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01/09/2021 | LUXEMBOURG | N°46396

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 septembre 2021, 46396


Tribunal administratif Numéro 46396 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 1er septembre 2021 Recours formé par Monsieur Mohamed …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46396 du rôle et déposée le 25 aoû

t 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au...

Tribunal administratif Numéro 46396 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 août 2021 chambre de vacation Audience publique de vacation du 1er septembre 2021 Recours formé par Monsieur Mohamed …, alias …, alias …, alias …, alias …, alias …, Findel, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.8.2008)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46396 du rôle et déposée le 25 août 2021 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky Stoffel, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur…, déclarant être né le … à … (Mauritanie) et être de nationalité mauritanienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 août 2021 prononçant la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique de vacation du 1er septembre 2021 et vu les remarques écrites de Maître Nicky Stoffel du 30 août 2021 et celles de Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath du 31 août 2021, produites, conformément à la circulaire du président du tribunal administratif, avant l’audience.

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En date du 14 mai 2010, Monsieur…, alias, …, alias …, alias …, alias …, alias …, désigné ci-après par « Monsieur … », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après désignée par la « loi du 5 mai 2006 ».

Par une décision du 6 septembre 2010, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Immigration considéra la demande de protection internationale comme ayant été implicitement retirée par Monsieur …, au motif que ce dernier ne s’était plus présenté au guichet du ministère.

Le 21 novembre 2013, les autorités suisses sollicitèrent la reprise en charge, par le Luxembourg de Monsieur …, qui y avait déposé une demande de protection internationale, le transfert de ce dernier ayant eu lieu le 11 février 2014.

Le 31 mars 2014, les autorités allemandes sollicitèrent la reprise en charge de Monsieur … par le Luxembourg, le transfert de ce dernier ayant eu lieu le 30 septembre 2015.

Par arrêté du 5 octobre 2015, notifié à l’intéressé en mains propres le 8 octobre 2015, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », constata que le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de 30 jours sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-

après désignée par « la loi du 29 août 2008 ».

En date du 8 octobre 2015, Monsieur… introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une nouvelle demande de protection internationale, qui fut déclarée irrecevable par une décision du ministre du 9 novembre 2015 sur base de l’article 23 de la loi du 5 mai 2006.

Le 26 janvier 2016, les autorités allemandes sollicitèrent, une nouvelle fois, la reprise en charge de Monsieur … par le Luxembourg, le transfert de ce dernier ayant eu lieu le 25 juillet 2016.

Par arrêté du 21 juillet 2016, notifié à l’intéressé le 25 juillet 2016, le ministre interdit à Monsieur … l’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans sur le fondement de l’article 124, paragraphe (2), de la loi du 29 août 2008.

Par un arrêté séparé pris le même jour, et notifié à l’intéressé également le 25 juillet 2016, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question. Par arrêtés des 22 août, 19 septembre, 17 octobre, 14 novembre et 19 décembre 2016, notifiés respectivement les 24 août, 23 septembre, 21 octobre 2016, 21 novembre 2016 et 21 décembre 2016, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur …, à chaque fois pour une durée d’un mois à compter de la notification de l’arrêté en question.

Les recours contentieux introduits contre les arrêtés des 22 août 2016, 17 octobre 2016, 14 novembre 2016 et 19 décembre 2016 furent rejetés respectivement par jugements du tribunal administratif du 28 septembre 2016, inscrit sous le numéro 38498 du rôle, du 2 novembre 2016, inscrit sous le numéro 38621 du rôle, du 7 décembre 2016, inscrit sous le numéro 38777 du rôle, et du 30 décembre 2016, inscrit sous le numéro 38910 du rôle.

Une demande de Monsieur … en obtention d’un sursis à l’éloignement pour raisons médicales fut refusée par une décision du ministre du 28 décembre 2016. Le recours contentieux introduit contre cette décision fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 16 mai 2018, inscrit sous le numéro 38969 du rôle.

Après sa remise en liberté le 20 janvier 2017 et suite à un contrôle d’identité à la Gare de Luxembourg, effectué par la police grand-ducale, unité C.I. Luxembourg, le même jour, le ministre prit, en date du 20 janvier 2017, un nouvel arrêté de placement en rétention à l’encontre de Monsieur …, qui fut annulé par un jugement du tribunal administratif du 17 février 2017, inscrit sous le numéro 39082 du rôle, jugement qui fut toutefois réformé par la Cour administrative à travers un arrêt du 28 février 2017, inscrit sous le numéro 39129C du rôle. Par arrêtés des 16 février, 15 mars, 18 avril et 16 mai 2017, notifiés respectivement endate des 20 février, 20 mars et 20 avril 2017, le ministre prorogea, à chaque fois pour une nouvelle durée d’un mois, le placement en rétention de Monsieur …. Les recours contentieux introduits contre lesdits arrêtés furent rejetés par des jugements du tribunal administratif du 7 avril 2017, inscrit sous le numéro 39329 du rôle, et du 12 mai 2017, inscrit sous le numéro 39501 du rôle. Le 24 mai 2017, Monsieur … fut libéré du Centre de rétention.

A la suite d’une demande de reprise en charge des autorités néerlandaises, Monsieur … fut transféré au Luxembourg le 21 juin 2019.

Par un arrêté du 21 juin 2019, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois.

Par arrêté́ du 16 juillet 2019, notifié à l’intéressé en mains propres le 19 juillet 2019, le ministre prorogea pour une durée d’un mois l’arrêté de placement en rétention précité du 21 juin 2019.

Les recours contentieux introduits contre les arrêtes des 21 juin et 16 juillet 2019 furent rejetés respectivement par jugements du tribunal administratif du 10 juillet 2019, inscrit sous le numéro 43230 du rôle et du 7 août 2019, inscrit sous le numéro 43373 du rôle.

Par arrêté du 14 août 2019, notifié à l’intéressé en mains propres le 19 août 2019, le ministre prorogea une nouvelle fois le placement en rétention initial de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté.

Le recours introduit contre l’arrêté du 14 août 2019 fut déclaré fondé par jugement du tribunal administratif du 30 août 2019, inscrit sous le numéro 43478 du rôle qui ordonna la libération immédiate du demandeur, ledit jugement ayant été reformé par la Cour administrative à travers un arrêt du 11 septembre 2019 portant le numéro 43521C du rôle.

Par arrêté du 17 septembre 2019, notifié à l’intéressé en date du 19 septembre 2019, le ministre prorogea une nouvelle fois le placement initial de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Le recours contentieux introduit contre ledit arrêté du 17 septembre 2019 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 11 octobre 2019, inscrit sous le numéro 43616 du rôle.

Par arrêté du 15 octobre 2019, notifié à l’intéressé en date du 18 octobre 2019, le ministre prorogea une nouvelle fois le placement initial de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre ledit arrêté du 15 octobre 2019 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 14 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43753 du rôle.

Par arrêté du 15 novembre 2019, notifié à l’intéressé en date du 18 novembre 2019, le ministre prorogea une nouvelle fois le placement initial de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre ledit arrêté du 15 novembre 2019 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 2 décembre 2019, inscrit sous le numéro 43818 du rôle.

En date du 18 décembre 2019, Monsieur … fut libéré du Centre de rétention.

En date du 9 mars 2020, il déposa une troisième demande de protection internationale au Luxembourg, celle-ci ayant été déclarée irrecevable par décision du ministre du 10 mars 2020, notifiée le lendemain.

Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre ladite décision du 10 mars 2020 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2020, inscrit sous le numéro 44335 du rôle.

Monsieur … ayant été intercepté par la police grand-ducale lors d’un contrôle en date du 9 janvier 2021, le ministre ordonna son placement en rétention pour une durée d’un mois par arrêté du même jour. Le recours contentieux introduit par Monsieur … contre l’arrêté précité du 9 janvier 2021 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 5 février 2021, inscrit sous le numéro 44550 du rôle.

Par arrêtés des 5 février, 8 mars, 7 avril, 5 mai et 7 juin 2021, notifiés respectivement en date des 9 février, 9 mars, 9 avril, 7 mai et 9 juin 2021, le ministre prorogea à chaque fois pour une nouvelle durée d’un mois le placement en rétention de Monsieur …. Les recours contentieux introduits contre lesdits arrêtés furent rejetés par des jugements du tribunal administratif du 23 février 2021, inscrit sous le numéro 45653 du rôle, du 7 avril 2021, inscrit sous le numéro 45827 du rôle, et du 27 avril 2021, inscrit sous le numéro 45911 du rôle, respectivement par jugement du président du tribunal administratif du 21 mai 2021, inscrit sous le numéro 46012 du rôle et par jugement du président du tribunal administratif du 25 juin 2021, inscrit sous le numéro 46130 du rôle Le 9 juillet 2021, Monsieur … fut libéré du Centre de rétention.

Lors d’un contrôle routier effectué le même jour par les agents de la Police grand-ducale sur l’aire de Capellen Nord de l’autoroute A6, en direction de la Belgique, Monsieur … fut à nouveau interpellé sans disposer ni de documents d’identité, ni de documents de voyage valables.

Par arrêté du 9 juillet 2021, le ministre ordonna un nouveau placement au Centre de rétention de Monsieur … pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, afin de préparer l’exécution de la mesure d’éloignement. Cet arrêté, qui fut notifié à l’intéressé le même jour, est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le procès-verbal du 9 juillet 2021 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 5 octobre 2015, lui notifiée en mains propres en date du 8 octobre 2015 ;

Vu mon interdiction d'entrée sur le territoire de trois ans du 21 juillet 2016, lui notifiée en mains propres en date du 25 juillet 2016 ;

4 Attendu que l'intéressé est dépourvu de tout document de voyage valable ;

Attendu qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Attendu par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par courrier du 19 juillet 2021, Monsieur … s’adressa sous le nom de … au ministère des Affaires étrangères, Direction de l’Immigration, Service Retours, pour déclarer qu’il désirait « être éloigné vers le Maroc dans les meilleurs délais possibles ».

Le recours contentieux dirigé en date du 20 juillet 2021 contre l’arrêté ministériel précité du 9 juillet 2021 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 28 juillet 2021, inscrit sous le numéro 46260 du rôle.

Par arrêté du 5 août 2021, notifié à l’intéressé le 9 août 2021, le ministre prorogea la mesure de placement initial prononcée contre Monsieur …, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 9 juillet 2021, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Attendu que les motifs à la base de la mesure de placement du 9 juillet 2021, subsistent dans le chef de l’intéressé ;

Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 août 2021, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre l’arrêté ministériel précité du 5 août 2021 ordonnant la prorogation de son placement en rétention.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté ministériel du 5 août 2021.

Le recours principal en réformation est encore recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre le même arrêté ministériel.

Après avoir relaté les faits et rétroactes tels que repris ci-avant, le demandeur soutient en droit qu’à l’exception du droit illimité à la correspondance et de la dispense de l’obligation de travail, le régime auquel les étrangers placés au Centre de rétention seraient soumis, serait similaire voire identique à celui des détenus normaux. Une telle rétention constituerait un traitement dégradant, constitutif d’une atteinte intolérable à sa liberté et serait contraire aux articles 3 et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par une loi du 29 août 1953, désignée ci-après par « la CEDH ».

Le demandeur rappelle ensuite que le placement au Centre de rétention de l’étranger constituerait une faculté accordée au ministre en vue d’un éloignement vers le pays d’origine de l’intéressé et non pas une obligation systématique et que cette faculté ne serait pas discrétionnaire, mais devrait être suffisamment motivée.

Après avoir cité les termes de l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, il relève qu’il serait de jurisprudence constante qu’une mesure de rétention serait indissociable de l’attente de l’exécution de l’éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois. Il incomberait ainsi au ministre d’expliquer et de documenter avec précision les démarches qu’il estime requises pour écourter au maximum sa privation de liberté, de même qu’il lui appartiendrait de mener toutes les diligences en vue d’un éloignement rapide.

Dans ce contexte, le demandeur estime encore que l’arrêté du 5 août 2021 ne serait pas assez précis, ni en ce qui concerne les mesures actuellement entreprises par le ministre, ni en ce qui concerne l’impossibilité de recourir à des mesures moins coercitives. En effet, en se bornant à énoncer que les démarches nécessaires en vue de son éloignement « seront engagées dans les plus brefs délais », le ministre resterait en défaut de préciser combien de temps serait encore nécessaire pour l’aboutissement de ces démarches. Il ne ressortirait pas non plus de l’arrêté litigieux, qu’il y aurait des « chances raisonnables » de croire que les démarches entreprises aboutiraient à son éloignement.

En tout état de cause, les diligences entreprises par le ministre ne pourraient, selon le demandeur, pas être qualifiées de suffisantes, alors qu’elles seraient trop maigres pour être de nature à permettre son retour rapide dans son pays d’origine. Dans ce contexte, le demandeur, estime encore que le placement en rétention le priverait du droit au respect de sa vie privée de sorte à constituer une violation de l’article 8 de la CEDH.

Finalement, le demandeur estime qu’il devrait bénéficier notamment de la mesure moins coercitive visée à l’article 125, paragraphe (1), point (b) de la loi du 29 août 2008, à savoir l’assignation à résidence « auprès du SHUK au Kirchberg », tout en indiquant, à cet égard, accepter toutes les conditions liées à une telle mesure moins coercitive et notamment celles de ne pas quitter le pays et de ne pas se soustraire aux exigences des autorités luxembourgeoises.

Il conclut que les conditions d’un placement en rétention ne seraient pas remplies, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer la décision ministérielle litigieuse.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en tous ses moyens.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

En ce qui concerne tout d’abord le reproche du demandeur selon lequel la décision déférée ne serait pas suffisamment motivée, sinon ne serait pas motivée de manière assez précise, le tribunal est amené à conclure que s’il est vrai qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, le cas d’espèce sous examen ne tombe cependant dans aucune des hypothèses énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 précité, de sorte que l’obligation inscrite à l’article 6, alinéa 2, du règlement grand- ducal du 8 juin 1979, précité, ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce. Etant donné qu’il n’existe, en outre, aucun autre texte légal ou réglementaire exigeant l’indication des motifs se trouvant à la base d’une mesure de placement en rétention, sans demande expresse de l’intéressé, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision déférée, de sorte que le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs doit être rejeté pour ne pas être fondé.

Quant au fond, il échet de relever qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008: « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), alinéas 1 et 2 de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment l’identification de l’intéressé, s’il ne dispose pas de documents d’identité, ensuite la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que desdémarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de la réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3), de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Le tribunal relève qu’il est constant en cause, pour avoir par ailleurs été retenu à d’itératives reprises par les jugements et arrêts précités des juridictions administratives, que le demandeur est en situation irrégulière au Luxembourg, ce qui ressort, par ailleurs, de l’arrêté ministériel, précité, du 5 octobre 2015 déclarant le séjour du demandeur sur le territoire luxembourgeois irrégulier et lui ordonnant de quitter ledit territoire dans un délai de trente jours, de même qu’une interdiction de territoire a été prononcée à son encontre en date du 21 juillet 2016, de sorte que l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite est présumée, en vertu de l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] ».

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement et maintenir son placement, sans qu’il n’en ressorte une violation des articles 3 et 5 de la CEDH, étant relevé que l’article 5 de la CEDH prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une mesure d’éloignement ou d’extradition est en cours, et que le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit que le régime de la rétention administrative serait de nature à pouvoir être qualifié de traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer la mesure moins coercitive telle que visée à l’article 125, paragraphe (1), point b) de la loi du 29 août 2008, l’article 125, paragraphe (1), de ladite loi prévoit ce qui suit :

« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution 8 de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) (…).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1), sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, lestrois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal constate, à cet égard, que le demandeur ne lui a toujours pas soumis le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef, tel qu’il a été retenu ci-avant, alors que la simple affirmation selon laquelle il pourrait être hébergé à la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg (SHUK) ne saurait suffire à cet égard, le demandeur ne disposant d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et ne présentant aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article s’imposerait. Il s’ensuit que l’affirmation du demandeur relative à une violation de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 est à écarter, étant relevé que le tribunal a eu l’occasion de retenir dans le jugement précité du 28 juillet 2021 que le fait non contesté que le demandeur avait déjà à plusieurs reprises fait échec à des transferts sur base du règlement (UE) numéro 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, et qu’il a, dans le passé, utilisé plusieurs identités et nationalités différentes, est plutôt de nature à corroborer l’existence d’un risque de fuite dans son chef.

S’agissant, ensuite, de l’argumentation du demandeur selon laquelle les diligences entreprises par le ministre pour exécuter son éloignement seraient insuffisantes, et que, par ailleurs, il n’existerait aucune perspective d’éloignement dans un délai raisonnable, il convient tout d’abord de préciser que si le demandeur a été placé par le passé à d’itératives reprises au Centre de rétention et qu’il a introduit des recours contentieux contre un grand nombre des décisions ministérielles ayant ordonné son placement en rétention, le tribunal est saisi en l’espèce d’un recours dirigé contre la seule décision ministérielle du 5 août 2021 venant proroger la mesure de placement au Centre de rétention prononcée à son encontre le 9 juillet 2021, de sorte que l’analyse du tribunal se limitera aux diligences déployées par les autorités ministérielles depuis ladite décision de prorogation.

En qui concerne ensuite les démarches concrètement entreprises, en l’espèce, par le ministre pour organiser l’éloignement du demandeur, il y a lieu de relever que le tribunal a constaté dans son jugement précité du 28 juillet 2021 qu’il ressortait du jugement précité du 25 juin 2021 que par une note verbale datée du 21 mai 2021, le consulat général du Royaume du Maroc à Liège avait finalement informé les autorités luxembourgeoises que l’intéressé a été formellement identifié en tant que ressortissant marocain, appelé … et né le … à … (Maroc) et que le consulat avait par la même occasion informé le ministre qu’il était disposé, si toutes les conditions étaient remplies et notamment les frontières nationales marocaines ré-ouvertes, à délivrer un laissez-passer à l’intéressé. Le tribunal a encore mis en avant dans son jugement du 28 juillet 2021 que le 19 juillet 2021, le ministre s’est adressé au Consulat général du Royaume 1 Trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Etrangers, n°917 et les autres références y citées.du Maroc à Liège pour l’informer que suite à son accord de délivrer un laissez-passer au nom de Monsieur …, alias …, ce dernier avait déclaré vouloir retourner au plus vite vers le Royaume du Maroc, tout en demandant aux services du Consulat, eu égard à l’ouverture progressive des frontières du Royaume du Maroc et à l’absence de recours pendant dans le processus d’éloignement de l’intéressé, de confirmer qu’ils étaient disposés à délivrer un laissez-passer au nom de l’intéressé afin qu’un plan de vol puisse être établi en vue du retour de Monsieur ….

C’est sur base de ces considérations que le tribunal a retenu dans son jugement précité du 28 juillet 2021 qu’au vu des diligences ainsi accomplies par les autorités ministérielles luxembourgeoises en vue de l’éloignement du demandeur - en ce sens qu’elles avaient, à ce stade de l’analyse du dossier, du moins partiellement abouti, dans la mesure où le demandeur avait pu être identifié et que les autorités marocaines s’étaient déclarées disposées à émettre un laissez-passer à son nom -, les démarches entreprises jusque-là étaient à qualifier de suffisantes au regard des exigences posées par la loi, sans qu’il n’existe de raisons de penser que l’éloignement ne puisse, à ce stade, pas être mené à bien.

En ce qui concerne l’évolution qu’a connue ce dossier depuis le jugement du tribunal administratif du 28 juillet 2021 et la prorogation de la mesure de placement actuellement litigieuse, il résulte du dossier administratif que, par courrier du 22 juillet 2021, qui, suivant les éléments figurant au dossier administratif, ne semble avoir été transmis au service compétent du ministère qu’en date du 28 juillet 2021, le Consulat Général du Maroc à Liège a informé le ministre que « la délivrance des laissez-passer au profit des personnes identifiées marocaines frappées par des mesures d’éloignement du Grand-Duché de Luxembourg » était momentanément suspendue « suite aux instructions des Autorités Marocaines Compétentes », tout en précisant qu’un « laissez-passer ne pourra être délivré qu’après reprise normale des délivrances des laissez-passer concernant les éloignements et si toutes les conditions nécessaires sont réunies ».

Il se dégage, à cet égard, des explications étatiques que suite à la prise de connaissance de ce courrier, la direction de l’Immigration a jugé qu’une intervention de la part du ministre en personne auprès des autorités marocaines au plus haut niveau diplomatique était nécessaire afin d’accélérer la délivrance d’un laissez-passer dans le chef du demandeur et qu’une telle intervention est prévue au début du mois de septembre 2021 après le retour de congé du ministre. Il serait ainsi concrètement prévu que le ministre contacte personnellement l’ambassadeur du Maroc à Bruxelles pour solliciter son assistance en vue de la réadmission du demandeur au Maroc et plus précisément en vue de la délivrance d’un laissez-passer pour un vol direct vers ce pays.

Même s’il est vrai que les autorités marocaines ont informé les autorités luxembourgeoises le 22 juillet 2021 que la délivrance de laissez-passer dans le chef de ressortissants marocains faisant l’objet d’une mesure d’éloignement était temporairement suspendue, le tribunal est d’avis qu’eu égard à tous les éléments à sa disposition et plus particulièrement compte tenu du fait que suite à l’identification du demandeur, en mai 2021, en tant que ressortissant marocain, les autorités marocaines ont, dans un premier temps, marqué leur accord pour délivrer un laissez-passer dans le chef de celui-ci, la prorogation de la mesure de placement initiale n’est, au vu des circonstances particulières de l’espèce, et plus particulièrement devant l’information étatique qu’il est prévu que le ministre intervienne début septembre en personne auprès de l’ambassadeur du Maroc à Bruxelles pour solliciter son assistance en vue de la réadmission du demandeur au Maroc et plus particulièrement en vue de la délivrance d’un laissez-passer pour un vol direct vers le Maroc, pas sujette à critique, letribunal ne disposant, en effet, à ce stade de son analyse pas d’éléments suffisants pour conclure que l’exécution de l’éloignement s’avère d’ores et déjà impossible, notamment au regard de l’intervention personnelle du ministre auprès de l’Ambassadeur du Maroc à Bruxelles. Ce constat s’impose d’autant plus qu’il ne se dégage pas du courrier des autorités marocaines du 22 juillet 2021 une quelconque impossibilité, respectivement un refus de celles-ci de délivrer à court terme un laissez-passer dans le chef du demandeur, dont le processus d’identification est, tel que relevé ci-avant, achevé, puisqu’il y est uniquement question d’une suspension temporaire.

Au regard des diligences ainsi déployées, le tribunal est amené à retenir qu’en l’état actuel du dossier et des éléments soumis à son appréciation, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire sans qu’il ne se dégage du dossier qu’il ne puisse pas être mené à bien.

Enfin, en ce qui concerne le moyen brièvement abordé par le demandeur suivant lequel la mesure actuellement sous examen violerait l’article 8 de la CEDH, il échet de rappeler que les moyens simplement suggérés, sans être soutenus effectivement, ne sont pas à prendre en considération par le tribunal, sauf à constituer des moyens que le tribunal aurait pu invoquer d’office, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, le tribunal n’est pas en mesure de prendre position par rapport à des moyens simplement suggérés, mais non soutenus effectivement, puisque l’exposé d’un moyen de droit requiert non seulement la désignation de la règle de droit qui serait violée, mais encore la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué2. Ainsi, il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence de la partie concluante et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions3.

Dès lors, dans la mesure où le demandeur est resté en défaut de préciser, concrètement et par rapport à sa situation personnelle, comment, respectivement pourquoi son droit « au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance », tel que consacré à travers l’article 8 de la CEDH, aurait été violé par la décision ministérielle déférée, le moyen y relatif est à rejeter.

Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée. Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

2 Trib.adm., 9 décembre 1998, nos 9833 et 10188 du rôle et trib. adm., 17 février 2016, n° 34630 du rôle, Pas. adm.

2020, V° Procédure contentieuse, n° 922 et les autres références y citées.

3 Ibidem.

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 1er septembre 2021 par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Carine Reinesch, juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Alexandra Castegnaro Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er septembre 2021 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 46396
Date de la décision : 01/09/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 21/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-09-01;46396 ?

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