La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2021 | LUXEMBOURG | N°43168

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 septembre 2021, 43168


Tribunal administratif Numéro 43168 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2019 4e chambre Audience publique de vacation du 15 septembre 2021 Recours formé par La société anonyme … SA SPF, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

__________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43168 du rôle et déposée le 21 juin 2019 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple Bonn S

teichen & Partners SCS, établie et ayant son siège social à L-2370 Howald, 2, rue Peternelch...

Tribunal administratif Numéro 43168 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 juin 2019 4e chambre Audience publique de vacation du 15 septembre 2021 Recours formé par La société anonyme … SA SPF, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

__________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 43168 du rôle et déposée le 21 juin 2019 au greffe du tribunal administratif par la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners SCS, établie et ayant son siège social à L-2370 Howald, 2, rue Peternelchen, Immeuble C2, inscrite à la liste V du tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par son gérant commandité actuellement en fonctions, la société à responsabilité limitée BSP SARL, établie et ayant son siège social L-2370 Howald, 2, rue Peternelchen, Immeuble C2, elle-même représentée aux fins de la présente procédure par son gérant, Maître Alain Steichen, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de la société anonyme … SA SPF, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro … et ayant établi son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 mai 2019, référencée sous le numéro de rôle C 26134, portant rejet du recours hiérarchique formel introduit le 21 mars 2019 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 novembre 2019 ;

Vu le mémoire en réplique de la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners SCS, préqualifiée, déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2019 au nom et pour le compte de la société anonyme … SA SPF, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement, déposé au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Daniel Riedel, assisté de Maître Olivier Schank, en remplacement de Maître Alain Steichen, et Monsieur le délégué du gouvernement Eric Pralong en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 janvier 2021.

___________________________________________________________________________

1 Par courriers du 28 décembre 2018, le bureau d’imposition Sociétés Diekirch, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », enjoignit à la société anonyme … SA, une société de gestion de patrimoine familial, ci-après désignée par « la société … », de déposer dans le mois, sous peine d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 25.000 euros, les déclarations d’impôt sur le revenu, d’impôt commercial communal et d’impôt sur la fortune pour les années fiscales 2010 à 2016.

Nonobstant le courrier explicatif du litismandataire de la société … du 23 janvier 2019, le bureau d’imposition émit le 20 février 2019 une sommation astreinte à l’égard de cette dernière pour le dépôt de ses déclarations avant le 31 mars 2019.

Par courrier de son litismandataire du 21 mars 2019, la société … s’adressa au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », afin d’introduire un recours hiérarchique formel au sens du paragraphe 237 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après désignée par « AO », contre la sommation astreinte du 20 février 2019.

Par une décision du 20 mai 2019, répertoriée sous le numéro … du rôle, le directeur rejeta ledit recours hiérarchique formel comme n’étant pas fondé. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) Vu la requête introduite en date du 20 mars 2019 par Me Alain Steichen, de la société en commandite simple Bonn Steichen & Partners, au nom de la société anonyme …, avec siège social à L-…, tendant à l'annulation des décisions du bureau d'imposition Sociétés Diekirch du 20 février 2019 portant sommation de déposer les déclarations pour l'impôt sur le revenu des collectivités, pour l'impôt commercial communal et pour l'impôt sur la fortune des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 pour le 31 mars 2019 au plus tard, sous peine d'astreintes de 1.200 euros par année d'imposition ;

Vu le dossier fiscal ;

Considérant que si l'introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n'est incompatible, en l'espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d'examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu'il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu'il n'y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que le bureau d'imposition s'est tourné moyennant missives datant du 28 décembre 2018 vers la recourante afin de l'inviter à remettre des déclarations pour l'impôt sur le revenu des collectivités, pour l'impôt commercial communal et pour l'impôt sur la fortune des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, ceci dans le but de vérifier si elle remplit les critères prévus par la loi modifiée du 11 mai 2007 relative à la création d'une société de gestion de patrimoine familial (« SPF ») ;

Considérant que suite à ces mandements, la recourante a informé le bureau d'imposition par un courrier daté au 23 janvier 2019, qu'elle ne serait pas tenue à l'obligation de déposer les déclarations d'impôt en question au motif qu'elle serait exempte de l'impôt sur 2 le revenu des collectivités, de l'impôt commercial communal et de l'impôt sur la fortune en vertu de l'article 4 de la loi modifiée du 11 mai 2007 ;

Considérant que pour être dispensé de l'obligation de remise d'une déclaration d'impôt, le contribuable peut uniquement invoquer la disposition inscrite au § 202, alinéa 7 de la loi générale des impôts (AO) aux termes de laquelle : « Wer meint, zur Erfüllung der Aufforderung nicht verpflichtet zu sein, hat dies dem Finanzamt rechtzeitig unter Darlegung der Gründe mitzuteilen » ; qu'or, le bureau d'imposition n'a pas jugé pertinentes les raisons mises en avant par la recourante en vue de la décharger de son obligation de remise des déclarations d'impôt sollicitées ;

Considérant que par des sommations du 20 février 2019, le bureau d'imposition, autorisé par le § 202 AO à prononcer des astreintes pour amener les contribuables récalcitrants à s'acquitter de leurs obligations, a averti la recourante qu'à défaut de déposer les déclarations d'impôt susmentionnées jusqu'au 31 mars 2019 au plus tard, des astreintes d'un montant de 1.200 euros par année d'imposition seraient fixées à son égard ;

Quant à la recevabilité Considérant qu'en vertu du § 237 AO, ayant la teneur suivante : « Gegen andere als die in den Paragraphen…, 211, 212, 214, 215, 215a und 212a. Absatz 1, und 235 bezeichneten Verfügungen von Steuerbehörden ist lediglich die Beschwerde gegeben. », la voie de recours contre une telle décision (ou contre un tel acte administratif) est le recours hiérarchique formel du § 303 AO (Beschwerde) dont le délai de trois mois court à partir de la notification, qui, en cas de pli recommandé, est accomplie le troisième jour après la mise à la poste , Considérant que les recours contre les sommations-astreinte ont été introduits par qui de droit dans les forme et délai de la loi ; qu'ils sont partant recevables ;

Quant au fond Considérant, en d'autres termes et afin de mieux situer la problématique de l'espèce dans son contexte, que le seul point fustigé par la requérante est le grief formulé à l'encontre du bureau d'imposition en ce qu'il aurait osé vérifier, par le biais de déclarations fiscales et partant en parfaite harmonie avec les devoirs et obligations incombant de manière générale à un bureau d'imposition de l'Administration des contributions directes, si en effet l'ensemble des conditions et modalités prévues par les dispositions légales intervenant en la matière sont remplies afin que la réclamante puisse bénéficier de l'exemption fiscale totale prévue par l'article 161, alinéa 1er, n° 10 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.), se lisant comme suit : « Sont exempts de l'impôt sur le revenu des collectivités :

(…) 10. les organismes à caractère collectif exemptés par les dispositions d'une loi spéciale », dont, entre autres, les SPF visées par la loi modifiée du 11 mai 2007 ;

Considérant que lesdites conditions et modalités sont entre autres, et de manière non exhaustive, régies par les articles 116, 117, 153, 159, 161, 162 L.I.R., ainsi que, le cas échéant, par les règlements grand-ducaux pris en leur exécution ; qu'en ce qui concerne la loi générale 3 des impôts, elles sont régies entre autres et également de manière non exhaustive par les §§ 167, alinéa 2, 170, 171 et 172, et, finalement, de manière explicite par le § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) ; qu'en ce qui concerne in fine le volet des règles à observer expressément afin de pouvoir bénéficier du statut SPF, il y a lieu de se référer à la loi modifiée du 11 mai 2007, sus-énoncée ;

Considérant, à titre liminaire et en matière de principe, que le § 2 StAnpG, ayant trait à la notion de « Ermessen » (« équité »), dispose que :

(1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessens-Entscheidungen), müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht.

(2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessens-Entscheidungen nach Billigkeit und Zweckmäβigkeit zu treffen. » ;

qu'en d'autres termes, l'Administration des contributions directes, usant d'un pouvoir discrétionnaire, doit toujours veiller à procéder selon des considérations d'équité et d'opportunité, de sorte qu'il échoit dorénavant de vérifier si le bureau d'imposition, ayant invité la recourante à remettre des déclarations pour l'impôt sur le revenu des collectivités, pour l'impôt commercial communal et pour l'impôt sur la fortune des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016, n'a pas dépassé le cadre légalement prévu en ce qui concerne ses pouvoirs et compétences ;

Considérant, dans ce contexte, qu'en vertu des §§ 167, alinéa 2, 170, 171 et 172 AO le bureau d'imposition est autorisé formellement à inviter un contribuable — et ceci indépendamment de sa personnalité juridique (il s'agit donc tout aussi bien des personnes physiques que des personnes morales qui sont visées) — à remettre une (des) déclaration(s) fiscale(s) si, pour quelque raison que ce soit, il le juge nécessaire et approprié ; que le § 167, alinéa 2 AO, faisant autorité dans le présent contexte car formulé de manière universelle, explicite et sans équivoque, est libellé comme suit :

« Soweit in den Steuergesetzen nichts anderes bestimmt ist, ist zur Abgabe einer Steuererklärung jeder verpflichtet, der dazu vom Finanzamt aufgefordert wird. » ;

que cette consigne, outre de se montrer auto-explicative car inhéremment logique et intelligible, présente le moyen primordial et essentiel du bureau d'imposition afin d'être en mesure de s'acquitter de ses tâches et missions journalières, de sorte qu'on ne saurait reprocher en l'espèce un excès de zèle au bureau d'imposition en ce qu'il aurait dépassé, dans le sens le plus étroit du § 2 StAnpG, ses pouvoirs et compétences, sa mission étant justement de veiller à imposer, en raison et en équité, et notamment sur un pied d'égalité, l'ensemble des contribuables ; qu'admettre le contraire équivaudrait à priver l'Administration des contributions de son moyen de contrôle le plus fondamental ; qu'en ce qui concerne par ailleurs le bout de phrase « Soweit in den Steuergesetzen nichts anderes bestimmt ist (…) », force est d'admettre qu'en l'état de la législation, il n'existe pas de telle disposition ; que même au cas où une personne physique présumée non imposable par voie d'assiette et en principe dispensée de remplir une déclaration d'impôt selon les dispositions de l'article 153 L.I.R., se verrait adresser une déclaration d'impôt par le bureau d'imposition, elle serait néanmoins obligée de la remplir aux fins du contrôle de son imposabilité ;

4 Considérant de plus que l'article 116 L.I.R., ensemble le règlement grand-ducal du 13 mars 1970 en portant exécution, par le biais de l'article 162 L.I.R., reliant (et rendant ainsi applicables) une grande partie des dispositions spécifiques des personnes physiques aux personnes morales, prescrit avec clarté que, d'un côté, « les revenus et autres données nécessaires pour la fixation de l'impôt doivent être déclarés au préposé du bureau d'imposition d'après les modalités à fixer par règlement grand-ducal. », alors que de l'autre côté, ledit règlement grand-ducal retient que « (…), tout contribuable est tenu de faire annuellement la déclaration de ses revenus » (alinéa 1er), et qu'en outre « (…) toute personne qui est individuellement invitée par l'administration des contributions à présenter une déclaration est tenue de la faire » (article 3) ; que de surcroît — ce qui ne fut cependant pas le cas en l'espèce mais contribue néanmoins à corroborer la pertinence et le bien-fondé de l'acte commis par le bureau d'imposition — « un contribuable ne peut se prévaloir du fait qu'une formule de déclaration ne lui aurait pas été remise par l'administration pour se soustraire à l'obligation de la déclaration » (article 4) ;

Considérant qu'il a été retenu à de maintes reprises qu'« Une astreinte a pour but d'amener un contribuable récalcitrant à s'acquitter de ses obligations envers le bureau d'imposition compétent et il n'appartient pas au contribuable de décider s'il doit ou non remettre une déclaration, alors que toute personne qui est individuellement invitée par le bureau d'imposition à présenter une déclaration est tenue de la faire et l'administration est en droit de s'opposer à une décharge de l'obligation de remise de la déclaration d'impôt si elle juge les raisons mises en avant non pertinentes », ce qui fut d'ailleurs exactement le cas en l'occurrence (voir supra) ;

Considérant encore que s'il est parfaitement vrai qu'en vertu de l'article 161, alinéa 1er, n° 10 L.I.R. « Sont exempts de l'impôt sur le revenu des collectivités : (…) 10. les organismes à caractère collectif exemptés par les dispositions d'une loi spéciale. », il ne demeure certes pas moins vrai que l'article 161 L.I.R. représente une dérogation au principe général tel qu'instauré par l'article 159 L.I.R., retenant en son alinéa 1er que « Sont considérés comme contribuables résidents passibles de l'impôt sur le revenu des collectivités, les organismes à caractère collectif énumérés ci-après, pour autant que leur siège statutaire ou leur administration centrale se trouve sur le territoire du Grand-Duché. A. — 1. Les sociétés de capitaux. Sont considérées comme telles les sociétés anonymes, (…) », telle la recourante ;

Considérant qu'il va dès lors de soi que pour être en mesure de vérifier si une société anonyme au sens de l'article 159, alinéa 1er, littera A, n° 1 L.I.R., en principe pleinement imposable, peut bénéficier de l'exception prévue par l'article 161 L.I.R., le bureau d'imposition doit de manière impérative procéder au contrôle, via envoi et vérification des déclarations d'impôt, de l'ensemble des activités réelles et effectives de la société en cause ; que force est d'éviter une concurrence déloyale vis-à-vis d'autres établissements et entreprises actifs dans un domaine similaire (par exemple le secteur des sociétés à participations financières) en délestant de sa charge fiscale un établissement ou une entreprise dont les activités dépassent clairement celles de la gestion de patrimoine familial, donc celles expressément visées et requises par la loi modifiée du 11 mai 2007, au seul motif qu'elle opère à travers la forme juridique d'une SPF ;

Considérant, en guise de conclusion, que le bureau d'imposition est à confirmer dans sa manière d'agir, notamment en faisant parvenir à la recourante des déclarations pour l'impôt 5 sur le revenu des collectivités, pour l'impôt commercial communal et pour l'impôt sur la fortune des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016 à des fins de contrôle de la conformité de ses activités aux critères prévus tant par l'article 161, alinéa 1er, n° 10 L.I.R. que par la loi modifiée du 11 mai 2007, nonobstant le fait qu'elle revêt la forme d'une SPF ; qu'il en découle que c'est à juste titre que le bureau d'imposition a averti la recourante qu'à défaut de déposer les déclarations susmentionnées jusqu'au 31 mars 2019 au plus tard, des astreintes d'un montant de 1.200 euros par année d'imposition seraient fixées à son égard ;

PAR CES MOTIFS reçoit les recours en la forme, les rejette comme non fondés. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2019 et inscrite sous le numéro 43168 du rôle, la société … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision, précitée, du directeur du 20 mai 2019 ayant rejeté son recours hiérarchique formel du 21 mars 2019.

En ce qui concerne la question de la recevabilité du recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur intervenue sur recours hiérarchique formel, le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, s’est rapporté à prudence de justice, ce qui équivaut à une contestation. La demanderesse n’a pas pris position sur ce point.

Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 237 AO et de l’article 8, paragraphe (3) 2. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désigné par « la loi du 7 novembre 1996 », aux termes duquel « 2. En cas d’application du §237 de la loi générale des impôts le tribunal administratif statue conformément aux dispositions de l’article 2. », le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge de l’annulation sur un recours introduit contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’un recours hiérarchique formel. En effet, aux termes de l’article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996, auquel l’article 8, paragraphe (3) 2. de la même loi renvoie expressément en cas d’application du paragraphe 237 AO, « (1) Le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements. ».

Il s’ensuit que le tribunal est dès lors incompétent pour connaître du recours principal en réformation.

Le recours subsidiaire en annulation est cependant recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse, après avoir exposé les rétroactes à la base du présent litige, se prévaut, tout d’abord, des articles 6 et 8 de la loi modifiée du 11 mai 2007 relative à la création d'une société de gestion de patrimoine familial, ci-après désignée par « la loi du 11 mai 2007 », pour soutenir que le pouvoir de contrôle, de surveillance et de sanction des sociétés de gestion de patrimoine familial, ci-après désignées par « SPF », appartiendrait, 6 de manière exclusive à l'administration de l'Enregistrement et des Domaines, ci-après désignée par l'« AED », et plus particulièrement à son directeur. Cette compétence de l’AED porterait notamment sur « les faits et données concernant le statut fiscal de la SPF », de sorte à disposer du pouvoir de vérifier si les activités et les investissements d'une SPF sont conformes aux dispositions de la loi du 11 mai 2007 et sinon d'en tirer les conséquences en fonction de la gravité du non-respect de telle ou telle disposition, la sanction ultime consistant en le retrait du statut de SPF et partant en la soumission au régime fiscal normal des sociétés commerciales, tel que ces pouvoirs seraient précisés par les travaux parlementaires relatives à la loi modifiée du 31 juillet 1929 sur le régime fiscal des sociétés à participations financières. Selon la demanderesse, tant qu'il n'y aurait pas eu une décision de retrait du directeur de l'AED, suite à un débat contradictoire, une SPF maintiendrait son statut dérogatoire au régime fiscal normal des sociétés commerciales, de sorte à n’être soumise qu’à la taxe d'abonnement prévue à l'article 5 de la loi du 11 mai 2017 et à rester en dehors du contrôle de l'administration des contributions directes, analyse qui serait encore corroborée par le paragraphe 178 AO interdisant notamment à l’administration des Contributions directes de solliciter des renseignements aux fins d'imposition aux SPF. Dans la mesure où aucune décision de retrait ne lui aurait enlevé le statut d'SPF, la demanderesse resterait entièrement soumise au contrôle de l'AED, de sorte que la décision directoriale déférée confirmant la sommation-astreinte du bureau d’imposition pour le dépôt de ses déclarations fiscales endéans un certain délai devrait être annulée pour être entachée d'un vice d'incompétence.

La demanderesse sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure sur le fondement de l'article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », d’un montant de 5.000 euros au motif qu’elle aurait dû exposer des frais considérables afin de défendre ses droits face à la persistance de l’administration des Contributions directes quant au dépôt de déclarations fiscales et malgré la circonstance que cette dernière aurait dû savoir n’avoir aucune compétence sur les SPF.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours au motif que même si les SPF seraient par principe exemptes de l'impôt sur le revenu, de l'impôt commercial communal et de l'impôt sur la fortune, il serait apparu que la demanderesse aurait concédé des prêts rémunérés à d'autres sociétés, et plus particulièrement aux sociétés … SARL, … et …, activité qui ne serait pas compatibles avec l'objet social d'une SPF, lequel ne devrait être que « l'acquisition, la détention, la gestion et la réalisation d'actifs financiers (…) à l'exclusion de toute activité commerciale », tel que cela ressortirait explicitement de la loi du 11 mai 2007, ainsi que des travaux parlementaires n°5637/00 y relatifs.

Quant aux dispositions légales invoquées par la demanderesse, le délégué du gouvernement fait, tout d’abord, valoir que le paragraphe 178bis AO concernerait uniquement le cas où des informations seraient demandées à une SPF sur des tiers, de sorte que ledit paragraphe ne saurait être interprété comme interdisant à l’administration des Contributions directes de demander à une société prétendant erronément pouvoir bénéficier du statut SPF de déposer ses propres déclarations fiscales.

Par ailleurs, le pouvoir de contrôle de l'AED, tel que lui conféré par le biais des articles 6 et 8 de la loi du 11 mai 2007, ne serait pas exclusif et n’empêcherait pas l’administration des Contributions directes à demander des renseignements à une SPF, d’autant plus s’il était manifeste que la société en question ne devrait pas bénéficier du régime SPF lorsqu'elle 7 accorderait des prêts rémunérés à d'autres sociétés. Pour fonder la compétence afférente de l’administration des Contributions directes, le délégué du gouvernement se base sur le paragraphe 167 (2) AO, sur l'article 116 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », ainsi que sur les articles 1, 2 et 3 du règlement grand-ducal modifié du 13 mars 1970 portant exécution de l'article 116 LIR, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 13 mars 1970 », obligeant toute personne, contribuable ou non, de déposer une déclaration fiscale à partir du moment où l’administration des Contributions directes l’inviterait de ce faire.

Finalement, le délégué du gouvernement conclut au rejet de la demande d’octroi d’une indemnité de procédure de la société … pour ne pas être fondée.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse, après avoir relevé qu’il ressortirait du dossier administratif que l’administration des Contributions directes aurait elle-même de sérieux doutes quant à sa compétence à l’égard de SPF, rétorque à l’argumentation du délégué du gouvernement basée sur paragraphe 167 (2) AO, que la loi du 11 mai 2007 serait une loi spéciale prévoyant des dispositions d’ordre fiscal rendant le prédit paragraphe de l’AO inapplicable en l’espèce, dans la mesure où ce dernier préciserait expressément, d’une part, en ce qui concerne son champ d’application « (…) Soweit in den Steuergesetzen nichts anderes bestimmt ist (…) », et, d’autre part, qu’il ne viserait que les « Steuerpflichtige », ce qui ne serait pas son cas. Elle se prévaut encore, dans ce contexte, des travaux parlementaires n°5637/00 relatifs à la loi du 11 mai 2007, ainsi que de l’avis du Conseil d’Etat y relatif. Dans la mesure où la loi du 11 mai 2007 serait une loi spéciale, l'adage « lex specialis derogat legi generali » serait à appliquer, de sorte que la demanderesse ne devrait être soumise qu’aux seules dispositions de la prédite loi et relever exclusivement de l'AED, seule susceptible de lui ôter le régime fiscal prévu par la loi du 11 mai 2007. Cette analyse serait encore corroborée tant par le paragraphe 178bis AO, qui préciserait que la SPF tout comme les fonds d'investissement ne seraient pas tenus de fournir des renseignements à l’administration des Contributions directes aux fins d'imposition du contribuable que par la position exprimée par l’administration des Contributions directes elle-même sur son site internet qui préciserait qu’à « (…) l'exception de la vérification par le bureau d'imposition Sociétés 6 des tantièmes versés par une SPF moyennant le modèle 510bis, l'autorité chargée d'exercer le contrôle fiscal de la SPF est l'Administration de l'enregistrement et des domaines (AED) ».

La demanderesse se prévaut ensuite des articles 1 à 6, 8 et 9 de la loi du 11 mai 2007 pour soutenir que ladite loi aurait fourni un cadre complet et cohérent pour les SPF ne laissant aucune place à l’AO pour s’appliquer, dans la mesure où un respect des conditions des articles 1 à 4 de la loi du 11 mai 2007 permettrait aux sociétés concernées de bénéficier de l’exonération fiscale y prévue pour n’être soumise qu’à la taxe d’abonnement de l’article 5 de ladite loi, le tout s’opérant sous le contrôle du directeur de l’AED, conformément à l’article 6 de la même loi, lequel serait seul compétent pour retirer le statut de SPF à une société, décision contre laquelle un recours pourrait être introduit devant le tribunal d’arrondissement. Ainsi, il serait exclu que l’administration des Contributions directes pourrait s’auto-saisir, respectivement pourrait procéder à l’appréciation du respect, par une société, des conditions de la loi du 11 mai 2007. Selon la demanderesse, l’administration des Contributions directes ne pourrait qu’informer l'AED de ses préoccupations et doutes à travers un échange d'information, tel que prévu par la loi modifiée du 19 décembre 2008 ayant pour objet la coopération interadministrative et judiciaire et le renforcement des moyens de l'Administration des contributions directes, de l'Administration de l'enregistrement et des domaines et de 8 l'Administration des douanes et accises, ci-après désignée par « la loi du 19 décembre 2008 », le directeur de l'AED demeurant seul compétent pour examiner les faits et données et pour éventuellement prendre une décision en la matière. Dans ce contexte, la demanderesse fait encore état d’un courrier du directeur de l'AED lui adressé le 13 novembre 2019 et lui demandant de prendre position quant aux mêmes reproches que ceux émis par le délégué du gouvernement, dans son mémoire en réponse, le directeur de l'AED relevant avoir reçu des informations de la part de l'administration des Contributions directes par le biais de la loi du 19 décembre 2008. La demanderesse en conclut que l'administration des Contributions directes admettrait ainsi qu'elle n’aurait pas pu se saisir elle-même du dossier et tenterait post festum de rétablir, voire de rattraper une décision illégale. Or même si le directeur de l'AED prendrait la décision de retirer le statut SPF à la demanderesse, sa décision ne prendrait effet qu’à partir de sa date de notification, conformément à l'article 8 de la loi du 11 mai 2007, de sorte à ne pas pouvoir être de nature à justifier la décision litigieuse portant sur des sommations-astreintes se rapportant à des exercices fiscaux pour lesquels elle aurait bénéficié du statut de SPF. Au regard du fait qu'aucune trace de la transmission d'information de l'administration des Contributions directes à l'AED ne figurerait dans le dossier administratif, la demanderesse sollicite, d’une part, la communication de ces éléments, et, d’autre part, la possibilité de pouvoir déposer un mémoire additionnel afin de prendre position sur ce point. A défaut de communication de ces documents, la demanderesse sollicite l’audition, en tant que témoin, du directeur de l’AED par rapport à l’échange d’information entre l'administration des Contributions directes et l’AED, basé sur la loi du 19 décembre 2008 la concernant.

La demanderesse prend ensuite position sur les conditions de fond à respecter par une société afin de bénéficier du régime fiscal spécial dérogatoire prévu par la loi du 11 mai 2007, respect qui lui aurait été confirmé annuellement par les autorités compétentes. Ainsi, elle serait constituée sous une des formes sociétales requises, en l’occurrence une société anonyme, ses statuts prévoiraient explicitement qu’elle serait soumise aux dispositions de la loi du 11 mai 2007 et ses actions auraient été réservées à des personnes physiques agissant dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privée. Elle exhibe ensuite son objet social pour faire valoir que celui-ci serait limité exclusivement à l'acquisition, la détention, la gestion et à la réalisation d'actifs financiers à l'exclusion de toute activité commerciale. Quant au reproche des autorités fiscales qu’elle aurait octroyé des prêts rémunérés à des sociétés, elle soutient ne pas avoir procédé à de telles opérations mais d’avoir uniquement souscrit à des obligations émises par des sociétés luxembourgeoises, ce qui serait admis par les travaux parlementaires ayant mené à la loi du 11 mai 2007, la demanderesse passant encore en revue, sur base de la doctrine et sur base des stipulations contractuelles à base des emprunts obligataires litigieux, le respect des conditions pour que lesdites opérations puissent revêtir la qualification d’emprunt obligataire.

Le délégué du gouvernement, dans son mémoire en duplique, se prévaut encore de la méthode d’appréciation économique, inhérente au droit fiscal, pour soutenir que la société … n’aurait pas satisfait aux exigences de la loi du 11 mai 2007, du fait d’avoir concédé des prêts rémunérés à d’autres sociétés, de sorte à permettre à l’administration des Contributions directes à lui demander des renseignements et à émettre des sommations astreintes à son égard, conformément au paragraphe 167 (2) AO, à l’article 116 LIR et au règlement grand-ducal du 13 mars 1970, dispositions devant être lues « (…) à la lumière du principe de réalisme du droit fiscal. (…) ». Le fait que la demanderesse aurait opté, dans ses statuts, pour le régime SPF serait sans incidence, la partie étatique rappelant encore le paragraphe 5 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, ci-après désignée par « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », lui permettrait d’opérer son appréciation indépendamment de la façade juridique 9 derrière laquelle le contribuable concerné se dissimulerait. Il invoque encore, dans ce cadre, un courrier du directeur de l’AED du 13 novembre 2019 selon lequel la demanderesse, du fait de l’octroi de prêt rémunéré à d’autres sociétés, poursuivrait une activité non conforme au statut fiscal d’une SPF. La partie étatique sollicite encore le rejet de la demande de communication d’un rapport d’analyse préparé par l’administration des Contributions directes, ainsi que d’un courrier intervenu entre ladite administration et l’AED, tout comme de la demande d’audition du directeur de l’AED, dans la mesure où les faits offerts en preuve seraient ni pertinents ni concluants pour l’issue du litige.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que la demanderesse a déposé au greffe du tribunal administratif la décision du directeur de l’AED du 8 décembre 2020 par laquelle ce dernier a confirmé, au litismandataire de la demanderesse, que cette dernière garde le bénéfice du statut de SPF dans les termes suivants « (…) Par courrier en date du 10 septembre 2020 concernant le respect du statut fiscal de société de gestion de patrimoine familial par la société … S.A., SPF, vous m’avez informé que cette société ne possède plus les obligations que l’Administration considère comme étant contraires au statut fiscal de SPF.

Conformément au deuxième alinéa de l’article 8 de la loi modifiée du 11 mai 2007 relative à la création d’une société de gestion de patrimoine familial (« SPF »), le retrait du statut de SPF s’applique à partir de la notification de la décision et n’est donc valable que pour le futur. Etant donné que la situation de la société est désormais régularisée quant à la possession des obligations, j’ai l’honneur de vous informer que le retrait de statut ne sera pas prononcé. (…) ».

Sur question du tribunal à l’audience publique des plaidoiries, le litismandataire de la demanderesse, au regard du courrier, précité, du 8 décembre 2020 du directeur de l’AED, a renoncé aux demandes formulées dans son mémoire en réplique portant sur la communication de la correspondance entre l’administration des Contributions directes et l’AED dans le cadre de la loi du 19 décembre 2008, portant sur la possibilité de déposer un mémoire additionnel par rapport à ces documents, et portant sur l’audition, en tant que témoin, du directeur de l’AED par rapport audit échange d’information.

Quant au fond, il est constant en cause pour ne pas être contesté par les parties, que la demanderesse a été constituée sous la forme d’une SPF au sens de l’article 1er de la loi du 11 mai 2007 et qu’elle disposait, au cours des années d’imposition litigieuses, dudit statut, de sorte à tomber a priori dans le champ d’application des articles 4, paragraphe (1) et 5, paragraphe (1) de ladite loi, en vertu desquels la SPF est « exempte de l’impôt sur le revenu, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune. », de sorte à n’être « (…) soumise [qu’]à la taxe d’abonnement annuelle au taux de 0,25%, sans que le produit de cette taxe ne puisse être inférieur au montant annuel de 100 euros. Le montant de la taxe est plafonné à cent vingt-cinq mille euros par année. ».

L’argumentation de l’administration des Contributions directes à la base du litige sous examen est fondée sur la prémisse qu’étant donné que la demanderesse se serait livrée, au cours des années d’imposition litigieuses, à des activités prohibées par l’article 1er de la loi du 11 mai 2007, en ce qu’elle aurait accordé des prêts rémunérés à d’autres sociétés, elle ne devrait pas pouvoir bénéficier du régime fiscal dérogatoire des SPF pour lesdites années, de sorte, d’une part, à avoir dû déposer des déclarations fiscales en vue de son imposition et, d’autre part, à s’être vu émettre, de manière justifiée, les sommations-astreintes litigieuses à son égard.

10 Or force est au tribunal de relever qu’aux termes de l’article 6 de la loi du 11 mai 2007, « (1) L’autorité chargée d’exercer le contrôle fiscal de la SPF est l’administration de l’enregistrement et des domaines.

(2) Le droit de contrôle et d’investigation s’exerce sous l’autorité du directeur de l’administration de l’enregistrement et des domaines. Il se limite à la recherche et à l’examen des faits et données concernant le statut fiscal de la SPF ainsi que des éléments requis pour assurer et vérifier la juste et exacte perception des taxes et droits à charge de la SPF. Dans le cadre de la mission de contrôle, les livres de la SPF peuvent être inspectés au siège social. », l’article 8 de la même loi précisant encore que « Le directeur de l’administration de l’enregistrement et des domaines peut prononcer le retrait du bénéfice des dispositions fiscales établi par la présente loi s’il constate que la SPF n’observe pas les dispositions légales, réglementaires ou statutaires la concernant.

Le retrait s’applique à partir du jour de la notification de la décision, qui se fera par lettre recommandée à la poste. » Il suit des dispositions légales qui précèdent que seul le directeur de l’AED est en charge du contrôle du respect, par les SPF, des obligations découlant de la loi du 11 mai 2007, de sorte à exclure tout droit d’intervention dans le chef de l’administration des Contributions directes, tant que le directeur de l’AED n’a pas retiré ledit statut aux sociétés contrevenant auxdites obligations, étant encore précisé, dans ce contexte, que l’AED informe, conformément à l’article 9 de la loi du 11 mai 2007, l’administration des Contributions directes de sa décision ou du jugement coulé en force de chose jugée y afférents. Tel que relevé à juste titre par la demanderesse, la seule option pour l’administration des Contributions directes réside dans un échange d’information avec l’AED sur base de la loi du 19 décembre 2008, démarche qui a débouché, en l’espèce, sur le courrier précité du directeur de l’AED du 8 décembre 2020 confirmant le maintien du statut de SPF de la demanderesse.

Sur base du constat que la demanderesse ne s’est pas vu retirer le statut de SPF par la seule autorité compétente pour ce faire, en l’occurrence le directeur de l’AED, le tribunal doit retenir que la décision directoriale litigieuse du 20 mai 2019 encourt l’annulation, alors que le directeur n’est matériellement pas compétent pour statuer sur le régime fiscal des SPF en confirmant des sommations-astreintes émises à leur encontre en vue du dépôt de déclarations fiscales, obligation dont celles-ci sont expressément exclues tant qu’elles bénéficient du statut de SPF.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation juridique du délégué du gouvernement fondé sur le paragraphe 167 (2) AO, respectivement sur l’article 116 LIR, ainsi que sur les articles 2 et 3 de son règlement d’exécution, le règlement grand-ducal du 13 mars 1970, dans la mesure où la loi du 11 mai 2007 constitue une loi spéciale prévoyant un régime fiscal dérogatoire pour les SPF par rapport aux dispositions générales de l’AO, respectivement de la LIR, ainsi que de son règlement d’exécution, de sorte à prévaloir sur ces dernières, conformément au principe « lex specialis derogat legi generali ». Au regard de la conclusion ci-

avant retenue, le paragraphe 5 StAnpG, tel qu’invoqué par le délégué du gouvernement dans son mémoire en duplique, ne trouve également pas à s’appliquer en l’espèce pour concerner l’hypothèse d’une imposition d’un contribuable, prémisse non donnée pour les SPF qui sont, 11 de par leur statut, exemptes de l’impôt sur le revenu, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune, conformément à l’article 4 de la loi du 11 mai 2007.

Dans un souci d’exhaustivité, il y a encore lieu de rejeter l’argumentation juridique de la demanderesse basée sur la paragraphe 178 bis AO aux termes duquel « Aucun renseignement aux fins de l'imposition du contribuable ne peut être demandé: (…) 5. aux sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF) », au motif, tel que relevé, à juste titre, par le délégué du gouvernement, que cette disposition vise le cas où des informations sur des tiers seraient demandées par l’administration des Contributions directes à une SPF, hypothèse étrangère au litige sous examen.

S’agissant, enfin, de la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, celle-ci est à rejeter, alors que la demanderesse n’établit pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa seule charge les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 20 mai 2019 en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, annule la décision du 20 mai 2019 et renvoie le dossier devant le directeur de l’administration des Contributions directes en prosécution de cause ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;

met les frais et dépens à charge de l’Etat.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 15 septembre 2021 par :

Paul Nourissier, vice-président, Olivier Poos, premier juge, Laura Urbany, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s.Xavier Drebenstedt s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 septembre 2021 Le greffier du tribunal administratif 12


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 43168
Date de la décision : 15/09/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 04/11/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-09-15;43168 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award