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05/08/2021 | LUXEMBOURG | N°46316

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 août 2021, 46316


Tribunal administratif N° 46316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juillet 2021 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 5 août 2021 Recours formé par Monsieur …, alias …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46316 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juillet 2021 par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb

ourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Nigéria) et être de nationalité...

Tribunal administratif N° 46316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 juillet 2021 Chambre de vacation Audience publique extraordinaire du 5 août 2021 Recours formé par Monsieur …, alias …, … contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46316 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juillet 2021 par Maître Eric Says, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Nigéria) et être de nationalité nigériane, alias …, né le …, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 14 juillet 2021 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 août 2021 ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Fabienne Gary, avocat à la Cour, en remplacement de Maître Eric Says, du 2 août 2021 suivant laquelle elle marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu la communication du délégué du gouvernement du 3 août 2021 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique de vacation du 4 août 2021.

Il se dégage du dossier administratif et plus particulièrement d’un rapport de la police grand-ducale, CI Luxembourg - groupe Gare, référencé sous le numéro …, du 10 août 2014, qu’à cette même date, Monsieur …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », fut 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

1appréhendé par les forces de l’ordre dans le quartier de la gare à Luxembourg-Ville lors d’un contrôle de drogues dans le même secteur. A cette occasion, il s’avéra que Monsieur … n’était pas en mesure de présenter des documents d’identité et qu’il était signalé dans le SIS par les autorités autrichiennes avec la mention « Refuser l’entrée sur le territoire ». Une recherche effectuée dans la base de données EURODAC a, par ailleurs, révélé que Monsieur … avait auparavant introduit une demande de protection internationale en Italie, le 14 septembre 2011, et une en Autriche, le 20 février 2013. L’intéressé fut transféré en Italie le 22 septembre 2014.

Il ressort ensuite d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, commissariat Luxembourg - groupe Gare, référencé sous le numéro …, du 7 octobre 2019 que Monsieur … fut intercepté le même jour par les forces de l’ordre dans le quartier de la gare à Luxembourg-

Ville lors d’un contrôle d’identité. Il s’avéra à cette occasion que Monsieur … n’était pas en mesure de présenter des documents d’identité et qu’il était en possession d’une attestation de demandeur d’asile valable établie par les autorités françaises le 26 septembre 2019.

Les 11 octobre et 8 novembre 2019, Monsieur … fit de nouveau l’objet d’un contrôle d’identité par la police grand-ducale dans le quartier de la gare à Luxembourg-Ville, lors desquels il déclara être demandeur de protection internationale en France.

Il ressort ensuite d’un rapport de la police grand-ducale, Région Capitale, commissariat Luxembourg - groupe Gare, référencé sous le numéro …, du 12 novembre 2019 que Monsieur … fut intercepté le même jour par les forces de l’ordre dans le quartier de la gare à Luxembourg-

Ville à la suite d’un contrôle d’identité. A cette occasion, l’intéressé déclara se nommer … et être né le ….

Par un arrêté du 12 novembre 2019, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », prit à l’encontre de Monsieur … un arrêté constatant son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et lui ordonnant de quitter ledit territoire sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.

Il ressort ensuite d’un rapport de la police grand-ducale, Région Sud-Ouest, commissariat de police Esch/Alzette C3R, référencé sous le numéro …, du 22 mai 2021 que Monsieur … fut appréhendé le même jour par les forces de l’ordre à Rodange pour avoir été pris en flagrant délit lors de la vente de stupéfiants.

Il se dégage d’un relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg (CPL) du 23 mai 2021 que Monsieur … fut placé en détention préventive pour infraction à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.

Suivant une recherche effectuée dans la base de données EURODAC le 31 mai 2021, Monsieur … avait introduit une demande de protection internationale en France en date du 26 septembre 2019.

Le 3 juin 2021, les autorités françaises informèrent les autorités luxembourgeoises que Monsieur … avait été définitivement débouté de sa demande de protection internationale en France le 16 avril 2021.

2Par arrêté du 14 juillet 2021, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre rapporta sa décision de retour et d’interdiction d’entrée sur le territoire du 12 novembre 2019. A travers le même arrêté, le ministre constata encore le séjour irrégulier de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter ledit territoire dès sa libération du CPL à destination du pays dont il a la nationalité, le Nigéria, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel l’intéressé est autorisé à séjourner, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à partir de sa sortie du territoire luxembourgeois ou à partir de sa sortie de l’espace Schengen.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé également en date du 14 juillet 2021, le ministre prit à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de l’arrêté en question. Ledit arrêté est basé sur les motifs et considérations suivants:

« (…) Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 14 juillet 2021 comportant une interdiction d'entrée sur le territoire de cinq ans ;

Considérant que l'intéressé se trouvait en détention préventive au Centre pénitentiaire depuis le 23 mai 2021;

Attendu que l'intéressé n'est pas en possession d'un passeport en cours de validité ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».

Il se dégage d’un relevé journalier du CPL du 14 juillet 2021 qu’à la même date, Monsieur … fut libéré du CPL.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 juillet 2021, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 14 juillet 2021 ordonnant son placement en rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en droit, Monsieur … se rapporte d’abord à prudence de 3justice en ce qui concerne la compétence du ministre.

Il conclut ensuite à une violation de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 en contestant qu’il existerait dans son chef un danger de fuite ou qu’il empêcherait la préparation de son retour ou de la procédure d’éloignement. Il donne à considérer qu’il résiderait à … et qu’il souhaiterait quitter le territoire luxembourgeois vers la France, pays qui lui aurait délivré une attestation de demandeur d’asile.

Il fait ensuite valoir qu’aucune « proposition de retour » ne lui aurait été faite et qu’« aucune date de son extradition [ne lui aurait] été proposée depuis le 14 juillet 2021 ».

En affirmant encore que ni le manque de diligences du ministre ni l’absence de vols ne sauraient justifier une « prorogation » de son placement en rétention, le demandeur conclut que son placement en rétention ne serait pas justifié et qu’il y aurait lieu de faire application de mesures moins coercitives.

Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours sous analyse pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Force est de constater que c’est de prime abord à tort que le demandeur conteste, par le fait de s’être rapporté à prudence de justice, la compétence du ministre, étant donné qu’en vertu de l’article 3 g) de la loi du 29 août 2008, le ministre visé dans les dispositions de cette loi est le membre du gouvernement ayant l’immigration dans ses attributions, soit le ministre de l’Immigration et de l’Asile, aux termes de l’arrêté grand-ducal du 28 mai 2019 portant constitution des ministères.

S’agissant ensuite du bien-fondé de la décision litigieuse, force est de constater que l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 dispose comme suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. (…) ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, 4lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Le tribunal relève qu’il n’est pas contesté en l’espèce que le demandeur ne dispose ni d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg, ni de documents d’identité et de voyage en cours de validité et qu’il se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, celui-ci ayant, en effet, fait l’objet d’une décision de retour, ainsi que d’un arrêté d’interdiction du territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans en date du 14 juillet 2021. En vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c) de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, respectivement s’il ne peut pas justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage valables, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni encore d’une autorisation de travail, et s’il se trouve donc en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, le risque de fuite est présumé dans le chef du demandeur, sans qu’il ne se dégagent du dossier soumis au tribunal des éléments permettant de renverser la présomption de ce risque de fuite, étant relevé que le fait que le demandeur insiste dans le cadre du présent recours sur sa volonté de quitter le territoire luxembourgeois pour se rendre en France où il serait domicilié, est, au contraire, de nature à conforter l’existence d’un risque de fuite dans son chef, étant encore relevé à cet égard qu’il se dégage du dossier administratif que Monsieur … a été définitivement débouté de sa demande de protection internationale en France le 16 avril 2021, de sorte qu’il n’y est plus considéré comme demandeur de protection internationale et que son séjour y est a priori également irrégulier.

Au vu de ces considérations, le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, précité, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle une autre mesure moins coercitive que le placement en rétention aurait dû lui être appliquée, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) [de la loi du 29 août 2008] (…).

On entend par mesures moins coercitives :

5a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125 (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier. L’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire 6national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes2.

A cet égard, il convient de constater que Monsieur …, ne disposant pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg, ne soumet aucun élément à l’appréciation du tribunal susceptible d’exclure le risque de fuite dans son chef, qui, tel que cela a été retenu ci-avant, est présumé dans son chef, mais se borne à affirmer que s’il devrait faire l’objet d’une mesure moins coercitive.

Dans ces circonstances, le tribunal est amené à retenir que le demandeur ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite conformément à l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, de sorte que le constat de la partie étatique qu’il n’existe pas de mesure suffisante, mais moins coercitive qu’une mesure de placement, n’encourt aucune critique.

En qui concerne, enfin, les démarches concrètement entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, le tribunal relève tout d’abord qu’il s’agit de la première mesure de placement en rétention de Monsieur …, de sorte l’allégation du litismandataire du demandeur quant à une prétendue prorogation de ladite mesure de placement tombe à faux.

Le tribunal constate ensuite qu’en date du 14 juillet 2021, jour du placement du demandeur au Centre de rétention, la direction de l’Immigration s’est renseignée auprès de l’ambassade nigériane à Bruxelles quant à la possibilité actuelle de retours au Nigéria. Une demande d’identification de Monsieur … a ensuite été adressée à la prédite ambassade en date du 19 juillet 2021. Enfin, le 2 août 2021, les autorités luxembourgeoises ont relancé les autorités nigérianes aux fins de l’identification du demandeur.

Ainsi, au vu des diligences déployées par le ministre depuis le placement du demandeur au Centre de rétention et dans la mesure où les autorités luxembourgeoises sont actuellement tributaires de la collaboration et de l’efficacité des autorités nigérianes, le tribunal est amené à constater que la procédure d’identification du demandeur est toujours en cours, mais qu’elle n’a pas encore abouti, et que les démarches ainsi entreprises en l’espèce par les autorités luxembourgeoises en vue de l’éloignement du demandeur doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes pour justifier son placement en rétention.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

2 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 917 et les autres références y citées.

7 dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 5 août 2021 par :

Thessy Kuborn, vice-président, Alexandra Bochet, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 août 2021 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 46316
Date de la décision : 05/08/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-08-05;46316 ?

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