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11/01/2024 | LUXEMBOURG | N°07/24

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 11 janvier 2024, 07/24


N° 07 / 2024 du 11.01.2024 Numéro CAS-2023-00050 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, onze janvier deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Viviane PROBST, greffier en chef de la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), exerçant sous l’enseigne ADRESSE2.), inscrit

au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demandeur en ...

N° 07 / 2024 du 11.01.2024 Numéro CAS-2023-00050 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, onze janvier deux mille vingt-quatre.

Composition:

Thierry HOSCHEIT, président de la Cour, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Monique HENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Carine FLAMMANG, conseiller à la Cour de cassation, Caroline ENGEL, conseiller à la Cour d’appel, Viviane PROBST, greffier en chef de la Cour.

Entre PERSONNE1.), demeurant à L-ADRESSE1.), exerçant sous l’enseigne ADRESSE2.), inscrit au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demandeur en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée INTERDROIT, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Dogan DEMIRCAN, avocat à la Cour, et 1) la société anonyme SOCIETE1.), établie et ayant son siège social à L-

ADRESSE3.), représentée par le conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO2.), défenderesse en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée ETUDE D’AVOCATS WEILER, WILTZIUS, BILTGEN, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Diekirch, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Christian BILTGEN, avocat à la Cour, 2) Maître Paul JASSENK, avocat à la Cour, demeurant professionnellement à L-9047 Ettelbruck, 23-25, rue Prince Henri, pris en sa qualité de curateur de la faillite de PERSONNE1.), inscrit au registre de commerce et des sociétés sous le numéro NUMERO1.), demeurant à L-ADRESSE4.), nommé par jugement n° 2021TADCOMM/679 rendu le 16 août 2021 par le Tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière commerciale, défendeur en cassation, comparant par Maître Paul JASSENK, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 147/21 IV - COM, rendu le 30 novembre 2021 sous le numéro CAL-2021-00853 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 12 avril 2023 par PERSONNE1.) à la société anonyme SOCIETE1.) et à Maître Paul JASSENK, pris en sa qualité de curateur de la faillite de PERSONNE1.), déposé le 14 avril 2023 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 17 avril 2023 par la société SOCIETE1.) à PERSONNE1.) et à Maître Paul JASSENK, déposé le 10 mai 2023 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié par Maître Paul JASSENK le 30 mai 2023 à la société SOCIETE1.) et le 6 juin 2023 à PERSONNE1.), déposé le 9 juin 2023 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Bob PIRON.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le Tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière commerciale, avait déclaré en état de faillite le demandeur en cassation.

Statuant sur la demande en rabattement de la faillite, la Cour d’appel a confirmé ce jugement.

2 Sur la recevabilité du pourvoi Les défendeurs en cassation concluent à l’irrecevabilité du pourvoi au motif que le demandeur en cassation aurait acquiescé, sans la moindre réserve, à l’arrêt attaqué. Par le comportement adopté après le prononcé de l’arrêt attaqué, il aurait clairement manifesté sa volonté d’accepter l’arrêt attaqué.

L’acquiescement est un acte juridique comportant renonciation au droit d’exercer un recours contre une décision et acceptation de l’exécution de celle-ci.

Le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif en matière civile, l’exécution même sans réserves d’une décision ne vaut acquiescement que s’il résulte des circonstances dans lesquelles elle a eu lieu que celui qui s’est exécuté a, sans équivoque, manifesté sa volonté d’acquiescer.

Le fait pour le demandeur en cassation d’avoir assisté le curateur lors de différentes opérations de liquidation de la faillite ainsi que dans le cadre de litiges dans lesquels la société faillie était partie ou d’avoir tardé à se pourvoir en cassation n’établit pas son intention non équivoque d’acquiescer à l’arrêt en cause.

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité du pourvoi n’est pas fondé.

Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le premier, « Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu que le requérant se trouvait au jour du jugement déclaratif de faillite en état de cessation de paiement au motif que les créances de la société anonyme SOCIETE1.), de l'Administration des Contributions Directes et de la société SOCIETE2.) que le curateur a admises au passif de la faillite dépassent dans leur quantum les avoirs bancaires dont le requérant disposait au jour de la faillite, alors que nonobstant le fait que seules des créances certaines, liquides et exigibles sont à prendre en considération pour déterminer l'état de cessation de paiement, l'arrêt attaqué n'a nullement analysé si les créances de l'Administration des Contributions Directes et de la société SOCIETE2.) étaient déjà certaines, liquides et exigibles au moment du prononcé de la faillite ou si, au contraire, elles sont seulement devenues exigibles par l'effet du jugement de faillite, Dès lors, la Cour d'Appel a violé l'obligation de motiver sa décision inscrite à l'article 249 du Nouveau Code de Procédure Civile, L'arrêt d'appel encourt par conséquent la cassation. » 3 et le deuxième, « Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu que le requérant se trouvait au jour du jugement déclaratif de faillite en état de cessation de paiement et d'ébranlement de crédit aux motifs que les créances de la société anonyme SOCIETE1.), de l'Administration des Contributions Directes et de la société SOCIETE2.) que le curateur a admises au passif de la faillite dépassent dans leur quantum les avoirs bancaires dont le requérant disposait au jour de la faillite et qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération alors que en prenant en compte, pour ce qui est des dettes du requérant au jour du prononcé de la faillite, les créances de l'Administration des Contributions Directes et de la société SOCIETE2.) et ce nonobstant le fait que ces créanciers n'entreprenaient pas la moindre démarche pour obtenir paiement de leur créance, l'arrêt attaqué aurait également dû tenir compte du crédit auquel le requérant pouvait avoir recours en engageant son terrain exempt d'hypothèque et que les motifs qui se contredisent valent absence de motif, Dès lors, la Cour d'Appel a violé l'obligation de motiver sa décision inscrite à l'article 249 du Nouveau Code de Procédure Civile, L'arrêt d'appel encourt par conséquent la cassation. ».

Réponse de la Cour En tant que tirés de la violation de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile, les moyens visent le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant, quant à la cessation des paiements et quant à l’ébranlement du crédit, « C’est au moment du prononcé du jugement déclaratif de faillite qu’il faut se placer pour apprécier la situation de fait rencontrée dans le jugement. Les événements ultérieurs sont, en principe, sans influence sur le bien jugé de la décision.

Il résulte des conclusions échangées que l’appelant ne conteste pas les déclarations de créance et admet que le passif vérifié de la faillite s’élève à 261.169,51 euros.

En ce qui concerne ce passif, la Cour estime cependant qu’il n’y a pas lieu de prendre en compte ni la créance de la banque SOCIETE3.), ni la créance de SOCIETE4.), car nées suite au jugement déclaratif de faillite. Il n’y a de même pas lieu de prendre en considération la créance du Centre Commun de la Sécurité Sociale, étant donné que ce créancier a accordé des délais de paiements à l’appelant 4 en cas de rabattement de la faillite. Le passif à prendre en compte dans l’appréciation du bien-fondé de l’appel s’élève dès lors à la somme de (10.842,82 + 6.788,70 +16.551,06=) 34.182,58 euros à laquelle s’ajoutent les frais et honoraires du curateur.

Quant à l’actif, il n’y a pas lieu de tenir compte du solde créditeur de 58.034,34 euros, ce solde ayant, suivant les indications des parties, été bloqué par des saisies et n’était dès lors pas disponible à la date du prononcé de la faillite, ni des terrains appartenant à PERSONNE1.). En effet, le fait que l’appelant soit propriétaire d’un immeuble est sans pertinence dans le cadre de l’appréciation de la question de savoir s’il était en état de cessation des paiements, alors que la cessation des paiements est une réalité indépendante de l’état de fortune du débiteur et qu’il importe peu que l’actif soit le cas échéant supérieur au passif (NOVELLES, droit commercial, les concordats et la faillite, tome IV, n° 203). L’actif à prendre en compte s’élève dès lors à (14.583,56 +13.621,74=) 28.205,3 euros.

La Cour retient dès lors au vu des éléments de l’espèce exposés ci-dessus que l’actif est insuffisant pour pouvoir couvrir le passif et que PERSONNE1.) était non seulement en état de cessation des paiements au moment du prononcé de la faillite, mais encore que son crédit se trouvait ébranlé. », les juges d’appel ont motivé leur décision sur les points considérés.

Il s’ensuit que les moyens ne sont pas fondés.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu que le requérant se trouvait au jour du jugement déclaratif de faillite en état de cessation de paiement au motif que les créances de la société anonyme SOCIETE1.), de l'Administration des Contributions Directes et de la société SOCIETE2.) que le curateur a admises au passif de la faillite dépassent, ensemble avec les frais exposés par le curateur, dans leur quantum, les avoirs bancaires dont le requérant disposait au jour de la faillite, alors que la créance du seul créancier qui exigeait paiement de sa créance au jour du jugement déclaratif de faillite, à savoir la société anonyme SOCIETE1.), était manifestement inférieure aux avoirs bancaires détenus par le requérant au jour du jugement déclaratif de faillite et que le requérant pouvait, au jour du prononcé de la faillite, faire face à cette créance, Dès lors, la Cour d'Appel a violé l'article 437 alinéa 1er du Code de commerce, L'arrêt d'appel encourt par conséquent la cassation. ».

5 Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de l’insuffisance de l’actif disponible pour couvrir le passif exigible de la faillite, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à charge des défendeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; leurs demandes en allocation d’une indemnité de procédure sont à rejeter.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation rejette le pourvoi ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;

met les frais et dépens de l’instance en cassation à charge du demandeur en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Thierry HOSCHEIT en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier en chef Viviane PROBST.

6 Grand-Duché de Luxembourg Luxembourg, le 17 novembre 2023 PARQUET GENERAL CITE JUDICIAIRE Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de PERSONNE1.) contre 1) la société anonyme SOCIETE1.) S.A.

2) Maître Paul JASSENK, avocat à la Cour, pris en sa qualité de curateur de la faillite de PERSONNE1.) (CAS-2023-00050 du registre) Par mémoire déposé au greffe de la Cour supérieure de justice du Grand-Duché de Luxembourg le 14 avril 2023, PERSONNE1.) a introduit un pourvoi en cassation contre l’arrêt portant le numéro 147/21 IV-COM, contradictoirement rendu entre parties le 30 novembre 2021, par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale.

La demanderesse en cassation a déposé un mémoire, signé par un avocat à la Cour, signifié le 12 avril 2023 aux parties adverses, antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans le délai1 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

La société à responsabilité limitée Etude d’avocats Weiler, Wiltzius, Biltgen s.àr.l., représentée par Maître Christian BILTGEN, avocat à la Cour, prise en sa qualité de mandataire de la société anonyme SOCIETE1.) S.A., a fait signifier le 17 avril 2023, au domicile élu de la partie demanderesse en cassation ainsi qu’au curateur Paul JASSENK, un mémoire en réponse et l’a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 10 mai 2023.

Maître Paul JASSENK, avocat à la Cour, pris en sa qualité de curateur de la faillite de PERSONNE1.), a fait signifier le 30 mai 2023 au domicile élu de la partie défenderesse 1 A défaut d’acte de notification de l’arrêt dont pourvoi, versé au dossier, tout en tenant compte des développements de la partie société anonyme SOCIETE1.) S.A., il doit être admis que le pourvoi a été introduit dans le délai légal.

7 SOCIETE1.) S.A.et le 6 juin 2023, au domicile élu de la partie demanderesse en cassation, un mémoire en réponse et l’a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 9 juin 2023.

Faits et rétroactes Le 28 avril 2021, la société anonyme SOCIETE1.) S.A. a assigné en faillite PERSONNE1.), devant le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, siégeant en matière commerciale.

A l’appui de son assignation en faillite, la société anonyme SOCIETE1.) s’est prévalue d’une créance de 15.305,83 euros du chef de prestations de services, sur base d’une ordonnance de référé coulée en force de chose jugée du 10 novembre 2020.

Par jugement contradictoire du tribunal d’arrondissement de Diekirch du 16 août 2021, PERSONNE1.) a été déclaré en état de faillite.

Le jugement déclaratif de faillite a déterminé provisoirement l’époque de la cessation des paiements au 16 février 2021, a désigné comme curateur Maître Paul JASSENK, avocat à la Cour, demeurant à Diekirch et a fixé la date de la vérification des créances au lundi, 20 septembre 2021.

Le 23 août 2021, PERSONNE1.) a relevé appel de ce jugement qui ne lui a pas été signifié, sollicitant le rabattement de la faillite.

Par arrêt numéro 147/21 IV-COM du 30 novembre 2021, la Cour d’appel a confirmé le jugement déclaratif de faillite du 16 août 2021, en retenant que l’actif de PERSONNE1.) est insuffisant pour pouvoir couvrir le passif et que PERSONNE1.) était non seulement en état de cessation des paiements au moment du prononcé de la faillite, mais encore que son crédit se trouvait ébranlé.

Sur la recevabilité du pourvoi Les défendeurs en cassation se rapportent à sagesse de Votre Cour concernant la recevabilité du pourvoi en cassation, en soulevant que le demandeur en cassation a acquiescé à l’arrêt numéro 147/21 IV-COM du 30 novembre 2021.

La Cour de cassation française admet que l’acquiescement de l’auteur du pourvoi à la décision qu’il a attaquée entraîne l’irrecevabilité de son pourvoi et qu’il incombe au défendeur du pourvoi d’opposer la fin de non-recevoir qui en résulte car la Cour de Cassation n’a pas le pouvoir de la relever d’office.

La Cour de cassation apprécie alors comme le ferait le juge du fond, le bien-fondé de cette fin de non-recevoir2.

Il importe de remarquer que le pourvoi en cassation n’étant pas, sauf exceptions, suspensif, l’exécution même sans réserve de la décision attaquée ne vaut pas, par elle-même, acquiescement. L’acquiescement ne peut résulter que de circonstances extérieures à cette 2 Droit et pratique de la cassation en matière civile, n°335, 3ème édition, LexisNexis, 2012 8 exécution. Ainsi la participation à une mesure d’instruction n’emporte pas, par elle-même, acquiescement à la décision qui l’a ordonnée (Cass. 3e civ., 5 juin 2002, n°00-21.439)3.

Votre Cour a décidé que le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif en matière civile, [comme en matière commerciale] l’exécution, même sans réserves, d’un arrêt ne vaut acquiescement que s’il résulte des circonstances dans lesquelles elle a eu lieu que celui qui exécute a, sans équivoque, manifesté sa volonté d’acquiescer.4 Ainsi l’exécution spontanée de l’arrêt, hors de toute demande afférente des parties gagnantes, dans un bref délai après que l’arrêt avait été rendu, établit, à l’abri de tout doute, l’intention dans le chef de la partie qui a succombé de mettre définitivement fin au litige.5 Aux termes de l’article 444 du Code de commerce, « le failli, à compter du jugement déclaratif de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir tant qu'il est en état de faillite ».

Aux termes de l’article 574 5° du Code de commerce, pourra être déclaré banqueroutier simple, tout commerçant qui s'est absenté sans l'autorisation du juge-commissaire ou s’il ne s’est pas rendu en personne, sans empêchement légitime, aux convocations qui lui ont été faites par le juge-commissaire ou par les curateurs.

L’article 576 du Code de commerce dispose ce qui suit :

« Pourront être condamnés aux peines de la banqueroute simple, les gérants des sociétés anonymes qui n'auront pas fourni les renseignements qui leur auront été demandés, soit par le juge-commissaire, soit par les curateurs, ou qui auront donné des renseignements inexacts.

Il en sera de même de ceux qui, sans empêchement légitime, ne se seront pas rendus à la convocation du juge-commissaire ou du curateur ».

Il résulte des dispositions susvisées qu’à partir du jugement déclaratif de faillite, le curateur prend en charge l'administration des biens du failli et qu’il poursuit le recouvrement d’éventuelles créances, le rôle du failli consistant à répondre aux convocations du juge-

commissaire ou du curateur et à fournir à ces derniers les renseignements qui lui auront été demandés.

Il ressort des développements du curateur Maître Paul JASSENK et des pièces versées par ce dernier que les démarches entreprises par PERSONNE1.) entre la date du prononcé de l’arrêt dont pourvoi et la date de son pourvoi, soit durant un laps de temps d’environ 18 mois, dépassent largement le cadre de ses obligations légales qui lui incombaient suite à l’arrêt confirmant le jugement déclaratif de faillite.

Il résulte notamment de ces pièces que PERSONNE1.) a procédé à la lecture de conclusions écrites, préparées par le curateur dans le cadre de procédures judiciaires pendantes et qu’il a, 3 Droit et pratique de la cassation en matière civile, n°336, 3ème édition, LexisNexis, 2012 4 Cour de Cassation., n° 21/2017 du 2 mars 2017, n° 3758 du registre 5 Ibidem 9 de manière proactive, sans avoir été sollicité ni par le curateur ni par le juge-commissaire, proposé de recueillir des attestations testimoniales.6 PERSONNE1.) a en outre donné des instructions au curateur, en rapport avec l'administration de ses biens.7 Il a en outre assisté, de manière spontanée, à des audiences dans des instances reprises par le curateur.8 L’exécution spontanée, proactive et sans équivoque de l’arrêt confirmatif de la faillite traduit à l’abri de tout doute l’intention dans le chef de PERSONNE1.) d’accepter la faillite et l’arrêt dont pourvoi.

PERSONNE1.) a ainsi acquiescé à l’arrêt d’appel de sorte que celui-ci est devenu irrévocable.

Il en suit que le pourvoi en cassation est irrecevable.

A titre subsidiaire :

Sur le premier et deuxième moyen de cassation pris ensemble Au regard de l’identité de la disposition légale prétendument violée et des critiques avancées, le Parquet général propose à Votre Cour d’examiner les deux premiers moyens de cassation ensemble.

Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé leur décision en ce qu’ils ont pris en considération les créances de l’Administration des Contributions directes et de la société SOCIETE2.) pour retenir que PERSONNE1.) se trouvait le jour du jugement déclaratif de faillite en état de cessation de paiement, sans avoir analysé si ces deux créances étaient certaines, liquides et exigibles au jour du prononcé de la faillite.

Le demandeur en cassation fait encore grief aux juges d’appel de ne pas avoir motivé leur décision en ce qu’ils ont pris en considération les créances de l’Administration des Contributions directes et de la société SOCIETE2.) pour retenir que PERSONNE1.) se trouvait le jour du jugement déclaratif de faillite en état de cessation de paiement et que son crédit était ébranlé, nonobstant le fait que ces créanciers n’entreprenaient pas de démarches pour recouvrer leurs créances et nonobstant le fait que le demandeur en cassation aurait pu obtenir un crédit en engageant son terrain exempt d’hypothèque.

En tant que tiré de la violation de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile, le moyen vise le défaut de motifs qui est un vice de forme.

Le défaut de motifs doit être distingué de l’insuffisance de motifs, qui relève du défaut de base légale et constitue un vice de fond, qui doit être tiré du texte de fond dont l’une des conditions d’application n’a, par cette insuffisance, pas été caractérisée9.

6 Pièce n° 2 de la liasse de 21 pièces de Maître JASSENK 7 Pièces n° 3, 9, 10,11 de la liasse de 21 pieces de Maître JASSENK 8 Pièce n° 12 de la liasse de 21 pieces de Maître JASSENK 9 J. et L. Boré, La cassation en matière civile, 5ème édition, éd. Dalloz 2015/2016, n°78.31 10 Sous le visa du texte invoqué aux moyens, le grief tiré de l’absence de motifs peut donc seul être présenté, à l’exclusion de celui de l’insuffisance de motifs10.

Une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Concernant l’état de cessation des paiements:

La cessation de paiement se définit comme « un fait matériel du commerçant qui, n’honorant plus ses dettes liquides et exigibles, a arrêté son mouvement de caisse »11. La cessation de paiement doit revêtir un caractère persistant et ne pas être due à des difficultés passagères.

Le mémoire en cassation fait état de deux créances qui auraient été prises en considération par les juges du fond pour retenir que PERSONNE1.) se trouvait en état de cessation de paiement, sans déterminer si elles étaient certaines, liquides et exigibles au jour du prononcé de la faillite, plus précisément les créances de l’Administration des Contributions directes et de la société SOCIETE2.).

A la lecture de l’arrêt dont pourvoi, il s’avère que les juges d’appel ont retenu que le passif, à prendre en compte dans l’appréciation du bien-fondé de l’appel, s’élève à la somme de [10.842,82 euros (passif déclaré par la société anonyme SOCIETE1.) S.A.) + 6.788,70 euros (passif déclaré par l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines) +16.551,06 euros (passif déclaré par SOCIETE2.) Redange =] 34.182,58 euros.

L’arrêt critiqué ne mentionne ni une créance de l’Administration des Contributions directes ni une créance de SOCIETE2.) Il semble pouvoir être admis que les développements effectués par le demandeur en cassation à l’appui du premier et du deuxième moyen de cassation comportent des erreurs purement matérielles et que les écrits du demandeur en cassation entendent viser les créances déclarées par l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines et par SOCIETE2.).

La Cour d’appel, après avoir rappelé qu’il est de principe qu’il incombe au demandeur du rabattement de la faillite de prouver qu’il n’était pas en état de cessation des paiements et que son crédit n’était pas ébranlé, a retenu que le passif à prendre en compte dans l’appréciation du bien-fondé de l’appel se compose des créances de la société SOCIETE1.), de l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines et de SOCIETE2.) Redange, ces créances étant nées au moment du jugement déclaratif de faillite, certaines, liquides et exigibles.

La juridiction d’appel a partant motivé sa décision sur le point considéré.

Concernant l’ébranlement du crédit :

Il y a ébranlement du crédit lorsque la cessation des paiements porte atteinte au crédit, à la solvabilité du débiteur, compromet l’ensemble de ses opérations ou lorsque la cessation des paiements est la conséquence d’un manque de crédit. L’ébranlement de crédit implique le refus de tout crédit par les créanciers, par les fournisseurs et par les bailleurs de fonds, en raison 10 Cour de cassation, 8 juin 2006, n°41/06, n° 2300 du registre 11 I. Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer 1988, p. 221 11 d’une carence notoire (cf. Les Novelles, Droit commercial, Tome IV, page 81 ; Cour, 10 février 2010, rôle n° 34781).

L’arrêt dont pourvoi a retenu que le passif à prendre en compte dans l’appréciation du bien-

fondé de l’appel s’élève à la somme de 34.182,58 euros et que l’actif à prendre en compte s’élève à 28.205,3 euros.

Concernant l’actif, le juges d’appel ont par ailleurs retenu que le fait que l’appelant soit propriétaire d’un immeuble est sans pertinence dans le cadre de l’appréciation de la question de savoir s’il était en état de cessation des paiements, alors que la cessation des paiements est une réalité indépendante de l’état de fortune du débiteur et qu’il importe peu que l’actif soit le cas échéant supérieur au passif.

La Cour d’appel a déterminé le passif à prendre en compte dans l’appréciation du bien-fondé de l’appel, conformément à ce qui a été exposé ci-dessus.

La Cour a déduit que l’actif est insuffisant pour pouvoir couvrir le passif et que le crédit de PERSONNE1.) se trouvait ébranlé après avoir rappelé que l’ébranlement de crédit est la conséquence d’un manque de crédit et provient de l’impossibilité d’obtenir de l’argent frais pour payer ses dettes, respectivement du refus des créanciers d’accorder des délais de paiement.

La juridiction d’appel a motivé sa décision sur le point considéré.

En l’espèce, le demandeur en cassation, en reprochant à la Cour d’appel un défaut de motivation, tente sous le couvert du grief de la violation de l’article 249 du Nouveau Code de procédure civile, de remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de fait de la cause.

Il en suit que les deux premiers moyens ne sauraient être accueillis.

Sur le troisième moyen de cassation Le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé la loi en ce qu’ils ont confirmé le jugement déclaratif de faillite alors que l’état de cessation des paiements, constituant l’une des conditions de la mise en faillite telles que prévues par l’article 437 du Code de commerce, n’était pas donné dans son chef.

Votre Cour, sans s’être prononcée sur le principe et la portée de son pouvoir de censure, a contrôlé la justification légale de la décision des juges du fond procédant à une déclaration de faillite en rapport avec les critères de la cessation des paiements et de l’ébranlement du crédit12.

Dans l’affaire actuellement soumise à Votre Cour, le problème porte sur la détermination du passif exigible, le demandeur en cassation faisant valoir que ce dernier se limitait à la seule créance de la société SOCIETE1.) qui était manifestement inférieure aux avoirs bancaires détenus par lui au jour du jugement déclaratif de faillite, au motif que la société SOCIETE1.) était le seul créancier à exiger le paiement de sa créance au jour du jugement déclaratif de la faillite.

12 Cour de Cassation, n° 35/15 du 30 avril 2015, n° 3460 du registre 12 La cessation des paiements est le fait matériel du commerçant qui, n’honorant plus ses dettes exigibles et liquides, a arrêté son mouvement de caisse.

Il n’est pas nécessaire que la cessation des paiements soit généralisée. Le commerçant qui n’a qu’un seul créancier peut être mis en faillite. Le juge, dans son appréciation n’aura pas égard à l’origine contractuelle, quasi délictuelle ou légale des dettes, ni à la cause des difficultés, ni au caractère privilégié ou chirographaire de la dette13.

Le non-paiement d’une seule créance peut motiver la mise en faillite d’une société commerciale, à condition qu’il s’agisse d’une créance certaine, liquide et exigible, qui ne fait pas l’objet de contestations sérieuses.

Une dette contestée ne peut entraîner la faillite puisque la cessation de paiement suppose impayées des dettes certaines, liquides et exigibles : encore faut-il que la contestation soit sérieuse et non dilatoire14.

L’arrêt dont pourvoi, après avoir rappelé qu’il n’est pas nécessaire que la cessation des paiements soit généralisée, que le nombre des créanciers impayés est sans importance et que PERSONNE1.) ne conteste pas les déclarations de créance et admet que le passif vérifié de la faillite s’élève à 261.169,51 euros, a déterminé les créances certaines, liquides et exigibles constituant le passif à prendre en compte.

Les juges d’appel ont déterminé le passif impayé à prendre en considération dans l’appréciation du bien-fondé de l’appel et ont retenu qu’il s’élève à un montant total de 34.182,58 euros.

Le juges d’appel ont ainsi décidé à bon droit que PERSONNE1.) se trouvait en état de cessation des paiements.

Le moyen n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est irrecevable, sinon non fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, L’avocat général, Bob PIRON 13 Cour d’appel, 4ème Ch., 20 janvier 2016, n° 40965 du rôle 14 Ibidem 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 07/24
Date de la décision : 11/01/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/01/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2024-01-11;07.24 ?

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