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28/07/2021 | LUXEMBOURG | N°42015a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 juillet 2021, 42015a


Tribunal administratif N° 42015a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 novembre 2018 4e chambre Audience publique de vacation du 28 juillet 2021 Recours formé par l’association sans but lucratif …, et consorts contre le règlement grand-ducal du 31 août 2018 portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et d’employés communaux en matière d’actes administratifs à caractère réglementaire

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 42015 du r

ôle et déposée le 26 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve He...

Tribunal administratif N° 42015a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 novembre 2018 4e chambre Audience publique de vacation du 28 juillet 2021 Recours formé par l’association sans but lucratif …, et consorts contre le règlement grand-ducal du 31 août 2018 portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et d’employés communaux en matière d’actes administratifs à caractère réglementaire

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 42015 du rôle et déposée le 26 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif par Maître Steve Helminger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) l’association sans but lucratif …, établie et ayant son siège à …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction ;

2) Madame …, fonctionnaire communal, demeurant à … ;

3) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à … ;

4) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à …;

5) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à …;

6) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à …;

7) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à …;

8) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant …;

9) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à …;

10) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à …;

11) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à … ;

12) Monsieur …, fonctionnaire communal, demeurant à … ;

tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 31 août 2018 portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et d’employés communaux, publié au Mémorial A, N° 762 du 31 août 2018 ;

Revu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 février 2019 ;

Revu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mars 2019 par Maître Steve Helminger pour le compte de ses mandants ;

Revu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 avril 2019 ;

Revu le jugement du tribunal administratif du 8 mai 2020, inscrit sous le n° 42015 du rôle ;

Vu l’arrêt de la Cour administrative du 14 janvier 2021, inscrit sous le n° 44533C du rôle ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le règlement grand-ducal attaqué ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Adrien Kariger, en remplacement de Maître Steve Helminger, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc Reding en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 23 mars 2021.

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En date du 31 août 2018, un règlement grand-ducal portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et d’employés communaux, dénommé ci-après le « règlement grand-ducal du 31 août 2018 », fut adopté. Ce règlement grand-ducal fut publié au Mémorial n° 762 du 31 août 2018. Suivant l’article 4 dudit règlement grand-ducal, celui-ci « sort ses effets au 1er janvier 2018 ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 novembre 2018, l’association sans but lucratif …, ci-après désignée « l’… », ainsi que onze fonctionnaires communaux, à savoir Madame …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, Monsieur …, désignés tous ensemble ci-après « les parties demanderesses », firent introduire un recours tendant à l’annulation du règlement grand-ducal du 31 août 2018.

Par jugement du tribunal du 8 mai 2018, inscrit sous le n° 42015 du rôle, le tribunal déclara le recours en annulation dirigé contre le règlement grand-ducal du 31 août 2018 irrecevable pour de défaut d’intérêt à agir dans le chef de toutes les parties requérantes, ces dernières étant restées en défaut d’établir que l'annulation du règlement grand-ducal du 31 août 2018 était susceptible de leur profiter personnellement et directement dans le sens que leur situation, respectivement, en ce qui concerne l’…, celles de ses membres, s'en trouve améliorée.

Suite à une requête d’appel, déposée par le litismandataire des parties requérantes au greffe de la Cour administrative le 15 juin 2020, la Cour administrative a réformé partiellement le jugement précité dont appel du 8 mai 2020, en décidant, dans son arrêt du 14 janvier 2021, inscrit sous le numéro 44533 C du rôle, que « c’est à tort que le tribunal administratif a déclaré irrecevable le recours en annulation des parties appelantes 2) à 12) pour défaut d’intérêt à agir », dénommées ci-après « les parties demanderesses ». Cette réformation a été basée sur la motivation suivante :

« (…) Il n’est pas contesté en cause que l’…, qui affirme défendre l’intérêt de ses membres, ne dispose pas de l’agrément ministériel requis pour exercer un recours contre le règlement grand-ducal du 31 août 2018. Elle ne justifie partant pas de l’intérêt à agir légalement nécessaire pour que son recours contre ledit acte à caractère réglementaire soit recevable.

(…) En ce qui concerne l’intérêt à agir des onze parties appelantes 2) à 12), il n’est pas contesté en cause qu’en leur qualité de fonctionnaires communaux, elles sont directement et personnellement concernées par le règlement grand-ducal du 31 août 2018.

(…) Il convient de rappeler que la question de l’intérêt à agir, en présence d’un acte administratif à caractère réglementaire, se pose souvent en termes de virtualité, étant donné que le grief que provoque cet acte réglementaire ne s’actualisera dans le chef des administrés qu’au fur et à mesure qu’il trouvera à s’appliquer. Ainsi, les actes administratifs à caractère réglementaire sont susceptibles d’être attaqués par toutes les personnes auxquelles ils s’appliquent, par celles auxquelles ils ont vocation à s’appliquer et par celles qui sans y être à proprement parler soumises en subissent directement les effets. D’ailleurs, priver l’administré de son recours contre un acte réglementaire s’il ne dispose que d’un intérêt virtuel reviendrait à le priver définitivement de ce recours, compte tenu des délais pour introduire un recours contre un acte administratif à caractère réglementaire, et celui-ci ne disposerait donc plus que de la possibilité lui conférée par l’article 95 de la Constitution pour attaquer un acte réglementaire.

La Cour arrive partant à la conclusion que les parties appelantes 2) à 12) disposent d’un intérêt à agir suffisant pour voir examiner la légalité du règlement grand-ducal du 31 août 2018.

Cette conclusion n’est pas invalidée par la question de l’impact de l’application dudit règlement grand-ducal sur leur carrière actuelle ou future, voire du prétendu traitement inégalitaire par rapport à la carrière d’autres agents, et notamment les éducateurs gradués, de telles considérations, qui touchent plutôt à la question de la légalité du règlement grand-

ducal du 31 août 2018, étant sans incidence quant à l’appréciation de leur intérêt à agir. (…) ».

Au regard du fait que cet arrêt toise définitivement le moyen d’irrecevabilité tenant à l’intérêt à agir des parties requérantes, tel que soulevé par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, il appartient uniquement au tribunal de se prononcer encore sur la recevabilité du recours sous ses autres aspects, étant donné que le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.

Force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le recours serait encore irrecevable, le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Il suit de ces considérations que le recours principal en réformation introduit par les parties demanderesses et dirigé contre le règlement grand-ducal du 31 août 2018 est recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les parties demanderesses expliquent que l’… aurait longtemps recherché le dialogue avec le ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ci-après dénommé « le ministère », sans avoir pu aboutir au moindre résultat, de sorte qu’elles n’auraient eu d'autre choix que de procéder par la voie judiciaire pour faire valoir leurs revendications et droits.

Elles donnent à considérer que le règlement grand-ducal du 31 août 2018 aurait fait suite à une loi du 25 juillet 2018 portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et d'employés de l'Etat, dénommée ci-après « la loi du 25 juillet 2018 », qui aurait eu pour objet de modifier les modalités selon lesquelles certaines carrières d'agents d'Etat ont été reclassées à travers la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'Etat, ci-après dénommée « la loi du 25 mars 2015 », en remplaçant le mécanisme du reclassement par échelon.

Les parties demanderesses relèvent que l'article 3 de la loi du 25 juillet 2018 aurait été inséré dans le texte de la loi dans le seul intérêt des éducateurs gradués en conséquence d'une revalorisation de leur carrière suite à une réforme opérée en 2017, disposition qui aurait été reprise pour les fonctionnaires et employés communaux par le règlement grand-ducal du 31 août 2018 par application de l'article 22 alinéa 1er de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, dénommée ci-après « la loi du 24 décembre 1985 ».

Si elles soulignent ne pas vouloir critiquer la volonté du législateur de légiférer la situation des éducateurs par la mise en place du mécanisme dont ces derniers pourraient dorénavant profiter, elles reprochent néanmoins au gouvernement d’avoir aveuglément transposé ce mécanisme, non applicable à leur propre carrière, dans le règlement grand-ducal du 31 août 2018, avec pour conséquence un traitement gravement inégalitaire à leur détriment, problème au sujet duquel le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ci-après dénommé « le ministre », aurait été vainement mis au courant.

Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses font préciser, au sujet des raisons ayant mené l'Etat à légiférer, telles qu’énoncées par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, que l’Etat, en voulant mettre un terme à une situation inégalitaire qui se serait présentée, sous la législation antérieure, pour les éducateurs gradués, en aurait créé, par le biais du règlement grand-ducal du 31 août 2018, une autre inégalité pour les fonctionnaires communaux relevant de la carrière des bachelors scientifiques, qui se trouveraient maintenant précisément dans cette même situation que le délégué du gouvernement aurait lui-même qualifié d’« inique », permettant à un éducateur gradué relevant de la même carrière, mais engagé après son collègue ingénieur technicien et classé au moment du reclassement à un grade inférieur à celui occupé par son collègue de le dépasser au niveau de la valeur d'échelon résultant du reclassement.

Elles considèrent que l'Etat serait ainsi passé à l'aveu de ce qu'il aurait créé une situation gravement inégalitaire à leur détriment, telle que cette problématique aurait d’ailleurs été expressément critiquée par le Conseil d'Etat dans son avis dans le cadre du projet de loi 7245.

En droit, les parties demanderesses concluent à une violation du principe suivant lequel « les Luxembourgeois sont égaux devant la loi », tel qu'il serait ancré à l'article 10bis de la Constitution.

A ce titre, elles exposent que l'article 3 du règlement grand-ducal serait le fruit d'un avenant à la loi du 25 mars 2015, recopié textuellement, mais qui aurait eu pour objectif de pallier à certaines inégalités précises de traitement au détriment des carrières y visées, à savoir celles qui ne connaîtraient pas un avancement linéaire en grade, mais qui « saute[raie]nt » un grade à chaque avancement, tel que ce serait le cas de la carrière des éducateurs gradués dont l'avancement en grade, avant la réforme de leur statut et de la revalorisation de leur carrière en 2015, se serait déroulé en passant du grade 8 au grade 11 et du grade 11 au grade 13.

Etant donné que la loi du 25 mars 2015 n’aurait pas pris en considération ce « saut de grade », la réforme, instituée par la loi du 25 juillet 2018, aurait fait en sorte que l’avancement desdites carrières particulières serait devenu linéaire.

Or, en limitant l'application des dispositions de cet article 3 du règlement grand-ducal du 31 août 2018 à ces seules carrières particulières et en transposant tel quel cet article de la loi du 25 juillet 2018, l’Etat aurait créé d'autres inégalités encore plus flagrantes au détriment des carrières y non visées, ce qui serait d’ailleurs également le cas au niveau des fonctionnaires et employés étatiques visés notamment par la loi du 25 mars 2015.

Les parties demanderesses fournissent quelques exemples concrets afin d’illustrer cette inégalité, soulignant, à titre liminaire, qu'un éducateur gradué et un ingénieur-technicien disposeraient exactement du même degré de formation, à savoir 3 années de formation post-

secondaires, de sorte que ces deux carrières devraient être considérées comme identiques, sinon, du moins, comme comparables.

Ainsi, d’un côté, un éducateur gradué bénéficierait, par application de l'article 3 de la loi du 25 juillet 2018, tout d'abord du retrait fictif d'une promotion dans le cadre de l'évaluation de son reclassement pour ensuite se voir attribuer au moins un avancement de 2 grades, étant donné qu'avant leur réforme, leur avancement n'aurait pas été linéaire du fait d’avoir, à chaque avancement, sauté un grade.

De l’autre côté l’ingénieur-technicien ne bénéficierait, par l'application de ce même règlement grand-ducal du 31 août 2018, mais en vertu de son article 1er, que de quelques points indiciaires supplémentaires, alors que l'article 3 ne lui serait pas applicable.

Ainsi, si les ingénieurs-techniciens des grades 9 à 11 pourraient encore bénéficier d'un avancement d'un seul grade, la majorité des ingénieurs-techniciens du secteur communal seraient cependant classés au grade 12, respectivement 13 et ne bénéficieraient de la réforme que dans des cas exceptionnels.

En comparaison, un éducateur gradué bénéficierait suivant cette réforme d'office de 80 points indiciaires supplémentaires, tandis que pour le commun des ingénieurs-techniciens le bénéfice de la réforme ne serait que de 12-15, voir tout au plus de 45 points indiciaires.

Cette inégalité apparaîtrait encore de manière plus flagrante en comparant la situation de début de carrière de ces deux catégories, alors qu’un jeune éducateur-gradué, engagé, avant la réforme, au grade 8 échelon 4, se retrouverait, après la réforme, au grade 10 échelon 3, tandis qu’un jeune ingénieur-technicien classé au grade 9 échelon 2, se retrouverait également au grade 10 mais à l'échelon 1, ce qui aboutirait à une différence de 24 points indiciaires en début de carrière, se cumulant sur toute la durée de la carrière à un désavantage de près de 120.000.- euros au détriment de l'ingénieur-technicien, se retrouvant pourtant dans le même groupe de traitement A2.

Or, le règlement grand-ducal du 31 août 2018 ne créerait pas seulement une inégalité de traitement entre les carrières des éducateurs gradués et des ingénieurs-techniciens, mais génèrerait également une inégalité de traitement au sein même des ingénieurs-techniciens, alors qu’en application de l'article 1er dudit règlement, l'ingénieur-technicien avec la plus grande ancienneté et ayant passé et réussi ses examens de promotion, serait désavantagé par rapport à celui ayant une moindre ancienneté ou n'ayant pas fait ou réussi son examen d'avancement.

Ainsi, un ingénieur-technicien A, embauché définitivement le 1er août 2007 pour se retrouver le 1er juillet 2018 au grade 12 échelon 6, à 380 points indiciaires, resterait au grade 12 échelon 6, du fait qu’au moment du reclassement, il n’aurait pas une ancienneté de 12 ans.

Un ingénieur-technicien B, embauché définitivement le 1er février 2008 pour se retrouver le 1er juillet 2018 au grade 11 échelon 8, à 350 points indiciaires, alors qu'il aurait été bloqué dans le grade 11 du fait du cadre fermé, bénéficierait, par contre quant à lui, pleinement du reclassement pour avancer au grade 12 échelon 7, avec 395 points indiciaires, de sorte à avoir ainsi dépassé l’ingénieur-technicien A.

Finalement, un ingénieur-technicien C, embauché définitivement le 1er août 2010 pour se retrouver le 1er juillet 2018 au grade 11 échelon 7, à 338 points indiciaires, rejoindrait l'ingénieur-technicien A au grade 12, échelon 6 et ce, malgré 3 années d'ancienneté en moins.

Les parties demanderesses citent encore un autre exemple d’inégalité en ce qu’un ingénieur-technicien avec une ancienneté de 20 années, ayant passé son examen de promotion pour se retrouver avant la réforme au grade 13, échelon 9, avec 455 points indiciaires, se retrouverait, après réforme, au grade 14 échelon 8, correspondant à 470 points indiciaires, tandis que son collègue, engagé au même moment, mais n'ayant passé le moindre examen de promotion pendant toute sa carrière, qui se serait trouvé au grade 10, échelon 11, avec 362 points indiciaires, se retrouverait, après la réforme, classé au grade 14 échelon 10 avec 500 points indiciaires.

Dans le cadre de leur mémoire en réplique, les parties demanderesses soulignent encore que le délégué du gouvernement contesterait à tort tout traitement inégalitaire, alors qu’il suffirait de prendre l'exemple d'un éducateur gradué en début de carrière, classé avant la réforme au grade 8 échelon 4, et qui se retrouverait après la réforme au grade 10 échelon 3, tandis que l’ingénieur-technicien, qui avant la réforme se serait trouvé en début de carrière au grade 9 échelon 2, se retrouverait classé, après la réforme, au grade 10 échelon 1er.

Il serait également faux de prétendre, comme l'aurait fait le délégué du gouvernement, qu’« en raison de la structure du tableau indiciaire des fonctionnaires communaux, cette fixation de l'échelon est dans tous les cas plus favorables pour les agents concernés par le 6 règlement du 31 août 2018 », alors que tel ne serait tout simplement pas le cas, notamment pour Monsieur … qui se retrouverait, après la réforme, toujours au grade 13 avec exactement le même échelon du fait qu'il ne disposerait pas encore d'une ancienneté de 20 ans de carrière.

En tout état de cause, les parties demanderesses rappellent que le traitement ne serait pas seulement inégalitaire en comparant la carrière de l'éducateur gradué à celle de l'ingénieur technicien, mais également au sein de la catégorie des ingénieurs-techniciens même, tel que relevé dans leur requête introductive d’instance. Justifier une telle situation et un tel traitement inégalitaire, comme le ferait le délégué du gouvernement, par le fait que le fonctionnaire n'ayant pas fait d'examen de promotion pendant sa carrière se trouverait bloqué dans sa carrière et en devant subir les conséquences pendant toute sa carrière jusqu'au point de la réforme, serait, pour le moins, une farce, alors que non seulement ledit blocage résulterait de son libre choix de ne pas promouvoir, mais qu’également rien ne justifierait de faire bénéficier un tel fonctionnaire d'un avancement plus favorable qu'un fonctionnaire méritant ayant passé avec succès son examen de promotion.

Ainsi, si l'Etat a créé un traitement spécifique au profit des éducateurs gradués pour combattre une situation inique, il devrait en faire de même pour les ingénieurs-techniciens et prévoir un traitement spécifique pour cette carrière plutôt que de transposer aveuglément les dispositions légales mal réfléchies créant ainsi des situations d'inégalités de traitements flagrantes.

Les parties demanderesses entendent encore nuancer l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle l'âge serait parfaitement inopérant dans le calcul d'une carrière, alors que si ce ne serait effectivement pas l'âge en lui-même qui serait pris en considération pour le calcul d'une carrière, il serait cependant pris en considération indirectement du fait que la carrière serait dictée par le nombre d'années travaillées, lesquelles seraient nécessairement tributaires de l'âge du fonctionnaire concerné.

Elles soulignent finalement que l'avantage ainsi accordé à l'un par rapport à l’autre perdurerait tout au long de la carrière et ne pourrait jamais être rattrapé, de sorte que l'argumentation gouvernementale pour dire qu'un tel fonctionnaire se verrait alors accorder son prochain avancement en grade plus rapidement que son collègue ne saurait valoir.

En deuxième lieu, les parties demanderesses font plaider que le règlement grand-ducal du 31 août 2018 violerait l'article 22 de la loi du 24 décembre 1985, disposant que le fonctionnaire communal jouirait d'un traitement dont le régime serait fixé par règlement grand-ducal, par assimilation en principal et accessoires, modalités et délais, à celui des fonctionnaires de l'Etat, en tenant compte, le cas échéant, de la situation spéciale de la fonction communale, alors qu’au regard des exemples cités ci-avant, il n'y aurait pas le moindre traitement égalitaire du fait que le règlement critiqué aurait aveuglément recopié l'article 3 de la loi du 25 mars 2015 au lieu de prendre en considération notamment leur situation particulière par rapport à celle des éducateurs gradués dont la carrière fut expressément visée par cet article.

Les parties demanderesses font encore répliquer à ce sujet que l'illégalité par rapport à l'article 22 de la loi du 24 décembre 1985 serait manifeste, alors que cette disposition imposerait de prendre en considération une situation spéciale pouvant précisément mener à de telles inégalités.

Finalement, les parties demanderesses concluent à une violation de l’article 10bis de la Constitution par les articles 1er et 3 de la loi du 25 juillet 2018 portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et d'employés de l'Etat, donnant à considérer que le législateur ne pourrait pas soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents s'il n'y a pas de différence entre ces personnes.

Dans ce contexte, les parties demanderesses estiment que le traitement particulier réservé aux seules carrières ayant, avant la réforme, « sauté » un grade dans l'avancement ne se baserait pas sur une disparité objective, rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.

De plus il y aurait également une inégalité de traitement concernant les ingénieurs-

techniciens entre eux, dont la comparabilité ne saurait être mis en cause, en ce que le nouveau texte privilégierait celui avec la moindre ancienneté à celui disposant d’une ancienneté supérieure, celui qui n'aurait passé le moindre examen de promotion, à celui qui l'aurait réussi, sans qu’il n’y ait la moindre justification rationnelle, adéquate et proportionnée au but poursuivi.

Les parties demanderesses rappellent, dans ce contexte, que la Cour administrative aurait déjà souligné, dans un arrêt du 7 février 2017, inscrit sous le numéro 38661C du rôle, en matière d'allongement de grade, que le fil conducteur de l'avancement d'une carrière d'un fonctionnaire serait fonction d’un certain mérite, même en l’absence de disposition légale y relative, de sorte que ce principe aurait tout logiquement pu faire naître, dans l'esprit du fonctionnaire, la confiance légitime dans le fait que son engagement, son dévouement, sa discipline et ses formations continues lui permettraient d’avancer dans sa carrière et dans son traitement.

A titre subsidiaire, les parties demanderesses sollicitent, par application de l'argumentation développée ci-avant par rapport à la loi, l’annulation du règlement grand-

ducal pour être basé sur une loi contraire à la Constitution.

Dans ce contexte et en application de l'article 95ter de la Constitution, il appartiendrait au tribunal de saisir la Cour Constitutionnelle de la question de savoir « si les dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 25 juillet 2018 portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et d'employés de l'Etat sont conformes à l'article 10bis de notre Constitution pour :

- pour ce qui concerne l'article 1er instaurer un système de reclassement ne prenant en considération non seulement ni l'ancienneté ni le mérite du fonctionnaire concerné, mais pour favoriser même les fonctionnaires à moindre ancienneté, respectivement n'ayant pas passé des examens de promotion et - pour ce qui concerne l'article 3 instaurer un système particulier taillé aux seuls fonctionnaires dont l'avancement, avant la réforme de 2015, n'était pas linéaire au détriment d'autres fonctionnaires se trouvant dans la même carrière mais dont le mode d'avancement était toujours linéaire. » Dans leur mémoire en réplique, les parties demanderesses font encore préciser à ce sujet que le délégué du gouvernement, tout en expliquant parfaitement bien le principe visant à éviter « à certains agents de ces carrières un désavantage réel découlant de leur reclassement par rapport à tous les autres fonctionnaires reclassés. », n’aurait pas contredit les inégalités que le règlement grand-ducal entrepris aurait créé non seulement entre ingénieurs-techniciens et éducateurs gradués, mais également entre ingénieurs-techniciens eux-mêmes.

Finalement les parties demanderesses donnent à considérer que le règlement grand-

ducal du 31 août 2018 serait le fruit de la loi du 25 juillet 2018 pour en reprendre à l'identique les dispositions, de sorte que l'argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle elles ne seraient pas concernées par cette loi en leur qualité de fonctionnaires communaux ne saurait valoir.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses moyens.

Aux termes du règlement grand-ducal du 31 août 2018, « (…) Art. 1er.

Les fonctionnaires dont les carrières sont visées par les articles 43 à 47 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2017 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires communaux ou dont l’agencement de la carrière prévoit un nombre de grades supérieur ou un grade intercalé en vertu de l’article 43 du même règlement, sont reclassés avec effet au 1er janvier 2018 d’après les modalités suivantes :

1° le reclassement effectué à partir du 1er septembre 2017 et qui a eu comme effet le classement à un grade supérieur à celui atteint par l’agent la veille de l’entrée en vigueur du règlement précité du 28 juillet 2017, est remplacé par un reclassement au même numéro d’échelon, diminué d’un échelon ; à défaut d’un tel échelon, les fonctionnaires sont classés au dernier échelon du grade, le cas échéant allongé, auquel ils ont été reclassés ;

2° les avancements en grade et en échelon intervenus entre le 1er septembre 2017 et le 31 décembre 2017 sont pris en compte.

Art. 2.

Les employés communaux dont les carrières sont visées par l’article 63 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2017 déterminant le régime et les indemnités des employés communaux ou dont l’agencement de la carrière prévoit un nombre de grades supérieur ou un grade intercalé en vertu de l’article 61 du même règlement, sont reclassés avec effet au 1er janvier 2018 d’après les modalités prévues à l’article 1er, points 1° et 2° .

Art. 3.

Lorsque le dernier avancement en grade avant le reclassement des fonctionnaires et employés communaux visés par le présent règlement grand-ducal a eu pour effet de les classer dans un grade qui, dans le tableau indiciaire, n’est pas immédiatement supérieur à leur grade précédent, le reclassement est effectué d’après les modalités suivantes :

1° le dernier avancement en grade obtenu avant le reclassement est rapporté en partant des grade et échelon atteints la veille de ce reclassement ;

2° à partir des grade et échelon ainsi obtenus, le reclassement est effectué au grade atteint le 31 août 2017 et calculé d’après les modalités prévues au point 1° de l’article 1er ;

3° il est ajouté un avancement en grade avec effet au jour du reclassement ;

4° les dispositions du point 2° de l’article 1er sont appliquées.

9 Le présent article ne s’applique pas lorsqu’un reclassement sur base de l’article 1er donnerait un résultat plus favorable pour l’agent concerné.

Art. 4.

Le présent règlement sort ses effets au 1er janvier 2018. (…) ».

Le tribunal n'est pas tenu de suivre l'ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l'intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent1.

Force est d’abord de relever que le règlement grand-ducal du 31 août 2018, tel que d’ailleurs relevé dans les visas de ce dernier, a été pris en exécution de l’article 22 de la loi du 24 décembre 1985 qui dispose que « Le fonctionnaire jouit d’un traitement dont le régime est fixé par règlement grand-ducal, par assimilation en principal et accessoires modalités et délais, à celui des fonctionnaires de l’Etat, en tenant compte, le cas échéant, de la situation spéciale de la fonction communale. ».

Il n’est pas non plus contesté de part et d’autre que le règlement grand-ducal déféré du 31 août 2018 consiste dans la transposition à l’identique, au niveau communal, des principes de reclassement édictés, au niveau étatique, par la loi du 25 juillet 2018, sans que les parties demanderesses n’auraient relevé la moindre particularité spécifique de la fonction publique communale qui aurait exigé une adaptation, autre que de légistique, des règles de reclassement introduites pour les fonctionnaires de l’Etat, de sorte que le moyen tenant à une violation de l’article 22 de la loi du 24 décembre 1985 est d’ores et déjà à rejeter, étant encore précisé que le pouvoir exécutif ne disposait en l’espèce d’aucune marge de manœuvre lui permettant, faute d’une « situation spéciale de la fonction communale », de s’écarter de la règle telle que fixée par le législateur pour les fonctionnaires de l’Etat, sous peine de risquer, outre la violation de l’article 22 de la loi du 24 décembre 1985, la violation de l’article 36 de la Constitution en vertu duquel « Le Grand-Duc prend les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois. », cette disposition interdisant au pouvoir de l’exécutif de passer outre le cadre lui fixé par le législateur, d’autant plus qu’en vertu de l’article 107, paragraphe (5) de la Constitution, disposant que « (…) [La loi] établit le statut des fonctionnaires communaux. (…) », le statut de la fonction publique communale est une matière réservée à la loi, dans le cadre de laquelle, en vertu de l’article 32, paragraphe (3) de la constitution, « (…) le Grand-Duc ne peut prendre des règlements et arrêtés qu’en vertu d’une disposition légale particulière qui fixe l’objectif des mesures d’exécution et le cas échéant les conditions auxquelles elles sont soumises. ».

Même s’il suit de ces dispositions que le pouvoir exécutif n’avait, faute de disparité de la fonction communale, aucune marge de manœuvre dans l’édiction des dispositions du règlement grand-ducal du 31 août 2018, tel que déféré, cela ne met pourtant pas le règlement grand-ducal du 31 août 2018 à l’abri d’une éventuelle violation de l’article 10bis de la constitutionnalité et partant au contrôle de sa légalité devant le juge administratif.

1 Trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 479 et autres références y citées.

Dans ce contexte, c’est cependant à bon droit que la partie gouvernementale a relevé que le tribunal n’est pas valablement saisi d’une question de constitutionalité de la loi du 25 juillet 2018, étant donné que l’application directe de la loi du 25 juillet 2018 ne fait pas l’objet du présent recours et que, même si en vertu de l’article 22 de la loi du 24 décembre 1985, le règlement grand-ducal du 31 août 2018 est a priori censé simplement transposer au niveau communal les règles applicables aux fonctionnaires de l’Etat, il s’agit néanmoins de deux corps normatifs distincts et individuels, de sorte que même en cas de non applicabilité de la loi du 25 juillet 2018 pour violation de la constitution, le règlement grand-ducal déféré du 31 août 2018 n’en sera pas automatiquement affecté dans son existence, étant d’ailleurs rappelé, dans ce contexte, que le règlement grand-ducal du 31 août 2018 n’a pas pour base légale la loi du 25 juillet 2018, mais bien l’article 22 de la loi du 24 décembre 1985, tel que précité.

Ainsi, le moyen tenant à soulever l’inconstitutionnalité de la loi du 25 juillet 2018 encourt le rejet, y compris la question préjudicielle afférente, étant relevé qu’en application de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, ci-après désignée par « la loi du 27 juillet 1997 », « (…) Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement ; (…) ».

Le contrôle de la constitutionalité d’un règlement grand-ducal n’étant pas déféré à la Cour Constitutionnelle2, il appartient partant au tribunal d’analyser le moyen tenant à une violation par le règlement grand-ducal du 31 août 2018 de l’article 10bis de la Constitution, disposant que « (1) Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. (…) », ce principe constitutionnel interdisant de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée.

En l’espèce, les parties demanderesses estiment que se posent deux questions de constitutionnalité tenant, premièrement, à une discrimination entre, d’un côté, les ingénieurs-

techniciens et, de l’autre côté, les éducateurs gradués, et ce par rapport à l’application de l’article 3 du règlement grand-ducal du 31 août 2018, ainsi que, deuxièmement, entre les ingénieurs-techniciens eux-mêmes, par rapport aux dispositions de l’article 1er du même règlement.

Il a été jugé que le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, édicté par l’article 10bis (1) de la Constitution, appelle une analyse à deux degrés : dans un premier stade, il y a lieu, de façon préalable, de vérifier la comparabilité des deux catégories de personnes par rapport auxquelles le principe est invoqué. Ce n’est que si cette comparabilité est vérifiée que, dans un deuxième stade, la juridiction saisie analyse si la différenciation qui existe par hypothèse entre ces deux catégories de personnes est objectivement justifiée ou non3.

Or, force est, en premier lieu, de constater, à l’instar de ce qui a été soutenu par la partie gouvernementale, que les ingénieurs-techniciens et les éducateurs gradués ne sont pas comparables, quand bien même ils aient un « même degré de formation ».

2 Cour adm. 1er décembre 2016, n° 38334C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Lois et règlements, n° 29 et les autres références y citées.

3 Cour adm. 5 mai 2009, n° 24618C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Lois et règlements, n° 10 et les autres références y citées.

Ainsi, les ingénieurs-techniciens ne sauraient se trouver dans une situation comparable à celle des éducateurs gradués en vue de se voir également appliquer l’article 3 du règlement grand-ducal du 31 août 2018, alors qu’il n’est pas contesté que le déroulement de leur carrière a toujours été linéaire, contrairement à celle des éducateurs gradués, de sorte que les dispositions spécifiques de reclassement concernant ces derniers, justifiées par le déroulement non linéaire de leur carrière avant la réforme, ne sauraient s’appliquer dans le chef des ingénieurs-techniciens.

En effet, il n’est pas contesté que les deux carrières ainsi visées avaient connu un développement tout à fait différent dans le passé, notamment par le grade de début de carrière, le nombre de grades, ainsi que l’envergure et la fréquence des avancements, de sorte que les ingénieurs-techniciens ne sauraient être concernés, comme les éducateurs gradués par la situation dans laquelle « le dernier avancement en grade avant le reclassement (…) a eu pour effet de les classer dans un grade qui, dans le tableau indiciaire, n’est pas immédiatement supérieur à leur grade précédent (…) ».

Il s’ensuit qu’au regard du fait que la comparabilité des deux catégories d’agents mis en exergue n’est pas donnée, le moyen tenant à une violation, par l’article 3 du règlement grand-ducal du 31 août 2018, de l’article 10bis de la Constitution est d’ores et déjà à rejeter, sans devoir pousser l’analyse plus loin.

En ce qui concerne, en deuxième lieu, le moyen tenant à une discrimination des ingénieurs-techniciens entre eux, dans le cadre de l’application de l’article 1er du règlement grand-ducal du 31 août 2018, force est d’abord de relever que cet article est applicable de la même manière, notamment à tous les ingénieurs-techniciens, sans prévoir des dispositions spécifiques pour une certaine catégorie d’entre eux, de sorte que la disposition règlementaire en elle-même ne fait pas de distinction entre différents cas de figure.

Si l’application dudit article a pour effet de produire des résultats différents selon les personnes auxquelles il s’applique, notamment du fait de leur ancienneté, respectivement de leur parcours professionnel antérieur, cela implique nécessairement que les personnes en question ne sont justement pas comparables, tel que l’a relevé à juste titre le délégué du gouvernement, étant, en tout état de cause, rappelé que le principe de l’égalité devant la loi n’interdit pas le changement, pour le futur, du traitement réservé à un type de situation, alors qu’admettre le contraire reviendrait à empêcher toute modification de la réglementation existante4. Ainsi, l’argumentation des parties demanderesses sur base d’une comparaison entre une personne ayant avancé, depuis un certain temps déjà, à l’aide d’un examen de promotion et celle, évidemment non comparable, qui, du fait d’un changement législatif intervenu par la suite, n’en a plus eu besoin pour avancer, laisse d’être pertinente.

Il s’ensuit que le moyen mettant en cause la conformité de l’article 1er du règlement grand-ducal du 31 août 2018 à l’article 10bis de la Constitution laisse également d’ores et déjà d’être fondé, à défaut de comparabilité des situations avancées par les parties demanderesses, de sorte qu’il encourt le rejet, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant.

4 Trib. adm. 25 septembre 2017, n° 37637 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Lois et règlements, n° 14 et l’autre référence y citée.

Au vu de l’ensemble des considérations ci-avant développées, et à défaut d’autres moyens d’annulation, le recours dirigé contre le règlement grand-ducal du 31 août 2018 est à rejeter dans son intégralité.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

statuant en prosécution de cause de l’arrêt de la Cour administrative du 14 janvier 2021, inscrit sous le n° 44533 C du rôle ;

déclare recevable en la forme le recours en annulation dirigé contre le règlement grand-ducal du 31 août 2018 portant reclassement de certaines carrières de fonctionnaires et d’employés communaux en ce qu’il a été introduit par les parties demanderesses (sub 2-12) ;

au fond, déclare non justifié et en déboute ;

laisse les frais et dépens à charge de toutes les parties requérantes (sub 1-12).

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 28 juillet 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué.

en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 juillet 2021 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 42015a
Date de la décision : 28/07/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-07-28;42015a ?

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