La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2023 | LUXEMBOURG | N°46341

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 décembre 2023, 46341


Tribunal administratif N° 46341 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46341 3e chambre Inscrit le 6 août 2021 Audience publique du 5 décembre 2023 Recours formé par Madame …, alias …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46341 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2021 par Maître Mi

chel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

Tribunal administratif N° 46341 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2023:46341 3e chambre Inscrit le 6 août 2021 Audience publique du 5 décembre 2023 Recours formé par Madame …, alias …, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 46341 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2021 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, déclarant être née le … à … (Iran) et être de nationalité iranienne, alias …, née le … à … (Iran), alias …, née le … à … (Iran) demeurant actuellement à L-…, tendant, d’après son dispositif, à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 6 juillet 2021 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2021 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elena FROLOVA, en remplacement de Maître Michel KARP, et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 septembre 2023.

Le 1er avril 2019, Madame …, alias …, dénommée ci-après « Madame … », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Madame … fut entendue sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers.

En date du 5 novembre 2019, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 6 juillet 2021, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée le 16 juillet 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Madame … et lui ordonna de quitter le territoire dans le délai de trente jours dans les termes suivants :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 1er avril 2019 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 1er avril 2019, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes du 5 novembre 2019, sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, l'ordonnance de la juge du 27 novembre 2019, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Je soulève avant tout autre développement que vous avez prétendu lors de l'introduction de votre demande de protection internationale vous nommer …, être née le … à … et être mariée. Dans le cadre de votre entretien avec la Police Judiciaire vous avez ensuite expliqué être née le … à … et vous avez précisé que vous auriez dû quitter l'Iran en 2016 avec votre époux parce que la famille de ce dernier ne vous aurait pas acceptée. Après avoir vécu ensemble pendant presque trois ans en Grèce, vous seriez arrivée au Luxembourg le 29 mars 2019, tandis que votre époux était censé vous rejoindre plus tard. Le 16 mai 2019, un dénommé … s'est présenté à la Direction de l'immigration pour introduire une demande de protection internationale en précisant être l'époux d'une dénommée … (alias …).

Le 1er novembre 2019, votre ancien mandataire a informé la Direction de l'immigration qu'en fait, votre véritable identité serait la suivante: …, née le … (lettre du 1er novembre 2019), voire, le … (lettre du 5 novembre 2019) … à ….

Vous expliquez ensuite à l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, avant le début de votre entretien concernant vos motifs de fuite, que vous auriez fait de fausses déclarations, que vous vous appelleriez …, que vous seriez née le … à … et que vous ne seriez pas mariée. Vous auriez utilisé une fausse identité par peur d'être séparée de votre ami, ….

Vous avez encore prétendu qu'… serait en fait l'identité de la cousine de …. Vous avez en outre prétendu que vous auriez quitté l'Iran à l'âge de neuf ans en compagnie de votre mère et que vous auriez depuis vécu en Grèce, où vous auriez fait la connaissance de … en 2018. Vous avez encore précisé que votre mère résiderait actuellement en Belgique et que vous n'auriez jamais connu votre père.

Le 28 février 2020, il a été confirmé par ordonnance de la Juge des Tutelles que vous êtes à considérer comme étant majeure.

Le 11 mars 2020, les autorités grecques ont répondu aux autorités luxembourgeoises dans le cadre d'une demande d'information article 34, qu'aucune personne n'est enregistrée sous le nom d'… en Grèce.

Le 12 mars 2021, votre nouveau mandataire a demandé à la Direction de l'immigration les conditions dans lesquelles « cet examen » médical concernant la détermination de votre âge a été effectué, sur base du compte-rendu d'examen daté au 26 octobre 2020, que vous lui aviez versé et qui attestait que vous seriez âgée d'au moins dix-huit ans. Il a été répondu à votre mandataire que la Direction de l'immigration n'a jamais ordonné une telle expertise alors qu'elle n'a jamais eu de doutes quant à votre âge et il peut en être déduit que votre premier mandataire avait du coup ordonné cet examen dans l'espoir de pouvoir prouver que vous seriez mineure comme vous le prétendez, tout en « omettant » de mettre la Direction de l'immigration au courant des résultats de l'examen.

Il résulte en tout cas de vos déclarations auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères que vous seriez de nationalité iranienne, célibataire, née en …, d'ethnie « mormone » (p. 2 du rapport d'entretien) et de croyance mormone. Vous seriez originaire de … et vous auriez vécu à …, jusqu'à l'âge de neuf ans, lorsque vous auriez quitté l'Iran en direction de la Grèce en compagnie de votre mère. Votre mère aurait pris la décision de quitter l'Iran parce qu'elle aurait travaillé pour le … et qu'à un moment donné on lui aurait demandé de frapper quelqu'un, ce qu'elle aurait refusé. On lui aurait alors reproché d'être « contre eux » (p. 5 du rapport d'entretien) et on l'aurait licenciée. Vous auriez alors d'abord changé de lieu de résidence en vous installant avec votre mère à …. Or, à …, votre mère aurait giflé et poussé un mollah qui se serait approché d'elle et lui aurait fait une « mauvaise proposition » (p. 6 du rapport d'entretien). Ainsi, votre mère aurait été obligée de quitter l'Iran parce que ce mollah l'aurait retrouvée partout et vous auriez gagné la Grèce en passant par la Turquie.

Concernant votre vécu en Grèce, vous prétendez que votre mère y aurait été enregistrée et qu'elle aurait reçu un droit de séjour parce qu'elle aurait eu des documents à présenter aux autorités. Un « dossier » à son nom aurait en outre été ouvert, mais elle n'aurait jamais reçu de « réponse ». Vous, par contre, n'auriez jamais été enregistrée en Grèce et vous n'auriez pas non plus figuré sur les documents remis par les autorités grecques à votre mère. Vous y auriez toutefois été inscrite à l'école sous l'identité de …, née le … et vous auriez été soutenue par une assistance sociale dans ces démarches.

Vous précisez avoir dès le départ envisagé avec votre mère de quitter la Grèce mais « ils » vous auraient « bouffé » (p. 6 du rapport d'entretien) tout votre argent. Ensuite, après avoir fait la connaissance du dénommé … en Grèce, ce dernier vous aurait expliqué qu'il serait en train de faire les « démarches » pour venir au Luxembourg et vous aurait dit de l'accompagner. Vous précisez encore que votre mère serait restée en Grèce parce qu'elle aurait été en relation avec un homme afghan « mauvais » (p. 3 du rapport d'entretien) qu'elle aurait été sur le point d'épouser. Elle se serait toutefois par la suite séparée de cet homme et se trouverait actuellement en Belgique. Elle ne vous aurait pas rejointe au Luxembourg pour vous épargner des problèmes avec cet Afghan qui travaillerait pour l'ambassade américaine, serait très doué au niveau informatique et contrôlerait les conversations téléphoniques de votre mère.

Vous expliquez encore qu'après votre arrivée au Luxembourg, vous auriez faussement prétendu être majeure par peur d'être séparée de votre ami.

Enfin, à la fin de votre entretien concernant vos motifs de fuite, votre mandataire, demandé s'il souhaitait encore ajouter des éléments, vous interroge directement sur votre prétendue conversion, alors qu'un tel élément n'est ressorti à aucun moment de vos déclarations et que vous ne mentionnez pareillement à aucun moment des quelconques réflexions religieuses dans le cadre de vos motifs de fuite, respectivement, des motifs qui vous auraient poussée à demander une protection internationale au Luxembourg. Il résulte en tout cas de votre réponse que vous auriez été sans religion en Iran, qu'en Grèce, vous seriez entrée en contact avec le mormonisme et vous auriez lu sur « cette confession » (p. 7 du rapport d'entretien), jusqu'à en « tomber amoureuse » (p. 7 du rapport d'entretien). « Après ils m'ont dit que pour pouvoir continuer je devais me faire baptiser ». Demandé pourquoi vous vous seriez faite baptiser en Grèce, vous répondez « Non, je n'ai pas fréquenté des Iraniens en Grèce. J'ai juste vu un iranien (sic) qui est entrée (sic) à l'église » (p. 7 du rapport d'entretien).

En cas d'un retour en Iran, vous ne sauriez pas ce que vous risqueriez, mais vous sauriez qu'il serait « grave » de changer de religion.

A l'appui de vos dires, vous ne présentez aucune pièce d'identité, mais vous versez les pièces suivantes:

- La copie d'un acte de naissance qui aurait été établi le 17 juin 2019 indiquant votre date de naissance comme étant le ….

- La copie de la photo d'une carte d'identité qui appartiendrait à votre mère.

- Une photo d'un prétendu passeport iranien totalement floue et inutilisable, ainsi qu'une copie d'une traduction flamande ou néerlandaise d'un document inconnu qui « attesterait » que vous seriez âgée de seize ans.

- Un « certificate of achievement » rempli au feutre et avec un stylo, établi au nom de …, attestant que vous auriez aidé à traduire en perse, en anglais et en grec pour les participants du « LDS Charities & Hestia Hellas Friendship Center » en 2018.

Vous précisez dans ce contexte avoir dû présenter des « documents » pour pouvoir vous enregistrer auprès de cette organisation (p. 5 du rapport d'entretien).

- Une copie d'une lettre intitulée « Baptism and Confirmation » non signée, adressée à une …, née le …, une date de naissance qui a été soulignée avec un stylo tout en ajoutant le mot « April ». Cette copie stipulerait que vous auriez été baptisée le …, dans la « Church of Jesus Christ of Latter-day Saints » en indiquant la Paroisse du Luxembourg comme « Ward or branch name » et le « Pieu de Nancy France » comme le « stake or district name ».

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Madame, je soulève avant tout autre développement que la sincérité de vos propos doit être réfutée au vu des contradictions et incohérences ressortant de vos dires, du comportement que vous avez adopté en Europe et du fait que vous n'êtes pas en mesure de prouver vos allégations par la moindre pièce originale ou une quelconque preuve objective ou authentique.

En effet, je constate que vous n'avez versé aucune pièce originale, objective ou authentique à l'appui de vos dires et que vous ne semblez, à aucun moment lors de votre séjour en Europe et de votre recherche d'une protection internationale, avoir eu le réflexe ou l'envie de vous procurer une quelconque preuve qui permettrait d'appuyer vos dires, respectivement de vous faire envoyer ces documents. Or, on peut attendre d'un demandeur de protection internationale réellement persécuté respectivement à risque de subir des atteintes graves, qu'il mette au moins tout en oeuvre pour prouver ses dires auprès des autorités desquelles il demande une protection, ce qui n'a manifestement pas été votre cas de sorte que l'ensemble de vos déclarations reste au stade de pures allégations.

Je conclus en tout cas que depuis votre arrivée en Europe, en 2013, voire en 2016, respectivement au Luxembourg en 2019, suite à un prétendu séjour de plusieurs années en Grèce, vous êtes restée totalement inactive dans ce domaine en ne jugeant à aucun moment opportun de corroborer la moindre partie de vos dires, grâce à des pièces qui seraient en mesure d'établir vos allégations notamment concernant votre identité, votre situation et vie familiale, amoureuse, sociale, professionnelle, vos études, respectivement, votre prétendu intérêt pour le mormonisme né en Grèce et votre prétendu baptême mormon, respectivement votre relation avec le dénommé …, voire, en rapport avec votre mère et les prétendus problèmes qu'elle aurait rencontrés en Iran.

Je souligne que jusqu'en 2019, vous auriez vécu avec votre mère en Grèce et que vous avez vous-même versé une copie de votre prétendu acte de naissance iranien qui aurait été établi le 17 juin 2019, de sorte que vous avez donc selon toute logique encore à cette époque été en contact avec des personnes en Iran qui vous auraient fait parvenir cette pièce. J'en déduis qu'il vous aurait donc été parfaitement possible de vous faire envoyer des quelconques preuves authentiques et objectives pour corroborer vos dires mais je ne peux que conclure que vous n'avez à aucun moment entrepris des démarches pour appuyer votre demande de protection internationale avec une quelconque preuve.

Comme déjà brièvement mentionné, ce constat ne saurait pas être ébranlé par le versement de plusieurs copies dont l'authenticité ne saurait aucunement être établie, bien au contraire.

Ainsi, la copie de votre prétendu acte de naissance n'emporte d'abord nullement conviction pour contredire d'autres informations ressortant de votre dossier administratif concernant votre âge. Je rappelle que vous avez présenté une première version aux autorités luxembourgeoises selon laquelle vous vous appelleriez …, vous seriez née le … à … et vous seriez mariée. Je précise dans ce contexte que vous avez d'abord indiqué sur votre fiche de données personnelles remplie lors de l'introduction de votre demande de protection internationale être née le … pour ensuite biffer ces données et les remplacer par le ….

Je constate ensuite que selon votre compte Facebook, vous seriez née le ….

Vous avez en outre précisé auprès de la Police Judiciaire avoir quitté l'Iran en 2016 avec votre prétendu époux parce que la famille de ce dernier ne vous aurait pas acceptée.

Après trois ans passés en Grèce, vous seriez alors arrivée au Luxembourg en date du 29 mars 2019, en attendant l'arrivée de votre prétendu époux. Dans ce contexte, un dénommé … s'était alors présenté à la Direction de l'immigration le 16 mai 2019, pour introduire une demande de protection internationale en précisant être l'époux d'une dénommée « … (alias …) ».

Ensuite, le 1er novembre 2019, votre ancien mandataire a informé la Direction de l'immigration qu'en fait, votre véritable identité serait la suivante: …, née le … (lettre du 1er novembre 2019), voire, le … (lettre du 5 novembre 2019) … à ….

Vous avez par la suite expliqué que vous auriez jusque-là fait des fausses déclarations et réellement vous appeler …, être née le … à … et ne pas être mariée. Vous avez encore prétendu qu'… serait en fait l'identité de la cousine de ….

Je rappelle aussi que le 27 novembre 2019, il a été confirmé par ordonnance de la Juge des Tutelles que vous êtes à considérer comme étant majeure de sorte que l'ensemble de vos allégations quant à une prétendue minorité ont été considérées comme étant fausses par la justice luxembourgeoise. Dans ce contexte, il est évidemment flagrant de constater que votre ancien mandataire vous avait selon toute apparence envoyée passer un examen médical, sans en informer la Direction de l'immigration, dans le but probable de pouvoir corroborer vos dires non convaincants concernant votre prétendue minorité, mais qu'une fois les résultats de cet examen sortis et prouvant votre majorité, il avait « omis » de verser le rapport médical en question dans le cadre de votre demande de protection internationale. En effet, ce n'est que parce que votre nouveau mandataire avait demandé des renseignements quant au test médical que vous aviez passé, que la Direction de l'immigration a été mise au courant de cet examen et des résultats confirmant sa position quant à votre majorité.

Enfin, je constate encore que vous avez versé une copie d'un prétendu certificat de baptême présentant encore une autre date de naissance, à savoir, le …, date qui de surcroît a été corrigée au stylo.

Au vu de tout ce qui précède, il est évident qu'aucune crédibilité ne saurait être accordée à vos dires contradictoires et faux concernant votre identité ou votre âge.

Dans ce contexte, je m'interroge évidemment aussi sur le sens de prétendument avoir jugé opportun d'utiliser le nom de la cousine de votre prétendu époux ou petit-ami dans le cadre de votre recherche d'une protection internationale. En effet, à supposer une suite positive à votre recherche d'une protection internationale, je me demande pourquoi vous auriez alors préféré vous installer en Europe sous l'identité de la cousine de … plutôt que sous votre véritable identité. A supposer que vous ayez pour une raison ou une autre eu des raisons précises de vous servir d'un alias au Luxembourg, je soulève qu'il ne ferait de nouveau aucun sens d'alors se servir d'une identité réelle, d'autant plus d'une identité appartenant à la cousine de votre petit-ami ou époux plutôt que de tout simplement inventer une fausse identité.

Le constat que vous ne jouez pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises pour ce qui est des éléments les plus fondamentaux de votre demande de protection internationale, comme votre identité ou votre âge, ne saurait en tout cas pas être ébranlé par le seul versement d'une copie d'un acte de naissance dont l'authenticité ne saurait clairement pas être établie et dont on ne sait pas s'il vous appartient, ni par le versement d'une copie d'un passeport, dont la photo est pratiquement noire et dont les données inscrites sont totalement illisibles. Ces tentatives vaines d'apporter des éléments qui prétendument prouveraient votre identité ne font que conforter mon avis que vous mentez de manière ostentatoire.

Le constat est le même pour ce qui est du versement de la copie d'une lettre intitulée « Baptism and Confirmation », adressée à une dénommée …, née le …, une date de naissance qui a été corrigée au stylo en ajoutant le mot « April ». En effet, la copie de ce document rempli à la main n'a aucune force probante et des doutes évidents doivent de nouveau être formulés quant à son authenticité, alors qu'elle indique donc encore une nouvelle date de naissance, prétendument fausse. Au vu du caractère prétendument « officiel » et important de ce document, il n'est par ailleurs pas logique qu'on ne vous ait pas tout simplement remis un nouveau certificat reprenant correctement vos données, mais préféré l'altérer de façon manifestement pas « officielle » en ajoutant a posteriori au feutre le mot « April » au-dessus de la date de naissance indiquée.

Je constate ensuite que cette copie ne contient pas de tampon, qu'elle n'est pas datée et surtout, qu'il manque la signature d'une quelconque personne qui aurait émis ce certificat, ce alors qu'il contient très clairement une partie destinée à être signée par le « bishop or branch president ».

J'ajoute qu'il n'est pas logique non plus que, comme indiqué à la main sur la copie, vous ayez été baptisée le … à Athènes, mais que la « Paroisse du Luxembourg » est indiquée comme « Ward or branch name », tandis que le « Pieu de Nancy » est désigné comme le « stake or district name ». En effet, je me demande pourquoi bien les villes de Luxembourg et de Nancy seraient indiquées sur un certificat établi par une organisation mormone en Grèce, pendant que vous viviez encore en Grèce avec votre mère ou votre époux, voire, votre petit-

ami. L'unique réponse plausible serait que vous auriez déjà l'époque activement « préparé » votre recherche d'une protection internationale au Luxembourg en vous procurant un document qui indique incompréhensiblement le Luxembourg comme étant votre Paroisse, dans le but probable de posséder une pièce « pertinente » à verser et d'ainsi augmenter vos chances de vous faire octroyer une protection internationale grâce à un faux document ou un document de complaisance.

De plus, il n'est pas logique non plus que vous n'ayez de nouveau pas été en mesure de verser l'original de ce document qui devrait pourtant vous avoir été remis dans le cadre de votre baptême.

Quant au « certificate of achievement » versé, à le supposer authentique, ce qui doit être contesté au vu de tout ce qui précède, il ne saurait nullement être perçu comme pertinent à l'appui de votre demande de protection internationale puisqu'il prouverait uniquement que lors de votre séjour en Grèce, vous y auriez aidé à traduire en 2018 pour le « LDS Charities & Hestia Hellas Friendship Center ».

Surtout, vous prétendez dans ce même contexte avoir dû présenter des « documents » (p. 5 du rapport d'entretien) en Grèce pour vous faire remettre ce certificat. Or, je rappelle que vous prétendez que vous n'auriez jamais possédé de documents en Grèce, que les autorités grecques ne vous auraient inscrite nulle part, ni même sur les papiers de votre mère. Or, il est inimaginable que vous ayez pu vous inscrire dans une école en Grèce et que vous ayez été soutenue par une assistante sociale, mais qu'on ne vous ait pas remis le moindre document permettant de vous identifier. Je m'interroge donc forcément sur la nature des « documents » que vous auriez pu présenter ou posséder en Grèce. Il s'ensuit en tout cas qu'aucune importance supplémentaire ne saurait être accordée à ce certificat, pour le surplus rempli au feutre, signé avec un feutre puis un stylo, contenant des informations contraires à vos déclarations concernant votre identité utilisée en Grèce et qui vous aurait été remis contre présentation de documents inconnus.

Il s'ensuit de ces constats que l'ensemble de votre récit ayant trait à cette prétendue conversion au mormonisme en Grèce doit être rejeté pour manquer de toute crédibilité.

Il est en effet flagrant que vous n'abordez le sujet de votre prétendue conversion au mormonisme à aucun moment de votre entretien, à part dans le cadre du versement d'un document (p. 5 du rapport d'entretien), et qu'elle semble être inexistante dans votre chef tout au long de votre entretien ou du moins cette prétendue conversion n'aurait apparemment pas été à tel point importante pour vous de sorte à vous amener à la mentionner dans le cadre de votre demande en obtention d'une protection internationale ou à développer dans votre chef des quelconques craintes en rapport avec un éventuel retour en Iran que vous voudriez partager avec les autorités desquelles vous demandez une protection internationale. Vous donnez effectivement l'image d'avoir « oublié » de parler de vos prétendues craintes par rapport à votre prétendue religion, même après avoir été demandé si vous voulez ajouter « quelque chose, sur n'importe quel sujet, qu'on aurait omis ou négligé de vous demander ? » (p.

7 du rapport d'entretien).

Ainsi, ce n'est que lors de la relecture de votre entretien et sur invitation directe de votre avocat, respectivement, sur une question survenue de « nulle part » à la fin de la relecture concernant un baptême en Grèce, que vous vous mettez très brièvement à parler de votre prétendue croyance en signalant: « Je n'avais aucune religion. J'étais née musulmane dans mon pays, mais je n'avais pas de religion. Quand j'étais en Grèce je suis entrée en contact avec cette confession et plus je lisais là-dessus plus je tombeau (sic) amoureuse de cette religion.

Après ils m'ont dit que pour pouvoir continuer je devais me faire baptiser » (p. 7 du rapport d'entretien). Demandé alors pourquoi vous avez été baptisée en Grèce, vous répondez incompréhensiblement « Non, je n'ai pas fréquenté des Iraniens en Grèce. J'ai juste vu un iranien (sic) qui est entrée (sic) à l'église » (p. 7 du rapport d'entretien).

Il est évident que vos seules déclarations quant à votre prétendue foi et conversion ne sauraient donc pas non plus permettre de donner plus de crédibilité à vos dires. En effet, hormis votre réponse dénuée de sens pour expliquer pourquoi vous vous seriez faite baptiser en Grèce, vos explications se résument donc à quelques lignes totalement superficielles quant à une foi mormone sur laquelle vous auriez d'abord « lu », pour ensuite « tomber amoureuse » de celle-ci et finalement vous faire baptiser pour pouvoir « continuer ». Il ne se dégage clairement pas de ces explications une quelconque explication logique ou cohérente, ni une quelconque connaissance approfondie ou ne serait-ce que basique du mormonisme. Or, je peux du moins attendre d'une personne et d'un demandeur de protection internationale pour qui la foi est une question si importante à l'amener à changer de religion et se faire baptiser, qu'elle soit en mesure de mieux expliquer et justifier ses choix que par ces quelques lignes sans aucune valeur et ne dégageant manifestement pas l'image d'une conviction profonde et réfléchie.

A cela s'ajoute que vous n'auriez donc aucune idée quant aux risques que vous encourriez en cas de retour en Iran en relation avec votre prétendue foi (p. 7 du rapport d'entretien). Or, de nouveau, je peux attendre d'un demandeur de protection internationale qui craint réellement d'être victime de persécutions dans son pays d'origine, qu'il s'informe au moins un minimum quant aux prétendus peines ou problèmes encourus chez lui, avant de rechercher une protection internationale à l'étranger, ce qui n'a donc clairement pas été votre cas.

Il est par ailleurs évident que vous ne vous êtes aucunement intéressée au mormonisme alors que vous devriez alors au moins avoir compris qu'il n'existe pas d'« ethnie mormone » (p. 2 du rapport d'entretien) à laquelle vous prétendez appartenir.

Je constate encore que vous ne vous distinguez pas non plus au Luxembourg par une quelconque activité en rapport avec votre prétendue foi, ce alors qu'il existerait bien une Paroisse mormone au Luxembourg tel que précisé sur la copie du prétendu certificat de baptême.

Enfin, je soulève dans ce contexte que vous n'aviez pas non plus écrit le moindre mot sur votre prétendue foi, votre prétendu baptême ou vos prétendues craintes à cet égard sur votre fiche de motifs manuscrite, remplie lors de l'introduction de votre demande de protection internationale. En effet, vous avez précisé rechercher une protection internationale parce que « mon mari était « illisible » et à cause de son travail, je ne pouvais pas vivre en Iran ».

Force est de constater que votre tentative de justification dans ce contexte n'est de nouveau manifestement pas sincère, alors que vous tentez de vous en sortir en pointant du doigt l'interprète présent à la Direction de l'immigration pour prétendre que vous n'auriez pas compris ce qui vous aurait été demandé de noter et que « Il m'a dit que je devais écrire pourquoi je serais partie de Grèce ».

Cette réponse est clairement fausse puisque vous n'écrivez donc pas pourquoi vous auriez quitté la Grèce mais pourquoi vous ne pourriez plus vivre en Iran. Vous avez donc très bien compris la question qui vous a été posée et il est plus que mal-placé de gratuitement accuser un interprète présent pour vous aider et vous ayant correctement traduit toutes les questions qui vous avaient été demandées à ce moment, comme le démontrent aussi vos réponses cohérentes sur votre fiche de données personnelles.

Au vu de tout ce qui précède et à l'instar de votre manque de sincérité en général, je conclus que votre prétendue conversion au mormonisme doit elle aussi être réfutée et qu'elle constitue un élément que vous avez ajouté à toutes fins utiles dans le cadre de votre demande de protection internationale jusque-là exempte d'un motif de fuite quelconque par rapport à votre pays d'origine et ce dans le but évident d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale. Je précise encore dans le contexte de votre prétendue foi qu'il n'est pas crédible non plus qu'en tant qu'enfant en Iran d'un parent qui aurait travaillé pour le …, vous auriez été « sans religion » tel que vous le prétendez.

Dans un contexte plus large, je soulève que c'est tout votre passé qui doit être réfuté ou mis en doute alors que vous avez donc selon une première version des faits quitté l'Iran à l'âge de neuf à cause de prétendus problèmes de votre mère en vous installant en Grèce, où vous auriez alors en 2018, fait connaissance de … qui aurait été en train de faire les « démarches » pour venir au Luxembourg et, du coup, vous vous seriez jointe à son plan, tout en arrivant étonnement beaucoup plus tôt que votre prétendu époux ou petit-ami au Luxembourg. Or, selon une deuxième version, vous auriez quitté l'Iran en 2016, en compagnie de …, parce que ses parents n'auraient pas accepté votre relation.

J'ajoute dans ce contexte qu'il ressort d'un compte commun que vous détendez avec votre époux ou petit-ami sur Facebook, qu'à part le fait que vous ne semblez éprouver aucune crainte de dévoiler au monde entier où vous séjournez désormais, à savoir à Diekirch.

Je soulève en outre que vos déclarations par rapport à votre prétendu vécu en Grèce ne sont pas non plus crédibles. En effet, la réalité sur place nous démontre que les enfants de demandeurs de protection internationale sont évidemment eux aussi enregistrés en Grèce suite à l'introduction des demandes de protection internationale de leurs parents. Si votre mère avait donc réellement introduit une demande de protection internationale en Grèce en compagnie de sa fille, tel que vous le prétendez, vous auriez clairement vous aussi été enregistrée en Grèce et on vous aurait certainement remis des documents permettant de vous identifier. De toute façon, vous prétendez aussi avoir été inscrite à l'école en Grèce et avoir été soutenue dans vos démarches par une assistance sociale, de sorte que vous avez clairement été enregistrée quelque part et qu'il vous a été possible de vous identifier à l'aide de papiers.

Enfin, je constate que l'histoire du « mauvais Afghan » travaillant pour l'ambassade américaine, qui serait un expert de l'informatique et de l'écoute du téléphone de votre mère n'emporte clairement pas conviction non plus mais est à considérer comme un dernier élément « dramatique » ajouté à votre demande de protection internationale pour expliquer des incohérences en rapport avec votre vie familiale en Grèce, respectivement, le maintien en Grèce de votre mère, respectivement le fait qu'elle aurait voulu vous protéger en ne vous rejoignant pas au Luxembourg mais en préférant s'installer en Belgique.

Au vu de tout ce qui précède, il est retenu que la sincérité de vos déclarations est formellement réfutée et il s'ensuit qu'aucune suite positive ne saurait être envisagée pour ce qui est de votre demande de protection internationale. De plus, il s'ensuit qu'il est conclu que seuls des motifs économiques et matériels, voire de pure convenance personnelle, sous-tendent votre demande de protection internationale, demande que vous étoffez avec des éléments fictifs pour rendre votre recherche d'une protection internationale plus « dramatique » afin d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, au vu de tout ce qui précède, il est donc retenu que des motifs économiques et de convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale.

De plus il convient de rappeler que votre comportement adopté en Europe n'est donc manifestement pas celui d'une personne réellement en danger et à la recherche d'une protection. En effet, alors qu'on peut attendre d'une personne réellement persécutée ou à risque de subir des atteintes graves, qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré, vous n'auriez jamais songé à introduire une demande de protection internationale, alors qu'il est donc réfuté que les autorités grecques ne vous auraient jamais permis d'introduire une telle demande comme votre mère l'aurait fait.

Ce n'est qu'après avoir quitté l'Iran, selon les versions, en 2013 ou en 2016 et après votre arrivée au Luxembourg en 2019, un pays qui pourrait vous garantir un style de vie plus élevé, respectivement qui propose des avantages sociaux ou des prestations sociales plus intéressantes, en apparence, par rapport à la Grèce ou aux autres pays européens visités avant votre arrivée au Luxembourg, que vous avez choisi d'introduire une demande de protection internationale en Europe.

Or, un tel comportement ne correspond cependant pas à celui d'une personne qui aurait été forcée à quitter son pays à la recherche d'une protection internationale et qui aurait forcément été reconnaissante de pouvoir profiter de la protection d'un des pays européens visités, mais votre façon de procéder correspond à pratiquer du asylum shopping en soumettant votre demande dans l'Etat membre qui, selon vos estimations, satisfera au mieux vos attentes.

Des motifs économiques ou de convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'ils ne sont nullement liés aux cinq critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015, à savoir votre race, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.

J'ajoute à toutes fins utiles qu'il ne ressort pas de votre première version des faits que vous auriez rencontré un quelconque problème en Iran, ni pourquoi vous recherchez en fait une protection internationale. En effet, vous expliquez uniquement que vous auriez quitté l’Iran à l'âge de neuf ans parce que votre mère aurait eu des problèmes. Or, des faits non personnels mais vécus par d'autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur d'asile établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières.

Or, vous restez en défaut d'étayer un lien entre le prétendu traitement de votre mère et ses prétendus problèmes en Iran et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires. Il n'est par ailleurs pas établi que les prétendus problèmes de votre mère seraient liés à sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou ses convictions politiques tel que prévu par la Convention de Genève et la Loi de 2015. A cela s'ajoute que les problèmes de votre mère seraient en plus trop éloignés dans le temps pour fonder une demande de protection internationale une quinzaine d'années plus tard.

Quant à votre deuxième version des faits, à supposer que vous ayez effectivement quitté l'Iran en 2016 avec votre époux ou petit-ami parce que ses parents n'auraient pas accepté votre relation, ce fait ne saurait pas non plus suffire pour justifier l'octroi d'une protection internationale en cas de l'espèce. En effet, vous restez premièrement en défaut de donner des quelconques précisions quant à ce sujet et il ne saurait dès lors évidemment pas être retenu que ce conflit familial serait lié à un des cinq critères précités. De plus, même à supposer qu'il aurait été lié à l'un de ces critères, ce qui reste contesté, toujours est-il que le seul rejet d'une relation par les beaux-parents ne revêt pas un degré de gravité tel à pouvoir être perçu comme acte de persécutions au sens desdits textes. J'ajouterai dans ce contexte qu'il vous serait évidemment possible en tant que couple d'adultes, de vivre votre relation en Iran de façon totalement indépendante des parents de ….

Pour être complet quant à vos prétendus motifs de fuite, je soulève encore que les motifs notés sur votre fiche de motifs manuscrite en lien avec un problème « illisible » de votre époux et de son travail, ne sauraient à défaut de quelconques autres explications ou précisions à ce sujet évidemment pas non plus justifier l'octroi d'une protection internationale. Vous ne les mentionnez carrément plus du tout dans le cadre de votre entretien concernant vos motifs de fuite.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutée, que vous auriez pu craindre d'être persécutée respectivement que vous risquez d'être persécutée en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, au vu du manque de crédibilité général retenu et des motifs économiques et de convenance personnelle qui sous-tendent votre demande de protection internationale, il ne saurait conséquemment pas être établi que vous risquiez de quelque manière que ce soit être victime d'une telle atteinte grave en cas de retour en Iran. De plus, comme susmentionné, les prétendus problèmes non-personnels de votre mère, datant d'une quinzaine d'années, ne sauraient tout aussi peu établir une crainte fondée d'être victime d'une telle atteinte que le prétendu rejet des parents de … de votre relation.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Iran, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 août 2021, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 6 juillet 2021 portant rejet de sa demande de protection internationale et un recours tendant à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours dirigé contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 6 juillet 2021, telle que déférée.

Ledit recours est encore à déclarer recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse reprend les faits et rétroactes exposés ci-avant, tout en précisant qu’elle serait de nationalité iranienne, de confession mormone et qu’elle aurait quitté l’Iran en 2015, à l’âge de neuf ans, ensemble avec sa mère.

Cette dernière aurait décidé de quitter l’Iran ensemble avec elle, alors qu’elle aurait été licenciée de l’armée iranienne suite à un refus d’ordre de sa part donné par ses supérieurs et qu’elle aurait, pour cette raison, reçu des menaces de mort contre elle-même et ses proches. La demanderesse explique ensuite que suite à son arrivée en Grèce, elle aurait vécu pendant plusieurs années auprès de sa mère, laquelle y aurait été dans une relation avec un homme qui se serait comporté de manière violente à son encontre, raison pour laquelle la relation entre elle et sa mère se serait dégradée. La demanderesse relate ensuite avoir fait la connaissance de Monsieur …, ressortissant iranien avec lequel elle se serait fiancée. Ils auraient décidé de quitter ensemble la Grèce pour venir déposer une demande de protection internationale au Luxembourg, tandis que sa mère, après être restée en Grèce pendant une certaine période, se serait finalement rendue en Belgique où elle bénéficierait désormais de la protection internationale. La demanderesse explique ensuite avoir, à son arrivée au Luxembourg, donné d’abord une fausse identité aux autorités luxembourgeoises, en l’occurrence celle de la cousine de son fiancé, par peur d’être séparée de lui. Après que les relations entre le couple se seraient dégradées, elle aurait décidé de prendre un nouveau départ et de révéler aux autorités luxembourgeoises ses véritables nom et prénom ainsi que sa date de naissance.

En droit, tout en se référant tant à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, qu’à la Convention de Genève sur le statut des réfugiés du 28 juillet 1951, désignée ci-après par « la Convention de Genève », elle fait valoir une crainte d’être persécutée en Iran en raison de son appartenance à un « groupe social », en l’occurrence, le groupe familial composé d’elle et de sa mère, crainte justifiée en raison des prises de position politique de sa mère, celle-ci ayant refusé de suivre les ordres donnés par le corps des gardiens de la révolution islamique (…) ce qui aurait entrainé des altercations « avec différentes personnes ». Elle estime ensuite que lesdits faits relèveraient d’une gravité extrême au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 alors qu’il serait question de violation des droits de l’homme et qu’elle risquerait sa vie.

Dans ce contexte, elle estime que l’Etat iranien exercerait une importante répression contre les femmes qui oseraient revendiquer leur opinion politique et que, pour les dissuader de s’exprimer, ces répressions prendraient notamment la forme de lourdes peines d’emprisonnement, la demanderesse précisant, à cet égard, que le refus d’ordre de sa mère aurait été considéré comme une « trahison de son pays » par les autorités iraniennes, raison pour laquelle celle-ci aurait obtenu la protection internationale en Belgique.

La demanderesse fait ensuite valoir qu’elle aurait, en tant qu’enfant à l’époque des faits, éprouvé les difficultés et épreuves de sa mère par ricochet et qu’en application de l’article 43, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, elle pourrait se prévaloir des mêmes motifs de persécution que sa mère, le risque de représailles en raison du refus d’ordre de sa mère s’étendant aux membres de famille de cette dernière.

Elle en conclut que ce serait à tort que le ministre lui aurait refusé l’octroi du statut de réfugié, alors, qu’au contraire, elle remplirait l’ensemble des conditions pour pouvoir y prétendre.

La demanderesse estime ensuite que ce serait également à tort que le ministre lui aurait refusé l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, alors qu’elle risquerait, en cas de retour dans son pays d’origine, de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015.

Dans ce contexte, elle se prévaut de la situation générale des personnes, y compris les mineurs, en Iran, qui y seraient condamnés, torturés et exécutés « pour leurs idées », tel qu’il ressortirait d’un « rapport mondial 2020/2021 » de l’organisation non-gouvernementale « Amnesty International ».

La demanderesse explique ensuite que lors de son séjour en Grèce, tout en étant née musulmane dans son pays d’origine, elle se serait intéressée à la religion « chrétienne » et qu’elle se serait fait baptiser, conversion de religion hostilement perçue en Iran où 99% de la population serait musulmane et où les minorités religieuses souffriraient généralement de discriminations par le gouvernement chiite, la demanderesse se référant, à cet égard, à un article publié sur le site internet « la-croix.com » et intitulé « En Iran, la difficile situation des minorités religieuses », tandis que la liberté de culte serait protégée par l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, désignée ci-après par « la CEDH », ainsi que par l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, désignée ci-après par « la Charte ».

La demanderesse en conclut risquer, en cas de retour dans son pays d’origine, de subir des traitements inhumains et dégradants, tout en précisant la définition à donner aux termes de traitement « inhumain », respectivement « dégradant ».

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Force est au tribunal de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la loi 18 décembre 2015 comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

Aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la prédite loi, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la même loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2, point g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Il convient ensuite de rappeler que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que le récit de Madame … n’est pas crédible dans son ensemble, le délégué du gouvernement confirmant cette approche.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que si des éléments de preuve, tel que cela est le cas en l’espèce, manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves.

Or, en l’espèce, le tribunal partage les doutes du ministre quant à la crédibilité du récit de la demanderesse, dans la mesure où celui-ci, dans son ensemble, de même que le comportement de la concernée, ne sauraient laisser conclure à la véracité de ses dires et plus particulièrement au fait qu’elle risquerait effectivement des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour en Iran.

Le tribunal constate que la demanderesse, dans sa requête introductive d’instance, entend, en substance, réfuter le faisceau d’incohérences relevé par le ministre par un seul argument, à savoir qu’elle aurait, en arrivant au Luxembourg, indiqué une fausse identité sous l’influence de son petit-ami de l’époque.

Or, indépendamment du fait que cette affirmation n’est, tel que relevé par la partie étatique, pas susceptible d’éclairer sur les raisons pour lesquelles la demanderesse aurait choisi le nom de la cousine de son prétendu ex petit-ami, respectivement mari et qu’elle a changé de version à plusieurs reprises tant en ce qui concerne les motifs à la base de sa demande de protection internationale qu’en ce qui concerne sa date de naissance, le tribunal constate que la demanderesse reste en défaut de verser une quelconque pièce qui établirait son identité ou sa date de naissance effective. Il échet en effet, de constater que la copie du prétendu acte de naissance iranien de la demanderesse communiquée au ministre par courrier de son mandataire du 6 octobre 2020, est non seulement, tel que relevé à juste titre par la partie étatique, en partie illisible, mais que les informations y prétendument contenues sont encore contredites par les éléments ressortant du dossier administratif. Ainsi, la demande en désignation d’un administrateur ad hoc formulée par la demanderesse a été rejetée par une ordonnance du juge aux affaires familiales près du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 28 février 2020 – ladite ordonnance concluant, entre autre, à l’absence de force probante de la copie de l’acte de naissance de la concernée, versée dans ce cadre – , de même qu’il ressort d’un compte rendu d’examen effectué par le docteur … en date du 26 octobre 2020, que la demanderesse était, au jour dudit examen, âgée d’au moins 18 ans, cette dernière omettant de verser l’original sinon une copie lisible dudit acte de naissance, malgré les critiques formulées à cet égard. A défaut par la partie demanderesse de prendre position, par ailleurs, par rapport aux incohérences relevées par le ministre relativement à d’autres documents versés par elle dans le cadre de sa demande de protection internationale et censés non seulement appuyer ladite demande, mais également prouver sa date de naissance, le tribunal ne saurait que rejoindre la partie étatique dans son constat que la demanderesse reste en défaut d’établir qu’elle serait née le …, partant qu’elle aurait été mineure au moment de l’introduction de sa demande de protection internationale, en l’occurrence le 1er avril 2019, ou encore que sa véritable identité serait celle d’une dénommée ….

Force est encore de relever que la demanderesse a omis de prendre position par rapport aux autres incohérences relevées par le ministre, et notamment relativement (i) aux documents versés par elle en cause, (ii) à son vécu en Grèce lors duquel elle n’aurait pas été enregistrée par les autorités du pays tandis qu’elle y aurait fréquenté l’école et que sa mère y aurait déposé une demande de protection internationale, (iii) à l’absence de sa part de connaissance des principes de la religion mormone tandis qu’elle soutient s’y être convertie par conviction personnelle, ainsi que (iv) à la divergence des versions sur ses motifs de fuite, la demanderesse ayant lors de son audition par la police grand-ducale en date du 1er avril 2019 indiqué avoir quitté l’Iran ensemble avec son mari … pour ensuite, lors de son entretien sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale en date du 5 novembre 2019 au ministère, indiquer avoir fait sa connaissance seulement en Grèce et ne pas être mariée à celui-ci. Le tribunal constate, à cet égard, que les incohérences ainsi soulevées par le ministre sont de nature à sérieusement ébranler la crédibilité globale du récit de la demanderesse, constat qui est conforté par l’absence de prise de position par la demanderesse dans sa requête introductive d’instance par rapport à l’ensemble desdits reproches.

Ce constat n’est pas énervé par les développements de la demanderesse relatifs à la situation de sa mère qui se trouverait en Belgique où elle bénéficierait prétendument d’une protection internationale, alors qu’en l’absence de tout élément établissant l’identité réelle de la demanderesse, le tribunal est dans l’impossibilité de vérifier son lien de parenté avec la dénommée …, étant encore relevé que le document versé par la demanderesse, dont elle affirme qu’il aurait été émis par les autorités belges, ne permet, faute de traduction dans une des langues officielles du Luxembourg, pas non plus de vérifier l’allégation que Madame … bénéficierait en Belgique de la protection internationale.

A défaut dès lors pour la demanderesse d’avoir utilement réfuté le reproche du ministre selon lequel son récit serait, dans sa globalité, incohérent et pas crédible, le tribunal se doit de rejoindre la partie étatique dans ce constat.

Au vu de ces considérations, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a déclaré le récit de la demanderesse comme non crédible, de sorte qu’à défaut de faits avérés permettant de vérifier le bien-fondé de la demande de protection internationale, soumise à son analyse et prise en ses volets relatifs tant au statut de réfugié qu’au statut conféré par la protection subsidiaire, le tribunal ne saurait invalider le rejet de la demande en octroi d’un des statuts de la protection internationale, présentée par la demanderesse.

Ce constat n’est pas énervé par les développements de la partie demanderesse par rapport à la situation des femmes réprimées en Iran en raison de leurs opinions politiques, alors que la demanderesse reste, tel que relevé ci-avant, en défaut d’établir qu’elle se trouverait dans une telle situation en cas de retour en Iran.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 6 juillet 2021 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La demanderesse sollicite la réformation de l’ordre de quitter le territoire en tant que conséquence de la réformation de la décision ministérielle de rejet de sa demande de protection internationale ainsi que sur base d’une violation du principe de non-refoulement prévu aux articles 33, paragraphe (1) de la Convention de Genève.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet du recours.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale est à rejeter, le ministre a a priori valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Cette conclusion n’est pas énervée par les développements, non circonstanciés, de la demanderesse relativement aux articles 33 de la Convention de Genève et 54, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, alors que, tel que relevé ci-avant, c’est à juste titre que le ministre a rejeté sa demande de protection internationale, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que son retour en Iran ne l’expose pas à des conséquences graves, et qu’il a également, sans violer le principe de refoulement prévu auxdits articles valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 6 juillet 2021 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 6 juillet 2021 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 décembre 2023 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 décembre 2023 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 46341
Date de la décision : 05/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2023-12-05;46341 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award