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15/10/2021 | LUXEMBOURG | N°46385

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 octobre 2021, 46385


Tribunal administratif N° 46385 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2021 3e chambre Audience publique extraordinaire du 15 octobre 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46385 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 août 2021 par Maître Louis TINTI, avo

cat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ...

Tribunal administratif N° 46385 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2021 3e chambre Audience publique extraordinaire du 15 octobre 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46385 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 août 2021 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 août 2021 de recourir à la procédure accélérée, de celle portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 21 septembre 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge, en remplacement du président de la troisième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT en sa plaidoirie à l’audience publique du 28 septembre 2021.

Par courrier du 30 avril 2021, Monsieur … s’adressa au service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », en l’informant de son souhait d’introduire une demande de protection internationale au Luxembourg.

Le 17 mai 2021, Monsieur … introduisit auprès du ministère une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée - police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 25 mai et 8 juin 2021, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

1Par décision du 5 août 2021, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », résuma les déclarations de Monsieur … comme suit :

« […] En mains votre courriel du 30 avril 2021, le rapport du Service de Police Judiciaire du 17 mai 2021, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 25 mai et 8 juin 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Je soulève tout d'abord qu'en date du 30 avril 2021, vous avez versé un courriel à la Direction de l'immigration informant de votre souhait de demander une protection internationale au Luxembourg. Vous prétendez avoir travaillé jusqu'à fin 2011 comme ingénieur d'Etat dans un bureau d'études (« … »), puis vous auriez été nommé subdivisionnaire du logement et des équipements publics de la sous-préfecture. En 2015, vous auriez démissionné de ce poste en raison de « pressions illégales et la corruption » au sein de cet établissement, en accusant le « … », le sous-préfet, le directeur du logement et des fonctionnaires de la Ville et du Ministère du logement et de l'urbanisme. Par la suite, vous auriez rejoint une entreprise privée (« … ») avant de lancer votre propre entreprise de contrôle technique de la construction en 2015. Après avoir reçu deux commandes d'expertise de la part d'institutions publiques, vous auriez accompli le travail demandé mais vous n'auriez jamais reçu vos honoraires. Ainsi, depuis 2016, vous seriez en procès contre ces instances et à chaque fois que le tribunal vous donnerait raison, elles feraient appel. Depuis 2019, votre affaire serait traitée au niveau du conseil d'Etat. A cela s'ajoute qu'en 2017, vous auriez été candidat pour le parti « FM » aux élections municipales, raison pour laquelle certains responsables auraient décidé de « tout fermer face à mon entreprise » et de la placer délibérément en faillite. Comme vous ne supporteriez plus cette « persécution intentionnelle » de la part de vos anciens collègues de travail, directeurs et responsables, vous auriez décidé de quitter l'Algérie.

Vous déclarez ensuite dans le cadre de votre entretien avec l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes être de nationalité algérienne, d'ethnie arabe, de confession musulmane, célibataire et avoir vécu seul à …, où vous auriez travaillé en tant qu'ingénieur indépendant depuis 2014. Vous auriez quitté l'Algérie parce qu'un groupe « très influent » de « gens politiques et d'administrateurs » ne vous laisseraient pas vivre en paix en vous menaçant et vous empêchant de travailler.

Premièrement, vous expliquez que vous seriez « persécuté » par lesdits gens à cause de votre démission de votre travail étatique, quelque chose qui serait « interdit, voire impossible » (p. 6 du rapport d'entretien). Vous précisez avoir démissionné en août 2014, parce que vous auriez été confronté à des cas de corruption et que vous auriez été obligé de signer des documents non conformes en étant menacé par des personnes haut-placées. Vous prétendez que l'Etat algérien pourrait poursuivre en justice des personnes qui démissionneraient de leur emploi public, mais vous le vous seriez tout de même permis parce que vous seriez « couvert » par votre père qui serait très respecté et par deux députés du FLN que vous connaîtriez bien, dont le dénommé … qui vous aurait aidé à déposer votre démission sans devoir craindre de conséquences. Vous précisez encore qu'à cause de votre démission, vous n'auriez plus eu droit à vos honoraires. Convié à donner plus d'informations quant aux raisons qui rendraient une démission interdite par la loi en Algérie, vous répondez que vous connaitriez tous les secrets de l'administration, « les pots-de-vin, le trafic, tout » (p. 6 du rapport d'entretien). Vous auriez ensuite été invité à rejoindre le groupe « … », dirigé par un membre 2du FLN, pour lequel vous auriez travaillé pendant trois mois avant d'ouvrir votre propre bureau d'études.

Deuxièmement, vous prétendez que vous seriez « persécuté » par lesdits gens parce qu'en 2017, vous auriez quitté le parti FLN et vous auriez rejoint le « FM » (« Front El Moustakbal ») pour lequel vous vous seriez présenté pour les élections des assemblées populaires en novembre 2017. Vous n'auriez finalement obtenu que 300 voix et interrogé quant aux risques que vous auriez encouru suite à ce changement de parti et votre participation à ces élections, vous répondez que « Je vais vous citer l'exemple d'un autre membre du FM qui s'est fait emprisonner un mois après avoir pris ses fonctions » (p. 6 du rapport d'entretien).

Vous ajoutez par la suite qu'on vous aurait interdit de travailler dans une administration; il s'agirait d'une décision illégale qui aurait été émise oralement par beaucoup de députés et de sénateurs. Vous dites encore qu'en Algérie, les réels opposants finiraient en prison, que vous seriez considéré comme une personne indésirable par le FLN et que vous auriez eu de la chance de ne pas avoir gagné les élections. Après les élections, vous auriez dissolu le bureau local de ce parti et vous ne seriez plus actif dans ce parti, après avoir notamment compris qu'il ne s'agirait pas d'un vrai parti d'opposition, que tous les partis algériens suivraient les ordres de l'Etat et que l'opposition ne serait que « façade » (p. 8 du rapport d'entretien).

Troisièmement, vous prétendez qu'en 2015, vous auriez été menacé de mort par un entrepreneur, le dirigeant de l'entreprise « … », après que vous auriez ordonné la démolition de constructions n'ayant pas respecté les réglementations ou les normes en vigueur. Cette entreprise aurait par la suite été obligée de faire reconstruire les bâtiments en question par ses propres moyens. Depuis ce jour, cet entrepreneur vous aurait régulièrement menacé de mort quand vous vous croisiez; la dernière menace daterait de 2018. Vous n'auriez jamais dénoncé ces menaces auprès des autorités.

Le 7 mai 2021, avec l'aide de passeurs, vous auriez quitté l'Algérie à bord d'un bateau en direction de l'Espagne accompagné d'une dizaine d'autres migrants. En Espagne, la police aurait voulu contrôler votre groupe et tout le monde se serait enfui sauf vous, « lch ging zur Toilette, als ich zurückkam war die Polizei verschwunden, sodass ich keine Fingerabdrücke abgeben musste » (rapport du service de Police Judiciaire). Après deux jours de voyage à travers l'Espagne (Las Negras - Almeria - Madrid), vous auriez finalement quitté ce pays depuis Barcelone pour gagner la France, où vous auriez dormi un jour dans la rue à Perpignan, puis un jour à Paris. Vous auriez ensuite pris le train pour venir au Luxembourg étant donné qu'il n'y existerait pas de racisme et que l'économie serait « bonne ». A cela s'ajoute que vous n'auriez pas recherché de protection internationale en Espagne, ni en France, respectivement que vous auriez dès le départ voulu venir au Luxembourg sur conseil de la dénommée … travaillant pour la Croix-Rouge au Luxembourg, avec laquelle vous auriez déjà été en contact avant de quitter l'Algérie.

En cas d'un retour en Algérie, vous craindriez d'être tué ou emprisonné ; un déménagement vers une autre partie de votre d'origine ne constituerait pas de solution alors que ces « gens-là ont le bras long » (p. 9 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande, vous présentez des traductions françaises de fichiers se trouvant sur une clé USB que vous avez versée:

- Trois jugements des 18 septembre 2017, 26 mars et 1er octobre 2018, concernant une affaire vous opposant au … concernant le paiement d'honoraires.

3- La photo de votre carte de partie du FLN, indiquant un tampon datant de 2016.

- Un « procès-verbal de signification d'un acte d'appel » daté au 24 décembre 2018, informant que deux huissiers, sur demande de la … se sont présentés auprès de votre société de contrôle technique pour vous notifier un acte d'appel contre un jugement administratif rendu le 1er octobre 2018.

- Une invitation de la … datant de 2013, vous destinée entre autres, afin de vous présenter le 24 décembre 2013 dans la commune d'El Bord en vue de la validation de l'attribution définitive d'un projet de réhabilitation d'une école primaire.

- Un certificat de réalisation datant de 2012, attestant que vous auriez réalisé l'étude d'un projet concernant la construction d'un mur protecteur.

- Une liste des candidats du parti « FM » pour la circonscription électorale d'El Bordj, pour des élections de novembre 2017, vous désignant comme candidat numéro […] de cette liste, ainsi que votre reçu de dépôt de dossier de candidat, datant du 24 septembre 2017. […] ».

Le ministre informa ensuite Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), sous a) et e) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire.

S’agissant de l’application de l’article 27, paragraphe (1), point e) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre réfuta l’affirmation du demandeur suivant laquelle il serait « interdit, voire impossible » pour un employé d'une institution publique algérienne de démissionner, en s’appuyant sur l’article 66 du droit du travail algérien, ainsi que sur des publications internationales qui confirmeraient que la démission serait un droit reconnu aux travailleurs algériens et notamment aux fonctionnaires engagés auprès d'une institution publique algérienne.

Le ministre en conclut que le récit du demandeur ayant trait à sa démission de son poste de l’Etat se résumerait à des déclarations manifestement peu plausibles qui rendraient sa demande de protection internationale peu convaincante, tout en insistant sur le fait que cette démission serait tout à fait ordinaire et légale et que Monsieur … resterait, par ailleurs, en défaut de faire état d'un quelconque obstacle auquel il aurait dû faire face dans le cadre de ses démarches en vue de démissionner.

S’agissant ensuite de l’application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre releva tout d’abord que les « persécutions » dont aurait été victime Monsieur … en Algérie se résumeraient à des seuls ennuis financiers, à savoir, d’une part, le fait qu’il attendrait depuis 2016 le versement de deux honoraires, et, d’autre part, le fait que sa société aurait dû être déclarée en état de faillite aux alentours de 2019, alors qu’on ne le laisserait pas travailler en paix dans son pays d’origine.

Le ministre retint ensuite qu’il serait exclu que le problème que le demandeur aurait rencontré en 2016 en rapport avec le non-versement de deux honoraires ait un quelconque lien avec sa participation à des élections de novembre 2017 pour le compte du parti « Front El Moustakbal » (« FM »), étant donné qu'il serait antérieur à sa courte adhésion à ce parti en 2017. Ce constat vaudrait d'autant plus que le demandeur verserait une carte le désignant comme membre du parti Front de libération national (FLN) en 2016, c'est-à-dire à un moment 4où ce problème d'honoraires serait devenu actuel. Il s’ensuivrait que tout contexte politique pourrait être exclu de ce non-paiement d’honoraires.

S’agissant de la faillite de l’entreprise du demandeur en 2019, le ministre releva que les déclarations du demandeur à ce sujet se résumeraient à quelques mots, respectivement à quelques accusations totalement superficielles et nullement développées par la suite ne permettant pas de retenir une quelconque responsabilité de personnes haut-placées dans le cadre de cette faillite. Il avança que le « procès-verbal de signification d'un acte d'appel » daté au 24 décembre 2018, informant que deux huissiers, sur demande de la …, se seraient présentés auprès de la société de contrôle technique appartenant au demandeur pour lui notifier un acte d'appel contre le jugement administratif rendu le 1er octobre 2018, ne permettrait manifestement pas de donner plus de poids à ses dires, respectivement, de démontrer que les autorités, des personnes haut-placées ou tout autre personne influente seraient responsables de la faillite de l’entreprise du demandeur ou ne voudrait pas le laisser travailler. Il reprocha dans ce contexte au demandeur de rester en défaut d'expliquer en quoi et comment précisément sa démission vers 2014 ou sa participation à des élections en 2017 auraient eu des répercussions nocives pour sa vie professionnelle ou lui auraient empêché de travailler, hormis les deux honoraires auxquels il aurait eu droit et pour lesquels il se serait battu depuis 2016. Le ministre ajouta qu’au vu des documents versés en rapport avec les honoraires non-payés de 2016, il serait établi que le demandeur aurait eu accès à la justice et à un avocat en Algérie et qu’il aurait pu y faire valoir ses droits et se défendre contre les injustices dont il déclare être victime.

Le ministre reprocha ensuite au demandeur de rester en défaut d’expliquer les problèmes qu’il aurait rencontrés suite à son changement de parti politique en 2017 et sa participation aux élections de novembre 2017, en soulignant que le fait qu'un autre membre du « FM » se serait une fois fait arrêter pour une raison inconnue, ne serait nullement pertinent dans le cadre de l'analyse de sa demande de protection internationale. Il en serait de même de sa prétention vague qu’à cause de sa courte carrière politique, il lui aurait été interdit de travailler dans une administration publique et qu'il s'agirait-là d'une décision illégale qui aurait été émise oralement par « beaucoup de députés et de sénateurs ». Le ministre souligna, à cet égard, que le demandeur aurait déclaré lui-même qu’il aurait décidé en 2014 ou 2015 de démissionner de son emploi public parce qu’il n’aurait plus supporté les cas de corruption dont il aurait été témoin et qu’il aurait par la suite décidé de travailler en tant qu'indépendant.

Le ministre en conclut que le demandeur tenterait d'ajouter un contexte de « persécution politique » à son récit qui se résumerait en substance à des soucis financiers, dans le but évident d'augmenter les probabilités de se faire octroyer une protection internationale.

Le ministre mit ensuite en avant un certain nombre d’incohérences et de contradictions dans les déclarations du demandeur. Ainsi, il reproche au demandeur d’expliquer, d’un côté, qu'en Algérie, les réels opposants finiraient en prison et qu’il y serait considéré comme une personne indésirable par le FLN à cause de son adhésion à un parti d'opposition, tandis que, de l'autre côté, il expliquerait qu'après les élections de 2017, il aurait dissolu le bureau local de ce parti et qu’il ne serait plus actif dans ce parti, après avoir notamment compris qu'il ne s'agirait pas d'un vrai parti d'opposition, que tous les partis algériens suivraient les ordres de l'Etat et que l'opposition ne serait que « façade ». Le ministre en conclut, premièrement, que le « problème » d'ordre politique dont a fait état le demandeur ferait parti de son passé, alors qu’il n’aurait plus aucun lien avec le parti depuis fin 2017 et, deuxièmement, que le demandeur n’aurait nullement été considéré comme un réel opposant politique en Algérie ou par le FLN en place. Ce constat serait d’autant plus vrai que les recherches ministérielles n’auraient pas 5permis de trouver une trace d'une quelconque persécution dont seraient victimes les membres du parti « FM » en Algérie. Le ministre ajouta encore que le demandeur aurait décidé de quitter son pays d’origine seulement deux ans et demi après avoir quitté ce parti à cause d'une « pression continuelle » et après la faillite de son entreprise, sans n’avoir jamais été poursuivi en justice pour sa démission de 2014 ou de 2015, ni avoir éprouvé de quelconques autres soucis en rapport avec cette démission, voire, avec sa courte carrière politique en 2017.

S’agissant ensuite des menaces dont le demandeur déclare avoir été victime depuis 2015 de la part d’un entrepreneur à cause de l’ordre de démolition des constructions qu’il aurait émis quelques années plus tôt, le ministre souleva que ce problème n'aurait aucun lien avec l'un des cinq critères du statut de réfugié, alors qu'il serait basé sur sa seule décision professionnelle de déclarer des constructions comme étant illégales et devant être démolies.

Il releva, par ailleurs, que des seules menaces orales proférées pendant quelques années par un entrepreneur mécontent ne revêtiraient pas un degré de gravité tel à pouvoir être considérées comme étant des actes de persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ou de la loi du 18 décembre 2015.

Quand bien même ces menaces revêtiraient un degré de gravité tel à pouvoir être considérées comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève, le ministre rappela que s'agissant d'actes perpétrés par une personne privée, une persécution commise par un tiers ne pourrait être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève qu’en cas de défaut de protection de la part des autorités, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce. Il précisa dans ce contexte que le demandeur n’aurait jamais dénoncé les menaces proférées par cet entrepreneur aux autorités algériennes, de sorte qu'il ne serait nullement établi que celles-ci n'auraient pas pu ou pas voulu l’aider ou qu’il n’aurait pas été en mesure de se défendre et de faire valoir ses droits, tout en mettant en exergue, source internationale à l’appui, la mise en place en Algérie de services policiers et judiciaires afin notamment de maintenir l'ordre public, d'assurer la protection des personnes et des biens, de détecter et de constater les infractions pénales.

Le ministre conclut que les motifs ayant poussé le demandeur à quitter son pays d'origine ne seraient pas pertinents dans le cadre d'une demande de protection internationale, tout en soulignant que des motifs économiques ou de pure convenance personnelle sous-

tendraient plutôt sa demande. Ce constat serait encore confirmé par le comportement qu’aurait adopté le demandeur depuis son arrivée en Europe lequel ne correspondrait pas à celui d’une personne vraiment persécutée dans son pays d'origine et réellement à la recherche d'une protection. Il soutint que des motifs économiques et de convenance personnelle ne sauraient de toute façon justifier l'octroi du statut de réfugié pour ne pas rentrer dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.

Le ministre constata, enfin, que les faits mis en avant par Monsieur … ne justifieraient pas non plus l’octroi dans son chef du statut conféré par la protection subsidiaire puisqu’il n’établirait pas qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 2021, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 5 août 2021 d’opter pour la procédure accélérée, de celle du même jour ayant refusé de faire droit à sa 6demande de protection internationale, et de l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 5 août 2021, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur reprend, en substance, son récit tel qu’il l’a exposé lors de son entretien avec un agent du ministère sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.

Dans le préambule de son recours, il soutient qu’il ferait en l’espèce état de menaces qui s'inscriraient dans le contexte d'un Etat de droit algérien particulièrement fragilisé du fait que les autorités en place ne permettraient pas l'expression d'une réelle démocratie dès lors qu'elles opéreraient de manière autoritaire en réprimant toute forme de dissidence.

Pour appuyer ses dires, il se prévaut de deux articles publiés par le département des Nations Unies en date des 11 mai et 5 mars 2021, intitulés « Algérie : L'ONU de plus en plus préoccupée par la violation des droits fondamentaux » et « Algérie : L'ONU réclame une enquête et la fin des détentions arbitraires », d’un rapport du United States Department of State de 2019 sur les droits de l’Homme en Algérie, de la Résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020 sur la détérioration de la situation des droits de l'Homme en Algérie et en particulier le cas du journaliste … (2020/2880 (RSP)), ainsi que d’un article de presse publié sur le site internet www.radio-m.net, intitulé « Libertés démocratiques 2020 : l’Algérie classée parmi les « régimes autoritaires » », qui feraient état du risque de détention arbitraire à l'égard de ceux qui critiquent les autorités en place, ainsi que, de manière générale, de la détérioration de la situation des droits de l’Homme en Algérie.

Quant à la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée pour statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale en application de l’article 27, paragraphe (1), sous e) de la loi du 18 décembre 2015, il reproche au ministre une fausse appréciation des faits en l'espèce, en avançant que s’il était incontestable que la démission d’un employé auprès d’une institution publique algérienne serait possible au regard du droit algérien, il aurait, en déclarant dans le cadre de son audition qu'une telle démission serait « interdite, voire impossible », voulu préciser non pas qu'il serait légalement impossible de démissionner, mais qu'en pratique, cela l'exposerait à des problèmes d'une telle gravité que dans les faits, aucun employé dans sa situation ne prendrait le risque de démissionner.

Ce serait dès lors à tort que le ministre a invoqué les dispositions visées au point e) de l'article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 pour statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

S’agissant de l’application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, il soutient que ce serait à tort que le ministre a estimé que ses déclarations ne 7soulèveraient que des questions sans pertinence au regard des conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire, en insistant sur le fait que le refus de respecter sa « liberté de conscience » constituerait un traitement inhumain et dégradant dans son chef au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015.

En se prévalant d’un jugement du tribunal administratif du 19 février 2019, portant le numéro 42252 du rôle, il soutient que son recours ne pourrait être considéré comme manifestement infondé, tout en demandant le renvoi de l’affaire devant une chambre collégiale conformément aux dispositions de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015.

Quant au refus de lui octroyer le statut de réfugié, le demandeur, après avoir cité les dispositions pertinentes de la loi du 18 décembre 2015, soutient que les problèmes dont il a fait état lors de son entretien seraient d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution au sens de l’article 1er A de la Convention de Genève dès lors qu’il aurait été victime d’une accumulation de mesures consistant à se voir interdire de travailler dans les administrations publiques, sinon d’être empêché de percevoir ses honoraires au point que son bureau d'études aurait été déclaré en état de faillite.

Il estime que, dans ces conditions, il deviendrait impossible pour lui de travailler dans son pays d'origine, sinon qu’il devrait travailler dans des conditions à ce point dégradées qu'elles constitueraient dans son chef une atteinte intolérable à sa liberté individuelle de travailler.

Il fait valoir que les problèmes dont il a fait état répondraient par ailleurs aux critères prévus à l’article 42, paragraphe (2), point b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir les mesures légales, administratives, de police et/ou judiciaires qui sont discriminatoires en soi ou mises en œuvre d'une manière discriminatoire, en soulignant que le fait de continuer à l’empêcher de postuler pour la fonction publique alors qu'il aurait démissionné en date du 24 août 2014 de son poste étatique, soit depuis plus de 3 années correspondant au délai au-delà duquel un fonctionnaire démissionnaire retrouverait le droit de réintégrer la fonction publique, relèverait de la mise en œuvre discriminatoire de mesures légales.

En se prévalant de l’article 43, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, il soutient que les agents de persécution, à savoir, en l’espèce, l'Etat algérien, seraient « motivés » par des considérations d’ordre politique, de sorte que cette même caractéristique devrait être attribuée aux persécutions subies par lui et ce d’autant plus alors qu'il lui serait reproché d'avoir eu un comportement contraire aux intérêts du pouvoir en place en démissionnant de ses fonctions.

Il avance que la reconnaissance du statut de réfugié politique dans son chef se trouverait encore établi sur base des dispositions visées à l'article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, en insistant sur le fait qu’il n’existerait en l’espèce aucune « bonne raison » de penser que les faits subis par lui ne se reproduiraient pas en cas de retour en Algérie dès lors que depuis son récent départ de son pays d’origine, la situation ne pourrait raisonnablement avoir évolué de telle manière à pouvoir retenir le contraire. Cette approche serait encore corroborée par les pièces versées en cause qui renseigneraient que le pouvoir en place serait actuellement particulièrement autoritaire.

Quant au refus de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur invoque l’« Affaire grecque » par laquelle la « Commission européenne » aurait retenu que les traitements considérés comme dégradants seraient ceux qui humilient gravement 8la personne aux yeux d’autrui ou l’incitent à agir contre sa volonté ou sa conscience. Dans l’affaire « Irlande contre Royaume-Uni », la Cour de justice de l’Union européenne, dénommée ci-après « la CJUE », aurait retenu qu’un traitement infligé devrait, pour pouvoir être qualifié de torture, causer de « forts graves et cruelles souffrances » au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH ». Dans une affaire « Selmouni c/ France », la CJUE se serait réservée une certaine souplesse dans l’examen des actes illicites en fonction du niveau d’exigence croissant en matière de protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Il soutient que l'impossibilité pour lui de travailler dans des conditions normales au point de ne plus pouvoir vivre dans son pays d'origine devrait être regardée comme relevant d'un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH.

Il donne à considérer que l'attitude répétée des autorités algériennes consistant à détruire sa vie professionnelle en lui interdisant de réintégrer la fonction publique, d’une part, et en empêchant sinon en retardant de manière injustifiée la perception par lui des honoraires qui lui seraient dus dans le cadre de son activité libérale, d'autre part, entraînerait dans son chef des souffrances mentales intenses dès lors qu'il se retrouverait rejeté d'une société dans laquelle rien ne serait possible du moment que l'on s'opposerait au pouvoir en place. Il ajoute qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait victime d’atteintes graves de la part des autorités en place par les tentatives répétées de ces dernières de « saborder » toutes ses initiatives visant à lui permettre de travailler dans des conditions normales, et cela dans le seul but de « briser sa conscience », notamment en ce qu’il refuserait de participer à des pratiques illégales. Il ajoute, enfin, que les auteurs des actes dont il est victime seraient à considérer comme des acteurs d’atteintes graves au sens de l’article 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015.

A l’appui de son recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire, le demandeur invoque une violation du principe de non-refoulement, tel qu’inscrit à l’article 33, paragraphe (1) de la Convention de Genève et à l’article 54, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours, pris en son triple volet en reprenant en substance les motifs de refus à la base des décisions déférées.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 : « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

9Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il résulte de cette disposition qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

A cet égard, il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée La décision ministérielle est, en l’espèce, fondée sur les dispositions des points a) et e) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou […] e) le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations suffisamment vérifiées du pays d’origine, ce qui rend sa demande visiblement peu convaincante quant à sa qualité de bénéficiaire d’une protection internationale; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), sous a) et e) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du 10dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit que le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations suffisamment vérifiées du pays d’origine, et qui rendent sa demande visiblement peu convaincante quant à sa qualité de bénéficiaire d’une protection internationale.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), points a) et e) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Concernant plus particulièrement l’article 27, paragraphe (1), sous a) de la loi du 18 décembre 2015, il échet de relever que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant 11qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

La soussignée constate que le demandeur a déclaré dans son courrier du 30 avril 2021 adressé au ministère, ainsi que lors de son entretien sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale qu’il aurait dû quitter son pays d’origine à cause des persécutions qu’il aurait subies en raison de ses opinions politiques et techniques de la part d’un groupe « très influent » en Algérie, formé de « gens politiques et d’administrateurs » qui ne le laisseraient pas travailler librement et vivre en paix dans son pays. Il fait à cet égard état de trois incidents :

Premièrement, il fait état de persécutions dont il aurait été victime de la part de ces personnes à cause de sa démission de son poste de « subdivisionnaire du logement et des équipements publics de la sous-préfecture » le 24 août 2014, ce qui serait « interdit, voire impossible »1 en Algérie. Il explique qu’il aurait démissionné de ce poste parce qu'il aurait été confronté à des cas de corruption et qu'il aurait été obligé de signer des documents non conformes en étant menacé par des personnes haut-placées, à savoir notamment le « … », le sous-préfet, le directeur du logement et des fonctionnaires de la Ville et du ministère du logement et de l’urbanisme. Il précise dans ce contexte qu’à cause de sa démission, il n’aurait « plus eu droit » à ses honoraires.

Deuxièmement, il fait état de persécutions qu’il aurait subies de la part de ces mêmes personnes en raison de sa démission, en 2017, du parti FLN et de son adhésion au parti « FM » pour lequel il se serait présenté aux élections des assemblées populaires en novembre 2017. Il soutient qu'à cause de cette démission du parti FNL, il n'aurait plus eu droit à ses honoraires engendrés par le travail accompli par son entreprise de contrôle technique de la construction créée en 2015 à la suite de deux commandes d’expertise de la part d’institutions publiques contre qui il serait en procès depuis 2016. Par ailleurs, après avoir rejoint le parti « FM », certains responsables auraient décidé de « tout fermer face à [son] entreprise » et de le placer délibérément en faillite. Il ajoute qu’on lui aurait également interdit de travailler dans une administration publique, tout en insistant sur le fait qu’il s'agirait là d'une décision illégale qui aurait été émise oralement par « beaucoup de députés et de sénateurs ». Il fait par ailleurs valoir qu’en Algérie, les opposants politiques finiraient en prison, qu’il serait considéré comme une personne indésirable par le FLN et qu’il aurait eu de la chance de ne pas avoir gagné les élections.

Troisièmement, il fait état de menaces de mort qui auraient été proférées à son encontre de la part d’un entrepreneur, le dirigeant de l'entreprise « … », après qu'il aurait ordonné la démolition de constructions n'ayant pas respecté les réglementations ou les normes en vigueur, en expliquant que cette entreprise aurait par la suite été obligée de faire reconstruire les 1 Page 6 du rapport d’entretien.

12bâtiments en question par ses propres moyens. Il fait valoir que depuis ce jour, cet entrepreneur, un dénommé …, l'aurait régulièrement menacé de mort quand ils se seraient croisés, la dernière menace datant de 2018.

En ce qui concerne tout d’abord la démission du demandeur de son poste de l’Etat, force est de relever que le constat du ministre, sources internationales à l’appui, suivant lequel la démission est, en Algérie, un droit reconnu aux travailleurs et notamment aux fonctionnaires engagés auprès d’une administration publique n’a pas été contredit par le demandeur dans son recours, celui-ci y ayant, au contraire, admis la possibilité légale pour un employé d’une institution publique de démissionner.

Si, dans son recours, le demandeur a expliqué que par l’affirmation qu'une telle démission serait « interdite, voire impossible », il aurait voulu préciser non pas qu'il serait légalement impossible de démissionner, mais qu'en pratique, cela l'exposerait à des problèmes d'une telle gravité que dans les faits, aucun employé dans une telle situation ne prendrait le risque de démissionner, force est toutefois de constater que le demandeur est resté en défaut d’expliquer en quoi auraient consisté ces « problèmes d’une telle gravité », la seule affirmation non autrement circonstanciée suivant laquelle « On m’oblige de signer des documents sinon on détruit mon avenir et on s’en prend à ma famille. La menace existe donc aussi pour ma famille. »2, ou encore le fait qu’il aurait été contacté à plusieurs reprises par le préfet et le secrétaire général de la préfecture afin qu’il revienne sur sa décision sont en tout état de cause insuffisants pour retenir dans le chef du demandeur une persécution, voire atteinte grave au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 à cause de cette démission.

Par ailleurs, le demandeur a affirmé lui-même dans son entretien qu’il aurait été « couvert » par son père qui serait très respecté et par deux députés du FLN qui l’auraient aidé à déposer sa démission sans devoir craindre des conséquences.

En ce qui concerne les deux notes d’honoraires, il échet de relever que le demandeur est resté en défaut de démontrer le lien qui existerait, selon lui, entre sa démission de son poste étatique le 24 août 2014 et le non-paiement desdites notes d’honoraires, étant relevé que l’affirmation vague et non-autrement circonstanciée suivant laquelle il n’aurait « plus eu droit » à ses honoraires à cause de sa démission3 est en tout état de cause insuffisante à cet égard, ceci plus particulièrement dans la mesure où ceux-ci relèvent de l’activité de son entreprise créée en 2015 et qu’ils sont donc postérieurs à son départ de la fonction publique.

Il s’ensuit que l’affirmation non-autrement détaillée que sa démission de son poste étatique l’aurait exposé à des problèmes graves, respectivement qu’elle aurait eu des répercussions sur sa vie professionnelle reste à l’état de pure allégation.

Il en est de même en ce qui concerne la démission du demandeur du parti FLN en 2017 et son adhésion au parti « FM » pour lequel il s’était présenté aux élections des assemblées populaires en novembre 2017. Force est, en effet, de relever que le demandeur reste là également en défaut de préciser dans quelle mesure ce changement de parti politique et sa participation aux élections de novembre 2017 lui auraient personnellement et concrètement posé problèmes et plus particulièrement comment ces faits l’auraient empêché de travailler dans des conditions normales dans son pays d’origine, voire seraient à l’origine de la faillite de son entreprise.

2 Idem.

3 Idem.

13 En effet, la seule affirmation vague sans autre précision qu’en raison de sa carrière politique, il lui aurait été interdit de travailler dans toutes les administrations4 et qu’à ses yeux, il s’agirait là d’une décision illégale qui aurait été émise oralement par « beaucoup de députés et de sénateurs »5, est largement insuffisante pour retenir dans le chef de Monsieur … une persécution ou une atteinte grave dans son pays d’origine au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 en raison de ses opinions politiques, voire un traitement discriminatoire au sens de l’article 42, paragraphe (2), point b) de la loi du 18 décembre 2015, à défaut pour le demandeur de préciser de manière tangible pour quels postes de travail il aurait postulé, quelles auraient été les raisons de refus d’embauche et par quelles personnes concrètement ces décisions de refus auraient été émises.

A cet égard, la soussignée rejoint encore le ministre dans son constat suivant lequel le demandeur a lui-même décidé en 2014 de démissionner de son emploi public au motif qu’il n'aurait plus supporté les cas de corruption dont il a été témoin et qu'il a par la suite décidé de travailler en tant qu'indépendant, sans qu’ils ne se dégage des explications du demandeur qu’il aurait absolument voulu réintégrer la fonction publique algérienne, de sorte que les allégations non autrement étayées du demandeur dans son recours suivant lesquelles « le fait de continuer à [l’]empêcher […] de postuler pour la fonction publique alors qu'il a démissionné en date du 24 août 2014, soit depuis plus de 3 années correspondant au délai au-delà duquel un fonctionnaire démissionnaire retrouve le droit de réintégrer la fonction publique, relève de la mise en œuvre discriminatoire de mesures légales » sont non fondées, voire purement hypothétiques.

En ce qui concerne le non-paiement des deux notes d’honoraires établies par l’entreprise de Monsieur … à la suite des travaux accomplis dans le cadre des deux commandes d’expertise de la part d’institutions publiques, la soussignée relève, à l’instar du ministre, que le problème en rapport avec ledit non-versement des notes d’honoraires ne peut avoir un quelconque lien avec la démission du demandeur du parti FNL en 2017, voire avec sa participation aux élections de novembre 2017 pour le compte du parti « FM », dans la mesure où celui-ci a débuté en 2016, de sorte à être antérieur au changement de parti politique de Monsieur … en 2017, constat qui est encore corroboré par la carte de membre versée en cause désignant le demandeur comme membre du FLN en 2016, soit à un moment où ce problème de règlement d’honoraires serait devenu actuel. A cela s’ajoute que le demandeur invoque le problème du non-paiement d’honoraires tantôt en relation avec sa démission de son poste de l’Etat en 2014, tantôt en relation avec sa participation aux élections de 2017, sans préciser concrètement ni pour l’un ni pour l’autre événement en quoi ils seraient en lien causal avec ledit non-paiement.

Il s’ensuit que tout contexte politique de ce non-paiement des notes d’honoraires est à exclure.

Ce même constat doit être retenu pour ce qui est de la faillite de l’entreprise du demandeur survenue en 2019, soit 5 ans après qu’il a démissionné de son poste étatique. En effet, il ne ressort aucunement des déclarations du demandeur comment ces personnes haut-placées l’auraient empêché de travailler paisiblement dans son pays d’origine, respectivement en quoi elles seraient responsables de la faillite de son entreprise, la simple 4 Page 8 du rapport d’entretien.

5 Idem.

14affirmation qu’il n’aurait pas pu assurer la viabilité économique de son bureau d’études créé en 2015 dès lors que certaines factures correspondant à des travaux commandés par des institutions publiques et portant sur des montants importants n’auraient pas été réglées est largement insuffisante à cet égard, à défaut pour le demandeur d’établir plus particulièrement des liens concrets entre sa démission de la fonction publique, voire sa carrière politique, le défaut de paiement des notes d’honoraires et la faillite de son entreprise, faillite dont les circonstances exactes restent d’ailleurs également inconnues.

Cette conclusion n’est pas infirmée par le « procès-verbal de signification d’un acte d’appel » daté du 24 décembre 2018 duquel il se dégage que deux huissiers se sont présentés à la demande de la … auprès de la société de contrôle technique du demandeur pour lui notifier un acte d’appel contre un jugement administratif du 1er octobre 2018, ce document ne permettant, en effet, pas d’établir en quoi les autorités algériennes, des personnes haut-placées ou toute autre personne influente seraient responsables de la faillite de son entreprise ou ne voudraient pas le laisser travailler en paix. Il se dégage, au contraire, des pièces versées en cause et notamment des trois jugements des 18 septembre 2017, 26 mars et 1er octobre 2018, ainsi que du prédit procès-verbal de signification d’un acte d’appel du 24 décembre 2018, qui sont tous en relation avec le procès opposant le demandeur au … à cause des honoraires non payés, que le demandeur a eu accès à la justice et à un avocat en Algérie et qu’il y a pu faire valoir ses droits et se défendre contre les injustices dont il estime être victime. A défaut de toute explication circonstanciée quant aux problèmes qu’il aurait concrètement rencontrés avec ces personnes influentes et en quoi celles-ci seraient responsables de la faillite de sa société, - étant, à cet égard, relevé que le demandeur a, après sa démission de son poste étatique, travaillé en tant qu’ingénieur indépendant en Algérie pendant presque cinq ans avant de devoir déclarer faillite en 2019 -, les allégations à cet égard sont purement hypothétiques.

La soussignée constate ensuite qu’au-delà du non-paiement des notes d’honoraires, de la faillite de son entreprise et du refus d’accès à la fonction publique, dont tout contexte politique vient d’être exclu ci-dessus à défaut d’élément tangible, Monsieur … ne fait état d’aucun autre problème concret qu’il aurait rencontré après son changement de parti politique, respectivement après la participation aux élections de novembre 2017, étant relevé, à l’instar du ministre, que la réponse du demandeur à la question ce qu’il aurait risqué en se présentant aux élections de novembre 2017, à savoir l’affirmation qu’un autre membre du FM se serait une fois fait arrêter pour une raison inconnue ( « Je vais vous citer l’exemple d’un autre membre du FM qui s’est fait emprisonner un mois après avoir pris ses fonctions. »6) n’est nullement pertinente dans le cadre de l’analyse du bien-fondé de la demande de protection internationale du demandeur.

A cela s’ajoute qu’il ressort de explications étatiques, sources internationales à l’appui, que les recherches qu’elle avait effectuées à cet égard n'ont pas permis de trouver une trace d'une quelconque persécution dont auraient été victimes les membres du parti « FM » en Algérie. Bien au contraire, ce parti semble, d’après les explications non autrement contestées du ministre, être bien implanté sur la scène politique nationale, en faisant désormais même partie du gouvernement.

De plus, comme le demandeur explique qu’il ne serait plus un membre du parti « FM » depuis fin 20177, ses craintes de faire l’objet de persécutions ou d’atteintes graves à cause de 6 Page 6 du rapport d’entretien.

7 Page 8 du rapport d’entretien.

15son adhésion à ce parti qui relève du passé sont non fondées, voire purement hypothétiques. Ce constat est encore conforté par le fait que le demandeur n'a décidé de quitter son pays d’origine que deux ans et demi après avoir quitté ce parti, sans jamais avoir été poursuivi en justice ni avoir rencontré de problèmes particuliers en Algérie en rapport avec sa démission en 2014, voire avec sa courte carrière politique en 2017.

La conclusion retenue ci-avant n’est pas infirmée par les publications dont se prévaut en l’espèce le demandeur dans le préambule de son recours pour faire valoir que le régime en place en Algérie serait « particulièrement fragilisé » et « autoritaire », à savoir les deux articles de l’ONU des 5 mars et 11 mai 2021, le rapport du département des Nations Unis de 2019, la résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020, ainsi que l’article de presse publié sur le site internet www.radio-m.net, dans la mesure où le demandeur invoque lesdites publications sans mise en relation avec sa situation particulière et où il reste plus particulièrement en défaut d’expliquer en quoi il risquerait d’être victime de telles violations de ses droits fondamentaux en cas de retour dans son pays d’origine, ceci surtout eu égard au fait qu’il n’est plus actif dans le monde politique depuis 2017 et qu’il a vécu plus de deux ans en Algérie après la fin de sa carrière politique, respectivement qu’il a vécu plus de cinq ans en Algérie après sa démission de la fonction publique, sans n’avoir jamais été arrêté, tel que cela a été retenu ci-avant. A cela s’ajoute, tel que cela a été relevé ci-avant, qu’il se dégage des documents versés en cause que le demandeur a eu accès à la justice et à un avocat en Algérie et qu’il y a pu faire valoir ses droits et se défendre contre les injustices dont il estime être victime, de sorte que ses allégations à cet égard sont purement hypothétiques.

Au vu de ce qui précède, les craintes exprimées par le demandeur en relation avec ces personnes haut-placées « très influentes » sont, à défaut d’autres éléments fournis par lui, non fondées, voire purement hypothétiques, de sorte que le constat s’impose que le demandeur ne remplit manifestement ni les conditions d’obtention du statut de réfugié, ni celles de l’octroi d’une protection subsidiaire s’agissant de ces faits.

En ce qui concerne, enfin, les menaces de mort qui auraient été proférées à son encontre depuis 2015 jusqu’en 2018 de la part d'un entrepreneur, un dénommé …, à cause de son ordre de démolir des constructions émis quelques années plus tôt et indépendamment de leur qualification ou encore de leur gravité au sens de la loi du 18 décembre 2015, tel que le conteste la partie étatique, il échet de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, étant relevé que les menaces dont le demandeur déclare avoir été victime émanent d’une personne privée, en l’occurrence le dénommé …, dirigeant de l'entreprise « … ».

Dès lors, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut8.

L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de 8 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754 16son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.

Il y a encore lieu de souligner qu’une protection est considérée comme suffisante si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection. La disponibilité d’une protection nationale exige par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des atteintes graves. Cette exigence n’impose toutefois pas pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

Force est, à cet égard, de relever que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Des atteintes graves ne sauraient être admises dès la commission matérielle d’un acte criminel mais seulement dans l’hypothèse où les actes de violence physique ou verbale commis par une personne seraient encouragés ou tolérés par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.

En l’espèce, il n’est pas établi que le demandeur ne serait pas en mesure d’obtenir une protection suffisante dans son pays d’origine s’il devait être en proie aux menaces ou violences qu’il redoute de la part de cet entrepreneur, étant, en effet, relevé qu’il a déclaré lui-même ne pas avoir recherché la protection de la police ou d’une autre autorité de son pays d’origine après avoir reçu des menaces de mort.

Or, à défaut d’avoir au moins tenté de porter plainte auprès des autorités policières ou de rechercher une protection auprès des autorités locales, il ne saurait dès lors être retenu, en l’espèce, que les autorités algériennes n’auraient pas pu ou pas voulu lui offrir une protection contre les menaces qu’il craint de la part de cette personne.

Par ailleurs, il ne ressort ni des déclarations du demandeur, ni des éléments versés en cause que les autorités algériennes compétentes seraient dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque en relation avec les agressions qu’il craint de subir de la part du dénommé … en cas de retour en Algérie, étant relevé que la simple affirmation non autrement sous-tendue par un quelconque élément tangible qu’il n’aurait pas pu se présenter à la police en Algérie à cause de l’« influence » de l’entrepreneur d’« inverser les rôles et de faire de [lui] le fautif », alors qu’il suffirait audit entrepreneur de payer un « pot-de-vin » pour que la plainte soit « oubliée »9, est en tout état de cause largement insuffisante à cet égard. Il se dégage, au contraire, des informations fournies par la partie étatique, source internationale à l’appui, que les forces de la sûreté nationale algérienne sont chargées de « maintenir l'ordre public, d'assurer la protection des personnes et des biens, de détecter et de constater les infractions pénales ainsi que de rechercher et d'arrêter leurs auteurs, de prévenir la criminalité et la 9 Page 9 du rapport d’entretien.

17délinquance et de veiller à la sécurité des ports, aéroports, de certains établissements publics et des représentations étrangères. La Police judiciaire est chargée des enquêtes criminelles et travaille en étroite coordination avec le Bureau du Procureur général au ministère de la Justice ». De même, la partie étatique a encore fait valoir, source internationale à l’appui, que:

« (…) Le rôle assigné aux sections de sécurité et d'intervention est de mener des actions de sécurisation permanentes et continues dans les zones où sévit l'insécurité et prolifèrent la délinquance et le banditisme, y maintenir l'ordre et entretenir par leur présence un effet de dissuasion. Ces actions préventives sont complétées par des interventions musclées et adaptées aux situations les plus imprévisibles, pour protéger les personnes et les biens, rétablir un ordre perturbé ou annihiler toute velléité d'agression contre les citoyens. Et procéder à l'arrestation de leurs auteurs. (…) ».

Il ne se dégage dès lors d’aucun élément à la disposition du tribunal que les autorités compétentes algériennes n’auraient pas pu ou pas voulu accorder au demandeur une protection contre les menaces dudit entrepreneur, respectivement qu’elles seraient dans l’incapacité de lui fournir une quelconque protection s’il devait effectivement être menacé par le dénommé … en cas de retour en Algérie. Les allégations du demandeur à cet égard sont dès lors rejetées.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours du demandeur, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande d’octroi d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir qu’il aurait présenté des faits ayant une quelconque pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale sont visiblement dénués de tout fondement, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner le bien-fondé de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en application du point e) du paragraphe (1) de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Force est de rappeler que la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que les moyens que le demandeur a présentés pour établir qu’il aurait présenté des faits ayant une quelconque pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale sont visiblement dénués de tout fondement.

Or, la soussignée, au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition respective, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que le demandeur ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale prise en son double volet.

18Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Quant au recours dirigé contre la décision portant ordre de quitter le territoire, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer les articles 33, paragraphe (1) de la Convention de Genève ou 54, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 consacrant le principe du non-refoulement, la conclusion du caractère manifestement infondé de la demande de protection internationale introduite par le demandeur et plus particulièrement le constat que le demandeur n’a pas fait état d’un risque réel d’être persécuté ou de subir des atteintes graves en cas de retour en Algérie amenant la soussignée à la conclusion que le moyen fondé sur une violation des articles 33, paragraphe (1) de la Convention de Genève ou 54, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, précités, est également manifestement non fondé.

Il s’ensuit et à défaut d’autres moyens que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, Le juge, en remplacement du président de la troisième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 5 août 2021 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

19Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 15 octobre 2021, par la soussignée, juge, en remplacement du président de la troisième chambre du tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Alexandra Bochet Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 octobre 2021 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46385
Date de la décision : 15/10/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-10-15;46385 ?

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