La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/07/2021 | LUXEMBOURG | N°43851

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 juillet 2021, 43851


Tribunal administratif N° 43851 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 novembre 2019 1re chambre Audience publique extraordinaire du 26 juillet 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du bourgmestre de la commune de Differdange, en matière de permis de construire

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43851 du rôle et déposée le 29 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean Tonnar, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendan...

Tribunal administratif N° 43851 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 novembre 2019 1re chambre Audience publique extraordinaire du 26 juillet 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du bourgmestre de la commune de Differdange, en matière de permis de construire

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43851 du rôle et déposée le 29 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean Tonnar, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions, ainsi qualifiées, du bourgmestre de la Ville de Differdange des 3 juillet et 2 août 2019, respectivement de la décision, ainsi qualifiée, du même bourgmestre du 19 août 2019 intervenue après un recours gracieux retenant qu’il « avait construit illégalement un garage, respectivement un car-port » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Nadine dite Nanou Tapella, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 10 décembre 2019 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Differdange, ayant sa mairie à L-4530 Differdange, 40, avenue Charlotte, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 2019 par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Ville de Differdange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 10 mars 2020 par Maître Steve Helminger, au nom de la Ville de Differdange, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique, erronément intitulé « mémoire en duplique » déposé au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2020 par Maître Jean Tonnar, au nom de Monsieur …, préqualifié ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 avril 2020 par Maître Steve Helminger, au nom de la Ville de Differdange, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes déférés ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Brahim Sahki, en remplacement de Maître Jean Tonnar, et Maître Ben Hubert, en remplacement de Maître Steve Helminger, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 février 2021.

__________________________________________________________________________

1Il est constant en cause qu’en date du 21 juin 2019, le bourgmestre de la Ville de Differdange, ci-après désigné par « le bourgmestre », somma Monsieur … d’arrêter avec effet immédiat tous les travaux de construction à l’arrière de la maison lui appartenant sise au … à …, à défaut pour celui-ci de disposer d’une autorisation de construire. Ledit courrier est libellé comme suit :

« Lors d'une visite des lieux, nous avons constaté que vous réalisez actuellement des travaux de construction à l'arrière de la maison sise au … et ceci sans être en possession d'une autorisation de construire conforme aux dispositions de notre règlement des bâtisses.

Nous vous sommons donc d'arrêter avec effet immédiat tous les travaux et de contacter notre service de l'urbanisme pour convenir d'un rendez-vous. […] ».

Par un courrier recommandé du 3 juillet 2019, le bourgmestre s’adressa encore à Monsieur … dans les termes suivants :

« Lors d'une nouvelle visite des lieux à la date du 2 juillet 2019, nous avons constaté que vous n'avez pas réservé de suites à notre courrier précédent du 21 juin 2019, par lequel nous vous avons demandé d'arrêter les travaux et de contacter notre service technique.

Comme les travaux que vous avez réalisés ne sont pas compatibles avec les dispositions de notre règlement des bâtisses, nous ne saurions vous délivrer une autorisation de construire pour cette construction.

Nous vous demandons donc à enlever la construction et ceci jusqu'au 15 juillet 2019 au plus tard, faute de quoi, nous nous réservons le droit d'entamer les procédures qui s'imposent. […] ».

Par un courrier de son litismandataire du 2 août 2019, Monsieur … informa le bourgmestre de ce qui suit :

« Je vous écris en ma qualité de conseil de Monsieur et Madame …, demeurant à L-

….

Mes clients disposent de plans qui ont été acceptés dès 2008 et qui ont accepté les bâtisses tel que mes clients les ont installées peu à peu au fur et à mesure de leurs moyens financiers.

Or très grande était leur surprise de voir débarquer votre technicien, Monsieur … ainsi que deux Policiers pour critiquer un carport, respectivement un portail d'une largeur de 2 mètres situé à l'arrière de leur maison.

L'exigence soudaine de Monsieur … était que mes clients installent un portail d'1 mètre avec comme conséquence évidente d'empêcher une voiture de passer sous le carport.

Cette exigence est extrêmement bizarre alors qu'au moins 6 autres voisins ont des carportes et n'ont jamais été importunés par les autorités de la Ville de Differdange.

Les seuls qui sont importunés par vos services sont mes clients pour des raisons que nous ignorons totalement.

2 Néanmoins, je trouve extrêmement exagéré de votre part de porter plainte à la Police contre mes clients qui n'ont rien à se reprocher.

Je vais d'ailleurs adresser une copie de ce courrier aux deux Policiers qui ont dû dresser procès-verbal contre mes clients et ce courrier fera partie intégrante du procès-

verbal.

Je profite de l'occasion pour vous signaler que je n'apprécie pas tellement les agissements de Monsieur … qui n'a pas hésité à faire un faux en rayant purement et simplement une autorisation qui avait été allouée à l'époque par les autorités communales.

Il faut quand même faire un minimum attention à ce que l'on fait, mais il n'est pas possible d'un fonctionnaire communal de rayer des autorisations comme quoi l'autorisation ne serait pas valable.

Nous attendons de pied ferme votre procès, mais j'aurais espéré que les habitants de la Commune de Differdange soient d'une part mieux traités et d'autre part traités chacun de la même manière. […] ».

Par un courrier daté également du 2 août 2019, le bourgmestre s’adressa à Monsieur … dans les termes suivants :

« Par la présente, nous revenons à notre courrier du 3 juillet 2019 par lequel nous vous avons informé du caractère illégal de votre construction à l'arrière de la maison sise au … et que vous auriez dû enlever cette construction jusqu'au 15 juillet 2019.

Votre demande du 24 juillet pour ériger à ce même endroit un car-port n'est pas recevable non plus.

Nous vous informons qu'en date du 19 juin 2019, notre Conseil Communal a adopté la procédure d'adoption d'un nouveau projet d'aménagement général ainsi que la procédure relative au projet d'aménagement particulier « quartiers existants » (PAP-QE). Durant toute la procédure en cours, conformément à la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et urbain, toute autorisation de construction doit être conforme au plan d'aménagement générai (PAG) en vigueur, au projet d'aménagement général et au PAP-

QE. Les projets d'aménagement général et particuliers actuellement en procédure ne sont pas encore définitifs et peuvent encore être modifiés ou adaptés conformément à la loi du 19 juillet 2004. Seulement après l'approbation finale du Ministre compétent, les projets d'aménagement deviendront définitifs et le PAG actuel deviendra caduc. D'amples informations sur le PAG actuellement en vigueur et les projets d'aménagement général et particulier sont disponibles sur le site internet de la Ville de Differdange.

Le terrain sur lequel vous avez construit illégalement un garage et où vous voulez installer maintenant un car-port est classé PAP-QE-JAR.

Selon l’article 30.5 du PAP-QE les emplacements doivent être aménagés de manière perméable, une installation de car-port est donc exclue.

3La présente décision est susceptible d'un recours gracieux auprès de l'administration communale ou d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif à introduire sous peine de forclusion endéans les 3 mois de sa notification, par le biais d'un avocat à la Cour.

Nonobstant de ce qui précède, nous vous rappelons que le garage que vous avez construit garde son caractère illégal et nous vous sommons, à nouveau, de l'enlever et ceci jusqu'au 15 août 2019 au plus tard, faute de quoi, nous nous gardons le droit d'entreprendre les mesures qui s'imposent. […] ».

Par un courrier recommandé du 13 août 2019, réceptionné le 19 août 2019, Monsieur … introduisit, par l’intermédiaire de son mandataire, un recours gracieux contre la décision, précitée, du bourgmestre du 2 août 2019.

Le 19 août 2019, le bourgmestre prit position comme suit :

« En réponse à votre courrier du 13 août 2019 par lequel vous nous adressez un recours gracieux dans l'affaire de votre client, Monsieur …, nous vous informons que nous maintenons notre position.

Votre client a érigé, sans être en possession d'une autorisation de construire, un édifice qui n'est pas autorisable à cet endroit, comme nous l'avons déjà exposé lors de notre courrier du 12 août.

Par ailleurs il a transformé une partie du terrain communal sans autorisation et nous exigeons qu'il remette le terrain en son état initial. Nous lui avons signalé par courrier du 9 août qu'il dispose d'un délai de 2 semaines à évacuer tout véhicule de son terrain, passé ce délai, nous nous gardons le droit de condamner l'accès illégalement agencé.

La voie d'entamer un recours en annulation devant le Tribunal administratif vous reste bien évidemment libre. […] ».

Par requête déposée le 29 novembre 2019 au greffe du tribunal administratif et inscrite sous le numéro 43851 du rôle, Monsieur …, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions, ainsi qualifiées, du bourgmestre de la Ville de Differdange des 3 juillet et 2 août 2019, respectivement de la décision, ainsi qualifiée, du même bourgmestre du 19 août 2019 intervenue après un recours gracieux retenant qu’il « avait construit illégalement un garage, respectivement un car-port ».

A travers son mémoire en réponse, la Ville de Differdange soulève l’irrecevabilité du recours sous analyse pour autant qu’il est dirigé contre le courrier du bourgmestre du 3 juillet 2019, en faisant valoir que celui-ci ne s’analyserait pas en une décision administrative faisant grief, mais constituerait, au contraire, un simple rappel à l’ordre non susceptible de recours.

Elle avance que le courrier en question indiquerait simplement que la construction, selon elle, illégalement construite ne serait pas autorisable, de sorte qu’il ne s’agirait pas d’un refus de délivrer une autorisation de construire, ceci plus particulièrement dans la mesure où ledit courrier ne ferait pas suite au dépôt d’une demande d’autorisation de construire introduite de la part de Monsieur ….

4Il s’ensuivrait que comme le courrier du 3 juillet 2019 n’aurait pas la qualité d’acte administratif individuel faisant grief, il ne pourrait pas faire l’objet d’un recours contentieux.

Pour le surplus et s’agissant des courriers du bourgmestre du 2 et 19 août 2019, elle se rapporte à la sagesse du tribunal en ce qui concerne la recevabilité du recours en la pure forme.

Elle se rapporte pareillement à la sagesse du tribunal pour ce qui est du respect des délais et autres formalités de procédure, ainsi que pour ce qui est de l’intérêt à agir du demandeur.

Dans son mémoire en réplique, intitulé erronément « mémoire en duplique », le demandeur ne prend pas position sur la question de recevabilité ainsi soulevée.

A travers son mémoire en duplique, la Ville de Differdange soulève encore l’irrecevabilité ratione temporis du recours sous analyse pour autant qu’il est dirigé contre les « décisions » des 3 juillet, 2 août et 19 août 2019, au motif que le demandeur, ayant déposé la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2019, serait forclos à agir.

Elle réitère, enfin, son argumentation suivant laquelle le courrier du 3 juillet 2019 ne constituerait pas une décision administrative susceptible de recours contentieux, mais un simple rappel à l’ordre, tout en ajoutant que ledit courrier renverrait à un courrier du 21 juin 2019 qui lui constituerait la véritable décision, mais qui ne ferait pas l’objet du présent recours.

Il en serait de même du courrier du 2 août 2019, la Ville de Differdange soutenant que le recours gracieux formulé par le demandeur aurait également dû être dirigé contre la « décision » du 21 juin 2019, tout en précisant qu’elle se serait uniquement sentie obligée de répondre au recours gracieux puisque la décision du 2 août 2019 contiendrait en même temps un refus de délivrer une autorisation de construire suite à une demande présentée le 24 juillet 2019.

Etant donné que la question de la recevabilité ratione temporis ne se pose qu’à partir du moment où un recours contentieux est dirigé contre une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux, il échet tout d’abord au tribunal d’examiner si, contrairement à ce qui est soutenu par la Ville de Differdange, le courrier du 3 juillet 2019 est susceptible d’être qualifié de décision administrative au sens de l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après dénommée « la loi du 7 novembre 1996 ». Encore que par rapport aux courriers des 2 et 19 août 2019, la Ville de Differdange se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours, dans la mesure où le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il appartient encore au tribunal d’examiner la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre ces courriers, étant relevé que suivant la requête introductive d’instance, Monsieur … entend attaquer des « décisions » ainsi qualifiées du bourgmestre retenant qu’il aurait illégalement construit un garage, respectivement un car-port.

L’article 2 de la loi du 7 novembre 1996, aux termes duquel un recours est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible », limite l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision 5administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et que cet acte doit affecter les droits et intérêts de la personne qui le conteste1. En d’autres termes, l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire, un acte final dans la procédure susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de l’intéressé.

Force est de constater qu’il a été jugé que de manière générale lorsqu’une autorité invite un administré à mettre fin à une irrégularité, cette invitation pouvant revêtir la forme d’une sommation assortie de délais, proportionnée à la gravité apparente de la situation en fait, du moment qu’il appert que cette invitation est un préalable à des sanctions ou autres mesures que l’administration envisage d’entamer afin d’obtenir la coopération de l’administré, respectivement la disparition de l’irrégularité, une telle invitation ne constitue pas une décision autonome de nature à faire grief, mais doit plutôt être considérée comme une mesure d’exécution préliminaire dans la saine intention de conférer à l’administré l’occasion d’éliminer volontairement dans un certain délai le résultat de son agissement illégal, tout en lui évitant les désagréments de la mesure annoncée par l’autorité2.

Si le pouvoir de la police des bâtisses dont est investi le bourgmestre englobe la compétence pour vérifier la conformité de projets de construction aux règles d’aménagement applicables et conférer les autorisations afférentes, ainsi que pour empêcher la continuation de tous travaux de construction contraires aux règles d’aménagement ou non couverts par une autorisation afférente, le juge judiciaire est seul compétent pour ordonner la suppression de constructions érigées illégalement et la remise en pristin état d’un site. Cependant, à un stade précontentieux, il est admis que le bourgmestre invite un administré à enlever un aménagement réalisé sans autorisation avec comme conséquence la remise des lieux en leur pristin état. Une telle invitation ne constitue pas une décision autonome de nature à faire grief, étant donné qu’elle n’a pas pour effet de créer à charge de l’administré concerné une nouvelle obligation dans la mesure où l’illégalité des travaux exécutés découle des dispositions du plan d’aménagement et du règlement sur les bâtisses et où l’obligation légale de la suppression des travaux illégaux ne peut découler que d’un jugement. Une telle invitation doit plutôt être considérée comme mesure d’exécution préliminaire de l’arrêté de fermeture de chantier dans la saine intention de conférer à l’administré l’occasion d’éliminer volontairement dans un certain délai le résultat de son agissement illégal, tout en évitant une condamnation afférente de la part du juge judiciaire3.

Il convient dès lors d’examiner de prime abord le courrier du 3 juillet 2019 au regard des principes relevés ci-avant.

Force est de constater qu’à travers son courrier du 3 juillet 2019, le bourgmestre s’est limité à (i) renvoyer à une décision du 21 juin 2019 portant arrêt de chantier en raison de la réalisation de travaux non couverts par une autorisation de construire – non attaquée en l’espèce -, (ii) annoncer qu’aucune autorisation ne pourrait être accordée pour régulariser les 1 Trib. adm. 26 août 2010, n° 23551 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n°1 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 5 mars 2012, n° 27465 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 118 et les autres références y citées.

3 Trib. adm. 5 juillet 2010, n° 25866 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes administratifs, n° 121 et les autres références y citées.

6travaux réalisés illégalement et (iii) inviter Monsieur … à enlever la construction illégalement réalisée.

Il ressort clairement de la lecture du courrier du 3 juillet 2019 cité in extenso ci-avant que ce dernier est à considérer comme une sommation adressée à Monsieur … d’enlever la construction litigieuse jusqu’au 15 juillet 2019 au plus tard, respectivement comme un avertissement de recourir à des actions civiles et pénales en vue de la suppression de travaux non autorisés. Or, tel que retenu ci-avant, une telle invitation ne constitue pas une décision administrative faisant grief, mais une mesure préalable à des poursuites judiciaires que la Ville de Differdange envisage d’entamer afin d’obtenir la condamnation de Monsieur … pour l’infraction par elle constatée.

Si dans ledit courrier le bourgmestre affirme encore que comme les travaux litigieux ne seraient pas compatibles avec les dispositions du règlement des bâtisses de la Ville de Differdange, aucune autorisation ne pourrait être délivrée pour cette construction, ce constat ne peut pas être qualifié de décision de nature à faire grief et susceptible de produire par lui-

même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale du demandeur, à défaut de répondre à une demande d’autorisation de construire concrète préalablement introduite.

Au-delà de ce constat, le tribunal relève encore que, de toute manière, le demandeur entend attaquer exclusivement une « décision » ainsi qualifiée de constater qu’un garage, respectivement un car-port a été érigé illégalement et non pas une décision de refus de délivrer une autorisation de construire.

Or, ledit courrier ne contient pas une « décision », ainsi qualifiée, de constater qu’une construction a été illégalement érigée que Monsieur … entend y voir, étant relevé que la décision d’ordonner un arrêt de chantier, fondée sur le constat de la réalisation de travaux illégaux, réside dans le courrier du bourgmestre du 21 juin 2019, non visé par le présent recours.

Le seul fait de renvoyer à ce courrier ne permet pas de retenir que le bourgmestre ait pris en date du 3 juillet 2019 une décision nouvelle sur ce point.

Le courrier du 3 juillet 2019 ne contient dès lors aucun élément décisionnel propre susceptible de faire grief et partant n’est pas susceptible de recours.

Il s’ensuit que les recours principal en réformation et subsidiaire en annulation, pour autant qu’ils sont dirigés contre le courrier du 3 juillet 2019, sont à déclarer irrecevables comme étant dirigés contre un acte qui n’est pas à qualifier de décision administrative de nature à faire grief.

S’agissant ensuite des courriers des 2 et 19 août 2019, le tribunal est amené à relever qu’au regard des termes employés et repris in extenso ci-avant, il est certes vrai que ceux-ci véhiculent un élément décisionnel, en ce que le bourgmestre a refusé d’accorder une autorisation de construire un car-port à la suite d’une demande afférente du 24 juillet 2019. Or, force est de constater que le demandeur, assisté d’un professionnel de la postulation dont les termes employés sont à prendre à la lettre, n’a, suivant les termes de la requête introductive d’instance, pas entendu déférer un tel refus, mais a entendu diriger son recours contre une « décision », ainsi qualifiée, suivant laquelle il « avait construit illégalement un garage, respectivement un car-port ».

7Or, tel que cela a été relevé à juste titre par la Ville de Differdange dans sa duplique, le courrier du 2 août 2019 ne fait que renvoyer à un courrier précédent, mais ne contient, au-delà d’un refus d’octroi d’une autorisation de construire non attaqué, aucun élément décisionnel propre, le seul constat de la réalisation illégale de travaux n’étant pas à qualifier de décision administrative susceptible de recours, mais constitue uniquement la motivation à la base de la décision de fermeture de chantier préalablement prise, respectivement appuie l’invitation d’enlever la construction illégale qui, elle, ne constitue pas non plus une décision administrative susceptible de recours, tel que le tribunal vient de le retenir.

En ce qui concerne le courrier du 19 août 2019, force est de relever que celui-ci ne fait que réitérer le refus du bourgmestre d’accorder une autorisation pour les travaux illégalement effectués, non attaqué en l’espèce tel que cela a été retenu ci-avant, et un rappel à Monsieur … d’enlever la construction litigieuse, qui, tel que cela a également été retenu ci-avant, ne constitue pas une décision administrative de nature à faire grief.

Il s’ensuit que les recours principal en réformation et subsidiaire en annulation, pour autant qu’ils sont dirigés contre les courriers des 2 et 19 août 2019 dans la seule mesure où ils retiendraient la réalisation illégale de travaux, sont à déclarer irrecevables.

Au vu de tout ce qui précède, les recours principal en réformation et subsidiaire en annulation pris en leurs trois volets sont irrecevables à défaut d’être dirigés contre une décision administrative susceptible de faire grief, cette conclusion s’imposant sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le moyen d’irrecevabilité ratione temporis, cet examen devient surabondant.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en paiement d’une indemnité de procédure de 1.750 euros formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est rejetée.

Il en est de même en ce qui concerne la demande de Ville de Differdange de condamner le demandeur au paiement d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros sur base de la même disposition légale alors qu’il n’est pas établi en quoi il serait inéquitable de laisser à sa seule charge les frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevables les recours principal en réformation et subsidiaire en annulation en ce qu’ils sont dirigés contre les courriers du bourgmestre de la Ville de Differdange des 3 juillet, 2 août et 19 août 2019 dans la mesure où ils retiendraient « que [le demandeur] avait construit illégalement un garage, respectivement un car-port » ;

rejette les demandes en paiement d’une indemnité de procédure formulées par le demandeur, d’une part, et la Ville de Differdange, d’autre part ;

condamne le demandeur au paiement des frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

8Annick Braun, vice-président, Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 26 juillet 2021 par le vice-président en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Annick Braun Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 26 juillet 2021 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 43851
Date de la décision : 26/07/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-07-26;43851 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award