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30/09/2021 | LUXEMBOURG | N°44255

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 septembre 2021, 44255


Tribunal administratif N° 44255 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2020 2e chambre Audience publique du 30 septembre 2021 Recours formé par …, …, contre une décision du conseil communal de Feulen et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44255 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2020 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeuran

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La décision du co...

Tribunal administratif N° 44255 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 mars 2020 2e chambre Audience publique du 30 septembre 2021 Recours formé par …, …, contre une décision du conseil communal de Feulen et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44255 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2020 par Maître Georges Krieger, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-9180 Oberfeulen, 20, route d’Arlon, tendant à l’annulation de «1.

La décision du conseil communal [de Feulen] du 3 juillet 2019 (…) concernant la refonte du plan d’aménagement général de la commune de Feulen et maintenant les classements de l’immeuble du requérant en construction à conserver et en gabarit à préserver;

2.

La décision de Madame la ministre de l’Intérieur du 27 novembre 2019 (…) ayant approuvée la délibération du conseil communal [de Feulen] portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de FEULEN (…) ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick Muller, demeurant à Diekirch, du 12 mars 2020, portant signification de ce recours à l’administration communale de Feulen, établie à L-9176 Niederfeulen, 25, route de Bastogne, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 9 octobre 2020 par Maître Marc Walch au nom de l’administration communale de Feulen ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2020 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2020 par Maître Georges Krieger au nom de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 décembre 2020 par Maître Marc Walch au nom de l’administration communale de Feulen ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sébastien Couvreur, en remplacement de Maître Georges Krieger, Maître Marc Walch et Madame le délégué du gouvernement Danitza Greffrath en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 31 mai 2021.

______________________________________________________________________________

Lors de sa séance publique du 29 mai 2018, le conseil communal de Feulen, ci-après désigné par le « conseil communal », approuva, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par « la loi du 19 juillet 2004 », le projet d’aménagement général et chargea le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.

Par courrier du 2 juillet 2018, Monsieur …, déclarant agir en sa qualité de propriétaire des parcelles inscrites au cadastre de la commune de Feulen, section … d’Oberfeulen, sous les numéros … et …, ci-après désignée par « les parcelles … et … », soumit au collège des bourgmestre et échevins, par l’intermédiaire de son litismandataire, des objections à l’encontre du projet d’aménagement général.

Lors de sa séance publique du 3 juillet 2019, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet.

Par courrier du 15 juillet 2019, Monsieur … introduisit par l’intermédiaire de son litismandataire auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 3 juillet 2019 portant adoption du projet d’aménagement général et ayant statué sur les objections dirigées par les administrés à l’encontre de ce même projet.

Par décision du 27 novembre 2019, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 3 juillet 2019 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, en déclarant fondée une réclamation et en apportant, en conséquence, une modification à la partie graphique du plan d’aménagement général (« PAG »), la réclamation introduite par Monsieur … ayant, cependant, été déclarée non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) Ad réclamation … (…) [L]e réclamant s’oppose au classement de la maison implantée au …, à Oberfeulen, en « Secteurs et éléments protégés d’intérêt communal « construction à conserver » ».

La réclamation est pourtant non fondée, alors que la construction litigieuse répond à un ou plusieurs critères fixés à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, article qui dispose que « les secteurs protégés de type « environnement construit » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, important architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle.

Qui plus est, modifier le classement de la construction en question irait à l’encontre de la cohérence de l’ensemble du PAG, alors que des constructions similaires bénéficient d’un classement pareil. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 mars 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de (i) « La décision du conseil communal de la commune de Feulen du 3 juillet 2019 (…) concernant la refonte du plan d’aménagement général [de Feulen] et maintenant les classements de l’immeuble du requérant en construction à conserver et en gabarit à préserver » et de (ii) « La décision de Madame la ministre de l’Intérieur du 27 novembre 2019 (…) ayant approuvée la délibération du conseil communal portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de FEULEN (…) ».

A titre liminaire et avant de procéder à l’analyse du recours sous examen, il échet de préciser qu’à l’audience publique des plaidoiries, sur question afférente du tribunal, les litismandataires des différentes parties en cause n’ont soulevé aucune contestation relative à la notification entre eux de l’ensemble des mémoires respectifs, par actes d’avocat à avocat, au cours de la procédure contentieuse.

I) Quant à la compétence Les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’elles concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire. Les décisions d’approbation du ministre participent au caractère réglementaire des actes approuvés1, étant précisé qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption du PAG, le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision litigieuse du 27 novembre 2019 ayant statué sur la réclamation introduite par le demandeur, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.

Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.

Le tribunal est partant compétent pour connaître du en annulation sous examen.

II) Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire et (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision déférée et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à apprécier la légalité des actes déférés en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où ils ont été pris2, la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018 et 18 juillet 2018.

1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Actes réglementaires, n° 51 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 21 et les autres références y citées.

III.

Quant à la recevabilité L’administration communale de Feulen, ci-après désignée par « l’administration communale », se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité en la pure forme de la requête introductive ainsi que quant à l’intérêt à agir de Monsieur ….

Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.

S’il est exact que le fait, pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation3, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions4. Dès lors et dans la mesure où l’administration communale et la partie gouvernementale sont restés en défaut d’expliquer en quoi le recours serait irrecevable quant au délai et aux formes, respectivement en quoi, le propriétaire d’une parcelle n’aurait pas intérêt à agir à l’encontre de décisions rejetant sa réclamation introduite, leurs contestations afférentes encourent le rejet.

IV.

Quant au fond Le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes de l’affaire, soutient, en premier lieu, que la décision du conseil communal ne serait pas motivée, étant donné que la qualification de son immeuble comme « markanten Punkt im Strassenraum » ne permettrait pas de présumer l’authenticité de la substance bâtie, la rareté du type de bâtiment, l’exemplarité du type de bâtiment, l’importance architecturale ou encore un témoignage de l’histoire de la commune, critères prévus à l’article 21 de la partie écrite du PAG auxquels devraient répondre les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit ». Dans son mémoire en réplique, le demandeur ajoute que l’administration communale resterait en défaut de justifier le classement de la grange en « gabarit à conserver » et reproche à la partie gouvernementale d’avoir fourni à travers son mémoire en réponse un complément de motivation à la décision du conseil communal.

Un tel classement résulterait en plus d’une erreur d’appréciation, étant donné que l’annexe du bâtiment aurait été reconstruite, de sorte à être constitutive d’une rupture avec l’authenticité de la substance bâtie, et qu’il n’y aurait pas de caractère traditionnel dans le bâtiment originel, dont les fenêtres auraient été modifiées et la toiture aurait été réfectionnée avec l’installation de panneaux photovoltaïques.

Monsieur … reproche ensuite à la décision ministérielle de ne pas être motivée de manière rigoureuse en ne citant aucun élément caractéristique d’ordre architectural et esthétique pouvant justifier le classement de son immeuble. La décision ne mentionnerait par ailleurs aucun des critères prévus à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d'aménagement général d'une commune, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 ».

3 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 814 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 814 et les autres références y citées.

Monsieur … invoque ensuite une violation de la loi et de la Constitution. A cet égard, il soutient que suite à une impulsion politique du ministère de la Culture et du service des sites et monuments nationaux, l’idée de procéder à des classements individuels d’immeubles par le biais des PAG aurait vu le jour. Ceci aurait finalement eu comme conséquence le classement individuel de nombreux immeubles dans les PAG des communes et ce, la plupart du temps, pour des motifs qui seraient, comme en l’espèce, plus ou moins flous. Or, un tel classement individuel d’immeubles au niveau du PAG ne serait ni prévu par la loi du 19 juillet 2004, ni par le règlement grand-ducal du 8 mars 2017, le demandeur précisant que le législateur n’aurait prévu que la seule possibilité de créer des secteurs protégés, c’est-à-dire des zones regroupant plusieurs immeubles. Monsieur … se réfère dans le même contexte à un jugement du tribunal administratif du 30 juin 2011, inscrit sous le numéro 27398 du rôle, qui aurait censuré un classement individuel d’un immeuble par une administration communale sous l’approbation du ministre sur base du règlement grand-ducal du 25 octobre 2004 concernant le contenu du PAG d’une commune.

Le demandeur ajoute qu’un classement individuel d’immeubles en fonction de leur prétendu intérêt historique, culturel ou architectural à travers un acte réglementaire aurait comme conséquence de priver les propriétaires concernés d’une foule de garanties procédurales inhérentes au classement d’immeubles individuels, garanties tirées de l’application de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et son règlement d’exécution.

Par ailleurs, et même à supposer qu’il faille accepter le principe que la loi, respectivement le règlement grand-ducal admettent une désignation individuelle par les communes d’immeubles dignes de protection, les limitations concrètes adoptées en l’espèce au droit des propriétaires ne résulteraient ni de la loi ni du règlement grand-ducal et seraient partant contraires à la Constitution. Monsieur … ajoute que s’il fallait considérer que le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 ait habilité implicitement les communes à procéder à un tel classement, ce même règlement ne saurait toutefois permettre aux communes de décider du contenu de la servitude, à savoir laisser le soin à la commune de prescrire elle-même les contours et l’étendue de la limitation du droit de propriété.

Le demandeur estime en outre que le classement opéré constituerait une atteinte disproportionnée à son droit de propriété, alors que les contraintes apportées dans le PAG à la « construction à conserver » seraient assimilable à une expropriation. Il reproche aux prescriptions urbanistiques relatives aux constructions à conserver de demeurer générales et abondantes et qu’elles laisseraient une marge d’appréciation discrétionnaire dans le chef du bourgmestre, qui risquerait de tomber dans l’arbitraire en l’absence de critères précisément établis.

Dans son mémoire en réplique, il fait plaider que le classement opéré constituerait un détournement de procédure par rapport à la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 1983 ».

Ainsi, les communes contourneraient le droit à indemnité prévu par la loi du 18 juillet 1983.

Le demandeur invoque finalement une violation de l’article 10 de la Constitution ainsi que du principe de cohérence. Il fait dans ce contexte référence à une parcelle dont le bâtiment aurait fait l’objet sous l’ancien PAG d’un classement en « volume à conserver / bâtiments traditionnels à conserver (art. 10) », alors qu’avant l’entrée en vigueur du nouveau PAG, le bourgmestre aurait octroyé une autorisation de démolition. Selon le demandeur cette construction aurait présenté un intérêt historique supérieur à son immeuble. Etant donné que l’ancien PAG aurait permis la démolition de bâtiments protégés, alors que le PAG refondu interdirait toute démolition d’une construction à conserver, les décisions déférées seraient contraires au principe de cohérence.

L’administration communale et le délégué du gouvernement concluent au rejet du recours.

Le tribunal n’étant pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présentés par les parties, et détenant le pouvoir de les toiser suivant une bonne administration de la justice et la logique juridique s’en dégageant, il y a, tout d’abord, lieu d’analyser les moyens tirés de la légalité externe avant de procéder aux moyens tirés de la légalité interne.

S’agissant de la légalité externe des décisions déférées, il échet de rappeler que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des constructions qu’elles concernent et le régime des constructions à y élever, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé.5 Le fait qu’un acte est susceptible d’avoir des effets sur un nombre indéterminé de personnes suffit à lui seul pour lui conférer le caractère d’un acte règlementaire, même s’il n’établit pas de mesure générale et abstraite. Les projets d’aménagement ont pour but et pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des agglomérations qu’ils concernent et les régimes des constructions à y ériger. Ces dispositions s’imposent indistinctement à toutes les propriétés foncières comprises dans le rayon des plans.6 Or, contrairement à ce qui est imposé pour les décisions administratives individuelles par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 sur la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, inapplicable en matière réglementaire, aucun texte n’oblige le ministre, respectivement le conseil communal à formuler de manière expresse et explicite les motifs gisant à la base d’un acte à caractère réglementaire, dont toutefois le motif doit être légal et à cet égard vérifiable par la juridiction administrative7.

Force est en l'espèce de constater qu’à l’appui de sa décision de rejeter la réclamation de Monsieur …, le ministre a invoqué plusieurs motifs à la base de sa décision, à savoir que la construction se situant sur la parcelle de Monsieur … répondrait à plusieurs critères fixés à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 et qu’une modification du classement serait contraire à la cohérence de l’ensemble du PAG, alors que des constructions similaires bénéficieraient d’un classement similaire. La décision du conseil communal est motivée à travers la proposition du collège échevinal libellée comme suit : « Das Gebäude … stellt einen markanten Punkt im Straßenraum und Ortszentrum Oberfeulens dar. Da der Annexe des Gebäudes bereits umgebaut wurde, seine Stellung zur Fassung des Straßenraumes aber erhalten werden soll, schlägt der Schöffenrat vor, den Annexe als « gabarit à preserver » zu schützen. Da das Hauptgebäude zur Wahrung des historischen Ortsbildes weiterhin erhalten werden soll, schlägt der Schöffenrat vor, die Ausweisung als « construction à conserver » beizubehalten ». Il s'ensuit qu'indépendamment du bien-fondé de la justification ainsi avancée, qui a encore été complétée à travers les mémoires des parties communale et gouvernementale, le ministre, respectivement le conseil communal ont motivé tant en droit qu'en fait leurs décisions, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet et ce indépendamment du fait que la partie gouvernementale a à travers son mémoire en réponse avancé des éléments de justification de la décision communale, étant donné que ces mêmes motifs ont été repris par la partie communale dans son mémoire en duplique.

Quant à la légalité interne des décisions déférées, il convient en premier lieu de rappeler que la mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, 5 Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Urbanisme, n° 70 et les autres références y citées.

6 Cour adm., 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Urbanisme, n° 71 et les autres références y citées.

7 Cour adm., 7 décembre 2004, n° 18142C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 115 et les autres références y citées.

de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée, une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité.

Ainsi, les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement ou projettent d’adopter des plans d’aménagement doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations.

Force est d’abord au tribunal de constater qu’il ressort de la partie graphique du PAG que la parcelle sise à … est classée en « zone mixte villageoise « mix-v » », superposée d’une zone de servitude urbanisation « secteur protégé de type « environnement construit » » et que l’immeuble implanté sur la parcelle est désigné en partie « construction à conserver » et en partie « gabarit d’une construction existante à préserver ».

Quant à la compétence des autorités communales en matière de protection du patrimoine culturel, il échet en premier lieu de signaler l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel :

« Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par: (…) (e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus; (…) ».

Il s’ensuit qu’un des objectifs à poursuivre par les autorités communales dans le cadre de l’élaboration d’un PAG est d’assurer le respect du patrimoine culturel.

L’article 9 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit qu’entre autres, le contenu des parties graphique et écrite du PAG est arrêté par règlement grand-ducal. En application dudit article 9 a été adopté le règlement grand-ducal du 8 mars 2017, disposant dans son article 32 intitulé : « Secteurs protégés d’intérêt communal » que : (…) Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants :

authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle.

(…) Ces secteurs et éléments sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection.

Les secteurs protégés de type « environnement construit » sont marqués de la surimpression « C ».

(…)» Dès lors, étant donné que les autorités communales sont habilitées à procéder à la création de secteurs protégés de type environnement construit et que, par ailleurs, l’article 32 du règlement grand-

ducal du 8 mars 2017 prévoit expressément que les secteurs protégés de type environnement construit comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection, il relève de la logique du système mis en place par le législateur pour assurer le respect du patrimoine culturel que les autorités communales sont autorisées à désigner de manière individuelle à l’intérieur des secteurs protégés de type environnement construit tout immeuble ou parties d’immeuble digne de protection.

En créant, en l’espèce, un secteur protégé de type environnement construit surplombant la parcelle appartenant à Monsieur … et en classant à l’intérieur dudit secteur protégé un immeuble en tant que « gabarit à préserver », respectivement « construction à conserver », les parties graphique et écrite du PAG sous examen ne contreviennent partant pas aux articles 2 de la loi du 19 juillet 2004 et 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017. Il relève encore de la compétence des autorités communales de déterminer le régime auquel les bâtiments situés en secteur protégé de type environnement construit sont soumis, dans la mesure où l’article 32 du règlement grand-ducal précité précise expressément que : « Ces secteurs sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection définies dans le plan d’aménagement général. ». Dès lors, le volet du moyen selon lequel les autorités communales ne seraient pas habilitées à procéder au classement individuel d’un immeuble en tant que secteur protégé de type environnement construit est à rejeter pour ne pas être fondé.

Il convient d’ajouter que la conclusion ainsi retenue n’est pas énervée par les explications du demandeur relatives au jugement du tribunal administratif du 30 juin 2011, inscrit sous le numéro 27398 du rôle. En effet, force est de constater, d’une part, que la conclusion dudit jugement n’est pas transposable au recours sous examen, étant donné qu’elle est fondée sur le règlement grand-ducal du 25 octobre 2004 concernant le contenu du PAG d’une commune qui a entretemps été abrogé par le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011, lui-même abrogé par le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 et qui n’est partant pas applicable au recours sous examen et, d’autre part, que par deux jugements du 9 juin 2016, inscrit sous le numéro 35751 du rôle, respectivement du 25 février 2019, inscrit sous le numéro 41049 du rôle, le tribunal administratif a rejeté sur base des dispositions du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 le moyen – similaire à celui dont il est saisi en l’espèce – selon lequel les autorités communales ne seraient pas habilitées à procéder au classement individuel d’un immeuble en tant que secteur protégé de type environnement construit.

Quant à l’argument selon lequel le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 contreviendrait aux articles 16, respectivement 32 (2) et (3) de la Constitution, il échet de préciser que par un arrêt rendu en date du 4 octobre 20138, la Cour constitutionnelle tout en consacrant le principe de la mutabilité des PAG et en soulignant que le juge administratif n’était pas autorisé à sanctionner un reclassement d’un terrain précédemment classé en zone constructible en zone non constructible, mais que les propriétaires concernés pouvaient se pourvoir, le cas échéant, devant le juge judiciaire en vue de l’allocation d’une indemnité éventuelle, a déclaré contraires à l’article 16 de la Constitution les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 posant en principe que les servitudes résultant d’un PAG n’ouvrent droit à aucune indemnité et prévoyant des exceptions à ce principe qui ne couvrent pas toutes les hypothèses dans lesquelles la privation de la jouissance du terrain frappé par une telle servitude est hors de proportion avec l’utilité publique. Dans le même arrêt, la Cour constitutionnelle a réaffirmé la considération qu’elle avait retenue dans son arrêt du 26 septembre 20089, selon laquelle un changement dans les attributs de la propriété, qui est à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels, peut constituer une expropriation.

8 Cour constitutionnelle, 4 octobre 2013, n° 00101 du registre.

9 Inscrit sous le numéro 00046 du registre.

Quant au bien-fondé de l’argument de Monsieur …, le tribunal est amené à constater en l’espèce, au vu de la solution dégagée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt précité du 4 octobre 2013, que s’il est certes vrai que le classement de la parcelle du demandeur en « secteur protégé de type « environnement construit »» et la désignation à l’intérieur dudit secteur d’un immeuble en tant que « gabarit à préserver », respectivement « construction à conserver » affectent le droit de propriété du demandeur, dans la mesure où l’immeuble ne peut faire l’objet d’une autorisation de démolition que dans des cas exceptionnels, ces classements n’entravent cependant pas les attributs du droit de propriété d’une manière telle que la limitation opérée puisse être qualifiée d’équivalente à une expropriation. Le classement opéré de la parcelle du demandeur n’étant dès lors pas à considérer comme expropriation, il ne tombe pas dans le champ d’application de l’article 16 de la Constitution.

Le règlement grand-ducal du 7 mars 2017, tout comme, d’ailleurs, les décisions déférées, n’intervenant pas en matière d’expropriation réservée à la loi par l’article 16 de la Constitution, l’analyse du moyen tiré d’une violation de l’article 32 (2) et (3) de la Constitution au motif que le règlement grand-ducal serait intervenu en matière réservée à la loi, devient surabondante.

Il s’ensuit que le moyen de la demanderesse tiré d’une violation de l’article 16 en combinaison avec l’article 32 (2) et (3) de la Constitution, est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

Le demandeur fait encore valoir que les servitudes urbanistiques ayant pour effet de restreindre le droit de propriété seraient des matières réservées à la loi et qu’à travers l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, la limitation au droit de propriété ne serait prise ni par la loi, ni en vertu de la loi, mais de manière irrégulière par le pouvoir réglementaire communal, argumentation qui est à rejeter pour ne pas être fondée. En effet, le tribunal vient, d’une part, de rejeter le moyen tiré d’une violation de l’article 16 de la Constitution au motif que les servitudes adoptées en l’espèce ne constituent pas une matière réservée à la loi et il convient de rappeler, d’autre part, que la loi du 19 juillet 2004 confie à travers son article 2 (e) aux autorités communales la mission de veiller, par le mécanisme des PAG, au respect du patrimoine culturel et ainsi, implicitement mais nécessairement, la mission de poser des servitudes urbanistiques sur certains immeubles, dont des bâtiments, dignes de protection. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’en vertu du principe de l’autonomie communale, consacré par l’article 107 de la Constitution, aux termes duquel « (…) Les communes forment des collectivités autonomes, à base territoriale, possédant la personnalité juridique et gérant par leurs organes leur patrimoine et leurs intérêts propres (…) », les autorités communales sont investies d’une certaine puissance de commandement, appelée pouvoir communal, par opposition au pouvoir central. Ce pouvoir communal, qui dérive de la puissance souveraine, n’existe qu’en vertu de la loi et dans les limites qu’elle détermine et il est fonction du pouvoir central en ce sens que le pouvoir central est diminué dans la proportion où la loi le décharge de certains devoirs d’intérêt purement local pour les conférer aux autorités communales10. En d’autres termes, la loi peut charger directement les autorités communales de la mission de réglementer, en vertu de leur pouvoir réglementaire propre, certaines matières d’intérêt communal, dans les limites qu’elle détermine, sans devoir passer par un règlement grand-ducal. C’est ce que le législateur a fait par le biais de l’article 2 (e) de la loi du 19 juillet 2004, en permettant aux autorités communales de définir elles-mêmes, par voie réglementaire communale, des servitudes urbanistiques destinées à garantir le respect du patrimoine culturel11. Si le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 est venu réglementer en détail le régime du contenu des PAG, il n’en demeure pas moins que la délégation au pouvoir réglementaire communal provient directement de la loi du 19 juillet 2004, de sorte que la commune a, a priori, valablement pu procéder au classement litigieux.

10 P. Majerus, « L’Etat luxembourgeois », Luxembourg, Imprimerie Editpress, 6e édition, 1990, p. 324.

11 Trib. adm. 9 octobre 2017, n° 37681 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.

En ce qui concerne les affirmations du demandeur selon lesquelles le classement opéré constituerait une violation des dispositions de la loi du 18 juillet 1983 et un détournement de procédure, il convient de relever que le législateur a mis en place deux régimes distincts de protection des sites et monuments en adoptant, d’une part, la loi du 18 juillet 1983 et en insérant, d’autre part, à l’article 2 (e) de la loi du 19 juillet 2004 parmi les missions mises à charge des communes le « respect du patrimoine culturel ». Ces deux régimes de protection sont distincts comme relevant de la compétence d’autorités différentes et répondant à des critères spécifiques inscrits de part et d’autre dans des corps de textes différents à appliquer respectivement, chacun dans son contexte propre concerné12. Ainsi, tandis que l’article 2 (e) de la loi du 19 juillet 2004 vise à assurer une protection des sites et monuments culturels et historiques au niveau communal, les dispositions de la loi du 18 juillet 1983 s’inscrivent plutôt dans un contexte général et tendent au niveau national à la protection du patrimoine culturel et historique13. Il s’ensuit que le ministre, voire le gouvernement en conseil, au niveau de la procédure prévue par la loi du 18 juillet 1983 et le conseil communal, au niveau de la procédure mise en place par la loi du 19 juillet 2004, statuent chacun dans sa propre sphère de compétence14.

Force est dès lors au tribunal de constater que le conseil communal, en créant, en l’espèce, un secteur protégé de type environnement construit surplombant la parcelle litigieuse et en classant à l’intérieur dudit secteur protégé divers immeubles en tant que « gabarit à préserver », respectivement « construction à conserver » a agi dans le cadre de sa propre sphère de compétence, lui attribuée par l’article 2 (e) de la loi du 19 juillet 2004, sans avoir contourné la procédure prescrite par la loi du 18 juillet 1983.

Le moyen afférent est, dès lors, à rejeter.

Quant au bien-fondé des classements critiqués par le demandeur, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:

(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;

(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;

(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;

(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;

(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus ;

(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. » 12 Trib. adm. 26 février 2003, n° 14987 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Urbanisme, n°360.

13 V. à ce sujet l’exposé des motifs du projet de loi ayant abouti à la loi du 18 juillet 1983, énonçant l’objectif dudit projet comme suit : « la préservation de la continuité historique dans l'environnement est essentielle pour le maintien ou la création d'un cadre de vie qui permette à l'homme de trouver son identité et d'éprouver un sentiment de sécurité face aux mutations brutales de la société : un nouvel urbanisme cherche à retrouver les espaces clos, l'échelle humaine, l'interprétation des fonctions et la diversité socio-culturelle qui caractérisent les tissus urbains anciens". (Déclaration d'Amsterdam adoptée en 1975 à l'issue du Congrès sur le patrimoine architectural européen). ». Doc. parl 2191, p.2164.

14 V. en ce sens : Cour adm. 14 juillet 2011, n° 28102C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Sites et monuments, n°23 et l’autre référence y citée.

L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit quant à lui que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».

Il convient encore de noter que la modification d’un PAG est, dans son essence même, prise dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire15.

Le tribunal précise d’abord qu’aux termes de l’article 21 de la partie écrite du PAG « Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants :

▪ authenticité de la substance bâtie et de son aménagement ;

▪ rareté du type de bâtiment ;

▪ exemplarité du type de bâtiment ;

▪ importance architecturale ;

▪ témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle.

Chaque construction à conserver renseignée sur la partie graphique du PAG répondra à au moins un des critères susmentionnés.

Ces secteurs et éléments sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection définies ci-après. Elles s’appliquent à tout projet de construction, démolition, reconstruction, transformation ou aménagement prévu dans ces secteurs. Les secteurs protégés de type «environnement construit » sont marqués de la surimpression « C ».

(…) Les immeubles et éléments ponctuels (petit patrimoine) qui expriment un caractère typique à préserver sont identifiés comme « patrimoine bâti » et sont indiqués sur la partie graphique du plan d’aménagement général.

Les immeubles et éléments ponctuels identifiés comme « patrimoine bâti » relèvent des catégories suivantes :

▪ constructions à conserver ;

▪ petit patrimoine à conserver ;

▪ gabarits de constructions existantes à préserver ;

▪ alignements à préserver.

Les constructions à conserver bénéficient d’une protection communale applicable en fonction du ou des critères de protection énumérés à l’Art. 21.1. Chaque construction à conserver renseignée à titre indicatif sur la partie graphique du PAG répondra à au moins un des critères susmentionnés.

La commune peut demander un levé complet du bâti existant afin de définir exactement la partie de construction à conserver.

Les mesures de protection et d’intégration des constructions à conserver se rapportent uniquement à l’aspect extérieur des bâtiments.

15 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 10 et les autres références y citées.

Le caractère et les éléments typiques de ces immeubles ou parties d’immeubles doivent être conservés et restaurés dans les règles de l’art. Toute intervention sur une construction à conserver doit veiller :

▪ au respect et à la mise en valeur des caractéristiques structurelles d’origine du bâtiment ;

▪ au respect et à la mise en valeur des caractéristiques architecturales d’origine du bâtiment (formes et ouvertures de toiture, baies de façade, modénatures, matériaux, revêtements et teintes traditionnels).

La préservation des « constructions à conserver » n’exclut pas les interventions contemporaines pour autant que celles-ci ne compromettent pas la cohérence ni ne dénaturent le caractère originel typique tant des bâtiments que de l’espace-rue, mais, au contraire, contribuent à sa mise en valeur.

L’aménagement des abords des « constructions à conserver » ne doit compromettre ni la qualité ni le caractère originel typique des bâtiments et de l’espace-rue.

Afin de garantir l’assainissement énergétique des « constructions à conserver » des dérogations relatives aux alignements, aux reculs et aux profondeurs des constructions peuvent être accordées.

Pour les « constructions à conserver », l’article 10 du règlement grand-ducal du 31 août 2010 concernant la performance énergétique des bâtiments fonctionnels, prévoit des dérogations au niveau du respect des exigences minimales afin de conserver le caractère de ces bâtiments.

La démolition totale ou partielle d’une construction à conserver est en principe interdite.

Une dérogation à cette interdiction pourra être accordée à titre exceptionnel pour des raisons dûment motivées.

Dans ce cas, la reconstruction du volume initial et son implantation originelle peuvent être imposées pour préserver la qualité urbanistique de l’espace-rue ou du quartier.

En cas de démolition dûment motivée d’une ou de plusieurs parties d’une construction à conserver, les reconstructions doivent être effectuées dans un souci de préservation et/ou de mise en valeur de l’ensemble bâti.

(…) Les « gabarits à préserver » renseignés à titre indicatif sur la partie graphique du PAG bénéficient d’une protection communale et participent au caractère rural des localités. Ils portent sur des bâtiments dont seul le gabarit est représentatif. Le gabarit à préserver est constitué par le ou les bâtiments traditionnels d’origine, non par les volumes et éléments secondaires atypiques ni par les modifications atypiques du volume principal. La commune peut demander un levé de l’implantation du bâti existant afin de définir exactement le gabarit à préserver.

Est considéré par la protection l’ensemble des dimensions principales propres au bâtiment existant, à savoir :

▪ la largeur ;

▪ la profondeur ;

▪ la hauteur à la corniche ;

▪ la hauteur au faîtage ;

▪ la pente de la toiture.

Pour toute intervention sur un « gabarit à préserver » est prioritaire la rénovation et / ou la transformation plutôt que la reconstruction.

Pour toute intervention, y compris les travaux de reconstruction, l’ensemble des dimensions principales propres au bâtiment existant sont en principe à respecter. La préservation des « gabarits à préserver » n’exclut pas les interventions contemporaines pour autant que celles-ci ne compromettent pas la cohérence ni ne dénaturent le caractère originel typique tant des bâtiments que de l’espace-rue, mais, au contraire, contribuent à sa mise en valeur.

L’aménagement des abords des « gabarits à préserver » ne doit compromettre ni la qualité ni le caractère originel typique des bâtiments et de l’espace-rue.

Des adaptations de gabarit peuvent être autorisées :

▪ pour l’amélioration de la sécurité et de la salubrité de bâtiments existants ;

▪ pour l’amélioration de la circulation sur le domaine publique ;

▪ pour l’amélioration de la commodité et de la durabilité des bâtiments ;

▪ pour garantir l’assainissement énergétique des bâtiments. » En ce qui concerne concrètement la désignation des immeubles sis à … comme « gabarit à préserver », respectivement « construction à conserver » et leur classement en zone mixte villageoise, superposée d’une zone « secteurs et éléments protégés d’intérêt communal », il échet de constater qu’un tel classement doit remplir au moins un des critères énumérés de manière alternative à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017.

En l’espèce force est de constater que tant la partie gouvernementale que la partie communale concluent, sans être utilement contredits par le demandeur, que la ferme sise à … se situe dans le noyau ancien du village d’Oberfeulen, qu’elle figurait déjà sur le plan cadastral de l’année 1825, que sa composition avec un corps de logis etune annexe agricole contigus disposés en bande est un agencement typique pour la région du Guttland, que les baies murales ont des encadrements à arc surbaissé qu’on retrouve également au niveau des baies d’aération des combles démontrant un style baroque du bâtiment, ce qui se trouve confirmé par les deux chronogrammes 1775 et 1890 à l’arc du portail de grange, respectivement à l’encadrement de la porte d’entrée, que l’annexe agricole présente des baies de façade traditionnelles et authentiques avec un portail de grange avec encadrement à arc à anse de panier, que les anciennes fonctions de l’annexe agricole sont lisibles et que les deux corps de bâtiment sont surmontés d’un toit traditionnel à deux versants se terminant aux pignons soit en croupe, soit en demi-croupe.

Le classement de l’immeuble litigieux en tant que « secteurs et éléments protégés d’intérêt communal », respectivement « gabarit à préserver » et « construction à préserver » est ainsi motivé par l’exemplarité du type de bâtiment et de l’authenticité de la substance bâtie, considérations qui justifient le classement de l’immeuble en question pour rentrer dans les critères visés à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017.

Si le demandeur entend encore contester le bien-fondé du classement de l’immeuble en question en tant que « secteurs et éléments protégés d’intérêt communal » par le fait que des travaux récents auraient été réalisés sur la construction sise à …, il convient de relever, d’un côté, qu’il reste en défaut de justifier en quoi ces mêmes travaux auraient affecté de façon significative l’authenticité de l’immeuble en question, étant encore précisé à cet égard que la partie gouvernementale précise, sans être utilement contredite par le demandeur, que ces travaux ont été effectués dans un souci de conservation de l’ensemble avec l’intention de préserver les caractéristiques de la façade avant et que les travaux n’auraient altéré la valeur architecturale et historique de l’immeuble et, d’un autre côté, qu’il ressort des factures des différents corps de métiers et autorisations de construire relatives aux prédits travaux de rénovation, que ces derniers se résument à l’installation d’un système de chauffage à pompe, au changement de fenêtres, à des travaux de réfection de la toiture en relation avec l’installation de panneaux photovoltaïques et à l’aménagement de trois fenêtres VELUX dans la toiture de la grange, de sorte que cet argument est à rejeter pour défaut de pertinence.

Au vu des considérations qui précèdent, le classement de l’immeuble litigieux en « secteurs et éléments protégés d’intérêt communal », ainsi que leur désignation comme « gabarit à préserver » et « construction à préserver » se trouvent justifiés à suffisance de droit. Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.

S’agissant du moyen ayant trait à une violation du principe constitutionnel d’égalité devant la loi en comparant sa situation avec celle de l’immeuble situé sur la parcelle n° … situé dans la rue … ayant reçu avant l’entrée en vigueur du PAG refondu une autorisation pour la « démolition et la reconstruction de la dépendance du presbytère contenant 3 logements », il y a d’abord lieu de préciser que le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent, aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but16.

Force est en l’espèce au tribunal de constater que Monsieur … reste en défaut de soumettre des éléments de nature à faire admettre qu’il se trouve dans une situation comparable à celle du propriétaire de la parcelle précitée. En effet, il échet de constater, d’un côté, que l’administration communale affirme, sans être utilement contredite par le demandeur, que l’immeuble abritant 3 logements sociaux exploités par l’office social NordStad, a été reconstruit sous un gabarit et une implantation identiques dans le respect des conditions imposées par le service des sites et monuments nationaux et, d’un autre côté, que ladite parcelle est plus éloignée du centre de la localité d’ Oberfeulen tandis que l’immeuble appartenant à Monsieur … se situe en plein centre, de sorte qu’il y a lieu de retenir que la situation du demandeur et celle du propriétaire de la parcelle précitée ne sont pas suffisamment comparables pour que le principe de l’égalité constitutionnelle puisse trouver vocation à s’appliquer en l’espèce. Le moyen afférent encourt dès lors le rejet.

S’agissant finalement du moyen du demandeur ayant trait à une violation du principe de cohérence par la commune de Feulen en ayant sous l’ancien PAG autorisé la démolition des bâtiments protégés d’intérêt historique et en l’interdisant sous le PAG refondu, il échet de constater que, d’un côté, l’article 21 de la partie écrite du PAG n’interdit pas toute démolition des bâtiments visés, mais l’autorise dans des cas exceptionnels et, d’un autre côté, la commune a pu, au vu du principe de la mutabilité des PAG, changer la réglementation afférente au vu de la protection de son patrimoine urbanistique.

Il ressort de tout ce qui précède que les contestations de Monsieur … quant au bien-fondé du classement de son immeuble sont à rejeter dans leur ensemble.

En guise de conclusion, le tribunal constate que le recours en annulation est à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Enfin, le demandeur sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- euros. Cette demande est à rejeter au vu de l’issue du litige.

16 trib. adm. 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Lois et règlements, n° 8 et les autres références y citées.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000.- euros formulée par Monsieur … ;

condamne Monsieur … aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique du 30 septembre 2021 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 septembre 2021 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 44255
Date de la décision : 30/09/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-09-30;44255 ?

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