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12/07/2021 | LUXEMBOURG | N°44266

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juillet 2021, 44266


Tribunal administratif N°44266 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2020 1re chambre Audience publique du 12 juillet 2021 Recours formé par Monsieur A et consort, …, contre des décisions du bourgmestre de la commune de Roeser, en présence de la société à responsabilité limitée …, …, en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44266 du rôle et déposée le 10 mars 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc Jeitz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de Monsieur A, demeurant à L-… et de Monsieur B, demeurant à L-…, tendant princi...

Tribunal administratif N°44266 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 mars 2020 1re chambre Audience publique du 12 juillet 2021 Recours formé par Monsieur A et consort, …, contre des décisions du bourgmestre de la commune de Roeser, en présence de la société à responsabilité limitée …, …, en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44266 du rôle et déposée le 10 mars 2020 au greffe du tribunal administratif par Maître Luc Jeitz, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, demeurant à L-… et de Monsieur B, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de 1) « la décision prise en date du 8 mai 2019 signée le 12 décembre 2019 sous forme de « certificat » pour « changement d’affectation d’un immeuble unifamilial sis à L-… en crèche en tant qu’annexe à la crèche existante, sise à L-… » avec mention « à afficher sur un lieu bien visible au chantier ensemble avec l’autorisation de construire n°… du 12 décembre 2019 » », et 2) « la décision d’autorisation n°… de l’administration communale de Roeser prise le 12 décembre 2019 pour une construction localisée à L-… ».

Vu les exploits de l’huissier de justice Geoffrey Gallé, demeurant à Luxembourg, du 1er avril 2020, portant signification de la prédite requête en réformation, sinon en annulation 1) à l’administration communale de la commune de Roeser, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à L-3394 Roeser, 40, Grand-Rue, et 2) à la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2020 par la société anonyme Krieger Associates S.A. inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le numéro B240929, représentée par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la société à responsabilité limitée …, préqualifiée ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 29 juin 2020 par Maître Gilles Scripnitschenko, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la commune de Roeser, préqualifiée ;

1 Vu le mémoire en réponse de Maître Gilles Scripnitschenko, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 septembre 2020 pour compte de la commune de Roeser, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse de Maître Georges Krieger, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 septembre 2020 pour compte de la société à responsabilité limitée …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Luc Jeitz, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 octobre 2020 pour compte de Monsieur A et de Monsieur B, préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique de Maître Georges Krieger, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2020 pour compte de la société à responsabilité limitée …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique de Maître Gilles Scripnitschenko, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2020 pour compte de la commune de Roeser, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Luc Jeitz, Maître Gilles Scripnitschenko et Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mai 2021.

___________________________________________________________________________

En date du 9 février 2017, le bourgmestre de la commune de Roeser, ci-après désigné par « le bourgmestre », délivra une autorisation de bâtir référencée sous le numéro … à Monsieur C pour la « transformation d’une maison en crèche » à l’adresse …, L-….

A la suite d’une demande par courrier du 2 mai 2019 et tendant à voir autoriser « un changement d’affectation de la parcelle cadastrale …, … à …, en crèche en lieu et place de bâtiment d’habitation comme il en est actuellement », introduite par la société à responsabilité limitée …, ci-après désignée par « la société … », le bourgmestre s’adressa à cette dernière par un courrier du 8 mai 2019 dans les termes suivants :

« Suite à votre courrier du 2 mai 2019, par lequel vous sollicitez le changement d'affectation d'un immeuble à …, …, et suite à l'examen de votre dossier par rapport aux règles d'urbanisme de notre commune, nous pouvons vous préciser que l'administration communale de Roeser vous accorde le changement d'affectation de l'immeuble susmentionné sous réserve de tous droits généralement quelconques de tiers et sans préjudice d'autres permissions légalement requises préalablement à la réalisation de votre projet.

Etant donné que l'immeuble est classé, suivant notre nouvel plan d'aménagement général, en zone HAB-1, l'exploitation d'une crèche dans immeuble en question est admise et tolérée conformément à l'article 2 de la partie écrite du plan d'aménagement général.

Néanmoins, la commune de Roeser déplore, pour la énième fois, la réaffectation d'une maison unifamiliale pour des fins commerciales et ceci au détriment du logement.

2 L'immeuble au N° … est à considérer comme une annexe à votre crèche principale qui se situe au N° … à ….

Il est évident que votre projet doit respecter les dispositions du règlement sur les bâtisses en ce qui concerne notamment le nombre d'emplacements de stationnement et l'habitabilité de l'immeuble. A titre d'information, une autorisation de bâtir est requise pour tout changement de destination d'un immeuble, pour les transformations et modification de la structure portante et/ou du gros-œuvre ainsi que pour l'aménagement de parkings. ».

Par un courrier du 27 août 2019, le bourgmestre s’adressa à Monsieur A et à Monsieur B, à la suite d’un courrier de leur part du 5 août 2019, dans les termes suivants :

« Nous accusons réception de votre courrier du 5 août 2019.

Aux termes de l'article 13 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, les tierces personnes ont droit « à obtenir communication des éléments d'informations sur lesquels l'administration s'est basée ou entend se baser ».

Vous avez déjà été informés que, par l'intermédiaire de son conseil, la crèche … avait fait valoir le principe de la compatibilité de l'activité d'une crèche dans l'immeuble sis … (numéro cadastral …).

A ce sujet, il faut relever que le tribunal administratif a clairement retenu qu'une crèche ou toute autre activité d'accueil d'enfants doit a priori être « considérée comme constituant un complément naturel des habitations, sise dans un quartier résidentiel, sans que le bourgmestre ne soit habilité à vérifier in concreto l'opportunité de prévoir une telle activité dans une zone résidentielle donnée ». Ce principe fut expressément confirmé par la Cour administrative.

A tout ceci s'ajoute que la jurisprudence actuelle est claire pour dire que « toutes les règles quant au respect du droit de propriété de tiers et à la prise en compte de considérations d'intérêt privé qui ne font pas partie des règles d'urbanisme applicables sont étrangères au champ du contrôle de l'autorité compétente pour la délivrance des autorisations » et que le bourgmestre n'est pas habilité à vérifier in concreto l'opportunité de prévoir l'activité d'une crèche ou d'une structure d'accueil dans une zone résidentielle donnée.

Cependant, pour éviter une multiplication de nouvelles crèches, un accord de principe quant au changement d'affectation de la prédite parcelle a été accordé mais uniquement si cette crèche est exploitée en tant qu'annexe de la crèche d'ores et déjà existante au … et sous réserve des autres autorisations et permissions légalement requises, le tout sur base du PAG en vigueur et notamment de l'article 2 de la partie écrite du PAG ainsi que de la jurisprudence existante.

Eu égard au fait que les autres autorisations requises n'ont pas toutes encore été sollicitées, le prédit accord n'a pas encore fait l'objet d'une publication. En effet, l'affichage se fera ensemble avec les autres autorisations éventuellement à intervenir et ceci conformément aux dispositions légales en vigueur.

La présente intervient sous toutes réserves et notamment sans reconnaissance, renonciation ou acceptation préjudiciable aucune. Tous droits sont réservés. ».

3 En date du 12 décembre 2019, le bourgmestre accorda à la société … une autorisation référencée sous le numéro … pour « la transformation d’une maison unifamiliale en vue du changement d’affectation de l’immeuble en crèche » sur un terrain sis …, L-….

En date du 12 décembre 2019, le bourgmestre délivra un certificat relatif à une autorisation du 8 mai 2019 portant sur un « changement d’affectation d’un immeuble unifamiliale sis à L-…, en crèche en tant qu’annexe à la crèche existante, sise à L-… ».

Le 13 décembre 2019, le bourgmestre délivra encore un certificat relatif à l’autorisation numéro … du 12 décembre 2019 visant la transformation d’une maison unifamiliale en vue du changement d’affectation de l’immeuble en crèche.

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 mars 2020, Monsieur A et Monsieur B, ci-après désignés par « les consorts AB», ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de 1) « la décision prise en date du 8 mai 2019 signée le 12 décembre 2019 sous forme de « certificat » pour « changement d’affectation d’un immeuble unifamilial sis à L-… en crèche en tant qu’annexe à la crèche existante, sise à L-… » avec mention « à afficher sur un lieu bien visible au chantier ensemble avec l’autorisation de construire n°… du 12 décembre 2019 » », et 2) « la décision d’autorisation n° … de l’administration communale de Roeser prise le 12 décembre 2019 pour une construction localisée à L-… ».

Quant à l’objet du recours En ce qui concerne de prime abord l’objet du recours, le tribunal a, à l’audience des plaidoiries, soulevé la question de savoir si le certificat signé le 12 décembre 2019 dit « point rouge » renferme en tant que tel un élément décisionnel propre au-delà de l’autorisation à laquelle il se réfère et en conséquence celle de la recevabilité du recours pour autant qu’il serait dirigé contre ledit certificat, ce qui conduit à la question de la délimitation de l’objet du recours.

Le mandataire de la commune de Roeser, ci-après désignée par « la commune », a fait valoir que seule une autorisation de construire numéro … aurait été émise, tandis que le mandataire des consorts AB a fait valoir que le certificat en question se réfère à une décision du 8 mai 2019.

Aux termes de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », un recours est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible ».

Cet article limite ainsi l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste1.

1 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, n° 46, p. 28.

4 L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit dès lors constituer, dans l’intention de l’autorité qui l'émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l’acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. En effet, pour être susceptible de faire l’objet d’un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief2.

Force est de constater que le bourgmestre a, en l’espèce, accordé deux autorisations en relation avec le projet litigieux, à savoir, d’une part, celle du 8 mai 2019 portant sur un changement d’affectation, et, d’autre part, celle du 12 décembre 2019 portant sur des travaux de transformation réalisés en relation avec ce même changement d’affectation.

Tel que cela a été relevé ci-avant, le bourgmestre a, en relation avec ces deux autorisations, émis deux certificats dits « point rouge », conformément à l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », aux termes duquel « […] Un certificat délivré par le bourgmestre attestant que la construction projetée a fait l’objet de son autorisation est affiché par le maître de l’ouvrage aux abords du chantier, de manière aisément visible et lisible à partir de la voie publique par les personnes intéressées. Le certificat mentionne que le public peut prendre inspection à la maison communale des plans afférents appartenant à l’autorisation de construire pendant le délai durant lequel l’autorisation est susceptible de recours. Une information mentionnant la délivrance de l’autorisation de construire est publiée sur le site internet de la commune. […] ».

Ainsi, le certificat signé le 12 décembre 2019 est relatif à l’autorisation de changement d’affectation du 8 mai 2019 qui y est mentionnée, ce dernier certificat mentionnant en outre qu’il est à afficher ensemble avec l’autorisation numéro …, tandis que celui signé le 13 décembre 2019 est relatif à l’autorisation du 12 décembre 2019 portant le numéro … et visant des travaux de transformation suivant les plans autorisés et portant sur la construction sise à … à ….

Le tribunal relève qu’un certificat dit « point rouge » délivré en conformité avec l’article 37, précité, de la loi du 19 juillet 2004 ne constitue pas en tant que tel une décision administrative autonome susceptible de faire grief, mais constitue l’instrument à travers lequel les tiers sont informés de la délivrance d’une autorisation, ledit certificat devant être affiché par le maître de l’ouvrage aux abords du chantier.

Dans ces conditions, un recours dirigé contre un certificat « point rouge » devrait en principe être déclaré irrecevable comme étant dirigé contre un acte dépourvu d’élément décisionnel propre.

Néanmoins, en l’espèce, malgré la formulation pouvant prêter à confusion employée dans la requête introductive d’instance, qui vise une « décision prise en date du 8 mai 2019 signée le 12 décembre 2019 sous forme de certificat », le tribunal est amené à retenir qu’il y a lieu d’admettre que le recours est dirigé, à côté de l’autorisation de réaliser des travaux de transformation du 12 décembre 2019, non pas contre le certificat dit « point rouge » du 12 2 Trib. adm. 18 juin 1998, n° 10617 et 10618, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 43 et les autres références y citées.

5 décembre 2019 en tant que tel, mais bien contre la décision, prise en date du 8 mai 2019, d’accorder un changement d’affectation.

Quant à la demande en communication du dossier administratif et quant aux prises de position et pièces versée après la prise en délibéré Dans leur réplique, les consorts AB demandent à ce que la commune soit condamnée à verser toutes les pièces et plans de son dossier administratif en version papier A3. Dans la mesure où, à la demande du tribunal à l’audience des plaidoiries, les plans autorisés ont été produits par la commune et à défaut par les consorts AB d’incriminer le caractère incomplet de ces plans, la demande en communication est rejetée comme étant devenue sans objet.

Le tribunal constate ensuite que si à l’audience des plaidoiries, il a demandé à la commune de verser les plans relatifs aux autorisations des 9 février 2017 et 12 décembre 2019, les parties à l’instance ont, au-delà des deux autorisations requises avec plans et certificats « point rouge » respectifs que le mandataire de la commune a fait parvenir au tribunal par courrier du 27 mai 2021, produit en cours du délibéré diverses prises de position écrites et d’autres pièces.

Or, comme la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite, le tribunal aura égard uniquement aux développements des parties à l'instance contenus dans les écrits procéduraux, à savoir la requête introductive d’instance, ainsi que les mémoires en réponse, en réplique et en duplique, de sorte que les prises de position écrites produites en cours du délibéré et non demandées par le tribunal, de même que les explications orales fournies à l'audience des plaidoiries allant au-delà des moyens contenus dans les écrits procéduraux sont à écarter.

Il convient ensuite de relever qu'en application de l'article 8, paragraphe (6) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », « toute pièce versée après que le juge rapporteur a commencé son rapport en audience publique est écartée des débats, sauf si le dépôt est ordonné par le tribunal. ».

En conséquence, l'ensemble des pièces versées après la prise en délibéré de l'affaire, à l'exception de celles dont la communication a été demandée par le tribunal à l’audience des plaidoiries, à savoir les plans relatifs aux autorisations des 9 février 2017 et 12 décembre 2019 ayant été joints au courrier du mandataire de la commune du 27 mai 2021 ensemble avec les autorisations respectives et les certificats « point rouge » afférents, sont à écarter des débats.

Quant à la recevabilité du recours Arguments des parties Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, seul un recours en annulation a pu être introduit, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Il convient ensuite d’examiner la recevabilité du recours subsidiaire en annulation dirigé (i) contre l’autorisation de changement d’affectation prise le 8 mai 2019 et (ii) contre l’autorisation de travaux de transformation du 12 décembre 2019 portant le numéro …, pour 6 lesquelles des certificats dits « point rouge » ont été émis les 12, respectivement 13 décembre 2019.

A cet égard, la commune, rejointe par la société …, dénie tout intérêt à agir aux consorts AB et conclut à l’irrecevabilité du recours de ce fait.

En effet, après avoir retracé les faits et rétroactes tels que repris ci-avant, la commune et la société … mettent en avant que Monsieur A serait le propriétaire des parcelles numéro … et … et que Monsieur B serait le propriétaire de la parcelle numéro ….

Tout en reprochant en substance aux consorts AB de tenter de manière détournée de s’opposer à la crèche existante sise au numéro …, contre l’exploitation de laquelle ils n’auraient jamais introduit un recours, la commune et la société … font de prime abord valoir que l’extension de la crèche porterait sur un bâtiment d’ores et déjà existant, de sorte qu’il appartiendrait aux demandeurs de démontrer que ce serait cette nouvelle affectation qui leur causerait préjudice, tout en contestant l’existence d’un tel préjudice.

Ils donnent ensuite à considérer que l’accès à l’extension de la crèche se ferait par une rue privée …, qui ne serait pas reliée à la rue dans laquelle habiteraient les requérants, tout en faisant valoir qu’une augmentation du trafic dans une rue voisine ne justifierait pas un intérêt à agir.

En se référant à l’emplacement des maisons respectives des sieurs B et A par rapport à l’immeuble sur lequel porterait le changement d’affectation et les travaux de transformation tel qu’il se dégagerait d’une orthophoto, la commune et la société … insistent sur la distance entre les constructions respectives, les immeubles respectifs se trouvant, d’après eux, à une distance d’une centaine de mètres et étant situés dans un autre quartier. S’y ajouterait que la végétation existante constituerait une barrière naturelle entre la rue où serait situé l’immeuble sur lequel porteraient les autorisations querellées, à savoir la rue …, et les rues dans lesquelles habiteraient les consorts AB, à savoir les rues … et …. Ils contestent en tout état de cause toute vue directe sur l’extension de la crèche, en réitérant qu’un hypothétique intérêt en relation avec une augmentation de trafic ne pourrait être invoqué dans la mesure où les requérants n’emprunteraient pas la rue privée … pour accéder à leurs immeubles, de sorte à ne pas être impactés par une telle augmentation hypothétique du trafic dans une rue adjacente.

La société … donne encore à considérer que le nombre d’enfants pouvant être accueillis dans la crèche ne relèverait pas de la compétence du bourgmestre, mais du ministre de la Famille.

Si dans leur requête introductive d’instance les requérants n’ont pas pris position par rapport à leur intérêt à agir, ils font, dans leur mémoire en réplique, valoir que leurs maisons respectives seraient directement contiguës à la zone de PAP … pour en conclure qu’ils auraient un intérêt à agir contre les décisions attaquées qui porteraient sur des parcelles comprises dans la zone hachurée PAP HAB1 (…) au sens de l’article 1er de la partie graphique de la refonte du plan d’aménagement général (PAG) de la commune.

Ils contestent encore qu’une distance importante séparerait « les crèches » et leurs maisons d’habitation respectives en soulignant que cette distance serait inférieure à 53 m, en s’appuyant sur des calculs effectués sur Google Earth. En termes de vue, il se prévalent encore 7 d’une photo prise d’une chambre d’enfant de la maison de Monsieur A qui permettrait de voir le nouveau parking avec les emplacements extérieurs.

Ils estiment dès lors que « les crèches » seraient voisines de leurs habitations respectives.

Tout en admettant que la « nouvelle crèche » serait physiquement distincte de la crèche initiale se trouvant dans un autre bâtiment libre des quatre côtés, ils font valoir qu’ils seraient les seuls voisins à proximité de la zone … et à proximité « des crèches ».

Ils affirment encore que les décisions attaquées auraient « pour conséquence que la zone … soumise à l’élaboration d’un [plan d’aménagement particulier « nouveau quartier »] PAP NQ, conformément aux schémas directeurs … du bureau Z., comprend[rait] actuellement un centre équestre (considéré comme commercial pour être exclu en principe des zones vertes selon jurisprudence), deux crèches (initiale et la nouvelle) et deux bâtiments d’habitation (occupés par les propriétaires ou ayant droit de la zone …) ». Le schéma directeur, approuvé définitivement par le ministre le 8 février 2017 et faisant partie de la réglementation urbanistique communale, prévoirait graphiquement huit « belles places à bâtir supplémentaires pour des constructions ». Les demandeurs font valoir que les proportions actuelles entre bâtiments affectés à des fins d’habitation et les bâtiments affectés à des fins autres que d’habitation telles que prévues par ledit schéma directeur seraient directement violées puisque la configuration actuelle comprendrait une affectation à concurrence de 80 % à des fins de non-habitation. Ils donnent à considérer qu’ils souhaiteraient éviter que leur quartier très résidentiel soit contigu à une « zone d’activité » alors que le schéma directeur prévoirait 80 % ou plus de bâtiments destinés à l’habitation, tout en soulignant qu’ils seraient les habitants des rues … et … qui seraient les plus près des « deux » crèches, de sorte qu’ils auraient un intérêt à agir contre « l’extension commerciale des bâtiments de la zone … contiguë ».

Dans sa duplique, la commune fait valoir que les requérants affirmeraient à tort qu’elle ne serait pas en droit d’autoriser un changement d’affectation sans l’élaboration préalable d’un PAP NQ orienté par le schéma directeur, en insistant sur le fait qu'aucune disposition ne soumettrait une autorisation de changement d'affectation à la condition préalable de la réalisation d'un PAP.

Elle reproche encore aux requérants de faire un amalgame entre l'autorisation de changement d'affectation et l'autorisation de bâtir et de chercher à obtenir l'annulation de la première par des moyens détournés en se basant sur des considérations concernant uniquement l'autorisation de bâtir, tout en donnant à considérer que les autorisations de changement d'affectation et de bâtir pourraient uniquement être refusées en cas de violation des règles d'urbanisme et non pas pour des considérations d'intérêt privé, de sécurité et de propriété.

La commune, rejointe par la société …, reproche aux requérants de faire croire à un projet de grande ampleur, alors que l'autorisation du 9 février 2017 relative à la crèche existante n’aurait jamais été attaquée, de sorte qu’il conviendrait de faire abstraction des développements des requérants relatifs à ladite autorisation du 9 février 2017 visant l'immeuble sis au numéro ….

En ce qui concerne l'extension de la crèche à l'immeuble situé …, la commune et la société … maintiennent leurs contestations quant à l'intérêt à agir des consorts AB, en réitérant 8 que l'extension s’implanterait dans un bâtiment d'ores et déjà existant, de sorte que la construction en tant que telle ne pourrait justifier l’intérêt à agir. Face à la remarque des consorts AB suivant laquelle une multiplication des exploitations commerciales à des fins de crèche dans une zone résidentielle pourrait causer des nuisances aux voisins, la commune et la société … estiment que ceux-ci se réfèrent à des nuisances sonores qui seraient toutefois à considérer comme simplement hypothétiques vu la distance entre leurs habitations respectives et le bâtiment litigieux et cela d'autant plus qu’ils n’auraient jamais introduit un recours contre l'autorisation d'exploitation délivrée le 14 mai 2020.

La société … réitère encore qu'un accroissement allégué du trafic dans une rue voisine ne pourrait pas non plus justifier un intérêt à agir.

En ce qui concerne la photo dont se prévalent les demandeurs, elle fait valoir, rejointe sur ce point par la commune, qu'il s'agirait d'une vue du parking de la crèche existante contre laquelle aucun recours n'aurait été introduit. Ce parking existant ne pourrait dès lors justifier un intérêt à agir en ce qui concerne l'annexe de la crèche, la société … rappelant que les immeubles respectifs des consorts AB se trouveraient à une centaine de mètres de l'extension de la crèche et dans un autre quartier, accessible par une autre rue.

La société … conteste encore l'argumentation des consorts AB suivant laquelle l'extension litigieuse ferait obstacle aux places à bâtir prévues par le schéma directeur et fait valoir que la réalisation d'un PAP aurait pour conséquence directe une augmentation du nombre des immeubles et un accroissement consécutif de la circulation, ce qui prouverait la gratuité de l'argumentation des requérants quant à une prétendue nuisance en relation avec une augmentation du trafic due à l'annexe de la crèche.

Enfin, la société … souligne qu'une crèche serait à qualifier de complément naturel d'une zone d'habitation.

Appréciation du tribunal Il convient de rappeler qu’en matière de contentieux administratif, portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par le juge administratif3.

Par ailleurs, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue certes un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin4.

3 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieusen°3 et les autres références y citées.

4 Voir en ce sens Cour adm. 26 mai 2005, n°19208C du rôle, Pas. adm, 2020,V° Procédure contentieuse, n°78 et les autres références y citées.

9 En d’autres termes, il faut que la construction litigeuse affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien d’un demandeur5, lequel doit ainsi voir sa situation s’aggraver effectivement et réellement, la simple qualité de voisin, même direct, étant dès lors insuffisante pour justifier un intérêt à agir dans le chef du demandeur6.

C’est, en effet, au regard de l’incidence concrète7 du projet sur la situation du demandeur que l’intérêt pour agir de ce demandeur devant le juge de l’excès de pouvoir doit être apprécié.

Ainsi, le juge tiendra compte pour apprécier la qualité de voisins d’une construction autorisée par le permis de construire querellé, à la fois, de la distance entre le projet et leurs domiciles respectifs, de la nature et de l’importance du projet, ainsi que de la configuration des lieux.

En tout état de cause, l’intérêt à agir s’apprécie non pas de manière abstraite, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée : le juge doit ainsi rechercher si la construction- respectivement, comme en l’espèce, l’affectation - est susceptible d’avoir une incidence sur la situation du demandeur compte tenu de sa proximité par rapport à son domicile ou des caractéristiques mêmes de la commune : un administré ne peut valablement recourir contre une décision individuelle qu’à condition que celle-ci lui fasse grief, c’est-à-dire qu’elle aggrave effectivement et réellement, à la date de l’introduction du recours, sa situation personnelle.

En effet, pour justifier d’un intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle8. Ainsi, il faut non seulement que la décision querellée entraîne des conséquences fâcheuses pour le demandeur, mais encore que l’annulation poursuivie mette fin à ces conséquences9.

En tout état de cause, il appartient à la partie requérante d’expliquer et de justifier son intérêt à agir.

En l’espèce, afin d’examiner les contestations de la commune et de la société … quant à l’intérêt agir, il convient de prime abord de délimiter la portée des autorisations attaquées, dans la mesure où l’intérêt à agir est à apprécier par rapport aux seuls éléments autorisés et par voie de conséquence par rapport à l’incidence de ceux-ci sur la situation des requérants.

Tel que cela a été retenu ci-avant, le recours porte, d'une part, sur l'autorisation du 8 mai 2019 portant exclusivement sur le changement de l’affectation d'un immeuble destiné à des fins d’habitation sis à … en une crèche en tant qu'annexe à une crèche existante, sise à …, et, d'autre part, sur une autorisation de procéder à des travaux de transformation en vue de ce changement d'affectation, délivrée le 12 décembre 2019, et portant aussi sur un immeuble existant sis à ….

Le recours étant limité à ces deux autorisations précitées, les développements des consorts AB relatifs à une autorisation de transformation délivrée le 9 février 2017 5 Olivier Renaudine, L’intérêt à agir devant le juge administratif, page 89, éditions Berger Levrault.

6 Voir trib. adm. 21 février 2018, n° 38029 du rôle et Cour adm. 12 octobre 2017, n° 39490C, ainsi que 17 octobre 2017, n° 39527C et 39542C, disponibles sous www.jurad.etat.lu.

7 Cour adm. 12 décembre 2017, n° 39672C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.

8 Trib. adm. 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 12 et les autres références y citées.

9 En ce sens : Trib. adm. 7 novembre 2016, nos 36132 et 36133 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 13 et les autres références y citées.

10 respectivement relatifs à une autorisation d'un changement d'affectation du 28 juillet 2016, visant toutes les deux l'immeuble sis à …, sont dénués de pertinence, dans la mesure où ces autorisations ne font pas l'objet du présent recours. En conséquence, il devient surabondant d'examiner le débat mené par les consorts AB quant à l'effectivité de la publication des certificats « point rouge » relatifs à ces autorisations, étrangères au présent recours, le tribunal relevant toutefois que tant l’autorisation de changement d'affectation du 28 juillet 2016, que l’autorisation de bâtir du 9 février 2017, toutes les deux communiquées dans le cadre de la présente procédure ensemble avec les mémoires en réponse respectifs de la commune et de la société …, doivent être considérées comme ayant été portés à la connaissance des demandeurs au plus tard à partir de cette date et cela indépendamment de toute considération quant à la publicité donnée à ces autorisations par d'autres moyens.

Les requérants estiment dans leur réplique que les décisions attaquées comporteraient, outre un changement d’affectation au sens de l'article 37 de la loi du 19 juillet 2004, la construction d'une sortie de secours nécessaire pour l'exploitation de l'établissement litigieux et indiquée en rouge sur les plans, la construction de huit parkings extérieurs, la construction d'une grande véranda vitrée avec extension du volume et la construction d’une clôture.

Dans ce contexte, ils font valoir que l'autorisation de changement d'affectation serait lourde de conséquences et se distinguerait d'une simple extension mineure d'un bâtiment d'habitation dans une zone d'habitation. Ainsi, l’autorisation de changement du mode d’affectation pourrait être associée à la notion de nouvelle construction ou de transformation, par opposition à de simples travaux de conservation ou d'entretien au sens de l'article 21 de la loi du 19 juillet 2004. Ils font encore valoir que la « nouvelle crèche » aurait vraisemblablement fait d’importants travaux illégaux de remblai et de déblai sur la période d’octobre 2019 à mai 2020 dans la mesure où un étang existant de 496 m² dans le jardin de l'immeuble sis au … aurait été supprimé.

Force est de constater que suivant son libellé, l’autorisation du 8 mai 2019 vise clairement un changement d’affectation au seul immeuble - existant - sis à ….

D’autre part, il ressort encore du libellé de l'autorisation du 12 décembre 2019 qu’elle porte exclusivement sur les aménagements à réaliser sur ce même immeuble, en ce qu’elle précise expressément que l'adresse sur laquelle les travaux autorisés portent est la maison sise à …, ce qui est également confirmé par le certificat dit « point rouge » délivré le 13 décembre 2019.

Le tribunal relève encore que, contrairement à ce que semblent suggérer les consorts AB, ladite autorisation - tout comme d’ailleurs celle du 8 mai 2019 - porte sur un immeuble existant, de sorte que la présence du bâtiment en tant que tel ne saurait justifier leur intérêt à agir, mais que celui-ci est à vérifier par rapport aux seuls travaux de transformation et l’incidence de ceux-ci sur la situation des consorts AB.

Par rapport au débat mené à l'audience des plaidoiries sur la question de savoir si l'autorisation du 12 décembre 2019 porte aussi sur des aménagements réalisés au niveau de la maison sise …, le litismandataire des demandeurs en voulant pour preuve la circonstance que sur le plan autorisé des emplacements de parking et un local à poussettes seraient représentés en couleur rouge, ce qui identifierait ces aménagements comme étant nouveaux et partant autorisés à travers l’autorisation litigieuse, le tribunal constate que l'objet de l'autorisation attaquée a pu être clarifié par la production, à sa demande, du plan relatif à l’autorisation du 9 11 février 2017 visant la transformation d'une maison d’habitation en crèche dans l'immeuble sis …. En effet, force est de constater que le plan fait partie intégrante de l’autorisation du 9 février 2017. Dès lors, l’autorisation du 12 décembre 2019, encore que les plans indiquent toujours le local poussettes et les parkings en rouge, ne peut comporter aucun élément décisionnel nouveau par rapport à ces emplacements, ni par rapport au local pour poussettes, ayant d’ores et déjà été autorisés à travers l'autorisation du 9 février 2017, contre laquelle de façon non contestée aucun recours contentieux n'a été introduit et qui est entretemps devenue définitive, étant relevé qu’indépendamment du débat mené par les consorts AB quant à la publicité adéquate donnée au certificat « point rouge » relatif à cette autorisation, celle-ci était à leur connaissance au plus tard au moment de sa communication avec les mémoires en réponse respectifs de la commune et de la société …, de sorte que le délai de recours a commencé à courir au plus tard à partir de ce moment-là et est actuellement expiré. A cet égard, le tribunal relève encore que si certes le plan d’implantation faisant partie de l’autorisation du 12 décembre 2019 porte l'indication de 19 parkings, il s'agit là nécessairement d'une indication erronée dans la mesure où les emplacements tels que représentés graphiquement et numérotés sont uniquement au nombre de 16.

Dès lors, les seuls aménagements autorisés à travers l’autorisation du 12 décembre 2019 sont ceux relatifs au bâtiment - existant - sis ….

En ce qui concerne le débat mené par les consorts AB quant à la réalisation éventuelle de travaux illégaux, ceux-ci se référant à un étang derrière la maison sise au …, de tels aménagements ne sauraient pas non plus justifier leur intérêt à agir puisqu’ils sont étrangers aux autorisations attaquées.

En conséquence, c’est, d’une part, par rapport à la seule parcelle sise au … et, d’autre part, par rapport aux seuls aménagements nouveaux sur ce bâtiment existant, respectivement sur le changement d’affectation de ce même immeuble d’une maison d’habitation en une crèche que l’intérêt à agir des demandeurs doit être examiné.

En revanche, l’intérêt à agir ne saurait être apprécié ni par rapport au bâtiment existant sis …, ni par rapport aux prétendus travaux qui auraient été réalisés illégalement sur le même terrain, ni par rapport à l’affectation en tant que crèche d'ores et déjà existante dans l’immeuble sis …, ni par rapport aux aménagements ou bâtiments existants sur cette même parcelle.

En ce qui concerne ensuite la question de savoir si les requérants sont à qualifier de voisins directs par rapport à la parcelle sise …, force est de constater qu'il se dégage des orthophotos produites en cause que les maisons respectives de Monsieur B et de Monsieur A sont situées rue … et rue Aline Grün et non pas dans la rue …, qui elle est une rue privée, parallèle aux rues … et …. Si les jardins des maisons des consorts AB touchent certes l’arrière fond des parcelles situées du côté de la rue … où est située la crèche existante (…), le bâtiment sur lequel portent les autorisations attaquées est situé sur une parcelle du côté opposé de la rue ….

Dès lors, les maisons des consorts AB et la maison sise … ne sont non seulement pas situées dans la même rue mais encore séparées par les parcelles situées du côté opposé de la rue …, en l’occurrence la parcelle numéro … et le terrain situé ….

Au regard de cette situation des parcelles respectives, et indépendamment de la distance exacte entre les propriétés respectives, les demandeurs ne sauraient en tout état de cause pas 12 faire état d’une situation de voisin direct qui serait susceptible d’être affectée par les travaux respectivement le changement d’affectation litigieux. Dans ce contexte, le fait avancé par les requérants que l'arrière-fond du jardin de Monsieur B touche la parcelle sise au numéro … ne permet pas de justifier une situation de voisin proche puisqu’elle repose sur la prémisse erronée que les autorisations critiquées porteraient sur la parcelle sise à cette adresse.

Il convient toutefois encore de vérifier si malgré le fait que les requérants ne peuvent pas être considérés comme voisins directs, ils peuvent néanmoins faire valoir un intérêt à agir en ce sens que l'annulation des deux autorisations litigieuses est susceptible de leur procurer la satisfaction d'un intérêt personnel et direct, ce qui suppose que, tel que cela a été retenu ci-

avant, ces autorisations affectent directement, encore qu’ils ne sont pas les voisins directs, les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leurs biens.

En ce qui concerne de prime abord le changement d'affectation en tant que tel autorisé le 8 mai 2019, il convient de prendre en considération le fait qu'une exploitation de crèche existe d'ores et déjà dans le bâtiment situé au numéro …, le changement d'affectation ayant été autorisé le 28 juillet 2016, autorisation qui est devenue entretemps définitive. Comme, tel que cela a été retenu ci-avant, l’intérêt à agir est apprécié par rapports aux seuls éléments autorisés à travers les deux autorisations attaquées, ce ne sont pas les désagréments éventuels de cette exploitation, dont le fond de jardin touche certes celui de Monsieur B, qui pourraient justifier l'intérêt à agir des requérants, mais il appartient à ceux-ci de justifier concrètement en quoi le changement d'affectation au niveau du bâtiment sis au numéro …, ayant comme conséquence une extension de la crèche existante, les affecte dans les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leurs maisons d’habitation respectives. Or, indépendamment de la question de la distance exacte entre les constructions respectives, telle que discutée entre parties, il ressort des pièces à la disposition du tribunal et tel que cela a été relevé ci-avant, que le bâtiment sur lequel porte le changement d’affectation est situé sur une parcelle du côté opposé de la rue … et est séparé des propriétés des requérants par les parcelles numéros … et … portant toutes les deux des constructions existantes et sur lesquelles se trouvent également des plantations obstruant la vue sur la parcelle sise numéro ….

Au regard de cette distance entre les parcelles respectives, qui ne sont même pas desservies par une même rue, les requérants restent en défaut d’expliquer à suffisance en quoi le changement d’affectation litigieux puisse affecter leur situation par rapport à la situation existante, qui comporte d’ores et déjà une crèche.

Si ceux-ci semblent vouloir se prévaloir d'une hypothétique augmentation de trafic liée à une extension de la crèche existante, c'est à bon droit que la commune et la société … font valoir que les voitures amenées à fréquenter la crèche emprunteront la rue … et, de plus, pour ce faire ne passent pas à travers la rue dans laquelle habitent les requérants, de sorte que ceux-

ci ne sauraient affirmer être impactés par une quelconque augmentation du trafic.

Les demandeurs restent encore en défaut d'expliquer en quoi ils seraient susceptibles d'être affectés par des nuisances sonores éventuelles de la nouvelle affectation, qui s’ajouteraient à l’impact existant de la crèche située au numéro …, adjacent au terrain de Monsieur B, qui de toute façon sera plus dominant car plus proche, au regard de la distance existant entre les constructions respectives et se dégageant des orthophotos versées aux débats et au regard du fait que, tel que retenu ci-avant, les deux constructions situées de l'autre côté de la rue …, de même que les plantations s'y trouvant forment forcément un écran non seulement visuel mais également acoustique.

13 En ce qui concerne ensuite les travaux de transformation visés par l'autorisation du 12 décembre 2019, le tribunal est amené à retenir que les demandeurs restent pareillement en défaut d'expliquer en quoi ces aménagements sur un bâtiment existant portent atteinte directement aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leurs biens.

A cet égard, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à tirer un intérêt à agir à partir des aménagements intérieurs sur lesquels ils ne peuvent matériellement pas avoir une quelconque vue.

En ce qui concerne l’extérieur du bâtiment, les requérants mettent en avant la construction d'une sortie de secours, l’aménagement de huit parkings extérieurs, la construction d'une baie vitrée avec extension du volume et la construction d’une clôture.

Force est de constater que la sortie de secours et le grillage sont situés sur la façade arrière ouest et la baie vitrée sur la façade latérale sud, partant sur des façades qui ne sont même pas orientées vers les maisons des requérants, de sorte qu’au-delà de la distance relevée ci-

avant entre les maisons de ceux-ci et celle sise au … et de la séparation des terrains respectifs par d’autres parcelles portant des constructions et des écrans de verdure coupant la vue, les demandeurs ne peuvent de toute façon avoir aucune vue directe sur ces aménagements.

A défaut par les requérants de justifier en quoi ces modifications sur un bâtiment existant sont susceptibles d'affecter leur situation, ceux-ci n’expliquant plus particulièrement pas dans quelle mesure ces aménagements sont concrètement susceptibles d’avoir, notamment en termes de visibilité, un impact négatif sur leur situation d’administrés n’habitant même pas dans la même rue, les requérants ne sont pas fondés à justifier un intérêt à agir par rapport à ces aménagements.

S'agissant de l’affirmation de Monsieur A qu’il aurait une vue à partir de la chambre d'enfant sur des emplacements de stationnement aménagés sur la parcelle située …, - étant relevé que la photo produite aux débats montre, contrairement à ce qui est affirmé par les parties défenderesse et tierce intéressée, le parking sur le terrain sis …, du côté opposé de la rue -, le tribunal constate que non seulement la vue sur les emplacements de stationnement est partiellement obstruée par des arbres, mais encore que les requérants restent en défaut d’expliquer en quoi la vue sur un parking qui, suivant les photos versées aux débats, se limite à un revêtement sous forme de « Rasengitter » et qui est exclusivement visible partiellement à partir d'un étage supérieur, impacte négativement leur situation et les affecterait dans les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leurs biens.

Pour ce qui est, enfin, des considérations avancées par les requérants tenant à la proximité de leurs terrains respectifs par rapport à la zone de PAP … prise dans sa globalité, les demandeurs affirmant en substance que les autorisations attaquées porteraient atteinte au mode d’affectation de cette zone dans la mesure où ils affirment qu’ils souhaiteraient éviter que leur quartier très résidentiel soit contigu à une « zone d’activité », alors que le schéma directeur prévoirait 90 % ou plus de bâtiments destinés à l’habitation, le tribunal relève de prime abord que, l’intérêt à agir est apprécié par rapport à la seule incidence directe des autorisations attaquées sur la situation personnelle des requérants, indépendamment du caractère justifié ou non des moyens présentés au fond. A défaut d’expliquer en quoi les autorisations litigieuses affectent leur situation personnelle, les requérants ne sont pas fondés à avancer des considérations tenant à la zone PAP pour justifier leur intérêt à agir, au risque de s’ériger en 14 défenseur de l’intérêt général. D’autre part, le présent recours n’est pas dirigé contre une décision d’approbation d’un PAP visant cette zone, mais contre deux autorisations portant sur des constructions existantes, l’une portant sur des travaux de transformation et l’autre portant sur un changement d’affectation qui en tant que telles ne modifient pas les conditions d’affectation d’une zone par rapport à laquelle les terrains respectifs des consorts AB sont contigus. Or, l’intérêt à agir doit, tel que cela a été retenu ci-avant, être apprécié par rapport à l’objet de l’autorisation attaquée. Ainsi, si les consorts AB étaient, le cas échéant, fondés à faire valoir la proximité de leurs propriétés respectives par rapport à une zone de PAP prise dans sa globalité face une décision modifiant les conditions d’affectation de cette zone, dans la mesure où il s’agit en l’espèce de décisions d’autorisation individuelles portant sur une parcelle bien précise de la zone, c’est par rapport à cette parcelle que l’intérêt à agir doit être apprécié et non pas par rapport à la zone prise dans sa globalité.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les consorts AB sont restés en défaut de justifier à suffisance leur intérêt à agir, de sorte que le recours est à déclarer irrecevable à défaut d’intérêt à agir.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- euros formulée par les consorts AB sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est rejetée.

Il y a encore lieu de rejeter comme non justifiées les demandes en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- euros formulées par la commune de Roeser et par la société … sur le même fondement, alors que les conditions d’application dudit article et notamment l’établissement du caractère d’iniquité résultant du fait de laisser les frais non répétibles à leur charge n’ont pas été rapportées à suffisance comme étant remplies en l’espèce.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

rejette la demande en communication du dossier administratif comme devenue sans objet ;

écarte des débats l'ensemble des pièces versées après la prise en délibéré de l'affaire, à l'exception de celles dont la communication a été demandée par le tribunal à l’audience des plaidoiries, à savoir les plans autorisés relatifs aux autorisations des 9 février 2017 et 12 décembre 2019, y comprises les autorisations respectives et les points rouges afférents ;

écarte des débats les prises de position écrites produites en cours du délibéré et non demandées par le tribunal et les explications orales fournies à l'audience des plaidoiries allant au-delà des moyens contenus dans les écrits procéduraux ;

déclare irrecevable le recours subsidiaire en annulation faute d’intérêt à agir dans le chef des consorts AB ;

rejette les demande en paiement d’une indemnité de procédure formulée par les consorts AB, par la commune de Roeser et par la société … ;

15 met les frais et dépens à charge des requérants.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 juillet 2021 par :

Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Carine Reinesch, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 juillet 2021 Le greffier du tribunal administratif 16


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 44266
Date de la décision : 12/07/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-07-12;44266 ?

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