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18/10/2021 | LUXEMBOURG | N°45105

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2021, 45105


Tribunal administratif N° 45105 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2020 2e chambre Audience publique du 18 octobre 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45105 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2020 par Maître Katrin Djaber, avocat à la Co

ur, assistée par Maître Marcel Marigo, avocat, tous deux inscrits au tableau de l’Ordre d...

Tribunal administratif N° 45105 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 octobre 2020 2e chambre Audience publique du 18 octobre 2021 Recours formé par Monsieur …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 45105 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2020 par Maître Katrin Djaber, avocat à la Cour, assistée par Maître Marcel Marigo, avocat, tous deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 septembre 2020 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour transmise au greffe du tribunal administratif par Maître Marcel Marigo, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en date du 5 novembre 2020, déclarant avoir repris le mandat pour la défense des intérêts de Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 décembre 2020 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Vu l’article 1er de la loi du 19 décembre 2020 portant adaptation temporaire de certaines modalités procédurales en matière civile et commerciale1 ;

Vu la communication de Maître Marcel Marigo du 1er avril 2021 informant le tribunal que l’affaire pouvait être prise en délibéré en dehors de sa présence ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Linda Maniewski en sa plaidoirie à l’audience publique du 26 avril 2021.

Le 5 août 2019, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », dans le cadre d’un programme de relocalisation au Luxembourg, après avoir introduit le 11 juillet 2019, une demande de protection internationale auprès des autorités italiennes.

1 « Les affaires pendantes devant les juridictions administratives, soumises aux règles de la procédure écrite et en état d’être jugées, pourront être prises en délibéré sans comparution des mandataires avec l’accord de ces derniers. » 1Le 9 septembre 2019, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère, une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015, entretemps modifiée, relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service …, dans un rapport du même jour.

Les 3 et 12 février 2020, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 15 septembre 2020, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 9 septembre 2019 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Monsieur, notons que vous êtes venu au Luxembourg par le biais d'un programme de relocalisation depuis l'Italie en date du 9 septembre 2019 alors que vous avez introduit une demande de protection internationale en Italie le 11 juillet 2019.

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport d'entretien effectué en Italie le 5 août 2019, le rapport du Service de Police Judiciaire du 9 septembre 2019, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 3 et 12 février 2020 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi qu'un acte de naissance versé à l'appui de votre demande de protection internationale.

Monsieur, il ressort de votre récit que vous seriez né à … au Cameroun et que vous y auriez vécu avec votre mère. Vous auriez obtenu le diplôme de l'école secondaire en 2015 et auriez ensuite travaillé dans la construction.

En ce qui concerne le départ de votre pays d'origine, vous évoquez avoir quitté le Cameroun le 12 août 2018 en direction du Niger avec une escale d'environ un mois au Nigeria.

Vous seriez ensuite parti en Libye, où vous auriez été kidnappé et emprisonné pendant quatre ou cinq mois, avant de vous enfuir et de rejoindre l'Italie par bateau.

Monsieur, vous évoquez avoir quitté votre pays d'origine en raison de la détérioration de la situation sécuritaire dans votre région d'origine suite au conflit entre les francophones et les anglophones, les « Ambazonians » « wanted to gain the independency of Southern 2Cameroon » (p.5/11 du rapport d'entretien). Dans ce contexte, vous évoquez que les « Ambazonians » vous auraient humilié et auraient proféré des menaces à votre égard à quatre reprises après votre refus de les rejoindre « to fight the trouble » (p.4/11 du rapport d'entretien). Ils vous auraient mis tellement de pression que vous auriez pris la fuite en direction de l'Europe.

Vous évoquez craindre d'être tué par les « Ambazonians » en cas d'un retour dans votre pays d'origine.

Vous indiquez ne pas avoir souhaité vous installer ailleurs au Cameroun parce que « I would be considered like a betrayer if I leave the Southern region. Another reason is that I was born and raised in and I don't know anyone in … or elsewhere […] If you go to the French Cameroon, the officers on the check points check your ID, they welcome you. But during the evening time, the Government has special forces who come to the houses, check your ID and take you with them. Some people are taken and never found » (p.7/11 du rapport d'entretien).

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Avant tout progrès en cause, notons que les problèmes rencontrés en Libye ne sont pas pris en considération dans le cadre de l'évaluation de votre demande de protection internationale. En effet, suivant l'article 2 de la Loi de 2015 sont pris en compte dans le cadre de l'examen d'une demande de protection internationale uniquement les faits qui se sont déroulés dans le pays d'origine du demandeur respectivement les craintes exprimées en relation avec le pays d'origine. Etant donné que vous êtes de nationalité camerounaise, les faits qui se seraient déroulés en dehors de votre pays d'origine, c'est-à-dire le Cameroun, ne sauraient pas être pris en considération dans l'évaluation de votre demande de protection internationale.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et 3qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur vous indiquez craindre en cas de retour au Cameroun de subir des représailles de la part des « Ambazonians » qui vous auraient menacé et humilié après avoir refusé de les rejoindre. Ces craintes entrent dans le champ d'application de la Convention de Genève.

Or, ils ne revêtent manifestement pas un degré de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à une persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève, puisqu'à part d'avoir été menacé oralement à quatre reprises, rien ne vous est arrivé.

Quand bien même ces faits seraient liés à l'un des critères énumérés par la Convention de Genève et qu'ils seraient suffisamment graves pour constituer un acte de persécution notons que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. En effet il ne ressort pas du rapport d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre des « Ambazonians ». Vous indiquez de manière claire et non équivoque que vous n'avez à aucun moment porté plainte contre les « Ambazonians », de sorte qu'on ne saurait reprocher une quelconque défaillance aux forces de l'ordre qui n'ont jamais été mises en mesure d'effectuer leur mission.

Ajoutons à titre d'information qu' « en juin 2018, le gouvernement camerounais lance un plan d'assistance humanitaire (The Government emergency humanitarian assistance plan in the North-West and South-West regions 2018-2019) aux populations touchées par le conflit.

Ce plan prévoit notamment une assistance humanitaire d'urgence aux populations dans le besoin, la réinsertion socioéconomique des populations affectées et la réhabilitation des infrastructures détruites ».

Notons que le gouvernement camerounais est en train d'activement remédier à la « Crise anglophone », et ce entre autres par un dialogue national et par une médiation entre les deux camps : Le grand dialogue national s'est achevé le 4 octobre 2019 avec « Au final, un compromis sera finalement trouvé entre les deux parties. Selon le porte parole de l'événement George Ewane, les principales mesures adoptées concernent, entre autres, le « retour à l'appellation 'République unie du Cameroun' (elle avait été abrogée en 1984 par le président Paul Biya au profit de l'appellation 'République du Cameroun' ndlr), la rotation de la célébration de la fête nationale dans les régions, ainsi que l'accélération de la décentralisation avec un statut spécial pour les régions anglophones » ». De plus, « Alors que le Grand dialogue national vient de se clôturer à Yaoundé, l'ex-journaliste Eric Chinje a commencé les consultations dans le cadre d'une mission de médiation visant à trouver des solutions à la crise anglophone qui secoue le Cameroun. Paul Biya a confié à l'ancien journaliste Eric Chinje (qui avait été son unique interviewer à la télévision), aujourd'hui patron de l'agence de communication Kory Agency, une mission de médiation dans la crise anglophone ». Ceci confirme la volonté du gouvernement de trouver une solution durable à cette crise.

De plus, les forces de la sureté nationale camerounaises sont chargées de maintenir l'ordre public : « Le maintien de l'ordre public peut se définir comme un ensemble de mesures et de dispositions prises par les autorités compétentes, pour éviter le désordre social. Il vise à préserver la paix sociale, la tranquillité publique, la sécurité des personnes et des biens. Et lorsque cet ordre a été perturbé, des mesures adéquates sont prises pour un retour au calme ».

4 Ainsi il convient de conclure que vous auriez aisément pu solliciter les autorités de votre pays d'origine pour dénoncer ces faits et chercher de l'aide. Ceci est d'autant plus vrai que vous êtes un homme adulte, libre de ses choix, de sorte qu'il n'existe aucune raison justifiant votre manque d'engagement dans ce contexte.

Il convient de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'une infraction, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée. Or, tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

De plus notons que vous auriez pu vous installer dans une autre partie de votre pays d'origine pour être à l'abri de représailles des « Ambazonians ».

Relevons dans ce contexte qu'il ressort d'une analyse approfondie de la situation sécuritaire actuelle au Cameroun (voir COI Focus « Cameroun. La crise anglophone :

Situation sécuritaire » de 2019) qu'il s'agit d'un conflit plutôt localisé qui se limite principalement aux deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Depuis l'été 2018, le conflit s'est étendu à d'autres régions du pays, où la violence reste cependant relativement limitée. On a notamment rapporté une vingtaine d'incidents dans les régions francophones de l'Ouest et du Littoral. Il ressort toutefois clairement des informations que la violence liée à la crise anglophone est actuellement d'ampleur plutôt limitée dans la partie francophone du pays, et qu'elle n'y prend pas un caractère au point de pouvoir affirmer qu'un civil, du seul fait de sa présence, y court un risque réel de persécution.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d'être persécuté respectivement que vous risquez d'être persécuté en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

5L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que vous auriez quitté le Cameroun parce que vous auriez refusé d'intégrer le groupe des « Ambazonians » raison pour laquelle vous auriez été menacé par ces derniers.

A cet égard, il est utile de rappeler que vous auriez pu requérir à la protection des autorités camerounaises.

A cela s'ajoute qu'il convient de constater que vous êtes majeur et donc parfaitement capable de vous installer dans une autre partie de votre pays d'origine, comme Yaoundé ou Bafoussam, pour être à l'abri de représailles des « Ambazonians ». Répétons que cette crise s'étend principalement sur les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et que la violence dans la partie francophone du pays ne prend pas un caractère généralisé et aveugle au point de pouvoir affirmer qu'un civil, du seul fait de sa présence, y court un risque réel de subir une atteinte grave telle que visée à l'article 48 de la Loi de 2015.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

3. Quant à la fuite interne En vertu de l'article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.

En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires que vous n'auriez pas tenté de vous réinstaller dans une autre ville ou région de votre pays d'origine au motif que « I would be considered like a betrayer if I leave the Southern region. Another reason is that I was born and raised in and I don't know anyone in … or elsewhere » (p.7/11 du rapport d'entretien).

De plus, « If you go to the French Cameroon, the officers on the check points check your ID, they welcome you. But during the evening time, the Government has special forces who come to the houses, check your ID and take you with them. Some people are taken and never found » (p.7/11 du rapport d'entretien).

6Notons dans ce contexte qu'il n'existe d'après les informations en nos mains pas une volonté des autorités camerounaises d'empêcher des citoyens anglophones de rejoindre la partie francophone et qu'il leur est possible de quitter la partie anglophone malgré l'existence de postes de contrôle entre les deux territoires.

Force est dès lors de constater que ces motifs ne constituent pas un obstacle à une réinstallation dans votre pays d'origine.

De plus, nous estimons que vous auriez pu vous réinstaller à Yaoundé, la capitale du Cameroun, ou à Douala, ville portuaire, la capitale économique du Cameroun, le principal centre d'affaires et la plus grande ville avec Yaoundé, au lieu de vous enfuir en direction de l'Europe. Répétons à nouveau que la crise s'étend principalement sur les régions anglophones et que la violence reste relativement limitée dans d'autres régions du pays.

A cela s'ajoute que l'économie camerounaise, qui est la plus diversifiée de la région, a connu ces dernières années des taux de croissance au-delà des 4%, il convient donc de souligner qu'étant votre âge et votre parfaite condition pour vous adonner à des activités rémunérées, vous êtes dans une position qui pourrait vous permettre à gagner votre vie dans une ville camerounaise, en particulier à Yaoundé où les industries comme brasseries, scieries, menuiseries, tabac, papeteries, mécanique et matériaux de construction se sont installées.

Notons à toutes fins utiles qu'un bureau camerounais de l'Organisation internationale pour la migration (OIM) est implanté à Yaoundé et aide les Camerounais qui reviennent dans leur pays d'origine à se réintégrer. L'initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants lancée en 2017 « a pour objectif de contribuer au renforcement de la gestion des migrations et assurer la protection, le retour et la réintégration durable des Camerounais ».

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 2020, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision du ministre du 15 septembre 2020 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale et de celles portant ordre de quitter le territoire prononcées subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 15 septembre 2020, prise dans son double volet, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

1) Quant au recours contre la décision du ministre portant refus d’une protection internationale 7A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en réitérant, en substance, ses déclarations actées lors de son audition par un agent du ministère.

En droit, concernant le refus de lui octroyer le statut de réfugié, le demandeur donne à considérer que les faits relatés, notamment les menaces de mort qu’il aurait reçues et les actes d’humiliation qu’il aurait subis de la part des « Ambazonians », revêtiraient le degré de gravité requis par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève ». Il fait valoir, dans ce contexte, qu’il n’aurait pas pu s’adresser aux autorités camerounaises pour obtenir une protection, dans la mesure où elles seraient absentes de la partie anglophone du Cameroun. Il en serait de même pour les organisations internationales, de sorte qu’il n’aurait eu accès à aucune protection.

Quant au refus de lui octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur fait valoir que sa situation personnelle tomberait dans le champ d’application de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015. Il estime également remplir les conditions de l’article 39, en ce que les « islamistes » à l’origine des actes de « persécutions » qu’il aurait subis seraient à considérer comme acteurs au sens dudit article 39.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). (…) ».

Aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le 8cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et 9b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Il s’ensuit également que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. L’article 2 g), précité, définit également la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37 (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions ou les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne peut bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Par ailleurs, il y a lieu de préciser que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire relève de l’absence de protection dans le pays d’origine au sens des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 et que le demandeur doit fournir à cet égard la preuve que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

En premier lieu et concernant le refus du statut de réfugié, il échet de constater que les motifs invoqués par le demandeur se résument en sa crainte d’être tué par les Ambazoniens, des indépendantistes anglophones du Cameroun, pour avoir refusé de les rejoindre dans leur combat, de sorte que cette crainte trouve a priori son fondement dans l’un des critères de la Convention de Genève et de l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015.

Néanmoins, ces indépendantistes doivent être considérés comme étant des personnes privées et le demandeur doit rapporter, dans ce cas, la preuve que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection contre les menaces proférées par lesdites personnes.

10 Par rapport à cette condition, il faut que l’intéressé ait au moins tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut2. Une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces et d’actes de violence, communément la forme d’une plainte.

Force est de relever, à cet égard, que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ou des atteintes graves ne sauraient être admises dès la commission matérielle d’un acte criminel mais seulement dans l’hypothèse où les actes de violence physique ou verbale commis par une personne seraient encouragés ou tolérés par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.

En ce qui concerne l’absence de protection à laquelle le demandeur entend faire référence, il échet de constater qu’en l’espèce, le demandeur a admis ne pas avoir déposé plainte ni recherché une protection auprès d’une autorité de son pays à la suite des menaces qu’il a reçues de la part des indépendantistes3, étant précisé que son explication de ne pas avoir recherché de l’aide au motif que les autorités camerounaises ne seraient pas présentes dans la région sud du pays et qu’elles considéreraient tous les habitants de cette région comme étant des terroristes et des traîtres4 ne saurait justifier cette omission, ce d’autant plus qu’il ne se dégage pas des éléments soumis au tribunal que Monsieur … aurait par le passé vécu une quelconque expérience négative avec les autorités camerounaises. Par ailleurs, force est de constater que les affirmations du demandeur à cet égard ne sont corroborées par aucune pièce, telle qu’un rapport d’une organisation internationale, qui démontrerait que toute tentative d’obtenir une protection auprès des autorités camerounaises serait nécessairement vouée à l’échec, de sorte que les prédites affirmations restent à l’état d’allégations. De plus, il ressort des recherches de la partie étatique – non contredites par le demandeur – que l’Etat camerounais a dans un premier temps lutté contre les indépendantistes anglophones avant de trouver un compromis le 4 octobre 2019, en s’accordant notamment sur l’accélération de la décentralisation avec un statut spécial pour les régions anglophones du pays. Il ressort encore de ces recherches que des consultations ont commencé dans le cadre d’une mission de médiation visant à trouver des solutions à la crise dans les parties anglophones du pays, de sorte qu’il ne saurait être retenu que l’Etat camerounais reste passif face à cette crise.

Ainsi, à défaut d’avoir valablement recherché la protection des autorités de son pays d’origine, le tribunal est amené à conclure qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations du demandeur ni des pièces au dossier, que les autorités camerounaises compétentes auraient refusé ou auraient été dans l’incapacité de lui fournir une protection quelconque contre les agissements dont il déclare avoir été victime, de sorte que le statut de réfugié ne saurait être octroyé à Monsieur ….

En ce qui concerne la protection subsidiaire, Monsieur … ne prenant pas position dans sa requête introductive d’instance quant à l’article 48, points a) et c) de la loi du 18 décembre 2 Jean-Yves Carlier, « Qu’est-ce un réfugié ? », Edition Bruylant, 1998, p. 754 3 Page 8 du rapport d'audition.

4 Ibid.

112015, le tribunal se limitera à analyser si les difficultés dont il fait état peuvent être qualifiées de risque de torture, de traitements, respectivement de sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015.

Cependant, étant donné que le tribunal a retenu dans les développements concernant le refus d’octroi du statut de réfugié que le demandeur n’avait pas apporté la preuve que les autorités camerounaises ne pourraient pas ou ne voudraient pas lui fournir une protection contre les Ambazoniens, le tribunal ne peut se départir de cette conclusion en ce qui concerne le volet de la protection subsidiaire, de sorte que c’est également à bon droit que le ministre a refusé d’accorder une protection subsidiaire à Monsieur ….

A titre superfétatoire et pour être complet, le tribunal est en outre amené à relever que c’est encore à bon droit que le ministre a évoqué la possibilité pour le demandeur de profiter d’une fuite interne dans les régions francophones du Cameroun.

A cet égard, l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Dans le cadre de l’évaluation de la demande de protection internationale, le ministre peut estimer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, a) il n’a pas une crainte fondée d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves; ou b) il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 40, et qu’il peut, en toute sécurité et en toute légalité, effectuer le voyage vers cette partie du pays et obtenir l’autorisation d’y pénétrer et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y établisse.

(2) Lorsqu’il examine si un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté ou risque réellement de subir des atteintes graves, ou s’il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves dans une partie du pays d’origine conformément au paragraphe (1), le ministre tient compte, au moment où il statue sur la demande, des conditions générales dans cette partie du pays et de la situation personnelle du demandeur, conformément à l’article 37.

A cette fin, le ministre veille à obtenir des informations précises et actualisées auprès de sources pertinentes, telles que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Bureau européen d’appui en matière d’asile. ».

Ainsi, une possibilité de fuite interne ne saurait être considérée comme donnée que si, dans une partie du pays d’origine, le demandeur de protection internationale n’a pas une crainte fondée d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves, ou bien si, dans une partie du pays d’origine, il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves, à condition qu’il puisse effectuer le voyage vers cette partie du territoire en toute sécurité et légalité et qu’il puisse raisonnablement s’y établir. Il appartient dès lors au ministre d’identifier une zone sûre, accessible tant en pratique que légalement pour le demandeur, en tenant compte du profil de la personne concernée, étant en tout état de cause souligné qu’il incombe au ministre, sinon de prouver positivement l’absence de tout risque, respectivement l’accès à une protection suffisante, du moins d’examiner et d’énoncer de manière plausible pour quelles raisons il estime devoir et pouvoir, dans le contexte et pour les causes visées à l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, refuser la protection internationale.

En l’espèce, en ce qui concerne la possibilité d’une fuite interne à Yaoundé ou à Douala, telle que visée par la partie étatique, force est de constater que le demandeur se limite à affirmer qu’il n’aurait pas pu s’installer dans la partie francophone du Cameroun, en soutenant que le gouvernement camerounais considéreraient tous les habitants de la partie anglophone du sud 12du pays comme des terroristes et qu’il y aurait des forces spéciales qui vérifieraient les cartes d’identité des habitants, puis emmèneraient ceux qui sont originaires des régions anglophones dans des endroits inconnus5. Or, étant donné que (i) Monsieur … ne verse pas non plus de documents, notamment des rapports internationaux, qui feraient état de telles pratiques et qui prouveraient l’impossibilité des ressortissants anglophones de s’installer dans les régions francophones du Cameroun, (ii) les recherches effectuées par la partie étatique démontrent que la crise s’étend principalement dans les régions anglophones et reste limitée dans les autres parties du Cameroun, (iii) la situation économique dans ces grandes villes, ainsi que l’état physique du demandeur lui permettraient de s’installer dans une de ces villes et plus particulièrement à Yaoundé, le tribunal est amené à constater que le demandeur reste en défaut de démontrer qu’il n’aurait pas pu profiter d’une fuite interne à Yaoundé ou à Douala.

Partant, il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a déclaré la demande de protection internationale de Monsieur … comme non justifiée, de sorte que le recours en réformation est à rejeter pour être non fondé.

2. Quant au recours contre l’ordre de quitter le territoire A l’appui de son recours, le demandeur conclut à la réformation de l’ordre de quitter le territoire, dans la mesure où un renvoi vers le Cameroun violerait l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-

après dénommée « la CEDH », aux termes duquel : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire.

Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2, point q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à Monsieur … l’un des statuts conférés par la protection internationale, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que le retour de ce dernier au Cameroun ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer l’article 3 de la CEDH.

Il s’ensuit que le recours en réformation pour autant qu’il est dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

5 Page 7 du rapport d'audition.

13reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 15 septembre 2020 portant refus d’un statut de protection internationale dans le chef de Monsieur … ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 15 septembre 2020 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Françoise Eberhard, premier vice-président, Daniel Weber, premier juge, Michèle Stoffel, premier juge, et lu à l’audience publique du 18 octobre 2021 par le premier vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Françoise Eberhard Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 octobre 2021 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 45105
Date de la décision : 18/10/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2021-10-18;45105 ?

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