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18/08/2021 | LUXEMBOURG | N°46357

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 août 2021, 46357


Tribunal administratif N° 46357 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 18 août 2021 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46357 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 août 2021 par Maître Marcel Marigo, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a

u nom de Monsieur …, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, alias …, né le … à...

Tribunal administratif N° 46357 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 18 août 2021 Recours formé par Monsieur …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46357 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 août 2021 par Maître Marcel Marigo, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, alias …, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 juillet 2021 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de ladite décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 août 2021 ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les communications respectives de Maître Marcel Marigo et de Monsieur le délégué du gouvernement Yannick Genot du 17 août 2021 informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de leur présence ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique de vacation du 18 août 2021.

Le 14 février 2018, Monsieur …, alias …, ci-après désigné par « Monsieur … », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, dont il fut définitivement débouté par un arrêt de la Cour administrative du 13 octobre 2020, inscrit sous le numéro 44626C du rôle.

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » 1Le 23 novembre 2020, le ministre convoqua Monsieur … pour le 3 décembre 2020 au ministère en vue de l’organisation de son retour vers son pays d’origine, entretien auquel celui-

ci ne se présenta pas.

Par courrier du 10 décembre 2020, le ministre convoqua de nouveau Monsieur … à un entretien fixé au 17 décembre 2020 en vue de l’organisation de son retour dans son pays d’origine. Le 17 décembre 2020, le litismandataire de l’époque du demandeur informa le ministère que Monsieur … ne se présentera pas à l’entretien, tout en précisant qu’il n’avait plus de ses nouvelles.

Le 6 juillet 2021, les autorités néerlandaises contactèrent les autorités luxembourgeoises en vue de la reprise en charge de Monsieur …, demande qui fut acceptée par ces dernières en date du 8 juillet 2021 sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé « le règlement Dublin III », le transfert de Monsieur … ayant eu lieu le 28 juillet 2021.

Par un arrêté du 27 juillet 2021, erronément daté du 28 juillet 2021, notifié à l’intéressé le 28 juillet 2021, le ministre déclara irrégulier le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, la Guinée, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, le même arrêté contenant encore une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois d’une durée de cinq ans prononcée à son encontre.

Le même jour, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois. Ladite décision, notifiée à l’intéressé le 28 juillet 2021, est basée sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu ma décision de retour du 28 juillet 2021 ;

Vu ma décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du 28 juillet 2021 ;

Attendu que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Attendu que l’intéressé ne s’est pas présenté au Ministère des Affaires étrangères et européennes en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine ;

Attendu qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

2Par requête déposée le 13 août 2021 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation contre la décision précitée du 27 juillet 2021 ordonnant son placement au Centre de rétention.

Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu la possibilité d'exercer un recours en réformation, l'existence d'une telle possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision2.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit en l’espèce qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur reprend, en substance, les faits et rétroactes tels qu’exposés ci-dessus.

En droit, Monsieur … se prévaut, tout d’abord, d’une violation, par le ministre, de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’État et des communes, ci-après désignée par le « règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 », tout en soutenant que l’article 11 précité consacrerait le droit pour tout administré d’obtenir communication de son dossier administratif à chaque fois que sa situation administrative serait atteinte ou susceptible de l’être par une décision administrative.

Il indique plus particulièrement que son litismandataire aurait, par un courrier du 6 août et un courriel du 11 août 2021, demandé au ministre la copie du dossier administratif, conformément à l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, et qu’il n’aurait, au jour de l’introduction de son recours, pas reçu communication dudit dossier.

Dans ce contexte, le demandeur fait valoir que s’il est de jurisprudence constante que le non-respect des dispositions de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne se résout pas impérativement en une annulation de la décision administrative, il n’en demeurerait pas moins que « l’application atténuante de cette position jurisprudentielle resterait donnée » dans l’hypothèse d’une lésion vérifiée des droits de la défense.

Or, force serait de constater qu’en l’occurrence, la décision ministérielle litigieuse serait basée sur deux décisions ministérielles du 28 juillet 2021 qui ne lui auraient pas été notifiées, de sorte qu’il n’aurait pas été en mesure de prendre utilement position par rapport à sa situation administrative actuelle au Luxembourg entraînant ainsi une violation de ses droits de la défense.

Le demandeur conteste ensuite la motivation à la base de la mesure de placement sous analyse, alors qu’elle serait basée « sur une appréciation erronée de sa situation individuelle 2 Trib. adm., 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en réformation, n° 4 et les autres références y citées.

3et réelle ». A cet égard, il donne à considérer que ladite décision de placement en rétention serait principalement basée sur respectivement la décision de retour du 28 juillet 2021 et la décision d’interdiction d’entrée sur le territoire du même jour, tout en réitérant que celles-ci ne lui auraient pas été notifiées.

Il reproche, dans ce contexte, au ministre d’avoir retenu un risque de fuite dans son chef, sans en apporter la moindre preuve, alors qu’il aurait, au contraire, exprimé aux autorités néerlandaises son souhait d’être transféré au Luxembourg.

Il explique plus particulièrement que s’il était certes constant qu’il aurait, à l’époque mineur, suivi sa compagne française pour se rendre à Paris, il n’aurait toutefois pas eu l’intention de se soustraire ou de ne pas répondre à la convocation ministérielle dans le cadre de l’organisation de son retour volontaire.

Le demandeur estime qu’il n’aurait, dès lors, jamais empêché son éloignement vers son pays d’origine, respectivement ne se serait jamais soustrait à une mesure d’éloignement, de sorte qu’au vu du silence de la décision ministérielle de placement sur les procédés ou manœuvres utilisés pour empêcher l’exécution d’une mesure d’éloignement, cette argumentation manquerait de pertinence et serait dénuée de fondement.

Le demandeur reproche encore au ministre de n’avoir entrepris aucune démarche concrète afin d’obtenir raisonnablement son éloignement vers son pays d’origine, en concluant ainsi à une absence de diligences du ministre. Il souligne que le ministre resterait en défaut de prouver qu’il aurait entamé des démarches en vue de son éloignement.

En dernier lieu, Monsieur … se prévaut des dispositions des articles 120 et 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sollicitant une assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg (SHUK) sise à L-1734 Luxembourg, 11, rue Carlo Hemmer, qui serait une mesure plus proportionnée que le placement en rétention, alors qu’il n’existerait pas de perspective raisonnable d’exécuter la mesure d’éloignement et que le dossier administratif ne comporterait notamment aucun écrit adressé aux autorités guinéennes dans le cadre de l’organisation de son retour dans son pays d’origine. Il estime que, contrairement aux affirmations de la partie étatique, il présenterait également des garanties de représentation suffisantes, le demandeur réitérant, dans ce contexte, son argumentation selon laquelle il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef.

Il souligne ensuite qu’il n’existerait aucune perspective raisonnable de refoulement à destination de son pays d’origine, de sorte que sa rétention serait à qualifier d’arbitraire, tout en estimant qu’il n’y aurait aucun élément concret à disposition du ministre pouvant être interprété comme une absence de garanties suffisantes de représentation dans son chef.

Il affirme finalement être disposé à se soumettre à toutes autres mesures dans ce contexte, comme une éventuelle surveillance électronique.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

En ce qui concerne tout d’abord la question de la légalité externe de la décision déférée, critiquée par le demandeur au motif que la partie étatique l’aurait privé de l’accès à l’intégralité de son dossier administratif et ce, malgré plusieurs demandes afférentes de son litismandataire, 4le tribunal est amené à relever que s’il est certes vrai que l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 impose à l’administration une obligation de communication à première demande de l’intégralité du dossier administratif, cette obligation de communication n’est cependant pas une fin en soi, mais elle a pour but de permettre à l’administré de décider en pleine connaissance de cause, au vu des éléments dont dispose l’administration et sur le fondement desquels a été prise sa décision, s’il est utile pour lui de saisir une juridiction. La non-communication de l’entier dossier administratif ne constitue ainsi pas nécessairement et automatiquement une cause d’annulation de la décision litigieuse, laquelle repose sur des motifs qui lui sont propres, et ne saurait affecter la légalité de la décision administrative que dans l’hypothèse d’une violation vérifiée des droits de la défense3.

En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause qu’en date des 6 et 11 août 2021, le litismandataire du demandeur a sollicité, sur base de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, la communication du dossier administratif.

Il ressort ensuite d’un relevé « Track and Trace » de l’Entreprise des Postes et Télécommunication que, suite à cette demande, le ministre a, en date du 13 août 2021, envoyé par courrier recommandé une copie du dossier administratif de Monsieur … à son litismandataire, envoi qui était en date du 16 août 2021 toujours « en cours de distribution ».

Si le demandeur affirme certes avoir subi une lésion de ses droits de la défense en raison de la non-communication du dossier administratif et notamment de la décision de retour comportant un ordre de quitter le territoire sans délai à son égard et assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans du 27 juillet 2021, erronément daté du 28 juillet 2021, il reste cependant en défaut de préciser dans quelle mesure il aurait concrètement été empêché de faire valoir ses droits, dans la mesure où il ressort du dossier administratif que la décision litigieuse lui a été notifiée en date du 28 juillet 2021.

A cela s’ajoute que l’arrêté du 27 juillet 2021 précité figure parmi les éléments du dossier administratif soumis à son appréciation et que le conseil de Monsieur … a eu accès à l’intégralité du dossier administratif relatif à la présente affaire au moment du dépôt du mémoire en réponse par la partie étatique en date du 16 août 2021 et aurait pu demander, en temps utile, au tribunal l’autorisation de déposer un mémoire supplémentaire, ce qu’il n’a toutefois pas fait, de sorte qu’il est malvenu de faire état d’une quelconque violation de ses droits de la défense.

Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’article 11 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est à rejeter pour ne pas être fondé.

Ensuite, et en ce qui concerne la légalité interne de la décision ministérielle sous analyse, il y a lieu de rappeler que l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

3 En ce sens : Cour adm. 2 février 2016, n°37452C du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.

5En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Le tribunal constate qu’en l’espèce, le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, ayant notamment fait l’objet, en date du 27 juillet 2021, d’une décision de retour et d’une interdiction du territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans, qu’il n’est pas en possession d’un document d’identité et de voyage valables, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni encore d’une autorisation de travail et qu’il ne justifie ni l'objet et les conditions de son séjour envisagé, ni les ressources personnelles suffisantes, de sorte qu’en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel le risque de fuite est présumé plus particulièrement si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’il est exact que le demandeur conteste actuellement un risque de fuite dans son chef, le tribunal est amené à retenir qu’il n’a pas apporté le moindre élément permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef. En effet, il convient de relever qu’il appartient au demandeur de fournir des garanties de représentation suffisantes de nature à renverser cette présomption, ce qu’il reste en défaut de faire, de sorte que son argumentation consistant en substance à reprocher à l’Etat de ne pas avoir prouvé le risque de fuite, est à rejeter.

6Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle s’il avait eu « l’intention de fuir des autorités luxembourgeoises, il n’aurait sans doute pas exprimé son souhait d’être transféré au Grand-duché de Luxembourg par les autorités hollandaises », alors que celui-ci a été transféré vers le Grand-Duché du Luxembourg sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III aux termes duquel : « L’Etat membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : […] d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre. » et non pas, tel que relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, sur base de son souhait personnel.

A cela s’ajoute qu’il ressort des éléments du dossier administratif que Monsieur … ne s’est pas présenté à deux reprises à un entretien relatif à son retour volontaire, mais qu’il a, au contraire, selon ses propres déclarations, suivi sa compagne française pour s’installer avec elle à Paris, ces éléments étant de nature à corroborer l’existence du risque de fuite présumé dans son chef.

Au vu de ces considérations, le moyen fondé sur une absence de risque de fuite encourt le rejet pour ne pas être fondé.

S’agissant ensuite des diligences concrètement entreprises par le ministre en vue de l’identification et de l’éloignement du demandeur, force est au tribunal de constater que le 29 juillet 2021, les autorités ministérielles luxembourgeoises se sont adressées à l’Ambassade de la République de Guinée, située à Bruxelles, en vue de l’identification du demandeur et de l’établissement d’un laissez-passer en vue de son éloignement, demande qui a été réitérée en date du 13 août 2021.

Par courrier électronique du 15 août 2021, les autorités guinéennes ont invité les autorités luxembourgeoises à choisir une date pour procéder à l’entretien d’identification du demandeur.

Au vu des démarches déployées concrètement par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal est amené à retenir que les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme suffisantes et que les contestations y relatives sont à rejeter.

Etant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal que ces démarches seraient vouées à l’échec, l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de perspective raisonnable de croire que son éloignement puisse être mené à bien encourt, elle aussi, le rejet.

S’agissant finalement de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre lui aurait dû appliquer la mesure moins coercitive telle que visée à l’article 125, paragraphe (1), point b) de la loi du 29 août 2008, à savoir l’assignation à résidence, l’article 125, paragraphe (1), de ladite loi prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) […].

7On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite, tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de 8l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes4.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal est amené à constater que le demandeur ne lui a pas fourni le moindre élément visant à renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui en soumettant notamment des éléments concluants quant à des attaches particulières au Luxembourg, respectivement quant à une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg, étant précisé à cet égard que la SHUK ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, éléments qui seraient susceptibles d’établir dans son chef l’existence de garanties de représentation effective propres à prévenir un risque de fuite conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, risque de fuite, qui, tel que relevé ci-avant, est présumé dans son chef.

Ainsi, les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article ne sauraient être efficacement appliquées et le moyen afférent est à rejeter.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours subsidiaire en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 18 août 2021 par :

Daniel Weber, premier juge, Carine Reinech, juge, Marc Frantz, juge, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana Poiani s. Daniel Weber Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 août 2021 Le greffier du tribunal administratif 4 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n° 917 et les autres références y citées.


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 46357
Date de la décision : 18/08/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-08-18;46357 ?

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