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01/10/2021 | LUXEMBOURG | N°46452

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 octobre 2021, 46452


Tribunal administratif N° 46452 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 septembre 2021 Audience publique du 1er octobre 2021 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Madame A, …, en présence de la société à responsabilité limitée X et de Monsieur Y, …, contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’occupation privative de la voie publique

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 46452 du rôle et déposÃ

©e le 10 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité lim...

Tribunal administratif N° 46452 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 septembre 2021 Audience publique du 1er octobre 2021 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Madame A, …, en présence de la société à responsabilité limitée X et de Monsieur Y, …, contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en matière d’occupation privative de la voie publique

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 46452 du rôle et déposée le 10 septembre 2021 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX SARL, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins des présentes par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame A, …, demeurant professionnellement à L-… Luxembourg, …, tendant à l’instauration d’un sursis à exécution par rapport à une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg, datée du 8 juillet 2021 autorisant le CAFE Z, sis à L-

… Luxembourg, …, d’étendre sa terrasse sur une surface de 0,80 x 8,95 m se trouvant en face dudit café, cette décision étant encore attaquée au fond par une requête en annulation introduite le même jour, portant le numéro 46451 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 15 septembre 2021, portant signification de ladite requête en institution d’une mesure provisoire à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ainsi qu’à la société à responsabilité limitée X, exploitante du CAFE Z et à son gérant, Monsieur Y ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Michel SCHWARTZ du 16 septembre 2021, constitué pour la Ville de Luxembourg ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Yves WAGENER du 27 septembre 2021, constitué pour la société X et pour Monsieur Y ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées et notamment l’acte attaqué ;

Maître Serge MARX, pour la requérante, ainsi que Maître Michel SCHWARTZ et Maître Jil FEITH, en remplacement de Maître Yves WAGENER, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 septembre 2021.

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1 Le CAFE Z, sis à L-… Luxembourg, …, exploité par la société X et dont le gérant est Monsieur Y, se vit délivrer en date du 22 juillet 2020 une autorisation d’installer une terrasse d’une superficie de 8,15 x 0,80 mètres sur la voie publique d’un côté de la rue … par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, ci-après « le bourgmestre ».

Apparemment, tel que résultant d’un courrier du bourgmestre du 8 juillet 2021 adressé au mandataire de Madame A, voisine du CAFE Z, cette autorisation aurait été étendue à une date non précisée sur une surface supplémentaire de 8,95 x 0,80 mètres sise de l’autre côté de la rue …, directement adjacente à la copropriété de Madame A, où elle exploite notamment son cabinet ….

Madame A, affirmant être exposée quotidiennement depuis des mois à des troubles émanant du CAFE Z, troubles drastiquement accentués par l’extension de la surface de la terrasse exploitée rue … par le CAFE Z, après avoir vainement saisi le juge des référés du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, a, par requête déposée le 10 septembre 2021 et enrôlée sous le numéro 46451, introduit un recours tendant aux termes de son dispositif à l’annulation du bourgmestre de la décision autorisant l’extension de la terrasse litigieuse telle que matérialisée par le courrier du bourgmestre du 8 juillet 2021.

Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 46452 du rôle, elle a demandé à voir prononcer un sursis à exécution de ladite décision en attendant la solution de son recours au fond.

La requérante fait soutenir que l’exécution de la décision déférée lui causerait un préjudice grave, alors qu’à défaut de suspension de cette autorisation elle continuerait à être exposée à des troubles qu’elle entend décrire en s’appuyant sur des constats d’huissier et des attestations testimoniales, troubles qui impliqueraient manifestement une détérioration de la situation préexistante telle que couverte par la première autorisation délivrée en date du 22 juillet 2020. Par ailleurs, ces troubles dépasseraient de loin ce qui serait normalement admissible en termes de voisinage ; ils seraient encore irréversibles dans la mesure où ils seraient irrémédiablement subis par la requérante.

Elle estime encore que ses moyens invoqués au fond seraient particulièrement sérieux.

La requérante argue d’abord de deux illégalités externes de la décision déférée.

Ainsi, l’autorisation initiale du 22 juillet 2020 aurait été délivrée après avis du chef du Service Voirie de la Ville de Luxembourg ; partant, en vertu du principe du parallélisme des formes, toute extension de l’autorisation aurait également dû être soumise à un tel avis. La requérante considère cette absence d’avis comme constituant un contournement d’un éventuel avis négatif émanant du chef du Service Voirie de la Ville de Luxembourg, puisqu’il aurait confirmé à la requérante que l’extension visée ne serait pas autorisable.

La requérante soulève encore une violation de la procédure administrative non contentieuse, dans la mesure où au moment de la prétendue autorisation de l’extension, la Ville de Luxembourg aurait été parfaitement au courant que l’occupation du domaine public et du trottoir se trouvant en face de l’immeuble sis… serait de nature à causer des troubles anormaux et inacceptables à la partie requérante, la Ville de Luxembourg aurait dû, en application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en respecter les formalités et informer la requérante au préalable de son intention afin de lui permettre de faire connaître ses observations.

2 Elle se prévaut ensuite d’une violation du droit d’usage normal des voisins, lequel serait constitué par l’obstruction de la voie publique et du trottoir longeant l’immeuble sis …, de sorte à rendre l’usage normal du domaine public impossible aux voisins.

Elle donne ensuite à considérer que l’extension apparemment autorisée excèderait l’espace autorisable en vertu du règlement modifié concernant l’établissement d’étalages et de terrasses sur la voie publique ainsi que d’autres occupations de la voie publique du 23 mars 2015, alors que selon elle la seule terrasse autorisable en vertu de ce règlement serait le trottoir longeant la façade du CAFE Z conformément à l’autorisation initialement délivrée en date du 22 juillet 2020, tandis qu’une autorisation du domaine public ou du trottoir en face ne serait pas admise.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg, rejointe en son argumentation par la société X et par Monsieur Y, conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.

En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.

En vertu de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 10 septembre 2021 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, l’affaire ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

En ce qui concerne ensuite la condition du préjudice grave et définitif tel qu’invoqué, il convient de rappeler qu’un préjudice est grave au sens de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. Il est définitif lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l’acte illégal, la seule réparation par équivalent du dommage qui se manifeste postérieurement à son annulation ou sa réformation ne pouvant être considérée à cet égard comme empêchant la réalisation d’un préjudice définitif.

A cet égard, il convient de rappeler qu’un préjudice est grave au sens de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999 lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, la preuve de la gravité du préjudice impliquant en principe que le requérant donne concrètement des indications 3 concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice1.

Il résulte à cet égard de la requête en obtention d’une mesure provisoire que, « depuis plusieurs mois », la partie requérante se verrait exposée à des troubles illicites émanant du CAFE Z, la requérante soutenant que les exploitants du CAFE Z ne respecteraient pas l’autorisation leur délivrée en occupant non seulement la terrasse apparemment autorisée le long de leur façade mais en occupant également la partie opposée du Café et une partie importante de la rue …, de sorte à l’exposer quotidiennement à des situations d’insécurité, d’incommodité et d’insalubrité découlant de cette flagrante violation de l’autorisation d’occupation du domaine public.

En ce qui concerne la preuve de ces troubles, la requérante se borne essentiellement à renvoyer le juge du provisoire à deux constats d’huissier et à deux attestations testimoniales, dont il découlerait que ces troubles consisteraient plus particulièrement en une obstruction systématique de l’accès aux bureaux de la partie requérante et en des nuisances sonores dépassant ce qui serait normal et acceptable.

Or, il n’appartient pas au soussigné, statuant au provisoire, d’analyser de son propre chef ces documents, pour y déceler d’éventuels éléments susceptible de plaider en faveur de la thèse de la requérante et y déceler un risque de préjudice répondant aux critères de la loi. En effet, il convient de manière générale de relever que conformément à la jurisprudence, le renvoi, sans autre précision, à des documents, sans indication des passages pertinents, sans adaptation du contenu de ces documents à la situation particulière du requérant et sans aucune discussion de leur contenu, n’est pas à prendre en considération par le tribunal, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence du requérant et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, en procédant indépendamment des moyens effectivement soutenus par le requérant à un réexamen général et global de la situation du requérant.

Il convient encore de rappeler que la seule allégation d’un préjudice, non autrement précisé et étayé, est insuffisante, l’exposé du préjudice grave et définitif ne pouvant se limiter à un exposé théorique, se cantonner à la seule évocation de précédents ou encore consister en des considérations générales. Le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience.

En effet, si, en ce qui concerne la seconde condition, à savoir l’existence de moyens sérieux, le juge du provisoire est appelé à se référer aux moyens invoqués au fond, même si ceux-ci ne sont pas explicitement développés dans la requête en obtention d’une mesure provisoire, il en va différemment de la condition tendant à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif, s’agissant d’un élément propre et spécifique au référé, conditionnant l’office du juge statuant au provisoire.

Au-delà de ce constat général, le soussigné relève, au terme d’une lecture cursive des documents auxquels il est renvoyé, qu’il résulte du premier constat d’huissier, daté du 1er juillet 2021, que la terrasse litigieuse s’étendrait au-delà des limites (alors) autorisées, que la terrasse s’étendrait sur le trottoir situé devant la copropriété de la requérante et que cette terrasse une 1 Trib. adm. (prés.) 10 juillet 2013, n° 32820, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 626.

4 fois remplie, un brouhaha incommodant en émanerait ; l’huissier instrumentant a encore constaté que la terrasse empièterait sur presque l’intégralité de la rue ….

Les mêmes constatations résultent du second constat d’huissier, dressé le 2 août 2021 à 22 heures, l’huissier instrumentant ayant encore constaté que l’installation de la terrasse et du mobilier ne laisserait qu’un étroit passage sur la chaussée pour les piétons, mobilier notamment installé devant la façade de la copropriété de la requérante, tandis qu’il résulte de photographies annexés à ce constat que la terrasse s’étendrait encore devant l’escalier menant à la cour sise devant … et que du mobilier du CAFE Z aurait été installé directement devant l’entrée de la copropriété de la requérante.

Quant à la première attestation testimoniale, celle-ci souligne que les troubles émanant du CAFE Z auraient débuté en octobre 2020, le témoin soulignant, pêle-mêle, le bruit important, le non-respect des règles régissant l’esthétique du mobilier, le mobilier bloquant la rue …, l’absence de passage suffisant pour les piétons, vélos, landaus et fauteuils roulants et le fait que les dimensions de la terrasse telle qu’initialement autorisées seraient systématiquement dépassées. Le second témoin, pour sa part, insiste sur le non-respect des dispositions sanitaires par le personnel et la clientèle du CAFE Z, sur l’encombrement de la rue … par la terrasse et par la clientèle du CAFE Z, sur l’encombrement de la même rue par le mobilier et les poubelles de ce même café avant son ouverture, sur le blocage épisodique de l’entrée de la copropriété de la requérante par du mobilier et des clients du CAFE Z ainsi que sur le bruit émanant de cette terrasse gênant les personnes travaillant dans les bureaux jouxtant celle-ci et leur imposant de travailler les fenêtres fermées.

La partie requérante entend finalement encore se prévaloir d’un rapport d’expertise unilatéral du 11 septembre 2021, dont en substance, il résulte que le bourgmestre, lors de l’établissement de l’autorisation du 22 juillet 2020, aurait commis une erreur de calcul, que l’exploitant ne respecterait pas les deux autorisations mais étendrait sa terrasse au-delà des limites imposées, ayant largement étendu la terrasse sur les deux trottoirs de la rue … et dans la chaussée publique, tandis que les consommateurs déplaceraient également les chaises de sorte à sortir des emplacements autorisés.

Il convient toutefois de rappeler qu’en l’espèce, l’office du soussigné, tout comme celui des juges du fond, est strictement délimité par la décision administrative déférée, à savoir l’autorisation alléguée de l’extension de la terrasse sise du côté de la copropriété de la requérante, telle qu’émise apparemment au courant des mois de juin-juillet 2021 et matérialisée par le courrier du bourgmestre du 8 juillet 2021.

Il convient encore de rappeler que la question de l’exécution non conforme d’une décision administrative par rapport à son libellé formel ne saurait être confondue avec la question de la légalité de cette décision même, de sorte que le tribunal, saisi d’un recours dirigé contre une décision administrative déterminée, ne saurait se prononcer sur des questions relatives à l’exécution de cette même décision2, des questions ou problèmes d’exécution relevant exclusivement de la compétence, pénale ou civile, du juge judiciaire.

Par ailleurs, un sursis à exécution ne saurait être ordonné que si le préjudice invoqué par le requérant résulte de l’exécution - légale - immédiate de l’acte attaqué, la condition légale n’étant en effet pas remplie si le préjudice ne trouve pas sa cause dans l’exécution de l’acte 2 Trib. adm. 18 mars 2002, n° 1206, confirmé par arrêt du 8 octobre 2002, n° 14845C; trib. adm 8 novembre 2012, n° 28985, Pas. adm. 2020, V° Recours en annulation, n° 79.

5 attaqué : en d’autres termes, le préjudice doit découler directement de l’exécution régulière de l’acte attaqué et non d’autres actes étrangers au recours3.

Enfin, pour l’appréciation du caractère définitif du dommage, il n’y a pas lieu de prendre en considération le dommage subi pendant l’application de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation. Admettre le contraire reviendrait à remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal cause en principe un préjudice qui, en règle, peut être réparé ex post par l’allocation de dommages-intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, un rétablissement de la situation antérieure, ne sera pas possible, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par l’article 11 de la loi du 21 juin 19994.

Ces principes appliqués au cas d’espèce amènent le soussigné, indépendamment de la question de la légalité de l’autorisation complémentaire apparemment donnée en juin-juillet 2021, matérialisée à travers le courrier du bourgmestre du 8 juillet 2021 et ayant apparemment étendu l’assiette de l’occupation privative de la voie publique par le CAFE Z, à rejeter le recours en obtention d’un sursis à exécution pour défaut de préjudice grave et définitif tel qu’exigé par l’article 11 de la loi du 21 juin 1999.

En effet, si les circonstances de la présente affaire témoignent certes de l’existence de nuisances et de troubles importants générés par l’exploitation du CAFE Z, le soussigné, conformément aux principes dégagés ci-dessus, ne saurait tenir compte dans le cadre de son office des nuisances globales, c’est-à-dire tant générées par l’exploitation régulière des deux terrasses apparemment autorisées par la Ville de Luxembourg, à savoir, du côté gauche de la rue …, une bande de 0,55 respectivement 0,80 x 8,15 mètres, et du côté droit, une bande de 0,80 x 8,95 mètres, que provoquées par le non-respect de ces limites par l’exploitant du CAFE Z, respectivement par la clientèle de ce café, mais uniquement des seules nuisances générées par la bande de 0,80 x 8,95 mètres apparemment autorisée du côté droit de la rue … le long de l’immeuble sis aux n° … de la même rue.

Or, les différentes pièces versées en cause attestant de ces nuisances ne distinguent pas entre ces trois situations et ne permettent pas au soussigné de déterminer les seules nuisances engendrées exclusivement par une utilisation régulière de la bande de 0,80 x 8,95 mètres apparemment autorisée du côté droit de la rue …, les sources des nuisances dénoncées se confondant essentiellement dans la situation générale résultant tant de l’exploitation régulière des deux terrasses que de l’utilisation abusive et manifestement anarchique par l’exploitant du CAFE Z du reste de la rue …, même si certaines nuisances peuvent être plus particulièrement reliées au non-respect par ce dernier des autorisations décernées, telles que par exemple l’encombrement de l’entrée de la copropriété de la requérante - l’autorisation actuellement litigieuse indiquant explicitement que cette entrée doit rester dégagée, la terrasse s’arrêtant à plus d’un mètre de l’entrée - ou encore l’encombrement du passage central devant impérativement rester dégagé -, ces questions relevant du juge civil, voire du juge pénal.

Le soussigné se doit encore de relever que certaines des nuisances, telles que les nuisances sonores tardives, ne sont pas nécessairement exclusivement à imputer à l’exploitant du CAFE Z, et encore moins à l’exploitation de la seule terrasse litigieuse, mais peuvent, 3 Trib.adm. (prés.) 13 août 2009, n° 25975, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 631.

4 Trib.adm. (prés.) 28 mai 2001, n° 13446, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 619.

6 comme relevé par la Ville de Luxembourg, résulter de l’ambiance sonore de toute la rue …, accueillant plusieurs établissements et de piétons festifs de passage.

Enfin, si une demande de suspension a pour objet d’empêcher, temporairement, la survenance d’un préjudice grave et définitif, les effets de la suspension étant d’interdire à l’auteur de l’acte de poursuivre l’exécution de la décision suspendue, et ce afin d’éviter que l’exécution de la décision déférée ne crée un état de fait sur lequel il sera difficile par la suite de revenir au cas où la décision serait annulée par la suite et sans que le dommage ainsi créé ne puisse être réparé ex post par l’allocation de dommages-intérêts.

A cet égard, le soussigné relève que les troubles en question semblent avoir débuté en automne 2020 pour s’aggraver au cours du printemps 2021, amenant la requérante à saisir le juge judiciaire des référés par assignation du 1er juillet 2021 et, apparemment, le bourgmestre à émettre in tempore suspecto une autorisation, formellement matérialisée par un rajout non daté ni signé de la bande litigieuse sur un plan de l’autorisation initiale du 22 juillet 2020 ; ces nuisances auraient encore, tel que documenté, perduré jusqu’à ce jour.

Or, comme expliqué par la requérante, ces troubles et nuisances sont certes définitifs, mais, de ce point de vue, ce préjudice doit également être considéré comme consommé, de sorte à échapper à l’office du juge provisoire, qui ne serait plus y porter remède, son office se limitant dès lors aux futurs troubles : or, il est constant en cause que l’exploitation de toute terrasse, non installée « contre les façades des commerces » - donc l’extension litigieuse -, est limitée, conformément à l’article 3, alinéa 13, du règlement communal modifié du 23 mars 2015, à la période « de mi-mars à mi-novembre », de sorte que le préjudice cessera au plus tard à la mi-novembre 2021.

Aussi, sans vouloir nier l’importance des nuisances résultant de manière globale de l’exploitation matérielle de terrasses dans la rue … par le CAFE Z, le seul préjudice dont le soussigné saurait tenir compte dans le cadre du présent recours, à savoir celui découlant d’une exécution légale et régulière pendant un mois et demi de la seule autorisation déférée, portant sur la bande de 0,80 x 8,95 mètres du côté droit de la rue … - dont la largeur limitée soulève d’ailleurs des doutes quant à la légalité de toute installation de mobilier allant au-delà d’une rangée de sièges ou de chaises - ne saurait en l’état être considéré comme justifiant la mesure provisoire sollicitée.

La requérante est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait nécessairement lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Toutefois, et ce dans le seul but de conférer une réelle utilité au présent recours, il convient de souligner que la solution ci-avant retenue, encore qu’à première vue favorable à la Ville de Luxembourg et à l’exploitant, est la conséquence du fait que l’une des conditions devant être cumulativement remplies pour prétendre à l’obtention d’une mesure provisoire n’est pas donnée en l’espèce, et ne préjudicie dès lors pas de l’issue future du recours au fond, ni ne signifie, à ce stade, que les moyens de la requérante ne seraient pas suffisamment sérieux, tout comme elle ne préjudicie pas du sort d’une éventuelle action en responsabilité à l’égard de la Ville de Luxembourg, laquelle, confrontée aux doléances de la requérante, semble s’être contentée d’une attitude indolente, voire même d’obstruction, en refusant notamment la 7 communication de l’autorisation d’occupation privative de la voie publique accordée à l’exploitant du CAFE Z en avançant des raisons tenant à la protection des données personnelles.

Enfin, la solution retenue ne préjudicie évidemment pas du sort de poursuites pénales dirigées contre l’exploitant du CAFE Z au vu du non-respect, dûment documenté, par ce dernier des autorisations lui délivrées.

Il suit de toutes les considérations qui précèdent que la demande est à rejeter.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution, condamne la partie requérante aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er octobre 2021 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er octobre 2021 Le greffier du tribunal administratif 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46452
Date de la décision : 01/10/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-10-01;46452 ?

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