La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2021 | LUXEMBOURG | N°44710

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2021, 44710


Tribunal administratif N° 44710 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2020 2e chambre Audience publique du 18 octobre 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44710 du rôle, déposée en date du 24 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, L-…, dirigée contre la décision d

u directeur de l’administration des Contributions directes du 27 avril 2020, référencée sous l...

Tribunal administratif N° 44710 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2020 2e chambre Audience publique du 18 octobre 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 44710 du rôle, déposée en date du 24 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif par Monsieur …, L-…, dirigée contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 27 avril 2020, référencée sous le n° C 24913, ayant rejeté sa réclamation introduite en date du 30 mai 2018 contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2017, émis le 9 mai 2018 par le bureau d’imposition …, section des personnes physiques, de l’administration des Contributions directes ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2020 ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu les courriers électroniques de Monsieur … et de Monsieur le délégué du gouvernement Tom Kerschenmeyer du 1er mai 2021, respectivement du 10 mai 2021, informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de leur présence ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience du 10 mai 2021.

__________________________________________________________________________

Le bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, section des personnes physiques, ci-après dénommé « le bureau d’imposition », émit le 9 mai 2018 à l’attention de Monsieur … et Madame … le bulletin de l’impôt sur le revenu portant sur l’année d’imposition 2017.

Monsieur … et Madame … formulèrent auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », une réclamation contre ce bulletin de l’impôt sur le revenu par lettre du 27 mai 2018. A travers cette réclamation ils contestèrent le fait que le bureau d’imposition avait refusé de prendre en considération des frais de scolarité d’un montant de … euros à titre de charges extraordinaires.

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. ».

Cette réclamation fut rejetée comme non fondée par une décision directoriale du 27 avril 2020, référencée sous le numéro du rôle C 24913 et motivée comme suit :

« Vu la requête introduite le 30 mai 2018 par le sieur …, demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2017, émis en date du 9 mai 2018 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;

Considérant que le réclamant fait grief au bureau d'imposition de ne pas avoir tenu compte des frais de scolarité de son fils, souffrant d'un trouble du spectre autistique l'empêchant de progresser de façon satisfaisante dans un établissement d'enseignement général-public et scolarisé de ce fait dans une école privée internationale ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d'impôt étant d'ordre public;

qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-

fondé ; qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que, dans sa déclaration pour l'impôt sur le revenu de l'année 2017, le requérant demanda à bénéficier d'un abattement pour charges extraordinaires au titre des frais de scolarité de son fils; qu'il appuya sa demande sur trois factures établies par l'établissement d'enseignement « … » portant sur un montant total de … euros de frais d'inscription et de participation à des dépenses de fonctionnement de l'établissement ; qu'il joignit encore à sa demande des rapports médico-psychologiques établis le premier par le « Service d'évaluation et de rééducation fonctionnelles » du Centre hospitalier de Luxembourg et le second par le Centre de Logopédie, établissant que son fils est atteint d'un trouble du développement, et qu'il était conseillé, sans qu'il dût être réorienté vers l'éducation différenciée, de le faire bénéficier de préférence d'un enseignement dans sa langue maternelle qui est l'anglais, afin de lui permettre tout autant de progresser de façon satisfaisante dans sa scolarité que de bénéficier d'une éducation plus adaptée à ses difficultés linguistiques ; que le requérant expliqua d'ailleurs, dans le cadre de sa demande, que « suivant la recommandation du Centre de Logopédie et du service pédiatrique du CHL en 2008 nous avons enregistré … dans l'école privée … pour qu'il puisse progresser son éducation dans sa langue maternelle (l'Anglais) et avoir une chance dans la vie de pouvoir communiquer ses besoins au moins dans une langue. Depuis … a aussi été diagnosé d'Aspergers Syndrome, sur le spectre autistique (…) et nous sommes donc obligé de continuer avec l'école privée » ; que le bureau d'imposition ne tint pourtant pas compte de ces frais au motif que, représentant des frais de scolarité, ils ne seraient pas susceptibles de faire l'objet d'un abattement de revenu imposable pour charges extraordinaires ;

Considérant qu'à l'appui de sa requête, le réclamant fait cependant valoir que le bureau d'imposition aurait accédé à ses demandes en obtention d'un abattement de revenu imposable au titre des mêmes frais les années précédentes et a joint à sa requête une copie du bulletin de l'impôt sur le revenu de l'année 2016, faisant apparaître un abattement d'un montant de … euros ; qu' « en vertu du principe de l'annualité de l'impôt, consacré notamment à l'article 1er L.I.R., ainsi qu'à l'article 100 de la Constitution, la situation du contribuable doit être considérée pour chaque année d'imposition suivant des données et caractéristiques propres, établies du moment, de manière que les bases d'imposition du chef d'une année d'imposition sont à déterminer indépendamment de celles retenues pour une année d'imposition antérieure et que l'autorité compétente n'est ainsi pas liée par ses appréciations antérieures, sauf l'hypothèse d'une décision expresse en faveur du contribuable» (Cour administrative du 3 août 2016, no 37117C du rôle) ; qu'il en résulte que le réclamant ne saurait s'appuyer sur le seul fait d'avoir obtenu, par le passé, un abattement de revenu imposable pour charges extraordinaires au titre de ces frais afin de prétendre à une perpétuation de ses droits, la demande en obtention étant à renouveler chaque année, le bureau d'imposition est appelé à vérifier annuellement les conditions d'octroi, ce qui implique qu'il puisse être amené à reconsidérer une position adoptée par le passé si celle-ci s'avère contraire aux dispositions légales et réglementaires applicables ;

Considérant qu'en vertu de l'article 127, alinéa 1er de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) le contribuable obtient sur demande un abattement de revenu imposable du fait de charges extraordinaires qui sont inévitables et qui réduisent d'une façon considérable sa faculté contributive ; qu'une charge est réputée extraordinaire lorsqu'elle n'incombe pas à une majorité de contribuables se trouvant dans une condition analogue quant à la situation familiale et quant à l'importance des revenus et de la fortune (article 127, alinéa 2 L.I.R.) ;

que cette définition élimine toutes charges qui ne sont pas extraordinaires par leur nature, alors même qu'importantes par leur montant ; qu'une charge est inévitable lorsque le contribuable ne peut s'y soustraire pour des raisons matérielles, juridiques ou morales (article 127, alinéa 3 L.I.R.) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 127, alinéa 4a L.I.R., les frais d'entretien, d'éducation et de formation professionnelle d'un enfant visé à l'article 123, alinéa 1er L.I.R., -

faisant soit partie du ménage du contribuable, soit ne faisant pas partie du ménage du contribuable, mais dont les frais d'entretien, d'éducation ou de formation professionnelle sont principalement à charge de ce dernier, - peuvent uniquement donner lieu, dans le chef du contribuable, respectivement à une modération d'impôt pour enfant au sens de l'article 122 L.I.R., ou à un abattement de revenu imposable selon les dispositions de l'article 127bis L.I.R.; que l'octroi de la modération d'impôt pour enfant ou de l'abattement au sens de l'article 127bis L.I.R. ne préjuge toutefois pas de la déduction d'un abattement de revenu imposable du fait de charges extraordinaires au sens du présent article pour des charges autres que les frais d'entretien, d'éducation ou de formation professionnelle ;

Considérant que les frais d'inscription et les participations aux frais de fonctionnement d'un établissement d'enseignement privé constituent des frais d'éducation et de formation professionnelle visés par l'article 127, alinéa 4a L.I.R. ; qu'étant donné que le réclamant bénéficia au cours de l'année en cause, dans le chef de son fils, d'une modération d'impôt pour enfant sous forme de l'allocation familiale, un abattement pour charges extraordinaires ne peut en principe lui être accordé au titre des seuls frais de scolarité ;

Considérant par contre qu'en vertu du point 9 de la circulaire L.I.R. n° 127/1 du 2 avril 2012 du directeur des contributions, un abattement pour charges extraordinaires pour frais d'entretien et d'éducation pour des enfants pour lesquels le contribuable bénéficie d'une modération d'impôt pour enfants au sens de l'article 122 L.I.R. peut être accordé lorsque ces frais prennent une envergure excessive, plus particulièrement en cas de maladie ou de handicap de l'enfant ; qu'en vertu du point 19 de cette même circulaire, l'article 127 L.I.R. ne pourra être invoqué pour les frais d'entretien et d'éducation que lorsqu'en dehors des dépenses normales il y a des dépenses additionnelles d'entretien et d'éducation, telles que les dépenses en rapport avec un long et coûteux traitement médical de l'enfant ou les frais du placement de l'enfant dans un établissement spécifique, comme par exemple un établissement pour aveugles, pour sourds-muets, pour enfants arriérés, pour enfants mentalement handicapés, etc. ;

Considérant que les frais de maladie et les dépenses directement liées à ceux-ci sont généralement considérés comme extraordinaires et inévitables ; qu'un trouble du développement, tel celui dont souffre le fils du requérant, est reconnu comme maladie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ; que le réclamant ne demanda pourtant pas le bénéfice d'un abattement de revenu imposable au titre de frais de maladie ordinaires, tels médicaments, traitements ou thérapies spécifiques, mais au titre des frais de scolarité liés à l'inscription de son fils dans une école privée ; qu'il s'agit en l'espèce d'un établissement privé de type international offrant un enseignement en langue anglaise ; que nonobstant le fait qu'un enseignement dans sa langue maternelle permet au fils du requérant d'assimiler de façon plus aisée les matières enseignées et représente, compte tenu de ses besoins spécifiques, le moyen le plus efficace lui permettant de progresser dans son développement intellectuel, l'école internationale en cause range parmi les établissements d'enseignement général, dont l'offre s'adresse à tous genres de publics et n'est pas réservé à des enfants et adolescents à besoins spécifiques ;

Considérant que les frais définis au point 19 de la circulaire 127/1 constituent des frais thérapeutiques et des frais d'hébergement dans un établissement spécialisé dans un domaine médico-social déterminé ; qu'établissement privé d'enseignement général, l'école à laquelle est inscrit le fils du réclamant ne peut être assimilée à pareille institution réservée, ayant pour mission d'assurer au moyen d'un enseignement adapté une offre scolaire à des enfants autrement exclus de l'enseignement public ; que ces institutions spécifiques, adaptées à des besoins déterminés, sont porteurs d'une offre exclusive à l'adresse d'un public précis qui n'a guère le choix de s'orienter vers une autre institution, contrairement aux établissements privés d'enseignement que parents et enfants choisissent librement en fonction de leurs besoins et préférences ; que la circulaire 127/1 vise ainsi les établissements dont la fréquentation s'impose aux concernés comme seule offre existante, et non les établissements privés d'enseignement accessibles suivant le libre choix des parents et enfants, qui peuvent s'orienter vers l'offre la plus adaptée et promettant le plus d'opportunités ; qu'une majorité d'élèves fréquentant une école privée recourent d'ailleurs à une telle offre pour des raisons qui, quoiqu'indépendantes de besoins spécifiques liés à un trouble du développement, leur assurent de plus grandes opportunités ou facilités ;

Considérant que le montant des charges pour lesquelles un abattement pour charges extraordinaires a été demandé par le réclamant est constitué par les frais de scolarité en relation avec l'inscription de son fils dans un établissement privé d'enseignement ; qu'il ne s'agit dès lors pas de frais additionnels en rapport avec un traitement médical de l'enfant, ni avec son placement dans un établissement spécifique, l'école en question n'étant pas un établissement spécialisé dans l'éducation d'enfants présentant des troubles de développement et des besoins spécifiques ;

Considérant qu'un abattement de revenu imposable pour charges extraordinaires est réservé à des dépenses dont le caractère est tout aussi extraordinaire qu'inévitable ; que les frais d'inscription dans une école privée représentent des frais d'éducation et de formation professionnelle dont l'article 127, alinéa 4a L.I.R. précise qu'ils sont couverts par la modération d'impôt pour enfants au sens de l'article 122 L.I.R. ; que les frais de scolarité ne peuvent encore être considérés comme frais de maladie, les conditions liées à l'institution même et à son offre pédagogique n'étant pas vérifiées ; qu'un abattement pour charges extraordinaires ne peut donc être accordé au titre des frais de scolarité déclarés ;

Considérant que pour le surplus, l'imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n'a d'ailleurs pas été autrement contestée ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. (…) ; ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2020, Monsieur … a introduit un recours à l’encontre de la décision directoriale ci-avant visée du 27 avril 2020.

Lorsque la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation de la décision critiquée, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi2.

Le paragraphe 228 de la loi générale des impôts, communément appelée « Abgabenordnung », ci-après dénommée « AO », ensemble l’article 8 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, instaurant un recours au fond contre les décisions du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation introduite par un contribuable à l’encontre d’un bulletin de l’impôt sur le revenu, telles que la décision directoriale critiquée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, recours qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, Monsieur … explique que son fils, …, se serait vu diagnostiqué un syndrome d’Asperger et des troubles linguistiques. Il aurait été scolarisé dans 2 Trib. Adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Recours en réformation, n° 8 et les autres références y citées.

un premier temps selon le système d’éducation nationale luxembourgeois au sein du Centre de Logopédie. Selon l’avis du personnel enseignant et des médecins, il aurait été recommandé de scolariser … dans une école enseignant dans sa langue maternelle, l’anglais, avec un soutien spécialisé. Le demandeur explique avoir pris le choix d’inscrire son fils à la … dont les frais de scolarité s’élèveraient à entre … et … euros par an. Il ajoute que pendant plusieurs années l’administration des Contributions directes aurait accepté les frais d’inscription à titre de charges extraordinaires.

Le demandeur donne encore à considérer qu’il n’existerait pas d’école spécialisée en matière de troubles de développement en langue anglaise au Luxembourg, de sorte qu’il n’aurait pas eu d’autre choix que d’inscrire son fils à la …, qui, à côté de l’éducation normale, entourerait son fils d’une équipe d’éducateurs et de psychologues spécialisés.

Il en conclut que les frais d’inscription auraient un caractère extraordinaire et inévitable, dans la mesure où il n’aurait pas eu d’autre choix au Luxembourg.

Finalement, le demandeur soutient qu’il aurait préféré inscrire son fils dans une école publique, à l’instar de sa fille, mais qu’à cause des troubles de développement de son fils, ceci aurait été impossible.

Le délégué du gouvernement reprend, en substance, la motivation de la décision directoriale précitée et conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 127 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », « 1. Sur demande le contribuable obtient un abattement de revenu imposable du fait de charges extraordinaires qui sont inévitables et qui réduisent d’une façon considérable sa faculté contributive.

2. Le contribuable est censé avoir des charges extraordinaires lorsqu’il a des obligations qui n’incombent normalement pas à la majorité des contribuables se trouvant dans une condition analogue quant à la situation familiale et quant à l’importance des revenus et de la fortune. Ne sont toutefois pas à prendre en considération les charges et dépenses déductibles à titre de dépenses d’exploitation, de frais d’obtention ou de dépenses spéciales.

3. Une charge extraordinaire est inévitable au sens du présent article, lorsque le contribuable ne peut s’y soustraire pour des raisons matérielles, juridiques ou morales. (…) 4a. Les frais d’entretien, d’éducation et de formation professionnelle d’un enfant visé à l’article 123, alinéa 1er, - faisant soit partie du ménage du contribuable, soit ne faisant pas partie du ménage du contribuable, mais dont les frais d’entretien, d’éducation ou de formation professionnelle sont principalement à charge de ce dernier, - peuvent uniquement donner lieu dans le chef du contribuable respectivement à une modération d’impôt pour enfant au sens de l’article 122, ou à un abattement de revenu imposable selon les dispositions de l’article 127bis. L’octroi de la modération d’impôt pour enfant ou de l’abattement prévisé ne préjuge pas de la déduction d’un abattement de revenu imposable du fait de charges extraordinaires au sens du présent article pour des charges autres que les frais d’entretien, d’éducation ou de formation professionnelle. (…) ».

Il suit de l’article précité que pour qu’un contribuable puisse faire valoir l’abattement y prévu, trois conditions de fond doivent être remplies cumulativement, à savoir a) la charge doit être extraordinaire, b) elle doit être inévitable et c) elle doit réduire la faculté contributive du contribuable de façon considérable. Il en découle également que le contribuable ne peut pas cumuler la modération d’impôt pour enfant au sens de l’article 122 avec un abattement de revenu imposable du fait de charges extraordinaires.

Or, il échet, dans un premier temps, de constater que le demandeur a bénéficié au cours de l’année d’imposition visée d’une modération d’impôt pour enfant, de sorte qu’en vertu du paragraphe 4a de l’article 127, il est a priori exclu de faire valoir les frais d’inscription scolaire de l’enfant visé à titre de charges extraordinaires.

Or, tant le directeur que le délégué du gouvernement font référence à la circulaire LIR n° 127/1 du 2 avril 2012 selon laquelle « Des charges qui en principe doivent être considérées comme ordinaires, peuvent cependant, dans un cas déterminé, devenir extraordinaires pour parties. Tel est, p.ex. le cas où pour l'entretien et l'éducation d'un enfant, donnant droit à une modération d'impôt en vertu de l'article 123 L.I.R. ou à un abattement de revenu en vertu de l'article 127bis L.I.R., les dépenses nécessaires y relatives prennent une envergure excessive, plus particulièrement en cas de maladie ou de handicap de l’enfant. (…) L'article 127 L.I.R.

ne pourra être invoqué que si, en dehors des dépenses normales, il y a des dépenses additionnelles, telles que les dépenses en rapport avec un long et coûteux traitement médical de l'enfant ou les frais du placement de l'enfant dans un établissement, comme p.ex. un établissement pour aveugles, pour sourds-muets, pour enfants arriérés, pour enfants mentalement handicapés, etc. Les frais supplémentaires incombant de ce chef au contribuable, qui sont à considérer comme extraordinaires et inévitables, donneront lieu à un abattement dans la mesure où les limites de l'alinéa 4 de l'article 127 L.I.R. sont dépassées. ».

Ainsi, des frais de scolarité peuvent, malgré le bénéfice d’une modération d’impôt, être considérés comme des charges extraordinaires si ces charges prennent une envergure excessive, en cas de maladie ou de handicap de l’enfant. Les parties s’accordent sur le fait que le trouble du développement du fils du demandeur est à considérer comme une maladie mais restent en désaccord sur le caractère inévitable des frais liés à cette maladie. Il échet cependant de constater, à l’instar du directeur et du délégué du gouvernement, que l’école privée …, dont Monsieur … demande à ce que les frais d’inscription soient reconnus comme charges extraordinaires, n’est pas un établissement spécialisé dans un domaine médico-social, tel que ceux énumérés par la circulaire citée ci-avant, mais un établissement d’enseignement général pour des élèves sans besoins spécifiques, sans que le demandeur soumette à l’appréciation du tribunal un quelconque élément qui permettrait de conclure à une prise en charge particulière des besoins de son fils au sein de cet établissement et ainsi à des frais supplémentaires lui incombant, de sorte que lesdits frais d’inscription scolaire ne sont pas à considérer comme charges extraordinaires.

A titre superfétatoire, en ce qui concerne, la condition ayant trait au fait que la charge doit être inévitable, il échet de retenir qu’une charge est à qualifier d’inévitable à partir du moment où le contribuable ne peut pas s’y soustraire pour des raisons matérielles, juridiques ou morales.

Force est au tribunal de constater qu’il ressort du dossier fiscal que Monsieur … a fait parvenir à l’administration des Contributions directes un rapport du service d’évaluation et de rééducation fonctionnelles du Centre hospitalier de Luxembourg du 23 août 2010, un rapport du Community Help Service de Bruxelles établit en date du 4 novembre 2011 ainsi que trois rapports du Centre de Logopédie dont l’un est non daté couvrant la période d’observation du 16 au 26 septembre 2008 et les deux autres portent la date du 30 novembre, respectivement du 2 décembre 2008.

Or, s’il est vrai qu’il résulte des documents précités qu’entre 2008 et 2011 un enseignement en langue anglaise a pu être bénéfique pour le fils de Monsieur …, il n’en reste pas moins qu’il ne ressort d’aucun des documents soumis à l’appréciation du tribunal que les frais d’inscription à l’école privée … n’ayant pas été pris en compte à titre de charges extraordinaires par le bureau d’imposition, n’auraient pas pu être évités par Monsieur …, étant rappelé dans ce contexte qu’en vertu de l’article 59 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives « la preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable (…) ». En effet, étant donné que la … est une école d’enseignement général dont l’offre s’adresse à tous les enfants sans être réservée à des enfants à besoins spécifiques, Monsieur … n’établit pas que son fils n’aurait pas pu suivre un enseignement dans l’une des écoles internationales publiques au Luxembourg, sinon que les autres écoles anglophones impliqueraient des frais scolaires similaires. Ainsi, Monsieur … reste en défaut de prouver que les frais d’inscription scolaire de son fils ont été inévitables dans son chef.

S’agissant finalement de l’argument du demandeur selon lequel l’administration des Contributions directes aurait dans le passé toujours accepté les frais d’inscription à la … à titre de charges extraordinaires, il échet de retenir que c’est à juste titre que le directeur s’est référé au principe de l’annualité de l’impôt, tel que consacré par l’article 1er LIR et par l’article 100 de la Constitution, qui impose que la situation du contribuable doit être considérée pour chaque année d’imposition suivant des données et caractéristiques propres, de manière que les bases d’imposition du chef d’une année d’imposition sont à déterminer indépendamment de celles retenues pour une année d’imposition antérieure et que l’autorité compétente n’est ainsi pas liée par ses appréciations antérieures, sauf l’hypothèse d’une décision expresse en faveur du contribuable3, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Il suit de tout ce qui précède que la décision directoriale déférée ne saurait encourir une quelconque réformation et le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

3 Cour adm. 3 août 2016, n° 37117C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 21.

Françoise Eberhard, premier vice-président, Hélène Steichen, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge et lu à l’audience publique du 18 octobre 2021 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 octobre 2021 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 44710
Date de la décision : 18/10/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-10-18;44710 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award