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18/08/2021 | LUXEMBOURG | N°46327

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 août 2021, 46327


Tribunal administratif N° 46327 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 18 août 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46327 du rôle et déposée le 3 août 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Hakima GOUNI-ANDRIEUX

, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mada...

Tribunal administratif N° 46327 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 18 août 2021 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (4), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46327 du rôle et déposée le 3 août 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Hakima GOUNI-ANDRIEUX, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à … (Erythrée), alias …, née le …, de nationalité érythréenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 juillet 2021 de la transférer vers l’Italie comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 août 2021 ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Hakima GOUNI-ANDRIEUX du 17 août 2021 suivant laquelle elle marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu la communication du délégué du gouvernement du 17 août 2021 suivant laquelle il marque son accord à ce que l’affaire soit prise en délibéré sans sa présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique de vacation du 18 août 2021 .

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Le 9 juin 2021, Madame …, alias …, ci-après désignée par « Madame … », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

1 2015 ».

Le même jour, Madame … fut entendue par un agent du service criminalité organisée-

police des étrangers, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, ainsi que sur base de la comparaison des empreintes digitales de Madame … dans la base de données EURODAC, qu’elle avait franchi irrégulièrement la frontière italienne le 9 mai 2021 et qu’elle avait fait l’objet d’une prise de ses empreintes dactyloscopiques en Italie le même jour.

Toujours le même jour, Madame … fut encore entendue par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 11 juin 2021, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités italiennes en vue de la prise en charge de Madame … sur base de l’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III.

Par courrier électronique du 23 juin 2021, les autorités italiennes s’adressèrent en les termes suivants aux autorités luxembourgeoises :

« Chers Messieurs, nous vous informons que la personne en question n est que signalée pour entrée illègale à Agrigente le … A sa charge aucun titre de séjour,demande d asile visa et son nom est inconnu aux archives de la commission.

Donc pour les personnes qui ne sont que passées par l Italie nous ne donnons pas accord officiel mais nous vous prions de prevenir d avance en cas de transfert […] ».

Par décision du 28 juillet 2021, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre informa Madame … que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de la transférer dans les meilleurs délais vers l’Italie sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et celles de l’article 13, paragraphe (1) du règlement Dublin III. Ladite décision est libellée comme suit :

« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 9 juin 2021 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »).

En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 13(1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transférée vers l'Italie qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

2 En mains le rapport de Police Judiciaire du 9 juin 2021 et le rapport d'entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 9 juin 2021.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 9 juin 2021, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction de l'immigration.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez précédemment franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 9 mai 2021.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 9 juin 2021.

Sur cette base, la Direction de l'immigration a adressé en date du 11 juin 2021 une demande de prise en charge aux autorités italiennes sur base de l'article 13(1) du règlement DIII, demande qui fut acceptée par lesdites autorités italiennes en date du 23 juin 2021.

2. Quant aux bases légales En tant qu’Etat membre de l’Union européenne, l’Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l’Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S’il ressort de cet examen qu’un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la. Direction de l’immigration rend une décision de transfert après que l’État requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l’article 28(1) de la loi du 18 décembre 2015, le Luxembourg n’est pas responsable pour le traitement d’une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du règlement DIII, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un Etat tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale, conformément à l’article 13(1) du règlement DIII.

En application de l’article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII, il y a lieu d’analyser s’il existe de sérieuses raisons de croire que la procédure de demande de protection internationale ou les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale présentent des défaillances systémiques susceptibles d’entraîner un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte UE ») ou de l’article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »).

3 Un Etat n’est pas non plus autorisé à transférer un demandeur vers l’État, normalement responsable, lorsqu’il existe des preuves ou indices avérés qu’un demandeur risquerait dans son cas particulier d’être soumis dans cet État à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 CEDH ou 4 de la Charte UE.

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l'espèce, il ressort des résultats du 9 juin 2021 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez précédemment franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 9 mai 2021.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté l'Erythrée en janvier 2017 en direction du Soudan où vous auriez vécu pendant quatre ans à …. Vous vous seriez ensuite rendue en Libye, où vous seriez restée pendant deux mois chez un passeur somalien qui vous aurait agressée et violée. Après deux mois à Koufra, vous seriez montée à bord d'un bateau en direction de l'Italie.

Comme la destination de prédilection de votre voyage aurait été le Royaume-Uni, vous seriez partie de l'Italie après deux semaines et vous auriez traversé la France et la Belgique pour arriver au Luxembourg en date du 7 juin 2021.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 9 juin 2021, vous mentionnez la fracture de votre épaule. Cependant, vous n'avez fourni aucun élément concret sur votre état de santé ou autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l'Italie qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Rappelons à cet égard que l’Italie est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l’Italie est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte],(« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l’Italie profite, comme tout autre État membre, de la confiance mutuelle qu’elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière. S’il est notoire que les autorités italiennes connaissent des problèmes quant à leurs capacités d’accueil des demandeurs de protection internationale, qui peuvent être confrontés à d’importantes difficultés sur le plan de l’hébergement et des conditions de vie, il n’y a toutefois aucune sérieuse raison de croire qu’il existe, en Italie, des défaillances systémiques dans la procédure de demandes de protection internationale et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte UE.

Notons dans ce contexte que l’Italie a adopté en date du 21 octobre 2020 le décret n° 130/2020 qui remplace la loi n° 132/2018 du 1er décembre 2018 et met en place le SAI (Sistema di accoglienza e integrazione). Ce nouveau système de protection en matière d’accueil et d’intégration a réformé le système établi en 2018 et permet depuis lors d’améliorer 4 l’accueil pour les demandeurs de protection internationale.

Par conséquent, en l’absence d’une pratique actuelle avérée en Italie de violation systématique de ces normes minimales de l’Union européenne, cet État est présumé respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l’interdiction des mauvais traitements ancrée à l’article 3 CEDH et à l’article 3 Conv. torture, de même que les conditions minimales d’accueil fixées dans la directive Accueil.

Par ailleurs, il n’existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu’il n’existe aucune recommandation de l’UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l’Italie sur base-du règlement (UE) n° 604/2013.

Madame, vous n’avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d’existence en Italie revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu’elles seraient constitutives d’un traitement contraire à l’article 3 CEDH ou encore à l’article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Italie, d’introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités italiennes ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes italiennes, notamment judiciaires.

Au vu de ce qui précède, l’application de l’article 3(2), alinéa 2, du règlement DIII ne se justifie pas.

Aussi, les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n’existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l’article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l’application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l’ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l’article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l’exécution du transfert vers l’Italie, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l’objet d’une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le 5 transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l’exécution de votre renvoi vers l’Italie, l’exécution du transfert serait suspendue jusqu’à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela devrait être nécessaire, la Direction de l’immigration prendra en compte votre état de santé lors de l’organisation du transfert vers l’Italie en informant les autorités italiennes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités italiennes n’ont pas été constatées. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 août 2021, inscrite sous le numéro 46327 du rôle, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 28 juillet 2021.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours au fond contre la décision ministérielle litigieuse, un recours en réformation a valablement pu être introduit contre la décision ministérielle du 28 juillet 2021, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi A l’appui de son recours la demanderesse rappelle tout d’abord les faits et rétroactes à la base de la décision litigieuse, tout en expliquant qu’elle aurait quitté l’Erythrée en janvier 2017 pour se rendre au Soudan, où elle aurait vécu pendant quatre années, et qu’elle se serait ensuite rendue en Libye où elle serait restée pendant deux mois. Le 9 mai 2021, elle serait arrivée en Italie où ses empreintes dactyloscopiques auraient été prises et où elle aurait été mise en quarantaine pendant deux semaines. Afin de pouvoir rejoindre l’Angleterre, elle se serait cachée dans un camion en direction de la France, puis aurait pris un train pour la Belgique où elle aurait séjourné pendant quatre jours. Comme il n’avait pas été possible de se rendre en Angleterre, on lui aurait conseillé de déposer une demande de protection internationale au Luxembourg, ce qu’elle aurait finalement fait.

En droit, elle critique le ministre pour avoir décidé de la transférer vers l’Italie, la demanderesse estimant en effet que le ministre se serait trompé dans les intentions des autorités italiennes de la prendre en charge alors que celles-ci n’auraient pas accepté sa prise en charge dans leur courrier du 23 juin 2021. Les autorités italiennes auraient, à ses yeux, précisé dans leur courrier du 23 juin 2021 qu’elle n’aurait fait que passer par leur pays et qu’elle n’y aurait déposé aucune demande de protection internationale, n’y aurait disposé d’aucun titre de séjour ou de visa et qu’elles n’entendraient pas donner leur accord à une reprise en charge pour une personne qui n’aurait fait que passer par leur pays.

S’agissant ainsi d’une réponse négative de la part des autorités italiennes quant à sa prise en charge, et non pas positive comme le soutient le ministre, ce dernier aurait dû, conformément à l’article 52, paragraphe 2 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission 2 L’article 5 dispose que : « 1. Lorsque, après vérification, l'État membre requis estime que les éléments soumis ne permettent pas de conclure à sa responsabilité, la réponse négative qu'il envoie à l'État membre requérant est pleinement motivée et explique en détail les raisons du refus.

2. Lorsque l'État membre requérant estime que le refus qui lui est opposé repose sur une erreur d'appréciation ou lorsqu'il dispose d'éléments complémentaires à faire valoir, il lui est possible de solliciter un réexamen de sa requête. Cette faculté doit être exercée dans les trois semaines qui suivent la réception de la réponse négative.

6 du 2 septembre 2003 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présenté dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, tel que modifié par le Règlement d’exécution (UE) n° 118/2004 de la Commission du 30 janvier 2013 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d’application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, ci-après désigné par le « règlement d’exécution », solliciter des autorités italiennes un réexamen de sa requête initiale du 11 juin 2021 dans les trois semaines qui suivent la réponse négative, ce qui n’aurait cependant pas été fait. A défaut de contestation conformément à cet article 5, paragraphe 2 du règlement d’exécution, le ministre aurait accepté la décision de refus des autorités italiennes et aurait dû déclarer le Luxembourg compétent pour examiner sa demande de protection internationale.

La demanderesse en conclut que la décision du 28 juillet 2021 devrait être annulée pour violation de l’article 5 du règlement d’exécution.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise, respectivement la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 13, paragraphe (1) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités italiennes pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Madame …, prévoit que : « Lorsqu’il est établi, sur la base de preuves ou d’indices tels qu’ils figurent dans les deux listes mentionnées à l’article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d’un État membre dans lequel il est entré en venant d’un État tiers, cet État membre est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. ».

L'État membre requis s'efforce de répondre dans les deux semaines. En tout état de cause, cette procédure additionnelle ne rouvre pas les délais prévus à l'article 18, paragraphes 1 et 6, et à l'article 20, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) no 343/2003. » 7 Il est constant en cause que la décision de transférer la demanderesse vers l’Italie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application des prédits articles 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et 13, paragraphe (1) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale serait l’Italie, en ce qu’elle aurait franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 9 mai 2021 et que les autorités italiennes auraient accepté sa prise en charge.

Il échet ensuite de constater que les parties sont en désaccord concernant la portée du courrier des autorités italiennes du 23 juin 2021, la demanderesse soutenant que la phrase « Donc pour les personnes qui ne sont que passées par l Italie nous ne donnons pas accord officiel » serait à interpréter comme un refus de prise en charge, alors que le délégué du gouvernement estime que la phrase « nous vous prions de prevenir d avance en cas de transfert » ferait conclure à un accord de prise en charge par les autorités italiennes.

A cet égard, la demanderesse soutient que si les autorités italiennes avaient accepté sa prise en charge, elles auraient pris une décision conforme à l’article 6 du règlement d’exécution selon lequel : « Lorsque l'État membre requis reconnaît sa responsabilité, la réponse mentionne ce fait en précisant sur la base de quelle disposition du règlement (CE) no 343/2003 et comporte les indications utiles pour l'organisation ultérieure du transfert, telles que, notamment, les coordonnées du service ou de la personne à contacter. », ce qui ne serait pas le cas du courrier du 23 juin 2021, de sorte que la réponse des autorités italiennes serait à considérer comme une réponse négative.

Force est au tribunal de retenir que quand bien même les termes utilisés dans le courrier 23 juin 2021 sont quelque peu confus, circonstance qui est à attribuer à l’emploi malencontreux de la langue française par les autorités italiennes, il ne peut être déduit ni de ce courrier ni d’aucun autre élément du dossier administratif que l’Italie a expressément refusé de prendre en charge l’examen de la demande de protection internationale de Madame ….

En effet, selon l’article 5 du règlement d’exécution aux termes duquel « 1. Lorsque, après vérification, l'État membre requis estime que les éléments soumis ne permettent pas de conclure à sa responsabilité, la réponse négative qu'il envoie à l'État membre requérant est pleinement motivée et explique en détail les raisons du refus. (…) ». Ainsi, si la phrase litigieuse précitée du courrier du 23 juin 2021 peut certes prêter à confusion, il n’en reste pas moins que les autorités italiennes, après avoir rappelé que la demanderesse avait été signalée pour entrée illégale, qu’elle ne s’était pas vu délivrer de titre de séjour, respectivement de visa et qu’elle n’avait pas déposé une demande de protection internationale en Italie, de sorte à faire implicitement référence à l’article 13, paragraphe (1) du règlement Dublin III, ont expressément indiqué aux autorités luxembourgeoises de les prévenir dès la concrétisation du transfert en précisant « nous vous prions de prevenir d avance en cas de transfert ». La phrase « Donc pour les personnes qui ne sont que passées par l Italie nous ne donnons pas accord officiel » ne peut dès lors pas être comprise comme un refus d’accepter leur responsabilité, tel que prévu à l’article 5 du règlement d’exécution.

S’il est encore exact que le courrier du 23 juin 2021 ne contient pas tous les éléments prévus par l’article 6 du règlement d’exécution, il n’en reste pas moins que les modalités fixées dans le règlement d’exécution sont destinées à faciliter la coopération entre les autorités des 8 Etats membres lors de l’application du règlement Dublin III3, de sorte qu’une réponse de l’Etat membre responsable ne concordant pas dans tous les points avec l’article 6 du règlement d’exécution ne saurait conduire ipso facto à une annulation de la décision de transfert, si, tel qu’en l’espèce, l’accord exprès de l’Etat membre requis peut encore être déduit d’autres éléments, à savoir la fourniture d’informations concernant les modalités concrètes du transfert de la personne visée4.

Au vu de ce qui précède, il doit être retenu que les autorités italiennes ont accepté la prise en charge de Madame … sur le fondement de l’article 13, paragraphe (1) du règlement Dublin III, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de la transférer vers l’Italie et de ne pas examiner sa demande de protection internationale déposée au Luxembourg.

Au vu de ce qui précède, le moyen de la demanderesse ayant trait à une violation de l’article 5, paragraphe 1er du règlement d’exécution est à rejeter, pour être basé sur la fausse prémisse que le courrier des autorités italiennes du 23 juin 2021 est à interpréter comme une réponse négative.

En l’absence d’autres moyens, le tribunal est amené à conclure que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Daniel Weber, premier juge, Carine Reinesch, juge, Marc Frantz, juge, et lu à l’audience publique de vacation du 18 août 2021 par le premier juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 août 2021 Le greffier du tribunal administratif 3 Considérant (1) du préambule du règlement d’exécution.

4 Trib. adm. 28 juillet 2021, n° 46166, disponible sur www.ja.etat.lu.


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 46327
Date de la décision : 18/08/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-08-18;46327 ?

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