvoi est recevable et fondé ;

L’arrêt encourt la cassation en ce qui concerne la peine prononcée.

Pour le Procureur Général d’Etat, L’avocat général Nathalie HILGERT 7 Voir dans ce sens: Cour de cassation, 25 février 2021, n° 33/2021, n° CAS-2020-00054 du registre.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 135/23
Date de la décision : 07/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2023-12-07;135.23 ?

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